Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion, 28 janvier 2025, RG n° 23/00808
Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion, 28 janvier 2025, RG n° 23/00808

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion

Thématique : Conflit de gestion au sein d’une société civile immobilière : enjeux de qualité à agir et nullité des décisions.

Résumé

Contexte de l’affaire

Saisi par Madame [D] [O] le 4 juillet 2022, le Tribunal a prononcé le divorce entre Madame [O] et Monsieur [M] [Z] le 23 janvier 2024, en raison de l’altération définitive du lien conjugal. Par la suite, Monsieur [Z] a assigné Madame [O] pour obtenir la nullité d’une Assemblée générale ordinaire (AGO) de la SCI PERLA, qui l’avait révoqué de ses fonctions de co-gérant.

Procédure judiciaire

L’affaire a été renvoyée au Tribunal judiciaire de Saint-Denis, et Monsieur [Z] a également assigné la SCI PERLA. Les deux parties ont constitué des avocats et ont présenté des conclusions et demandes variées, notamment des fins de non-recevoir et des demandes de mise hors de cause.

Arguments de Madame [O]

Madame [O] a demandé sa mise hors de cause, arguant que Monsieur [Z] n’avait pas qualité à agir en tant que co-gérant, qu’il avait usurpé cette fonction et que l’assignation était fondée sur une fausse adresse. Elle a également demandé une injonction pour que Monsieur [Z] produise un justificatif de domicile.

Arguments de la SCI PERLA

La SCI PERLA a soutenu que l’assignation de Monsieur [Z] était irrecevable pour absence de tentative amiable, usurpation de fonction de gérant, et fausse adresse. Elle a également demandé des injonctions similaires à celles de Madame [O] et a contesté la qualité à agir de Monsieur [Z].

Réponse de Monsieur [Z]

Monsieur [Z] a contesté les demandes de mise hors de cause et a affirmé qu’il agissait en tant que co-gérant, contestant la révocation de ses fonctions. Il a également soutenu que l’adresse mentionnée dans l’assignation était correcte et a rejeté l’argument de l’absence de tentative amiable.

Décision du Tribunal

Le Tribunal a rejeté les demandes de fin de non-recevoir pour absence de tentative amiable et a déclaré irrecevables les demandes de Madame [O] et de la SCI PERLA concernant la fausse adresse. L’action en nullité de l’AGO a été déclarée irrecevable pour défaut de qualité à agir de Monsieur [Z] et de Madame [O].

Conséquences financières

Monsieur [Z] a été condamné à verser des sommes à Madame [O] et à la SCI PERLA au titre des frais irrépétibles, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

REPUBLIQUE FRANCAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS

N° RG 23/00808 – N° Portalis DB3Z-W-B7H-GJB2
1ère Chambre
N° Minute :
NAC : 71F

ORDONNANCE
DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
28 JANVIER 2025

DEMANDEUR

M. [M] [V] [R] [Z]
Né le 3 janvier 1986 à [Localité 4]
Es qualité de co-gérant de la SCI PERLA
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 1]
[Localité 2]
Rep/assistant : Maître Isabelle LAURET de la SAS MIL AVOCAT & ASSOCIES, avocats au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

DEFENDERESSES

Mme [D] [O]
Née le 5 avril 1984 à [Localité 7]
Associée de la SCI PERLA
[Adresse 6]
[Localité 3]
Rep/assistant : Maître Gautier THIERRY de la SELARL THIERRY AVOCAT, avocats au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

S.C.I. PERLA
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 3]
Rep/assistant : Me Johanna REBHUN, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

Copie exécutoire délivrée le :28.01.2025
Expédition délivrée le :
à Maître Isabelle LAURET de la SAS MIL AVOCAT & ASSOCIES
Me Johanna REBHUN
Maître Gautier THIERRY de la SELARL THIERRY AVOCAT

ORDONNANCE : Contradictoire, du 28 Janvier 2025, en premier ressort, susceptible d’appel

Prononcée par mise à disposition par Madame Brigitte LAGIERE, Vice-présidente assistée de Madame Isabelle SOUNDRON, Greffier

*****

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Saisi sur assignation délivrée dans les intérêts de Madame [D] [O] le 04 juillet 2022, la juge aux affaires familiales de ce Tribunal a, par jugement en date du 23 janvier 2024, prononcé le divorce de Madame [O] et Monsieur [M] [Z] en raison de l’altération définitive du lien conjugal.

Suivant exploit délivré le 24 août 2022, Monsieur [Z] a assigné Madame [O], ès qualité de co-gérante de la SCI PERLA, devant le Tribunal judiciaire de Saint-Pierre aux fins principales de voir prononcer la nullité de l’Assemblée générale ordinaire (AGO) de la SCI PERLA en date du 24 avril 2022 l’ayant révoqué de sa qualité de co-gérant.

La défenderesse a constitué avocat.

Suivant ordonnance sur incident en date du 26 janvier 2023, la juge de la mise en état près le Tribunal de Saint-Pierre a ordonné le renvoi de l’affaire devant le Tribunal judiciaire de Saint-Denis eu égard la qualité d’auxiliaire de justice de Madame [O], avocate inscrite au Barreau de Saint-Pierre.

L’affaire a été inscrite au rôle du Tribunal judiciaire de Saint-Denis sous le numéro RG 23/00808.

Suivant exploit délivré le 19 octobre 2023, Monsieur [Z] a assigné la SCI PERLA aux fins de mise en cause devant la juridiction de céans ; l’affaire a été enrôlée sous le numéro RG 23/03760 puis jointe à la présente procédure suivant ordonnance du juge de la mise en état en date du 04 mars 2024.

La défenderesse a constitué avocat.

Suivant conclusions spéciales aux fins d’incident notifiées électroniquement le 08 juin 2023, et en leur dernier état notifié le 29 novembre 2024, Madame [O] sollicite la juge de la mise en état de :

-PRONONCER sa mise hors de cause ;

-PRONONCER la fin de non-recevoir pour usurpation des fonctions de gérant par Monsieur [Z] emportant un défaut de qualité à agir du demandeur ;

-PRONONCER la fin de non-recevoir pour fausse adresse dans l’assignation ;

-PRONONCER une injonction de produire un justificatif de domicile de la part de Monsieur [Z] pour permettre l’exécution des actes à venir ;

-DÉBOUTER Monsieur [Z] de toutes ses demandes, fins et moyens,

-Le CONDAMNER à lui verser la somme de 3000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Développant son argumentaire s’agissant d’une nullité de l’assignation délivrée à la SCI PERLA, elle sollicite sa mise hors de cause eu égard ce qui serait d’une erreur de procédure commise ab initio par le demandeur au fond. Elle soutient également que Monsieur [Z] aurait sollicité la tenue d’une assemblée générale extraordinaire alors que la SCI PERLA n’aurait pas reçu de courrier pour la cession des parts sociales, raison pour laquelle il aurait été condamné par le Tribunal de céans. Enfin, elle ajoute que Monsieur [Z] ne viserait pas l’article des statuts de la SCI prétendument non respecté de sorte qu’elle aurait, en tant que co-gérante, exécuté régulièrement son mandat de gestion dans les intérêts de la SCI PERLA.

Développant son argumentaire s’agissant d’une nullité de l’assignation pour défaut de qualité à agir, elle fait grief à Monsieur [Z] de ne pas avoir qualité de co-gérant de la SCI PERLA. Celui-ci ne contribuerait d’ailleurs pas aux frais de gestion de la SCI de sorte qu’elle seule gèrerait la SCI PERLA et disposerait de la qualité à agir pour défendre les intérêts de la SCI. En outre, elle nie toute mésentente des associés en l’absence de diligence de Monsieur [Z].

Développant son argumentaire s’agissant d’une nullité de l’assignation pour fausse adresse, elle soutient que Monsieur [Z] refuserait de produire tout justificatif de domicile de sorte que l’assignation délivrée devrait être déclarée irrecevable pour fin de non-recevoir.

En l’état de ses dernières conclusions notifiées électroniquement le 29 novembre 2024, la SCI PERLA sollicite la juge de la mise en état de :

-PRONONCER la fin de non-recevoir pour absence de tentative amiable du litige tout en ne justifiant pas d’une dispense prévue par les textes dans l’acte introductif d’instance ;

-PRONONCER la fin de non-recevoir pour usurpation des fonctions de gérant de la SCI PERLA emportant un défaut de qualité à agir du demandeur ;

-PRONONCER la fin de non-recevoir pour fausse adresse dans l’assignation délivrée à la SCI PERLA le 19.10.2023 ;

-PRONONCER une injonction de justifier sa résidence habituelle à l’égard de Monsieur [Z] pour permettre l’exécution des actes à venir ;

-DÉBOUTER Monsieur [Z] de toutes ses demandes, fins et moyens,

-Le CONDAMNER à lui verser la somme de 3000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Se fondant expressément sur les dispositions de l’article 54 du Code de procédure civile, elle soutient que l’assignation devrait être précédée d’une tentative amiable. Elle ajoute au visa express de l’article 750-1 du Code de procédure civile, qu’une résolution amiable du litige serait imposée avant de saisir le Tribunal d’une demande de nullité d’une assemblée générale ordinaire. Ce faisant, elle entend se prévaloir de la non-réalisation de ces préalables.

Faisant valoir un défaut de qualité à agir du demandeur au fond, elle soutient que Monsieur [Z], qui aurait abandonné son poste de co-gérant en juillet 2022, ne pourrait agir au nom de la SCI PERLA.

Elle fait également grief à Monsieur [Z] d’adopter un comportement abusif pris d’usurpation de la qualité de gérant dans plusieurs procédures judiciaires, d’établissement de fausses factures durant l’exercice 2021, d’établissement en 2023 de factures au nom de la SCI, de dégradation du bien immobilier, de refus de prise en charge des réparations de la toiture ainsi que de participation aux frais de fonctionnement de la SCI et de non-déclaration des revenus de la SCI PERLA auprès du trésor public pour l’exercice fiscal 2022.

Elle soutient également que Monsieur [Z] aurait été débouté d’une demande d’expertise des parts sociales de Madame [O], alors que son associée n’aurait jamais eu l’intention de céder ses parts sociales.

De plus, elle se prévaut du principe de l’interdiction de se contredire, ou estoppel, alors que Monsieur [Z] prétendrait agir en qualité de co-gérant de la SCI PERLA, et, dans le même temps, formerait une demande d’annulation de la résolution relative à son abandon de poste de co-gérant en 2022.

Par ailleurs, elle fait grief à Monsieur [Z] d’avoir fait mention d’une fausse adresse à l’acte introductif d’instance de sorte que l’assignation délivrée par lui le 19 octobre 2023 devrait être déclarée irrecevable contre la SCI PERLA pour fin de non-recevoir.

En l’état de ses dernières conclusions responsives sur incident notifiées électroniquement le 27 novembre 2024, Monsieur [Z] sollicite la juge de la mise en état de :

-DÉBOUTER Madame [O] et la SCI PERLA, demandeurs à l’incident, de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

-Les ENJOINDRE à conclure au fond,

-Les CONDAMNER à lui payer la somme de 2 000 euros chacune au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

S’opposant à la mise hors de cause de Madame [O], il expose qu’elle aurait pris un certain nombre de résolutions, parmi lesquelles la révocation des fonctions de co-gérant de Monsieur [Z], s’octroyant ainsi l’entière gérance de la SCI.

S’opposant à la fin de non-recevoir tirée d’un défaut de qualité à agir qui serait d’une usurpation de la qualité de co-gérant, il soutient ne pas usurper cette qualité alors que son action tend précisément à voir annuler la décision l’ayant révoqué de ses fonctions. Ce faisant, il expose agir au fond en sa qualité de cogérant, irrégulièrement évincé, et non en qualité de représentant de la SCI.

S’opposant à la fin de non-recevoir tirée d’un faux adressage, il soutient que l’adresse mentionnée lors de l’assignation était bien son adresse contemporaine de la notification de l’acte ; l’adresse indiquée sur l’assignation de mise en cause de la SCI PERLA serait bel et bien sa nouvelle adresse actuelle.

S’agissant du grief d’irrecevabilité tiré d’un défaut de tentative amiable préalable, il soutient que la présente procédure ne relèverait pas de l’un des cas visés à l’article 750-1 du Code de procédure civile.

Il soutient, par ailleurs, que le principe de l’estoppel ne trouverait pas application en l’espèce, puisqu’il agirait en sa qualité de co-gérant irrégulièrement et abusivement révoqué, contestant les décisions prise lors des Assemblées Générales sans se contredire ou adopter des positions contraires ou incompatibles entre elles.

Enfin, admettant qu’il entend récupérer son investissement, il entend rappeler que le régime de la séparation de biens implique que chaque époux conserve la propriété de ses biens personnels de sorte qu’il n’existe aucune communauté de biens à liquider. Ce faisant, il soutient que la dissolution d’une SCI pourrait tout à fait être prononcée par le Tribunal en cas de mésentente entre les associés paralysant le fonctionnement de cette dernière, ce qui serait le cas en l’espèce, et cela, sans le concours d’un notaire.

Conformément aux termes de l’article 455 du Code de procédure civile, il sera renvoyé aux écritures des parties pour le surplus des moyens développés au soutien de leurs prétentions.

L’incident a été appelé à l’audience du 02 décembre 2024, date à laquelle les parties ont été autorisées à déposer leurs dossiers au greffe le 10 décembre 2024 et informées que la décision serait mise à leur disposition le 28 janvier 2025.

PAR CES MOTIFS

Nous, Brigitte LAGIERE, juge de la mise en état, statuant en premier ressort par ordonnance contradictoire susceptible d’appel , prononcée par mise à disposition au greffe,

REJETONS la demande de la SCI PERLA visant à voir prononcer la fin de non-recevoir pour absence de tentative amiable du litige tout en ne justifiant pas d’une dispense prévue par les textes dans l’acte introductif d’instance ;

DÉCLARONS irrecevables Madame [D] [O] et la SCI PERLA en leur demande visant à voir prononcer une fin de non-recevoir pour fausse adresse dans l’assignation ;

REJETONS les demandes de Madame [D] [O] et de la SCI PERLA visant à voir prononcer une injonction de produire un justificatif de domicile faite à Monsieur [M] [Z] ;

DÉCLARONS irrecevable l’action en nullité d’une assemblée générale ordinaire de la SCI PERLA formée à l’encontre de Madame [D] [O] ès qualité de gérante de la société ;

DÉCLARONS irrecevable, pour défaut de qualité à agir en demande, l’action en nullité d’une assemblée générale ordinaire de la SCI PERLA formée par Monsieur [M] [Z] ès qualité de cogérant de la SCI PERLA ;

CONSTATONS l’extinction de l’instance ;

REJETONS toute demande plus ample ou contraire ;

CONDAMNONS Monsieur [M] [Z] à payer Madame [D] [O] une somme de 500 (cinq cents) euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNONS Monsieur [M] [Z] à payer la SCI PERLA une somme de 500 (cinq cents) euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNONS Monsieur [M] [Z] aux entiers dépens de l’instance ;

Et la présente ordonnance a été signée par Brigitte LAGIERE, Juge de la mise en état et Isabelle SOUNDRON, Greffière.

La Greffière, La Juge de la mise en état,

 


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