Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion
Thématique : Responsabilité et sécurité des établissements accueillant du public : enjeux et conséquences d’un accident.
→ RésuméContexte de l’AffaireMonsieur [U] [B] a assigné la SARL HERMITAGE, la compagnie d’assurance GROUPAMA et la CAISSE GÉNÉRALE DE SÉCURITÉ SOCIALE suite à un accident survenu le 26 juin 2021 dans un restaurant. Alors qu’il déjeunait, il a chuté après que son pied ait heurté un montant du bar, entraînant une rupture du talon d’Achille. Après une opération le 2 juillet 2021, il a subi une convalescence prolongée. Arguments de Monsieur [U]Monsieur [U] soutient que le restaurateur a manqué à son obligation de sécurité en raison de la présence d’un pied de bar oblique qui débordait, rendant l’espace insuffisant pour se déplacer en toute sécurité. Il a également mentionné qu’il a dû utiliser un fauteuil roulant après l’accident, ce qui a conduit à une nouvelle blessure au talon d’Achille gauche. Demandes d’IndemnisationMonsieur [U] réclame des indemnités pour divers préjudices, y compris des frais d’assistance, des souffrances endurées et des préjudices esthétiques, totalisant plusieurs milliers d’euros. Il demande également une somme au titre de l’article 700 du Code de Procédure civile. Réponse de la Compagnie d’AssuranceLa compagnie GROUPAMA conteste la responsabilité du restaurateur, affirmant que Monsieur [U] doit prouver la faute et le lien de causalité. Elle soutient que le pied de bar ne présentait pas de danger et que l’accident était dû à une imprudence de la victime, qui ne regardait pas où elle marchait. Position de la SARL HERMITAGELa SARL HERMITAGE partage la position de GROUPAMA et demande à être exonérée de toute responsabilité. Elle réclame également des frais au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. Demande de la CAISSE GÉNÉRALE DE SÉCURITÉ SOCIALELa CAISSE GÉNÉRALE DE SÉCURITÉ SOCIALE demande le remboursement de frais médicaux et d’indemnités, en lien avec les soins apportés à Monsieur [U]. Analyse de la ResponsabilitéLe tribunal a constaté que le restaurateur avait une obligation de sécurité envers ses clients. Les preuves présentées montrent que la chute de Monsieur [U] était due à la position dangereuse du pied de bar. En revanche, le tribunal n’a pas trouvé de lien de causalité suffisant entre l’accident initial et la blessure survenue lors de l’utilisation du fauteuil roulant. Décision du TribunalLe tribunal a condamné la SARL HERMITAGE et GROUPAMA à indemniser Monsieur [U] pour les préjudices subis lors de l’accident du 26 juin 2021. Les montants des indemnités ont été ajustés en fonction des conclusions de l’expert judiciaire. La CAISSE GÉNÉRALE DE SÉCURITÉ SOCIALE a également été indemnisée pour les frais médicaux engagés. |
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REPUBLIQUE FRANCAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS
MINUTE N°
1ERE CHAMBRE
AFFAIRE N° RG 23/02832 – N° Portalis DB3Z-W-B7H-GNLN
NAC : 64B
JUGEMENT CIVIL
DU 26 NOVEMBRE 2024
DEMANDEUR
M. [B] [U]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Rep/assistant : Me Nathalie CINTRAT, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION
DEFENDERESSES
S.A.R.L. HERMITAGE [10]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Rep/assistant : Maître Alexandre ALQUIER de la SELARL ALQUIER & ASSOCIÉS, avocats au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
Caisse Régionale d’assurances Mutuelles Agricole de l’Océan Indien, exerçant sous l’enseigne GROUPAMA OCEAN INDIEN, représentée par son Directeur Général en exercice domicilié en cette qualité audit siège.En sa qualité d’assureur de la SARL HERMITAGE [10]
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 6]
Rep/assistant : Maître Mikaël YACOUBI de la SELARL GAELLE JAFFRE ET MIKAEL YACOUBI, avocats au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION
CAISSE GENERALE DE SECURITE SOCIALE
[Adresse 2]
[Localité 7]
Rep/assistant : Maître Philippe BARRE de la SELARL PHILIPPE BARRE, avocats au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
Copie exécutoire délivrée le :26.11.2024
Expédition délivrée le :
à Maître Alexandre ALQUIER de la SELARL ALQUIER & ASSOCIÉS
Me Nathalie CINTRAT
Maître Mikaël YACOUBI de la SELARL GAELLE JAFFRE ET MIKAEL YACOUBI
Maître Philippe BARRE de la SELARL PHILIPPE BARRE
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COMPOSITION DU TRIBUNAL
LORS DES DEBATS :
Le Tribunal était composé de :
Madame Brigitte LAGIERE, Vice-Présidente
Madame Sophie PARAT, Vice-Présidente,
Madame Dominique BOERAEVE, Juge Honoraire,
assistées de Madame Isabelle SOUNDRON, Greffier
Les débats ont eu lieu à l’audience tenue le 22 Octobre 2024.
MISE EN DELIBERE
A l’issue des débats, les parties présentes et leurs conseils ont été avisés que le
jugement serait mis à leur disposition le 26 Novembre 2024.
JUGEMENT :contradictoire, du 26 Novembre 2024, en premier ressort
Prononcé par mise à disposition par Madame Brigitte LAGIERE, Présidente assistée de Madame Isabelle SOUNDRON, Greffier
En vertu de quoi, le Tribunal a rendu le jugement dont la teneur suit :
EXPOSE DU LITIGE
Par acte introductif d’instance du 9 août 2023, Monsieur [U] [B] a fait assigner la SARL HERMITAGE [10], la compagnie d’assurance GROUPAMA et la CAISSE GÉNÉRALE DE SÉCURITÉ SOCIALE en exposant que, le 26 juin 2021, alors qu’il déjeunait au restaurant de l’hôtel Dina [10], il a été victime d’une chute ;
que son pied droit a heurté un des montants du bar et a provoqué une violente douleur au niveau du talon d’Achille ;
qu’il a tenté de se rétablir mais a chuté en avant sur le fauteuil de la table voisine ;
qu’il a fait réaliser un bilan radiologique et échographique qui a confirmé la rupture du talon d’Achille ;
qu’il a été opéré le 2 juillet 2021 et sa convalescence a été longue ;
que la chute à l’origine de ses blessures a été provoquée par la présence dangereuse d’un pied de bar oblique débordant largement vers l’extérieur ;
qu’il a demandé et obtenu en référé la désignation d’un expert judiciaire.
Monsieur [U] fait valoir que le restaurateur est tenu d’observer dans l’aménagement, l’organisation et le fonctionnement de son établissement les règles de prudence et de surveillance qu’exige la sécurité de ses clients ;
qu’il a juste eu le temps de se lever de table lorsque son pied droit s’est trouvé bloqué par l’obstacle que représentait le poteau ;
que la table étant placée à proximité immédiate du pied de bar, il ne disposait pas d’un espace suffisant pour l’éviter.
Monsieur [U] précise qu’il a été contraint d’utiliser un fauteuil roulant à la suite de l’intervention chirurgicale du 2 juillet 2021 et qu’en voulant débloquer le fauteuil avec son pied gauche, il a provoqué une rupture du talon d’Achille gauche, ce qui a justifié une nouvelle intervention le 9 juillet ;
que cet accident n’aurait pas eu lieu s’il n’avait pas été contraint de faire usage d’un fauteuil à la suite de sa chute.
Au vu des conclusions de l’expert judiciaire , Monsieur [U] demande la condamnation de la SARL HERMITAGE [10] et de sa compagnie d’assurance GROUPAMA à lui payer les sommes suivantes :
– assistance d’une tierce personne non médicalisée temporaire 7.025 euros
– gêne temporaire totale 40 euros
– gêne temporaire classe 4 950 euros
– gêne temporaire classe 3 490 euros
– gêne temporaire classe 1 3.985 euros
– souffrances endurées 4.000 euros
– préjudice esthétique temporaire 1.000 euros
– préjudice esthétique permanent 2.000 euros
– déficit fonctionnel permanent 2.100 euros
Il réclame également la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure civile.
La compagnie d’assurance GROUPAMA réplique qu’il revient à celui qui invoque le manquement du restaurateur à son obligation de sécurité d’en rapporter la preuve ;
qu’il s’agit d’une obligation de moyens, nécessitant la démonstration d’une faute, d’un dommage et d’un lien de causalité ;
qu’en l’espèce, le pied de bar ne débordait pas vers la salle et ne présentait aucune dangerosité intrinsèque ;
que le passage est dégagé et la salle espacée ;
qu’aucun élément produit aux débats ne permet de venir démontrer que Monsieur [U] aurait chuté à raison du pied du bar litigieux ;
que selon le réceptionniste du restaurant, Monsieur [U] s’est déplacé à reculons, le regard rivé sur son téléphone portable ;
qu’il a commis une faute d’imprudence puisqu’il ne regardait pas où il posait ses pieds.
La compagnie GROUPAMA conclut au débouté des demandes.
A titre subsidiaire, elle estime que cette faute d’imprudence a contribué à la réalisation du dommage dans une proportion au moins égale à 70 %;
qu’en outre, l’indemnisation devra être limitée aux seules conséquences imputables à l’accident survenu le 26 juin 2021 et réduite à de plus justes proportions.
La SARL HERMITAGE [10] conclut aux mêmes fins et demande, à titre subsidiaire, à être relevée et garantie par sa compagnie d’assurance de toute condamnation prononcée à son encontre.
Elle réclame la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
La CAISSE GÉNÉRALE DE SÉCURITÉ SOCIALE demande la condamnation de la SARL HERMITAGE [10] et de sa compagnie d’assurance GROUPAMA à lui rembourser la somme de 10.448,13 euros , ainsi qu’à lui payer les sommes de 1.191 euros au titre de l’indemnité forfaitaire et de 1.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure civile.
ET SUR QUOI
Sur la responsabilité
Le restaurateur est tenu d’observer dans l’aménagement, l’organisation et le fonctionnement de son établissement les règles de prudence et de surveillance qu’exige la sécurité de ses clients ;
qu’en cas de faute prouvée, il engage sa responsabilité contractuelle sur le fondement de l’article 1231-1 du Code civil.
En l’espèce, il ressort des photographies et des témoignages versés aux débats que le 26 juin 2021 en début d’après-midi, alors qu’il déjeunait au restaurant de l’hôtel [9] à [Localité 11], Monsieur [U] s’est levé de sa table située à proximité immédiate du bar et a heurté un pied du bar auquel il tournait le dos ;
qu’il a perdu l’équilibre, sa jambe droite retenue par ce pied de bar et a terminé sa chute sur le fauteuil d’une table voisine ;
que ce pied de bar était un élément de support du plateau du bar, un tréteau incliné en biais vers l’extérieur et constituant un obstacle ;
que depuis le bar a été réaménagé de façon plus conforme à son usage.
Il est patent que c’est bien ce poteau et sa position incongrue qui a provoqué la chute de Monsieur [U] et occasionné ses blessures ;
que les arguments des défendeurs ne sont que des suppositions, l’imprudence de la victime n’étant pas démontrée.
Le restaurateur engage sa responsabilité et doit être condamné à indemniser son client des conséquences dommageables de l’accident survenu le 26 juin 2021.
En revanche, il n’existe pas de probabilité suffisante de causalité avec l’accident de fauteuil survenu le 6 juillet 2021 dont le tribunal est, par ailleurs, dans l’ignorance des circonstances.
Sur la réparation
L’expert judiciaire a examiné Monsieur [U], âgé de 73 ans au moment des faits et a précisé que la date de consolidation serait la date de la dernière séance de rééducation.
En dehors du DFP qu’il impute à l’accident initial et qu’il évalue à 2 %, l’expert a fixé les postes de préjudice relatifs aux deux accidents, sans qu’il soit possible de les différencier.
Il a ainsi procédé aux évaluations suivantes :
– DFTT 2 jours ( chirurgie ambulatoire des 2 et 9 juillet 2021)
– DFTP de classe IV du 26 juin au 1er juillet, du 3 juillet au 8 juillet, du 10 juillet au 27 juillet avec l’aide d’une tierce personne 3h/jour, 7 j/7
– DFTP classe III du 28 août au 15 octobre avec l’aide d’une tierce personne 2h jour 7j/7
– DFTP de classe I du 16 octobre 2021 au 21 juin 2022
– souffrances endurées 2,5 /7 pour les deux journées d’hospitalisation
– préjudice esthétique temporaire 4/7 pendant les périodes de DFTP classe IV et 3/7 pendant la période de DFTP classe III
– préjudice esthétique définitif 1/7.
L’expert n’a pas relevé d’autre poste de préjudice.
Au vu de ses conclusions, il n’y a pas d’autre choix, en dehors du déficit fonctionnel permanent, que de diviser par deux les indemnités réclamées par Monsieur [U].
Il sera procédé de la même façon à l’égard de la CGSS dont le relevé des prestations concernant la victime ne permet pas de faire le départ entre les deux accidents.
Il convient de condamner les défendeurs à payer à la CGSS la somme de 1.191 euros au titre de l’indemnité forfaitaire.
L’équité commande en la cause d’allouer à Monsieur [U] la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
Au même titre, il sera alloué à la CGSS la somme de 500 euros.
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