Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Rennes
Thématique : Interprétation des clauses contractuelles et effets des transactions sur les droits locatifs
→ RésuméContexte du litigeMonsieur [O] [W] a donné à bail un local commercial à la SAS NEUFTEX le 28 septembre 1988. En novembre 2022, la SARL MORAN a acquis ce bien. Suite à des loyers impayés, la SARL MORAN a assigné la SAS NEUFTEX pour constater la résiliation du bail. Le 24 mai 2024, le juge des référés a homologué une transaction entre les parties, lui conférant force exécutoire. Notification de résiliationLe 31 mai 2024, la décision a été signifiée à la SAS NEUFTEX. Le 18 juin 2024, la SARL MORAN a informé la SAS NEUFTEX de la résiliation du bail en raison de l’impayé du loyer de juin et d’une échéance pour apurer les arriérés. Le 5 juillet 2024, un commandement de quitter les lieux a été délivré à la SAS NEUFTEX. Contestation de l’expulsionLe 8 août 2024, la SAS NEUFTEX a contesté l’acquisition de la déchéance du terme et a demandé un délai de grâce. L’affaire a été plaidée le 7 novembre 2024, où la SAS NEUFTEX a soutenu que la SARL MORAN ne pouvait pas se prévaloir de la déchéance du terme, arguant que l’ordonnance ne précisait pas les modalités d’application. Arguments de la SAS NEUFTEXLa SAS NEUFTEX a affirmé que la déchéance du terme était irrégulière, précisant qu’elle avait respecté ses obligations de paiement, à l’exception d’un léger retard dû à des jours non ouvrés. Elle a également souligné la mauvaise foi de la SARL MORAN, qui a délivré un commandement sans mise en demeure préalable. Réponse de la SARL MORANEn réponse, la SARL MORAN a soutenu qu’elle avait un titre exécutoire pour l’expulsion et que la SAS NEUFTEX n’avait pas respecté l’échéancier de paiement convenu. Elle a également contesté la nature de la cession de fonds de commerce, affirmant qu’il s’agissait d’une cession du droit au bail. Décision du juge de l’exécutionLe juge de l’exécution a statué sur la régularité de la procédure d’expulsion, confirmant que la SARL MORAN pouvait se prévaloir de la déchéance du terme en raison des retards de paiement. Il a également accordé à la SAS NEUFTEX un délai de six mois pour quitter les lieux, tenant compte de ses efforts pour respecter ses obligations et de son occupation prolongée des lieux. Conclusion de la décisionLe juge a débouté la SAS NEUFTEX de sa demande de renvoi devant le juge des référés et a validé le commandement de quitter les lieux. La SAS NEUFTEX a été condamnée aux dépens de l’instance, sans indemnité pour la SARL MORAN. |
Cour d’appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
[Adresse 3] – tél : [XXXXXXXX01]
JUGE DE L’EXÉCUTION
Audience du 09 Janvier 2025
Affaire N° RG 24/05685 – N° Portalis DBYC-W-B7I-LEEP
RENDU LE : NEUF JANVIER DEUX MIL VINGT CINQ
Par Mélanie FRENEL, Juge chargé de l’exécution, statuant à Juge Unique.
Assistée de Annie PRETESEILLE, Greffier, lors des débats et lors du prononcé, qui a signé la présente décision.
ENTRE :
– La société NEUFTEX, société par actions simplifiée , ayant son siège social au [Adresse 2], représentée par son président, Monsieur [B] [K]
Ayant pour avocat constitué, maître Eric SURZUR , avocat au Barreau de RENNES au sein de la Selarl ALIENCE AVOCATS et pour avocat plaidant Maître Deborah COHEN TAIEB -GIOLLY AVOCAT – Avocate au Barreau de PARIS
Partie(s) demanderesse(s)
ET :
– S.A.R.L. MORAN, dont le siège social est sis [Adresse 4]
Ayant pour avocat Maître Marie-Caroline CLAEYS, SELARL MC2 AVOCAT, Avocat au Barreau de RENNES,
Partie(s) défenderesse(s)
DEBATS :
L’affaire a été plaidée le 07 novembre 2024, et mise en délibéré pour être rendue le 19 décembre 2024. A cette date le délibéré a été prorogé au 09 janvier 2025.
JUGEMENT :
En audience publique, par jugement Contradictoire
En PREMIER RESSORT, par mise à disposition au Greffe
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte du 28 septembre 1988, monsieur [O] [W] a donné à bail à la SAS NEUFTEX un local commercial situé [Adresse 5] à [Localité 6].
Par acte du 9 novembre 2022, la SARL MORAN a acquis le bien de monsieur [O] [W].
Plusieurs échéances du bail n’ayant pas été honorées, la SARL MORAN a fait assigner la SAS NEUFTEX devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Rennes à l’effet de voir constater la résiliation du bail.
Par ordonnance du 24 mai 2024, le juge des référés a homologué la transaction intervenue en cours d’instance entre les parties et lui a donné force exécutoire.
Cette décision a été signifiée à la SAS NEUFTEX par acte de commissaire de justice du 31 mai 2024.
Par l’intermédiaire de son conseil, la SARL MORAN a, par courrier daté du 18 juin 2024, informé la SAS NEUFTEX qu’elle considérait la résiliation du bail comme acquise du fait du défaut de règlement du loyer du mois de juin ainsi que de l’échéance destinée à apurer les arriérés exigible le 15 juin.
Par acte du 5 juillet 2024, la SARL MORAN a fait délivrer à la SAS NEUFTEX un commandement d’avoir à quitter les lieux pour le 13 juillet 2024.
Le 8 août 2024, la SAS NEUFTEX a fait assigner la SARL MORAN devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Rennes aux fins de contester l’acquisition de la déchéance du terme, le jeu de la clause résolutoire ainsi que le bénéfice de l’expulsion au profit du bailleur et subsidiairement, obtenir un délai de grâce.
Après un renvoi pour échange de pièces et conclusions entre les parties, l’affaire a été plaidée à l’audience du 7 novembre 2024, les conseils des parties reprenant à l’oral leurs écritures.
Par conclusions notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 5 novembre 2024, la SAS NEUFTEX demande au juge de l’exécution de :
“Vu les pièces versées au débat ;
Vu la jurisprudence citée ;
Vu l’article L213-6 du Code des Procédures Civiles d’Exécution ;
Vu l’article R. 121-1 al.2 du code des procédures civiles d’exécution ;
Vu l’Article L145-41 du Code de Commerce ;
Vu l’article 1224 du Code Civil ;
Vu l’article 510 du Code de procédure civile ;
Vu l’article R121-1 du code des procédures civiles d’exécution ;
A titre principal
Vu l’article 455 al.2 du Code de procédure civile ;
Vu la requête en omission de statuer déposée par la société MORAN auprès du juge des référés et attestant des difficultés d’interprétation de l’ordonnance ;
– Renvoyer au besoin les parties à se pourvoir au fond au regard de l’imprécision du dispositif de l’ordonnance homologuant l’accord entre les parties ou renvoyer directement la présente affaire devant le juge du fond;
A titre subsidiaire
– Surseoir à statuer dans l’attente de la décision à intervenir par le juge des référés sur le fondement de la requête en omission de statuer ;
A titre très subsidiaire
– Déclarer recevable la société NEUFTEX en ses demandes ;
– Juger qu’il n’y a pas lieu à déchéance du terme et par voie de conséquence à l’acquisition de la clause résolutoire ;
A titre extrêmement subsidiaire
Vu les articles L.412-3 et L.412-4 du Code des procédures civiles d’exécution ;
Vu le délai extrêmement court entre la date de l’échéance et la date de virement effectué;
Vu les difficultés économiques de la demanderesse confirmées par l’adoption du plan de continuation en cours ;
Vu le respect par la société NEUFTEX de l’accord conclu au titre du règlement mensuel des échéances, des loyers arriérés dès les mois de juin et juillet 2024 et la diminution effective de sa dette locative ;
– Accorder à la société NEUFTEX un délai de grâce de 12 mois ;
– Statuer ce que de droit quant aux dépens de l’instance.”
La SAS NEUFTEX affirme en substance que la SARL MORAN ne peut pas se prévaloir de l’acquisition de la déchéance du terme des délais de paiement qui suspendaient les effets de la clause résolutoire du bail dès lors que le dispositif de l’ordonnance sur le fondement de laquelle le commandement de quitter les lieux a été délivré, ne comporte aucune modalité d’application d’une déchéance du terme, le juge des référés ayant simplement homologué la transaction intervenue entre les parties au cours de l’instance, sans en reprendre les termes dans le dispositif.
Elle soutient qu’il n’entre pas dans les pouvoirs du juge de l’exécution de se substituer au juge du fond pour interpréter ou corriger les lacunes du dispositif du titre exécutoire sur le fondement duquel la SARL MORAN a engagé la procédure d’expulsion. Elle en veut pour preuve le fait que la bailleresse ait saisi le juge des référés d’une requête en omission de statuer. Elle estime que pour cette raison, il y a lieu de surseoir à statuer dans l’attente de la décision du juge des référés.
Subsidiairement, la SAS NEUFTEX soutient que la déchéance du terme a été irrégulièrement prononcée dans la mesure où elle est à jour de ses loyers ; que si un décalage de trois jours dans le paiement du mois de juin qui était exigible le 15 juin a été observé, c’est en raison des samedi et dimanche compris dans ce délai; que l’échéance du mois de juin 2024 qui a été payée le 18 juin 2024 n’accuse en réalité un retard que de 24 heures.
Elle se plaint de la mauvaise foi du bailleur qui, sans mise en demeure préalable, lui a fait délivrer un commandement de quitter les lieux sous huitaine alors qu’elle occupe les lieux depuis 36 ans et respecte depuis huit années un plan de continuation. Elle explique avoir retrouvé un repreneur et déposé une requête aux fins de modification du plan de continuation afin de lever la mesure d’inaliénabilité sur le fonds de commerce.
Elle pointe les conséquences économiques et sociales désastreuses si son expulsion des lieux litigieux avait lieu et conclut à la nécessité impérieuse de l’octroi d’un délai de grâce d’une année.
Par écritures en réplique notifiées par l’intermédiaire du réseau privé virtuel des avocats le 6 novembre 2024, la SARL MORAN demande au juge de l’exécution de :
“Vu les articles 1565 et suivants du Code de Procédure Civile
Vu l’article L. 145-41 du Code de Commerce
Vu l’arrêt de la Cour de Cassation du 26 octobre 2023, (n°22-16.216),
– Débouter la SAS NEUFTEX de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– A titre subsidiaire, si un délai pour quitter les lieux était accordé, Le LIMITER à 3 mois.
– Condamner la SAS NEUFTEX à payer à la société MORAN la somme de 1 500 euros, sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.”
Pour s’opposer aux demandes de la SAS NEUFTEX, la SARL MORAN affirme qu’elle dispose bien d’un titre exécutoire pour poursuivre l’expulsion, à savoir l’ordonnance du juge des référés ayant homologué la transaction dont le juge de l’exécution peut apprécier la portée. Elle rappelle les dispositions de l’article L. 213-6 du Code de l’organisation judiciaire et en déduit qu’il n’est pas nécessaire d’attendre la décision du juge des référés sur la requête en omission de statuer qu’elle n’a du reste introduite qu’afin de préserver ses droits compte tenu de la contestation émise par la demanderesse.
La SARL MORAN soutient par ailleurs que la SAS NEUFTEX n’a pas respecté l’échéancier dont elles étaient convenues pour le règlement de l’arriéré locatif dont la première mensualité était exigible le 15 juin au plus tard, en plus du loyer courant exigible quant à lui au 1er juin ; qu’en effet, ce n’est qu’après réception d’un courrier du 18 juin 2024 l’informant de l’acquisition de la résiliation du bail que la SAS NEUFTEX a émis des ordres de virement.
Elle affirme que les indemnités d’occupation pour les mois de juillet, août et septembre 2024 ont également été réglées avec retard et nie toute mise en oeuvre abusive de la déchéance du terme, soulignant la récurrence des retards dans le paiement du loyer depuis qu’elle est propriétaire de l’immeuble et la patience dont elle a au contraire fait preuve.
A la SAS NEUFTEX qui se prévaut d’une cession de fonds de commerce, elle réplique qu’il s’agit en réalité d’une cession du droit au bail et que compte tenu des conditions posées dans le contrat de location, le preneur n’a pas la liberté de faire ce qu’il veut.
A propos de la demande de délais pour quitter les lieux, la SARL MORAN considère qu’elle n’est pas fondée, le magasin de [Localité 6] étant définitivement fermé.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, le juge de l’exécution se réfère aux conclusions susmentionnées des parties en application des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le juge de l’exécution, statuant publiquement, par jugement contradictoire mis à disposition au greffe et en premier ressort,
– DÉBOUTE la SAS NEUFTEX de sa demande de renvoi devant le juge des référés ainsi que de sa demande subsidiaire de sursis à statuer ;
– VALIDE le commandement de quitter les lieux en date du 5 juillet 2024 délivré à la SAS NEUFTEX ;
– ACCORDE à la SAS NEUFTEX un délai de six mois à compter de la présente décision pour quitter le local commercial situé [Adresse 5] à [Localité 6] ;
– DÉBOUTE la SARL MORAN de sa demande au titre des frais non répétibles ;
– CONDAMNE la SAS NEUFTEX au paiement des dépens de la présente instance.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe les jour, mois et an que dessus,
Le Greffier, Le Juge de l’Exécution,
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