Tribunal judiciaire de Rennes, 31 janvier 2025, RG n° 23/00749
Tribunal judiciaire de Rennes, 31 janvier 2025, RG n° 23/00749

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Rennes

Thématique : Respect du contradictoire dans la reconnaissance des maladies professionnelles

Résumé

Contexte de l’affaire

Monsieur [Z] [J] [O], employé en tant que maçon-finisseur dans la société [5] depuis le 2 juillet 2018, a déclaré une maladie professionnelle le 26 juin 2022, spécifiquement une « tendinite chronique de l’épaule droite ». Un certificat médical daté du 14 juin 2022 a confirmé cette pathologie, avec une première constatation médicale le 26 avril 2022, et a recommandé des soins sans arrêt de travail jusqu’au 13 septembre 2022.

Procédure de reconnaissance de la maladie

La Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Seine-Saint-Denis a d’abord instruit le dossier par le biais de questionnaires pour évaluer le caractère professionnel de la maladie. Le colloque médico-administratif a jugé que les conditions requises pour la reconnaissance n’étaient pas remplies et a transmis le dossier au Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP). Le 17 février 2023, le CRRMP a finalement reconnu le lien entre la pathologie et l’exposition professionnelle de Monsieur [O].

Contestation de la décision de prise en charge

Le 22 février 2023, la CPAM a notifié à la société [5] sa décision de prise en charge de la maladie. En réponse, la société a contesté cette décision le 20 avril 2023, arguant que la CPAM n’avait pas respecté les délais de consultation et n’avait pas permis à l’employeur d’accéder aux rapports médicaux avant l’examen du dossier par le CRRMP. La société a ensuite saisi le tribunal judiciaire de Rennes d’un recours contre la décision implicite de rejet de la commission.

Arguments de la société [5]

La société [5] a soutenu qu’elle n’avait pas eu accès aux avis du médecin du travail ni aux rapports du contrôle médical avant l’examen du dossier. Elle a également affirmé que les délais de consultation n’avaient pas été respectés, ayant disposé de seulement 23 jours au lieu des 30 jours prévus. En conséquence, elle a demandé au tribunal de déclarer la décision de prise en charge inopposable et de condamner la CPAM à des dépens.

Réponse de la CPAM

La CPAM a indiqué qu’elle s’en remettait à la sagesse du tribunal pour statuer. Cependant, elle n’a pas produit de preuve de la date de réception du courrier d’information par la société [5], ce qui a conduit à des doutes sur le respect des délais de consultation.

Décision du tribunal

Le tribunal a constaté que la CPAM n’avait pas respecté le principe du contradictoire en ne prouvant pas que la société [5] avait reçu la notification dans les délais impartis. Par conséquent, la décision de prise en charge de la maladie de Monsieur [O] a été déclarée inopposable à la société [5]. La CPAM a été condamnée aux dépens, tandis que la demande de la société sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile a été rejetée.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
PÔLE SOCIAL

MINUTE N°

AUDIENCE DU 31 Janvier 2025

AFFAIRE N° RG 23/00749 – N° Portalis DBYC-W-B7H-KQJW

89E

JUGEMENT

AFFAIRE :

Société [5]

C/

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE SEINE SAINT-DENIS

Pièces délivrées :

CCCFE le :

CCC le :

PARTIE DEMANDERESSE :

Société [5]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Maître Jean-Christophe GOURET, avocat au barreau de RENNES, substitué à l’audience par Maître Nolwenn QUIGUER, avocate au barreau de RENNES

PARTIE DEFENDERESSE :

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE SEINE SAINT-DENIS
[Adresse 1]
[Localité 3]
Non représentée à l’audience

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Présidente : Madame Guénaëlle BOSCHER
Assesseur : Monsieur Hervé BELLIARD, assesseur du pôle social du tribunal judiciaire de Rennes
Assesseur : Monsieur Laurent LE CORRE, assesseur du pôle social du tribunal judiciaire de Rennes
Greffière : Madame Rozenn LE CHAMPION

DEBATS :

Après avoir entendu les parties en leurs explications à l’audience du 03 Décembre 2024, l’affaire a été mise en délibéré pour être rendu au 31 Janvier 2025 par mise à disposition au greffe.

JUGEMENT : réputé contradictoire et en premier ressort

********

EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [Z] [J] [O], salarié de la société [5] depuis le 2 juillet 2018 en qualité de maçon-finisseur, a établi une déclaration de maladie professionnelle le 26 juin 2022, au titre d’une « tendinite chronique de l’épaule droite ».
Le certificat médical initial, établi le 14 juin 2022, fait état d’une « tendinopathie chronique non rompue non calcifiante de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite objectivée par IRM ». Il fixe la première constatation médicale à la date du 26 avril 2022 et prescrit des soins sans arrêt de travail jusqu’au 13 septembre 2022.
La Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Seine Saint-Denis a dans un premier temps instruit le dossier en procédant par voie de questionnaires pour déterminer le caractère professionnel de la maladie.
Le colloque médico-administratif, considérant que toutes les conditions médico-administratives du tableau n° 57 « Affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail », n’étaient pas remplies, a transmis le dossier de Monsieur [O] au Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP).
Le 17 février 2023, le CRRMP d’Ile de France, établissant un lien direct entre la pathologie et l’exposition professionnelle de la victime, a émis un avis favorable à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée par Monsieur [O].
Par courrier du 22 février 2023, la CPAM a notifié à la société [5] sa décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée par Monsieur [O].
Par courrier en date du 20 avril 2023, la société [5] a saisi la commission de recours amiable de la CPAM d’une contestation aux fins d’inopposabilité de la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée par Monsieur [O].
Par lettre recommandée avec accusé de réception expédiée le 25 juillet 2023, la société [5] a saisi le pôle social du jribunal judiciaire de Rennes d’un recours contre la décision implicite de rejet de la commission.
L’affaire a été évoquée à l’audience du 3 décembre 2024.
La société [5], dûment représentée, se référant expressément aux conclusions jointes à sa requête, reçues par le greffe le 26 juillet 2023, demande au tribunal de :
Constater que la caisse n’a pas effectué les démarches nécessaires pour permettre à la société [5] de prendre connaissance des rapports établis par le médecin du travail ainsi que par le service du contrôle médical, avant l’examen du dossier par le CRRMP ;Constater que les délais de consultation édictés à l’alinéa 2 de l’article R. 461-10 du Code de la sécurité sociale n’ont pas été respectés par la caisse, la société [5] ayant en réalité disposé de délais inférieurs à ceux impartis par les textes ;En conséquence,
Déclarer la décision de prise en charge notifiée le 22 février 2023 inopposable à la société [5],Condamner la CPAM de la Seine-Saint-Denis à verser à la société [5] la somme de 1000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,Condamner la CPAM de la Seine-Saint-Denis aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir en substance qu’elle n’a pas eu connaissance de l’avis motivé du médecin du travail ni du rapport du contrôle médical avant l’examen du dossier par le CRRMP, le service médical de la Caisse lui ayant opposé un refus lorsqu’elle a demandé la transmission de ces documents. Elle soutient en outre que la CPAM n’a pas respecté les délais de consultation prévus par l’article R. 461-10 du Code de la sécurité sociale et qu’elle n’a disposé que d’un délai de 23 jours au lieu de 30 jours pour consulter et compléter le dossier. Elle ajoute que le délai de 10 jours francs prévu pour la simple consultation du dossier n’a pas davantage été respecté.
La CPAM de Seine Saint-Denis a, par courriel reçu le 2 décembre 2024, indiqué qu’elle s’en remettait « à la sagesse du tribunal pour statuer en toute impartialité et équité ».
Pour un plus ample exposé des moyens du demandeur, il convient de se référer à ses conclusions sus-citées, et ce en application de l’article 455 du Code de procédure civile.
A l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré au 31 janvier 2025 et rendue à cette date par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l’article 450 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant après débats en audience publique, par jugement réputé contradictoire, rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe de la juridiction,
DECLARE inopposable à la société [5] la décision rendue par la Caisse primaire d’assurance maladie de Seine-Saint-Denis le 22 février 2023 portant prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée par Monsieur [Z] [J] [O] du 26 avril 2022,
CONDAMNE la Caisse primaire d’assurance maladie de Seine-Saint-Denis aux dépens,
REJETTE la demande formée par la société [5] sur le fondement des dispositions l’article 700 du Code de procédure civile,

La Greffière La Présidente

 


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