Tribunal judiciaire de Rennes, 31 janvier 2025, RG n° 22/00485
Tribunal judiciaire de Rennes, 31 janvier 2025, RG n° 22/00485

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Rennes

Thématique : Imputabilité des lésions consécutives à un accident de travail : enjeux de la présomption et des antécédents médicaux.

Résumé

Contexte de l’accident

Monsieur [V] [Z], employé de la société [4] depuis le 28 août 2017 en tant que coffreur-bancheur, a signalé un accident de travail survenu le 3 mai 2021. Selon la déclaration de l’employeur, l’accident s’est produit lors d’une manutention manuelle, entraînant une douleur au dos. Un certificat médical initial a été établi, indiquant une lombalgie avec sciatalgie L5S1 gauche.

Prise en charge par la CPAM

La Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de l’Essonne a mené une enquête administrative et a décidé, par courrier du 2 août 2021, de prendre en charge l’accident au titre de la législation professionnelle. M. [Z] a ensuite fourni un certificat médical de rechute le 1er juillet 2021, mentionnant une sciatique par hernie discale. L’employeur a émis des réserves sur cette nouvelle lésion le 26 octobre 2021.

Contestation de l’employeur

Le médecin-conseil de la CPAM a jugé que la nouvelle lésion était imputable à l’accident du 3 mai 2021, et la CPAM a pris en charge cette lésion le 25 novembre 2021. En réponse, la société [4] a contesté cette décision auprès de la commission médicale de recours amiable, puis a saisi le tribunal judiciaire de Rennes d’un recours contre la décision implicite de rejet de la commission.

Arguments de la société [4]

La société [4] a demandé au tribunal de déclarer son recours recevable et fondé, arguant d’un manquement de la CPAM à ses obligations d’information. Elle a également contesté l’imputabilité des arrêts de travail à l’accident, soutenant qu’il existait un état pathologique préexistant et que la nouvelle lésion ne pouvait pas être considérée comme liée à l’accident du 3 mai 2021.

Réponse de la CPAM

La CPAM a soutenu que les soins et arrêts de travail de M. [Z] étaient couverts par la présomption d’imputabilité, affirmant que la prise en charge de l’accident du 3 mai 2021 était justifiée. Elle a également rejeté la demande d’expertise médicale judiciaire formulée par la société [4].

Décision du tribunal

Le tribunal a statué sur la recevabilité et le bien-fondé du recours de la société [4]. Il a examiné les obligations de la CPAM en matière d’information et a conclu que la caisse n’avait pas manqué à ses obligations. Concernant l’imputabilité de la nouvelle lésion, le tribunal a rappelé que la présomption d’imputabilité s’appliquait tant aux lésions initiales qu’aux complications, et que l’employeur devait prouver l’existence d’une cause étrangère pour renverser cette présomption.

Conclusion

Le tribunal a débouté la société [4] de son recours, l’a condamnée aux dépens et a rejeté sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
PÔLE SOCIAL

MINUTE N°

AUDIENCE DU 31 Janvier 2025

AFFAIRE N° RG 22/00485 – N° Portalis DBYC-W-B7G-J237

89E

JUGEMENT

AFFAIRE :

Société [4]

C/

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE L’ESSONNE

Pièces délivrées :

CCCFE le :

CCC le :

PARTIE DEMANDERESSE :

Société [4]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Maître Jean-Christophe GOURET, avocat au barreau de RENNES, substitué à l’audience par Maître Nolwenn QUIGUER, avocate au barreau de RENNES

PARTIE DEFENDERESSE :

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE L’ESSONNE
[Adresse 5]
[Localité 3]
Non représentée à l’audience

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Présidente : Madame Guénaëlle BOSCHER
Assesseur : Monsieur Hervé BELLIARD, assesseur du pôle social du tribunal judiciaire de Rennes
Assesseur : Monsieur Laurent LE CORRE, assesseur du pôle social du tribunal judiciaire de Rennes
Greffière : Madame Rozenn LE CHAMPION

DEBATS :

Après avoir entendu les parties en leurs explications à l’audience du 03 Décembre 2024, l’affaire a été mise en délibéré pour être rendu au 31 Janvier 2025 par mise à disposition au greffe.

JUGEMENT : réputé contradictoire et en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [V] [Z], salarié de la société [4] depuis le 28 août 2017 en qualité de coffreur-bancheur, a déclaré avoir été victime d’un accident de travail survenu le 3 mai 2021, dans des circonstances ainsi décrites aux termes de la déclaration complétée par l’employeur le 5 mai 2021 :
« Alors qu’il effectuait une manutention manuelle, le compagnon a ressenti une douleur au dos ».
La société [4] a joint à cette déclaration un courrier de réserves motivées.
Le certificat médical initial, établi le 3 mai 2021, fait état d’une « lombalgie avec sciatalgie L5S1 gauche ».
La Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de l’Essonne a diligenté une enquête administrative.
Par courrier du 2 août 2021, elle a notifié à la société [4] sa décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l’accident dont a été victime M. [Z] le 3 mai 2021.
M. [Z] a fait parvenir à la caisse un certificat médical « de rechute » daté du 1er juillet 2021 mentionnant une « sciatique par hernie discale ».
Par courrier du 26 octobre 2021, l’employeur a formulé des réserves motivées sur la nouvelle lésion déclarée par l’assuré.
Par avis du 19 novembre 2021, le médecin-conseil de la caisse a estimé que la nouvelle lésion décrite dans le certificat médical du 1er juillet 2021 était imputable à l’accident du travail du 3 mai 2021.
Le 25 novembre 2021, la CPAM de l’Essonne a pris en charge au titre de la législation professionnelle la nouvelle lésion déclarée par M. [Z].
Par courrier daté du 17 janvier 2022, la société [4] a saisi la commission médicale de recours amiable de la CPAM d’une contestation.
Par lettre recommandée avec accusé de réception expédiée le 19 mai 2022, la société [4] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Rennes d’un recours contre la décision implicite de rejet de la commission.
L’affaire a été évoquée à l’audience du 3 décembre 2024.
La société [4], dûment représentée, maintenant les termes de sa requête, demande au tribunal de :
Déclarer le recours formé par la société [4] recevable et bien-fondé ;A titre principal : sur le manquement de la caisse à ses obligations d’information,
Déclarer la décision de prise en charge de la nouvelle lésion du 1er juillet 2021 ainsi que l’ensemble des arrêts afférents inopposable à la société, faute pour la caisse de justifier du respect des obligations mises à sa charge par l’article R. 441-16 du Code de la sécurité sociale ;A titre subsidiaire : sur l’imputabilité des arrêts consécutifs à l’accident du 3 mai 2021,
Constater que la présomption d’imputabilité des arrêts de travail à l’accident ne peut s’appliquer en l’espèce ;Constater l’existence d’une difficulté d’ordre médical portant sur la réelle imputabilité des arrêts de travail indemnisés au titre de l’accident du 3 mai 2021 déclaré par M. [Z] ;

En conséquence :
Ordonner avant dire droit, la mise en œuvre d’une expertise judiciaire afin qu’il soit statué sur l’imputabilité des soins et arrêts prescrits à l’accident initialement déclaré, et notamment de : Se faire communiquer tous les documents, notamment médicaux en la possession de la CPAM de l’Essonne ou par le service du contrôle médical, afférents aux prestations prises en charge par la caisse du chef de l’accident du travail ;Décrire les lésions en relation de causalité directe et certaine avec l’accident du travail du 3 mai 2021 déclaré par M. [Z] ;Déterminer l’existence et l’incidence de l’état pathologique antérieur ou indépendant ;Dire quelle est la durée des arrêts de travail en relation directe avec l’accident du travail de M. [Z] du 3 mai 2021, en dehors de tout état antérieur ou indépendant ;Déterminer la date de consolidation des lésions en relation directe avec l’accident du travail du 3 mai 2021, en dehors de tout état antérieur ou indépendant ;En tout état de cause,
Condamner la CPAM de l’Essonne à verser à la société [4] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;Condamner la CPAM de l’Essonne aux entiers dépens.Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir en substance, sur le principe du contradictoire, qu’elle a formulé des réserves motivées dans le délai imparti, par lettre en date du 26 octobre 2021, réceptionnée le lendemain par la caisse, mais que cette dernière a notifié sa décision de prise en charge dès le 25 novembre suivant.
Sur le fond, la société [4] expose qu’il n’existe pas de continuité des symptômes et des soins dans la mesure où, d’une part, la caisse ne précise pas le motif médical de certains arrêts de travail et, d’autre part, il existe une interruption des arrêts du fait de la reprise d’une activité salariée entre le 17 mai et le 1er juin 2021. Elle estime qu’il existe un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte puisque M. [Z] a fait l’objet de plusieurs accidents du travail et rechutes en 2019 et 2020. Elle ajoute que quand bien même l’accident du 3 mai 2021 consisterait en une manifestation douloureuse temporaire de cet état pathologique antérieur, la prise en charge de l’accident aurait dû être limitée à la durée strictement imputable à l’accident, étant observé qu’elle ne dispose d’aucun élément permettant d’affirmer que l’accident litigieux a aggravé l’état antérieur. La société estime que la nouvelle lésion porte sur un étage discal distinct (L4-L5) de celui pris en charge initialement (L5-S1). Se référant à la note de son médecin-conseil, elle estime que si une rechute peut être prise en compte, c’est uniquement au titre de l’accident déclaré le 27 septembre 2019.
En réplique, la CPAM de l’Essonne, non représentée, a transmis des conclusions le 28 décembre 2023 dans le cadre de la mise en état, par lesquelles elle prie le tribunal de :
Dire et juger que les soins et arrêts de travail observés par M. [Z] relatifs à l’accident du travail du 3 mai 2021, bénéficient de la présomption d’imputabilité et sont donc opposables à la société [4], conformément à l’article L. 241-5 du Code de la sécurité sociale ;Dire et juger que c’est à bon droit que la CPAM de l’Essonne a pris en charge l’accident survenu à M. [Z] le 3 mai 2021 ;Constater que c’est à bon droit que la CPAM de l’Essonne a pris en charge la nouvelle lésion déclarée le 1er juillet 2021 et que cette lésion est imputable à l’accident du travail dont a été victime M. [Z] le 3 mai 2021 ;Rejeter la demande d’expertise médicale judiciaire ;Rejeter la demande formulée par la société [4] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.A l’appui de ses demandes, la caisse expose principalement, sur le principe du contradictoire, qu’elle a transmis les réserves de l’employeur à son service médical mais que le médecin-conseil de la caisse est tenu et non contraint de mettre en œuvre le questionnaire médical, de sorte que s’il ne l’estime pas nécessaire, il n’a pas l’obligation de l’adresser aux parties.
Sur le fond, elle indique que M. [Z] a bénéficié de prescriptions médicales d’arrêts et de soins du 4 mai 2021 au 30 novembre 2023, date de sa guérison administrative, et communique l’ensemble des avis et certificats médicaux. Elle affirme que M. [Z] a bénéficié du versement d’indemnités journalières jusqu’au 30 novembre 2023 de sorte que la présomption d’imputabilité s’applique jusqu’à cette date. La caisse fait en outre valoir que la société [4] ne rapporte pas la preuve d’un état pathologique préexistant, le médecin-conseil de l’employeur n’ayant pas examiné la victime et s’étant contenté de relayer l’étonnement de l’employeur. Elle estime qu’elle est lié par les avis de son service médical, que le simple doute de l’employeur sur l’imputabilité d’une nouvelle lésion n’a pas valeur probante et que la jurisprudence admet qu’aucune disposition du code de la sécurité sociale n’impose une procédure d’information de l’employeur dans le cadre de la prise en charge d’une nouvelle lésion.
Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il convient de se référer à leurs conclusions sus-citées, et ce en application de l’article 455 du Code de procédure civile.
A l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré au 31 janvier 2025 et rendue à cette date par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l’article 450 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant après débats en audience publique, par jugement réputé contradictoire, rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe de la juridiction,
DEBOUTE la société [4] de son recours,
CONDAMNE la société [4] aux dépens,
REJETTE la demande formée par la société [4] sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

La Greffière La Présidente

 


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