Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Rennes
Thématique : Difficultés de la désignation d’un mandataire successoral en l’absence de preuves suffisantes des droits des héritiers
→ RésuméMme [N] [G] est décédée le 04 août 2021 à [Localité 11]. Son héritage a conduit à des arriérés de charges de copropriété s’élevant à 8 542,06 €, entraînant une mise en demeure des héritiers. Le syndicat de copropriétaires a assigné ces derniers devant le tribunal judiciaire de Rennes pour désigner un mandataire successoral. Cependant, les héritiers n’ont pas comparu aux audiences, et le tribunal a constaté des irrégularités dans la procédure. La demande de désignation a été jugée irrecevable, faute de preuve d’acceptation de la succession. Les débats ont été réouverts pour permettre au syndicat de se conformer aux exigences légales.
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Cour d’appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
[Adresse 8] – tél : [XXXXXXXX01]
N°
Du 27 Novembre 2024
N° RG 24/03201
N° Portalis DBYC-W-B7I-KZC4
72A
c par le RPVA
le
à
Me Jean-briac JUNCKER
Expédition délivrée le:
à
Me Jean-briac JUNCKER
J U G E M E N T
DEMANDEUR :
Syndicat des copropriétaires [9] représentée par son syndic FONCIA ARMOR, dont le siège social est [Adresse 2]
représentée par Me Jean-briac JUNCKER, avocat au barreau de RENNES, substitué par Me ORESVE, avocat au barreau de Rennes, Me Eva CHOURAQUI, avocat au barreau de PARIS
DEFENDEURS :
Monsieur [C] [B], demeurant [Adresse 4]
non comparant
Madame [Z] [B], demeurant [Adresse 7]
non comparante
Madame [X] [B], demeurant [Adresse 5]
non comparante
LE PRESIDENT : Philippe BOYMOND, Vice-Président
LE GREFFIER : Claire LAMENDOUR, lors des débats et lors du prononcé, qui a signé la présente décision.
DEBATS : à l’audience publique du 25 Septembre 2024,
EXPOSE DU LITIGE
Suivant copie des registres de l’état civil de la commune de [Localité 10] (35), Mme [N] [G] est décédée à [Localité 11] (35) le 04 août 2021.
Suivant extrait cadastral, la défunte a été propriétaire, du moins en apparence, d’un appartement situé au [Adresse 3] à [Localité 10] (35) dans un immeuble soumis au statut de la copropriété.
Suivant lettres recommandées, datées des 17 août et 22 septembre 2022, avec accusé de réception, le syndicat de copropriétaires [9] a mis en demeure M. [C] [B] ainsi que Mmes [X] et [Z] [B], héritiers présumés de la défunte, d’avoir à lui régler la somme de 8 542,06 € au titre d’arriérés de charges de copropriété relatives à l’appartement précité.
Par actes de commissaire de justice des 13 février et 05 mars 2024, le syndicat de copropriétaires [9], sis [Adresse 6] à [Adresse 3] à [Localité 10] (le syndicat), a assigné M. [C] [B] et Mmes [X] et [Z] [B], devant le président du tribunal judiciaire de Rennes, statuant selon la procédure dite accélérée au fond, au seul visa de l’article 813-1 du code civil, aux fins de désignation d’un mandataire successoral, le tout sous le bénéfice des dépens et de l’allocation d’une somme de 2 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Lors de l’audience du 22 mai 2024, le syndicat, représenté par avocat, a sollicité le bénéfice de son assignation.
Les défendeurs n’ont pas comparu, ni ne sont fait représenter.
Par jugement avant dire droit du 28 juin 2024, la juridiction, au regard de l’irrégularité de l’appel au présent procès de Mme [X] [B], a invité le syndicat à lui faire délivrer une nouvelle citation, ce à quoi il a procédé par acte de commissaire de justice délivré à sa personne le 17 juillet suivant.
Bien que cette fois tous régulièrement assignés, les défendeurs n’ont ni comparu, ni ne se sont fait représenter.
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions du syndicat, il est renvoyé à son assignation.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l’office du juge
Il résulte des dispositions de l’article 472 du code de procédure civile que lorsque un ou plusieurs défendeurs ne comparaissent pas, comme en l’espèce, il est néanmoins statué sur la demande, le juge n’y faisant alors droit que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
La juridiction rappelle en outre au syndicat qu’elle n’est tenue de statuer sur les demandes de « constatations », de « décerner acte » ou de « dire et juger » que lorsqu’elles constituent des prétentions (Civ. 2ème 09 janvier 2020 n° 18-18.778 et 13 avril 2023 n° 21-21.463).
Sur la demande de désignation d’un mandataire successoral
L’article 32 du code de procédure civile dispose que :
« Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir ».
Le syndicat affirme, en premier lieu et à l’appui de sa demande, que Mme [N] [G], décédée le 04 août 2021 à [Localité 11], laisse pour héritiers ses enfants, à savoir M. [C] [B] et Mmes [X] et [Z] [B].
Toutefois, et alors même que les noms de famille des parties ne sont pas identiques, il ne verse aux débats aucune pièce de nature à justifier cette affirmation. Il ressort, en outre, que la défunte était divorcée de M. [V] [P] (pièce n°1), nom de famille également différent de celui des défendeurs.
Il en résulte que la demande est à ce stade irrecevable, faute de démonstration de la qualité à subir des défendeurs, laquelle s’apprécie au moment de l’introduction de la demande en justice .
Si dans le dispositif de son assignation ensuite, le syndicat sollicite au visa du seul article 813-1 du code civil la désignation d’un mandataire successoral aux fins, outre celle d’administration provisoire de la succession, de vente des lots de copropriétés que détenait la défunte, il ne développe pour autant aucun moyen dans sa discussion à l’appui de cette dernière prétention.
L’article 813-1 du code civil dispose que :
« Le juge peut désigner toute personne qualifiée, physique ou morale, en qualité de mandataire successoral, à l’effet d’administrer provisoirement la succession en raison de l’inertie, de la carence ou de la faute d’un ou de plusieurs héritiers dans cette administration, de leur mésentente, d’une opposition d’intérêts entre eux ou de la complexité de la situation successorale.
La demande est formée par un héritier, un créancier, toute personne qui assurait, pour le compte de la personne décédée, l’administration de tout ou partie de son patrimoine de son vivant, toute autre personne intéressée ou par le ministère public ».
L’article 813-4 du même code prévoit que :
« Tant qu’aucun héritier n’a accepté la succession, le mandataire successoral ne peut accomplir que les actes mentionnés à l’article 784, à l’exception de ceux prévus à son deuxième alinéa. Le juge peut également autoriser tout autre acte que requiert l’intérêt de la succession. Il peut autoriser le mandataire successoral à dresser un inventaire dans les formes prescrites à l’article 789, ou le demander d’office ».
Le syndicat ne justifie pas de l’acceptation de la succession par un héritier, ni même ne l’allègue, de sorte que le mandataire successoral, s’il venait à être désigné, en l’état de la présente procédure, ne pourrait accomplir que des actes purement conservatoires, de surveillance ou d’administration provisoire et non procéder à un acte de disposition.
Il en résulte que le syndicat est mal fondé en sa demande.
Le syndicat sollicite enfin une condamnation solidaire des défendeurs, mais sans s’expliquer sur le fondement juridique qui justifierait une telle solidarité.
L’article 16 du code de procédure civile dispose que :
« Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement ».
Afin d’épargner au syndicat le rejet de ses demandes, une réouverture des débats sera ordonnée afin de lui permettre de se mettre en état.
La juridiction lui fait enfin observer qu’il ne justifie pas non plus avoir autorisé son syndic à introduire la présente demande en justice, laquelle ne peut être regardée en une action en recouvrement de charges de copropriété et qu’il s’expose, en conséquence, à ce que l’un ou l’autre des défendeurs, s’il venait à comparaître, lui soulève une nullité de fond.
Sur les demandes accessoires
Les dépens, et donc les frais irrépétibles, seront réservés.
DISPOSITIF
La juridiction présidentielle, statuant au nom du peuple français, par jugement mis à disposition au greffe :
ORDONNE la réouverture des débats à l’audience du 22 janvier 2025 à 9h ;
et INVITE le syndicat de copropriétaires [9], sis [Adresse 6] à [Adresse 3] à [Localité 10] à produire ses observations sur les points de droit suivants :
– recevabilité de sa demande ;
– mission du mandataire successoral s’il venait à être désigné ;
– solidarité des défendeurs ;
RESERVE dans cette attente l’examen des demandes.
La greffière Le magistrat délégué
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