Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Rennes
Thématique : Saisies et créances : enjeux de propriété et de notification
→ RésuméContexte du litigeLe tribunal de grande instance de Créteil a rendu un jugement le 23 juin 2015, condamnant monsieur [I] [V] et madame [C] [V] à payer 50.729,99 € à la société SYGMA BANQUE, avec des intérêts. La société a été déboutée de ses autres demandes, et l’exécution provisoire du jugement a été ordonnée. La signification de la décision a été effectuée le 17 juillet 2015. Commandement de payer et saisie-venteLe 27 février 2024, la SAS EOS FRANCE a délivré un commandement de payer à monsieur [I] [V] pour obtenir le paiement d’une somme totale de 58.728,98 €, en lien avec le jugement de 2015. Un procès-verbal de saisie-vente a été établi le 7 mai 2024, entraînant une contestation de la part de monsieur [I] [V] devant le juge de l’exécution. Contestation de la saisie-venteMonsieur [I] [V] a contesté la saisie-vente, arguant que la SAS EOS FRANCE n’avait pas la qualité de créancière. Il a également soulevé des questions sur la régularité de la signification du jugement de 2015, affirmant qu’il n’avait pas été correctement informé, ce qui l’avait empêché d’exercer ses droits de recours. Arguments de la SAS EOS FRANCELa SAS EOS FRANCE a soutenu qu’elle avait acquis la créance de SYGMA BANQUE par le biais de fusions et d’une cession de créance. Elle a affirmé que la signification du jugement était valide et que monsieur [I] [V] ne pouvait pas contester la saisissabilité des biens saisis, car il n’avait pas respecté les délais légaux. Décision du juge de l’exécutionLe juge a confirmé que la SAS EOS FRANCE avait la qualité de créancière et que le jugement de 2015 était toujours exécutoire. Cependant, il a également constaté la nullité partielle de la saisie-vente concernant certains biens, notamment une imprimante et un canapé, en raison de leur propriété respective. La mainlevée partielle de la saisie a été ordonnée pour ces biens. Conséquences financièresMonsieur [I] [V] a été condamné à payer des frais à la SAS EOS FRANCE, ainsi qu’à couvrir les dépens de la procédure. La demande de remboursement des frais irrépétibles a été rejetée, et l’exécution provisoire a été maintenue. |
Cour d’appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
[Adresse 6] – tél : [XXXXXXXX01]
JUGE DE L’EXÉCUTION
Audience du 16 Janvier 2025
Affaire N° RG 24/04438 – N° Portalis DBYC-W-B7I-LBMB
RENDU LE : SEIZE JANVIER DEUX MIL VINGT CINQ
Par Mélanie FRENEL, Juge chargé de l’exécution, statuant à Juge Unique.
Assistée de Annie PRETESEILLE, Greffier, lors des débats et lors du prononcé, qui a signé la présente décision.
ENTRE :
– Monsieur [I] [V]
né le [Date naissance 3] 1973 à [Localité 9], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Aude NORMANT, avocat au barreau de RENNES
Partie(s) demanderesse(s)
ET :
– La société EOS FRANCE (anciennement dénommée EOS CREDIREC et venant aux droits de la société SYGMA BANQUE), société par actions simplifiée inscrite au RCS de PARIS sous le n° B 488 825 217, ayant son siège social sis [Adresse 7], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège ;
Ayant pour Avocat CRÉHANGE & KLEIN Associés (SELARL) – Maître Cédric KLEIN , avocat au Barreau de PARIS et Maître Vincent BERTHAULT de la SELARL HORIZONS, avocat au barreau de RENNES, substitué à l’audience par Me MASSON
Partie(s) défenderesse(s)
DEBATS :
L’affaire a été plaidée le 05 Décembre 2024, et mise en délibéré pour être rendue le 16 Janvier 2025 .
JUGEMENT :
En audience publique, par jugement Contradictoire
En PREMIER RESSORT, par mise à disposition au Greffe
EXPOSÉ DU LITIGE
Par jugement du 23 juin 2015, le tribunal de grande instance (devenu tribunal judiciaire) de Créteil a :
– condamné solidairement monsieur [I] [V] et madame [C] [V] à payer à la société SYGMA BANQUE la somme de 50.729,99 € avec intérêts au taux contractuel de 7.79 % sur la somme de 45.123,71 € à compter du 24 août 2014 ;
– débouté SYGMA BANQUE de toutes ses autres demandes ;
– ordonné l’exécution provisoire du jugement ;
– condamné solidairement monsieur et madame [V] aux dépens.
La décision a été signifiée le 17 juillet 2015 à monsieur [I] [V] et madame [C] [V] selon les modalités de l’article 659 du Code de procédure civile.
Le 27 février 2024, la SAS EOS FRANCE a fait délivrer à monsieur [I] [V] un commandement de payer aux fins de saisie-vente et signification d’une cession de créance et du titre exécutoire pour obtenir paiement de la somme totale de 58.728,98 € en principal, intérêts et frais en exécution du jugement précité.
Un procès-verbal de saisie-vente a été établi le 7 mai 2024.
Le 14 juin 2024, monsieur [I] [V] a fait assigner la SAS EOS FRANCE devant le juge de l’exécution afin de contester ce dernier acte.
Après trois renvois destinés à permettre aux parties d’échanger leurs pièces et conclusions, l’affaire a été retenue à l’audience du 5 décembre 2024, les parties s’en rapportant à leurs conclusions respectives.
Aux termes de conclusions n°2 notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 29 octobre 2024, monsieur [I] [V] demande au juge de l’exécution de :
“Vu les articles 478, 503, 654 et 659 du Code de procédure civile,
Vu les articles L.111-2, L.111-3, L.221-1 et R.221-50 du Code des procédures civiles d’exécution,
– Dire et juger Monsieur [V] recevable et bien fondé en l’ensemble de ses demandes,
fins et conclusions,
– Débouter la société EOS FRANCE de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions,
A titre principal
– Constater que la société EOS FRANCE n’a pas la qualité de créancière à l’encontre de Monsieur [I] [V] ;
En conséquence,
– Ordonner la mainlevée immédiate de la mesure de saisie-vente pratiquée par l’étude d’huissier [N] ET ASSOCIES à la demande de la société EOS FRANCE et dénoncé à Monsieur [V] le 7 mai 2024 ;
A titre subsidiaire
– Constater l’absence de notification régulière à Monsieur et Madame [V] du jugement rendu le 23 juin 2015 par le Tribunal de Grande Instance de CRETEIL dans les six mois de sa date et le préjudice qui en résulte ;
En conséquence,
– Dire et juger la signification du 17 juillet 2015 réalisée par l’étude d’huissier [U] [Z] [B] nulle ;
– Dire et juger que le jugement du 23 juin 2015 prononcé par le Tribunal de Grande Instance de CRETEIL est non-avenu,
– Ordonner la mainlevée immédiate de la mesure de saisie pratiquée par l’étude d’huissier [N] ET ASSOCIES à la demande de la société EOS FRANCE et dénoncé à Monsieur [V] le 7 mai 2024,
A titre infiniment subsidiaire
– Constater que la saisie pratiquée à l’encontre de Monsieur [I] [V] porte, en partie, sur des biens dont il n’est pas propriétaire ;
En conséquence,
-Dire et juger nulle la mesure de saisie-vente portant sur les biens suivants: un canapé en tissus, un ordinateur APPLE, une tablette SAMSUNG ;
En tout état de cause
– Condamner la société EOS FRANCE à verser à Monsieur [V] une somme de 1.800€ au titre des frais irrépétibles,
– La condamner aux entiers dépens.”
Monsieur [I] [V] se prévaut de la nullité de la procédure de saisie-vente pour défaut de qualité de la SAS EOS FRANCE. Il soutient que la chaîne de créanciers n’est pas démontrée, le titre exécutoire ayant été rendu au bénéfice de SYGMA BANQUE dont le siège social est selon le jugement à [Localité 8], et la série de fusions absorptions alléguée par la défenderesse ne faisant intervenir qu’une société SYGMA BANQUE dont le siège social est à [Localité 10].
Subsidiairement, il prétend qu’il n’est pas justifié que la créance cédée corresponde à celle du titre exécutoire.
A titre subsidiaire, monsieur [I] [V] conteste la régularité de la signification du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Créteil, en faisant valoir que les diligences accomplies par l’huissier de justice pour vérifier son adresse lors de la signification de cette décision sont insuffisantes. Il soutient que cette signification irrégulière lui a causé grief en ce qu’il s’est trouvé privé de la possibilité d’exercer un recours dans le délai légal et de celle d’exécuter la décision pour limiter la progression des intérêts. Il en déduit que le jugement fondant les poursuites doit être déclaré non avenu faute d’avoir été régulièrement signifié dans les six mois de sa date.
Monsieur [I] [V] fait ensuite valoir que deux des biens saisis ne pouvaient l’être car ils appartiennent à sa nouvelle épouse avec laquelle il est marié sous le régime de la séparation de biens. A la SAS EOS FRANCE qui lui oppose qu’il ne peut plus demander la nullité de la saisie portant sur un bien dont il n’est pas propriétaire dans la mesure où le délai d’un mois prévu par l’article R. 221-53 du Code de procédure civile d’exécution serait expiré, il rétorque que cette disposition ne s’applique qu’aux contestations afférentes à la saisissabilité des biens, non à celles concernant leur propriété.
En défense, aux termes de conclusions notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 9 octobre 2024, la SAS EOS FRANCE demande au juge de l’exécution de :
“Vu le Jugement rendu le 23 juin 2015 par le Tribunal de grande instance de CRETEIL,
Vu les articles L. 111-3 et suivants, L. 221-1 et suivants, R. 221-1 et suivants, et R. 221-53 du Code des procédures civiles d’exécution,
Vu les jurisprudences citées,
Vu les pièces produites aux débats,
– Déclarer irrecevable, puisque tardif, Monsieur [I] [V] dans sa contestation de la saisissabilité de certains biens saisis le 7 mai 2024 ;
– Valider la saisie-vente pratiquée le 7 mai 2024 et dont les effets se poursuivront ;
– Débouter Monsieur [I] [V] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
– Condamner Monsieur [I] [V] à payer à la société EOS FRANCE somme de 1.000 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– Condamner Monsieur [I] [V] aux entiers dépens.”
La SAS EOS FRANCE explique qu’elle était anciennement dénommée EOS CREDIREC et qu’elle vient aux droits de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE en vertu d’une cession de créance. Elle précise que cette dernière société était devenue créancière du débiteur par suite de plusieurs fusions absorptions successives dont l’une en date 1er septembre 2015 a concerné la société SYGMA BANQUE. Elle soutient que l’ensemble des pièces qu’elle verse aux débats permet d’identifier et d’individualiser la créance détenue à l’égard de monsieur [I] [V] et que la preuve de sa qualité à agir est établie dès lors que la créance dont elle poursuit le recouvrement est incontestablement celle qui avait été souscrite initialement par le demandeur. Elle ajoute que la cession de créance a été signifiée à monsieur [I] [V] et lui est donc opposable.
Elle indique disposer d’un titre exécutoire définitif et conteste que la signification du jugement soit irrégulière, ayant été réalisée à la dernière adresse connue des débiteurs et en conformité avec les prescriptions de l’article 659 du Code de procédure civile quant aux diligences accomplies pour rechercher le destinataire de l’acte.
La défenderesse ajoute que monsieur [I] [V] ne peut prétendre avoir subi un grief pour avoir été privé de l’exercice d’une voie de recours alors qu’il n’a pas sollicité de relevé de forclusion à cette fin lorsque le titre exécutoire lui a été signifié à personne le 27 février 2024 en même temps que la cession de créance.
Se prévalant des dispositions de l’article R. 221-53 du Code de procédure civile d’exécution, la SAS EOS FRANCE prétend que la contestation de monsieur [I] [V] quant à la saisissabilité de certains biens est tardive et de ce fait irrecevable. Sur le fond, elle prétend que monsieur [I] [V] ne justifie pas que son épouse soit propriétaire de l’imprimante et du canapé saisis.
Pour un plus ample exposé des moyens en fait et en droit des parties, il est renvoyé au détail de leurs conclusions respectives conformément à l’article 455 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le juge de l’exécution, statuant publiquement, par jugement contradictoire mis à disposition au greffe et en premier ressort,
– DÉBOUTE la SAS EOS FRANCE de sa demande tendant à voir déclarer irrecevable la contestation de monsieur [I] [V] sur la propriété de certains biens saisis ;
– CONSTATE la nullité partielle du procès-verbal de saisie-vente dressé le 7 mai 2024 en ce qu’il porte sur l’imprimante CANON qui appartient à madame [O] [H] épouse [V] et le canapé en tissu, bien indivis ;
– ORDONNE la mainlevée partielle de la saisie-vente dressée par acte du 7 mai 2024 en ce qu’il porte sur ces biens précis ;
– VALIDE, pour le surplus des biens saisis, le procès-verbal de saisie-vente du 7 mai 2024 ;
– CONDAMNE monsieur [I] [V] à payer à la SAS EOS FRANCE une indemnité de huit cents euros (800 €) au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– REJETTE le surplus des demandes ;
– CONDAMNE monsieur [I] [V] au paiement des dépens de la présente procédure ;
– RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit en application de l’article R. 121-21 du Code des procédures civiles d’exécution.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe les jour, mois et an que dessus,
Le Greffier, Le Juge de l’Exécution,
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