Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Poitiers
Thématique : Responsabilité médicale et indemnisation des préjudices corporels : enjeux et conséquences.
→ RésuméConsultation et interventions dentairesM. [T] [D] a consulté le Docteur [I]-[X] [A] pour un contrôle dentaire et des douleurs. Après une radiographie panoramique, le Docteur [A] a recommandé l’extraction de trois dents, dont deux ont été extraites le 4 novembre 2014 et la troisième le 16 novembre 2014. M. [T] [D] a refusé de remplacer ces dents par des appareils amovibles. Complications post-opératoiresSuite aux extractions, M. [T] [D] a souffert de douleurs et a été diagnostiqué avec une alvéolite, traitée par le Docteur [P] le 24 novembre 2014. Il a ensuite consulté d’autres dentistes pour évaluer la nécessité de remplacer ses dents, et le Docteur [L] a remis en question la nécessité des extractions. Expertises judiciairesLe 20 décembre 2017, le Président du Tribunal judiciaire de Poitiers a ordonné une expertise, confiée au Docteur [G], qui a conclu à une faute du Docteur [A] dans sa prise en charge. En décembre 2018, le tribunal a condamné le Docteur [A] et la MACSF à verser une provision de 5.000 euros à M. [T] [D]. Soins dentaires ultérieursM. [T] [D] a poursuivi ses soins dentaires, bénéficiant d’un traitement orthodontique par le Docteur [Y] jusqu’en mai 2020. En juillet 2020, il a consulté le Docteur [E] pour un sinus lift et la pose d’implants, suivis par des prothèses réalisées par le Docteur [O] en 2021. Nouvelle expertise et action en justiceUne nouvelle expertise a été ordonnée le 30 mars 2022, réalisée par le Docteur [H], qui a évalué divers préjudices, notamment un déficit fonctionnel temporaire et des dépenses de santé. M. [T] [D] a ensuite engagé une action en justice pour obtenir une indemnisation de son préjudice corporel. Demandes de M. [T] [D]M. [T] [D] a demandé au tribunal de reconnaître la responsabilité du Docteur [A] et de la MACSF, et de les condamner à verser un total de 116.323,54 euros en réparation de ses préjudices, incluant des préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux. Réponse des défendeursLe Docteur [A] et la MACSF ont contesté les montants demandés par M. [T] [D], proposant une évaluation inférieure de ses préjudices et demandant la déduction des sommes déjà versées. Ils ont également rejeté les demandes relatives à l’incidence professionnelle. Évaluation des préjudicesLe tribunal a examiné les rapports d’expertise et a retenu la date de consolidation au 25 octobre 2021. Il a reconnu le principe de l’indemnisation des préjudices subis par M. [T] [D], en se basant sur les éléments fournis par les experts. Décision du tribunalLe tribunal a déclaré le Docteur [A] responsable et a condamné in solidum le Docteur [A] et la MACSF à verser à M. [T] [D] la somme de 22.155,61 euros, décomposée en préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux. M. [T] [D] a été débouté de certaines de ses demandes, notamment celles concernant l’incidence professionnelle. |
MINUTE N° :
DOSSIER : N° RG 23/02452 – N° Portalis DB3J-W-B7H-GDMQ
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE POITIERS
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
JUGEMENT DU 26 NOVEMBRE 2024
DEMANDEUR :
Monsieur [T] [D]
demeurant [Adresse 5]
Représenté par Me Emmanuel GIROIRE REVALIER, avocat au barreau de POITIERS
DÉFENDEURS :
MUTUELLE VIA SANTÉ
dont le siège social est sis [Adresse 2]
Non constituée
CPAM DU VAR
dont le siège social est sis [Adresse 3]
Non constituée
MACSF
dont le siège social est sis [Adresse 1] / FRANCE
Représentée par Me Thomas DROUINEAU, avocat au barreau de POITIERS
Docteur [I] [A]
demeurant [Adresse 4]
Représenté par Me Thomas DROUINEAU, avocat au barreau de POITIERS
LE :
Copie simple à :
– Me GIROIRE REVALIER
– Me DROUINEAU
Copie exécutoire à :
– Me GIROIRE REVALIER
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
PRÉSIDENT : Sébastien VANDROMME-DEWEINE, Juge
Statuant par application des articles 812 à 816 du Code de Procédure Civile, avis préalablement donné aux avocats.
GREFFIER LORS DE L’AUDIENCE : Thibaut PAQUELIN
GREFFIER LORS DE LA MISE A DISPOSITION : Marie PALEZIS
Débats tenus publiquement à l’audience à juge unique du 01 octobre 2024.
EXPOSE DU LITIGE
M. [T] [D] a consulté de Docteur [I]-[X] [A], chirurgien-dentiste, pour un contrôle de routine ainsi que la présence de quelques douleurs dentaires.
Le Docteur [I] [A] lui a conseillé de réaliser une radiographie panoramique. A la suite de l’imagerie médicale, celui-ci a conclu à la nécessité de faire extraire les dents numéros 15, 16 en raison de carries et la dent 46 du fait d’un abcès.
Les deux premières extractions ont eu lieu le 4 novembre 2014 et la troisième le 16 novembre 2014. M. [T] [D] a refusé que le Docteur [I] [A] propose de remplacer ces dents retirées par des appareils amovibles.
A la suite de ces interventions, M. [T] [D] a ressenti des douleurs. Une alvéolite lui a été diagostiquée puis soignée par le Docteur [P] le 24 novembre 2014.
Ce dernier a ensuite consulté les Docteurs [J] et [L] afin de remplacer ses dents retirées. Le Docteur [L] a remis en cause le bien-fondé de ces édentations.
M. [T] [D] s’est ensuite adressé au Docteur [U], orthodontiste du fait d’une version (inclinaison anormale) des dents 17 et 47 avant de mettre en place un traitement implantaire. M. [T] [D] a refusé la proposition du praticien visant à réaliser un traitement global pour corriger les versions précitées et d’autres malpositions sans lien avec les actes prodigués par le Docteur [A], ceci pour des raisons financières.
Par ordonnance de référé du 20 décembre 2017, le Président du Tribunal judiciaire de POITIERS a ordonné une expertise de M. [T] [D] et a commis pour y procéder le Docteur [G].
Le Docteur [G] a déposé son rapport en mai 2018. Il a conclu que le Docteur [A] avait commis une faute dans sa prise en charge. Il a également indiqué que l’état de M. [T] [D] n’était pas consolidé.
Par ordonnance de référé du 05 décembre 2018, le Président du Tribunal judiciaire de POITIERS a condamné le Docteur [A] et la société MACSF à verser à M. [T] [D] une provision d’un montant de 5.000 euros.
M. [T] [D] a repris les soins dentaires et a bénéficié d’un traitement d’orthodontie par le Docteur [Y]. Le traitement s’est terminé en mai 2020.
M. [T] [D] a enfin consulté le Docteur [E] en juillet 2020 qui a procédé à un soulevé de sinus et à la pose d’implants au niveau des emplacements 15, 16 et 46. Il a ensuite été consulter le Docteur [O] qui a réalisé des prothèses sur implants pour chacune de ces trois dents en mars et octobre 2021.
Une nouvelle ordonnance de référé a été rendu par le Président du Tribunal judiciaire de POITIERS le 30 mars 2022 ordonnant une nouvelle expertise médicale de M. [D] et désignant le Docteur [H] afin d’y procéder.
Le Docteur [M] [H] a déposé son rapport le 05 décembre 2022.
Il y a relevé les éléments suivants :
– Déficit fonctionnel temporaire : 2 % du 19 novembre 2014 au 25 octobre 2021
– Perte de gains professionnels actuels : aucun
– Souffrances endurées 2/7
– Préjudice esthétique temporaire : 0,5/7
– Date de consolidation : 25 octobre 2021
– Déficit fonctionnel permanent : aucun
– Préjudice esthétique permanent : aucun
– Répercussions des séquelles : sans objet
– Dépenses de santé actuelles : 7.877,91 euros
– Dépenses de santé futures : renouvellement des couronnes implantaires de 15 et 16 tous les 15 ans
Par les actes d’huissier de justice suivants :
Assignation du 07 septembre 2023 à personne habilitée pour la CPAM du VAR ;Assignation du 12 septembre 2023 à personne pour M. [I] [A] ;Assignation du 21 septembre 2023 à personne habilitée pour MUTUELLE VIA SANTE ;Assignation du 20 septembre 2023 à personne habilitée pour MACSF ASSURANCES ;M. [T] [D] a engagé une action en justice devant le tribunal judiciaire de Poitiers (1ère chambre civile) aux fins d’obtenir l’indemnisation de son préjudice corporel.
En demande, M. [T] [D], suivant dernières conclusions notifiées par RPVA le 20 mars 2024, demande au tribunal de notamment :
“ JUGER les demande de M. [T] [D] recevables et bien fondées.
JUGER M. [I] [A] – chirurgien dentiste – est responsable des préjudices subis par M. [T] [D].
JUGER que la société Mutuelle d’Assurance du Corps de Santé Français (MACSF) est tenue à l’indemnisation intégrale des préjudices de M. [D] en sa qualité d’assureur de responsabilité professionnelle du Dr [I] [A].
CONDAMNER in solidum le Dr [I] [A] et la Société Mutuelle d’Assurance du Corps de Santé Français (MACSF), à lui verser la somme totale de 116.323,54 € en deniers et quittances, en réparation des préjudices subis à la suite de la prise en charge du Dr [A] en 2014, selon décompte suivant et à laquelle il conviendra de déduire les provisions versées :
A. SUR LES PREJUDICES PATRIMONIAUX 102.045,64 €
1. Sur les préjudices patrimoniaux temporaires 8.723,07 €
a) Dépenses de santé temporaires 8.195,68 €
b) Frais divers 527,39 €
2. Sur les préjudices patrimoniaux définitifs 93.322,57 €
a) Dépenses de santé définitives 33.322,57 €
b) Incidence professionnelle 60.000,00 €
B) SUR LES PREJUDICES EXTRAPATRIMONIAUX 14.277,90 €
1. Sur les préjudices extrapatrimoniaux temporaires 14.277,90 €
a) Déficit fonctionnel temporaire 2.277,90 €
b) Souffrances endurées 10.000,00 €
c) Préjudice esthétique temporaire 2.000,00 €
CONDAMNER in solidum le Dr [I] [A] et la Société Mutuelle d’Assurance du Corps de Santé Français (MACF), à verser la somme de 15.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
CONDAMNER in solidum le Dr [I] [A] et la société Mutuelle d’Assurance du Corps de Santé Français (MACSF) aux entiers dépens, comprenant notamment les frais d’expertise.
JUGER n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
DECLARER le jugement à intervenir comme et opposable à la Caisse primaire d’assurance maladie du Var, et la société MUTUELLE VIA SANTE.
REJETER l’ensemble des demandes contraires formulées par le Dr [I] [A] et la Société Mutuelle d’Assurance du Corps de Santé Français (MACSF)”.
En défense, M. [I]-[X] [A] et la MACSF, suivant dernières conclusions notifiées par RPVA le 05 octobre 2023, demandent au tribunal de notamment :
“ EVALUER les préjudices subis par M. [T] [D] comme suit :
Sur les préjudices patrimoniaux : – Dépenses de santé actuelles : 6.580,95 €
– Frais divers : 263,70 €
– Dépenses de santé futures : 2.181,22 €
Sur les préjudices extrapatrimoniaux :- Déficit fonctionnel temporaire : 1.266,50 €
– Souffrances endurées : 2.800 €
– Préjudice esthétique temporaire : 300 €
DEDUIRE [de la somme ] allouée à M. [T] [D] le montant dont il a d’ores et déjà bénéficié de la part de la MACF d’un montant total de 7.500 € comprenant les sommes dues au titre de l’ordonnance du 10 décembre 2018 (5.700 €) et celles dues au titre de l’ordonnance du 30 mars 2022 (1.800 €)
REJETER toute demande plus ampl ou contraire formulée par M. [T] [D] à l’encontre du Docteur [A] et de son assureur la MACSF
STATUER ce que de droit sur les dépens”
Par application de l’article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties au titre des moyens et arguments développés, lesquels seront repris en tout état de cause dans les motifs de la décision.
La Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) du VAR n’a pas constitué avocat. Par courrier adressé à la juridiction le 19 septembre 2023, la CPAM du VAR a indiqué ne pas intervenir à l’instance. Elle a précisé que ses débours définitifs s’élevaient à 531,43 €.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 avril 2024. L’audience a été fixée au 1er octobre 2024 et le délibéré au 26 novembre 2024.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement, en premier ressort, par jugement réputé contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,
DÉCLARE le Docteur [I] [A] responsable du préjudice subi par M. [T] [D] ;
CONDAMNE in solidum le Docteur [I] [A] et la société MUTUELLE D’ASSURANCE DU CORPS DE SANTE FRANCAIS à verser à M. [T] [D], la somme de 22.155,61 euros, décomposée comme il suit :
– Préjudices patrimoniaux temporaires
8.195,68 euros au titre des frais médicaux471,59 euros au titre des frais divers- Préjudices patrimoniaux permanents
7.721,84 euros au titre des frais médicaux à venir- Préjudices extrapatrimoniaux temporaires
1.266,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire3.000 euros au titre des souffrances endurées500 euros au titre du préjudice esthétique temporaireavant déduction de toute provision déjà versée dont notamment la provision de 5.000 euros suivant ordonnance de référé du 05 décembre 2018 ;
DÉBOUTE M. [T] [D] du surplus de ses demandes, dont sa demande au titre de l’incidence professionnelle ;
CONSTATE que les débours versés par la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU VAR s’élèvent à un total de 531,43 euros ;
CONSTATE que la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE n’a formulé aucune demande d’indemnisation ;
CONDAMNE in solidum M. [I] [A] et la société MUTUELLE D’ASSURANCE DU CORPS DE SANTE FRANCAIS à verser à M. [T] [D] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE in solidum M. [I] [A] et la société MUTUELLE D’ASSURANCE DU CORPS DE SANTE FRANCAIS aux dépens dont les frais d’expertise judiciaire, sans recouvrement direct au profit d’aucun conseil ;
DÉCLARE à toutes fins le jugement commun et opposable à la CPAM DU VAR ;
MAINTIENT l’exécution provisoire en totalité ;
Le greffier Le Président
Laisser un commentaire