Tribunal judiciaire de Poitiers, 26 novembre 2024, RG n° 23/01885
Tribunal judiciaire de Poitiers, 26 novembre 2024, RG n° 23/01885

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Poitiers

Thématique : Indemnité d’immobilisation et conditions suspensives : enjeux d’une promesse de vente contestée

Résumé

Par acte notarié du 17 novembre 2022, M. [F] [B] a consenti à M. [G] [K] et Mme [W] [S] une promesse de vente d’une maison, avec expiration au 28 février 2023. M. [F] [B] a assigné les bénéficiaires en justice pour obtenir le paiement d’une indemnité d’immobilisation de 13.500 euros, arguant que toutes les conditions suspensives étaient remplies. En réponse, M. [G] [K] et Mme [W] [S] ont justifié leur désistement par un dégât des eaux, dissimulé selon eux par M. [F] [B]. Le tribunal a conclu en faveur des défendeurs, rejetant la demande de M. [F] [B].

Minute N° :
DOSSIER : N° RG 23/01885 – N° Portalis DB3J-W-B7H-GB3P

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE POITIERS

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

JUGEMENT DU 26 NOVEMBRE 2024

DEMANDEUR :

Monsieur [F] [B]
demeurant [Adresse 1]

Représenté par Me Damien GENEST, avocat au barreau de POITIERS

DÉFENDEURS :

Monsieur [G] [K]
demeurant [Adresse 2]

Représenté par Me Philippe BROTTIER, avocat au barreau de POITIERS

Madame [W] [S]
demeurant [Adresse 2]

Représentée par Me Philippe BROTTIER, avocat au barreau de POITIERS

LE :

Copie simple à :
– Me BROTTIER
– Me GENEST

Copie exécutoire à :
– Me BROTTIER

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

PRÉSIDENT : Sébastien VANDROMME-DEWEINE, Juge

Statuant par application des articles 812 à 816 du Code de Procédure Civile, avis préalablement donné aux avocats.

GREFFIER LORS DE L’AUDIENCE : Thibaut PAQUELIN
GREFFIER LORS LA MISE A DISPOSITION : Marie PALEZIS

Débats tenus publiquement à l’audience à juge unique du 01 octobre 2024.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte notarié du 17 novembre 2022, M. [F] [B] a consenti à M. [G] [K] et Mme [W] [S] une promesse de vente d’une maison d’habitation, expirant au 28 février 2023, et sous diverses conditions suspensives au profit des bénéficiaires, avec la stipulation d’une indemnité d’immobilisation de 13.500 euros à la charge des bénéficiaires s’ils devaient ne pas lever l’option alors que toutes les conditions suspensives auraient été réalisées.

Par deux actes d’huissier de justice des 12 et 18 juillet 2023, M. [F] [B] a fait assigner M. [G] [K] et Mme [W] [S] devant le tribunal judiciaire de Poitiers (1ère chambre civile) en demandant au juge de :
Condamner solidairement M. [G] [K] et Mme [W] [S] à lui payer la somme de 13.500 euros à titre d’indemnité d’immobilisation prévue par la promesse de vente du 17 novembre 2022 avec intérêts au taux légal à compter de la date des mises en demeure du 27 mars 2023 ;Les condamner solidairement au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
En demande, M. [F] [B], suivant dernières conclusions notifiées par RPVA le 06 mai 2024, demande au tribunal de notamment :
Condamner solidairement M. [G] [K] et Mme [W] [S] à lui payer la somme de 13.500 euros à titre d’indemnité d’immobilisation prévue par la promesse de vente du 17 novembre 2022 avec intérêts au taux légal à compter de la date des mises en demeure du 27 mars 2023 ;Les condamner solidairement au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Au soutien de sa position, M. [F] [B] expose qu’il a fait réaliser toutes les conditions suspensives mais que les bénéficiaires de la promesse n’ont pas levé l’option d’achat de sorte qu’ils lui sont redevables de l’indemnité d’immobilisation. Il soutient que c’est de mauvaise foi que les bénéficiaires invoquent un prétendu dégât des eaux entre le 03 et le 06 février 2023, alors qu’il ne s’agit que d’une fuite de robinetterie qui n’a pas occasionné de dégâts à la maison et qui a été rapidement réparée. Il conteste par ailleurs les allégations des défendeurs selon lesquelles toutes les conditions suspensives n’auraient pas été réalisées, en soulignant que ce motif n’a pas été invoqué en février 2023 lorsque les bénéficiaires lui ont indiqué qu’ils renonçaient à poursuivre l’achat. Il contredit enfin les derniers développements des défendeurs quant à une difficulté autour des agrafes posées par le maçon, et l’absence d’assurance décennale alors que la maison a été construite il y a plus de dix ans. Il souligne enfin qu’en droit l’indemnité d’immobilisation n’est pas une clause pénale de sorte qu’elle n’est pas susceptible de réduction par le juge.

En défense, M. [G] [K] et Mme [W] [S], suivant dernières conclusions notifiées par RPVA le 12 août 2024, demande au tribunal de notamment :
Juger irrecevable et mal fondé M. [F] [B] en toutes ses demandes, l’en débouter ;Condamner M. [F] [B] à leur payer 3.000 euros à titre de dommages et intérêts ;Ecarter l’exécution provisoire sur les demandes de M. [F] [B] ;Condamner M. [F] [B] à leur payer la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;Condamner M. [F] [B] aux dépens.
Au soutien de leur position, M. [G] [K] et Mme [W] [S] exposent qu’ils se sont désistés le 22 février 2023 de leur engagement en raison d’un dégât des eaux qui a affecté le bien qu’ils prévoyaient d’acheter, que ce sinistre qui a couru du 03 au 06 février 2023 ne peut être valablement contesté par M. [F] [B] lequel avait tenté d’en dissimuler l’ampleur par des cartons lors d’une visite, que l’intervention de la SARL BRIMAUD pour un coût modique afin de mettre fin à la cause de la fuite ne permet pas d’apprécier le coût des réparations à prévoir pour toutes les conséquences du sinistre étant observé que l’eau a manifestement coulé sans interruption pendant 48H au moins.

Les défendeurs soutiennent que des traces d’humidité sont décelables dans le bien, qu’en tout état de cause les conséquences d’un tel dégât des eaux sont difficiles à mesurer immédiatement notamment quant aux effets de l’eau sur des matériaux ou isolants qui ne devraient en principe pas être mouillés, et que les attestations de la SARL BRIMAUD sont suspectes. Les défendeurs rappellent que la promesse de vente leur réserve une faculté de se dégager de leur engagement en cas de sinistre dans le bien avant la réalisation de la vente. Il soutiennent en outre que diverses clauses suspensives n’ont pas été réalisées par le promettant M. [F] [B] contrairement à ce qu’il soutient, notamment quant au portail choisi, au défaut d’installation de la porte de la douche, et qu’il ne peut justifier de l’intervention d’un professionnel et du respect des règles de l’art pour les agrafes et l’enduit. Enfin les défendeurs justifient leur demande indemnitaire au regard de l’abus par M. [F] [B] de son droit d’agir en justice.

La clôture a été prononcée par ordonnance au 13 septembre 2024 et l’affaire a été fixée à l’audience du 1er octobre 2024.

Avis a été donné que la décision était mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 26 novembre 2024.

MOTIFS DU JUGEMENT

1. Sur la demande principale de M. [F] [B] en condamnation de M. [G] [K] et Mme [W] [S] à lui payer la somme de 13.500 euros à titre d’indemnité d’immobilisation.

L’article 1103 du code civil dispose que : « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. »

En l’espèce, il est stipulé à la promesse de vente qu’en cas de sinistre survenant pendant la durée de validité de la promesse, les bénéficiaires auront la faculté de renoncer purement et simplement à la vente, à condition toutefois que ce sinistre soit « de nature à rendre le bien inhabitable ou impropre à son exploitation » (pièce demandeur n°1, page 25).
Il résulte des éléments mis dans les débats que M. [G] [K] et Mme [W] [S] ont entendu se libérer de la promesse de vente par courrier recommandé du 22 février 2023 (pièce défendeurs n°2), en invoquant alors un sinistre de dégât des eaux qui aurait été constaté le 06 février 2023 lors d’une nouvelle visite du bien immobilier.

Cet élément doit être mis en relation à la fois avec les photographies non datées produites par les consorts [K]-[S], étant relevé que dans leur courrier du 22 février 2023 ils évoquent avoir pris des photographies et/ou vidéos (pièces défendeurs n°3 et 6). Ce courrier doit encore être mis en relation avec les messages produits aux débats, datés du 07 février et présents comme adressés par les consorts [K]-[S] à M. [F] [B] (pièce défendeurs n°3), messages qui évoquent également l’existence du dégât des eaux et son ampleur, notamment en ce que l’eau a pu traverser plusieurs étages et endommager les plâtres et parquets.

En sens inverse, M. [F] [B] produit d’une part une attestation de la SARL BRIMAUD (pièce demandeur n°12), toutefois établie manifestement pour les besoins de la cause et en tout cas à distance des faits puisque datée du 23 mai 2023, de sorte que le contenu de l’attestation, à savoir l’absence de dommages au parquet de la salle de bain et la pièce en-dessous de la douche, ne peut avoir de valeur certaine. M. [F] [B] produit d’autre part un procès-verbal de constat d’huissier de justice du 23 février 2023 (pièce demandeur n°2), lequel ne mentionne aucun dégât spécifique, mais étant observé que la visée de ce constat était manifestement davantage de constater l’accomplissement des travaux au titre des conditions suspensives.

En condition de l’équilibre global du contrat, il convient de juger que les consorts [K]-[S] justifient suffisamment de la survenance dans le bien immobilier d’un sinistre de dégât des eaux, de nature à rendre le bien inhabitable en considération de l’étendue des dégâts résultant à la fois des SMS du 07 février 2023 ainsi que des photographies produites, et alors que M. [F] [B] ne justifie pas suffisamment que ce sinistre aurait eu un ampleur plus limitée ou que les dommages ainsi causés auraient été parfaitement réparés.

Dès lors, c’est à juste titre que les consorts [K]-[S] se sont libérés de la promesse de vente, de sorte que la demande de M. [F] [B] en paiement de l’indemnité d’immobilisation pour 13.500 euros est à rejeter.

Il n’y a pas lieu d’examiner les contestations entre les parties sur la réalisation des travaux auxquels M. [F] [B] s’était engagé.

2. Sur la demande reconventionnelle des consorts [K]-[S] en dommages et intérêts pour procédure abusive.

L’article 1240 du code civil dispose que : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

En l’espèce, il résulte des éléments aux débats que le caractère suffisant ou non du sinistre, pour que les consorts [K]-[S] puissent se dégager de la promesse de vente sans paiement de l’indemnité d’immobilisation, justifiait un débat au fond.

Par conséquent, il ne peut être considéré que M. [F] [B] a commis une faute dans son droit d’agir en justice. La demande est rejetée.

3. Sur les autres demandes et les dépens.

3.1. Sur les dépens.

En considération du sens du jugement, M. [F] [B] supporte seul les dépens.

3.2. Sur l’article 700 du code de procédure civile.

M. [F] [B], tenu aux dépens, doit payer aux consorts [K]-[S] la somme de 1.800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Sa propre demande sur ce même fondement est rejetée.

3.3. Sur l’exécution provisoire.

Rien ne justifie d’écarter l’exécution provisoire de l’article 514-1 du code de procédure civile au vu du sens de la décision.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort, rendu après débats en audience publique par mise à disposition au greffe,

REJETTE toutes les demandes de M. [F] [B] ;

REJETTE la demande de M. [G] [K] et Mme [W] [S] en dommages et intérêts pour procédure abusive ;

CONDAMNE M. [F] [B] à payer à M. [G] [K] et Mme [W] [S] la somme de 1.800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE la demande de M. [F] [B] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [F] [B] aux dépens ;

REJETTE toute autre demande ;

MAINTIENT l’exécution provisoire en totalité ;

Le Greffier Le Président

 


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