Tribunal judiciaire de Paris, 8 janvier 2025, RG n° 24/03119
Tribunal judiciaire de Paris, 8 janvier 2025, RG n° 24/03119

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris

Thématique : Conflit de compétence territoriale et validité du congé de reprise dans le cadre d’un bail d’habitation.

Résumé

Contexte du litige

Monsieur [B] [Y] [F] a donné à bail un appartement à Monsieur [V] [O] et Madame [S] [O] pour une durée de trois ans à partir du 15 octobre 1995. En novembre 2020, un congé a été délivré aux époux [O] pour habiter le logement à compter du 14 octobre 2022, mais ceux-ci ont continué à occuper les lieux.

Procédures judiciaires

Les époux [F] ont assigné les époux [O] devant le juge des contentieux de la protection pour les déclarer occupants sans droit ni titre et demander leur expulsion. L’affaire a été renvoyée plusieurs fois, avec des audiences programmées jusqu’en janvier 2025.

Arguments des époux [F]

Les époux [F] ont demandé le rejet de l’exception d’incompétence soulevée par les époux [O] et ont soutenu que le congé était valide, respectant les conditions légales. Ils ont également justifié leur besoin de reprendre le logement pour des raisons de santé et de retraite.

Arguments des époux [O]

Les époux [O] ont contesté la compétence territoriale du tribunal et ont demandé la nullité du congé, arguant que les bailleurs n’avaient pas prouvé leur qualité à agir ni la nécessité de reprendre le logement. Ils ont également soulevé des doutes sur la validité des motifs avancés par les bailleurs.

Décision du tribunal

Le tribunal a rejeté l’exception d’incompétence territoriale et a déclaré le congé valide. Il a ordonné l’expulsion des époux [O], les considérant occupants sans droit ni titre depuis le 15 octobre 2022, et a fixé une indemnité d’occupation à payer par les époux [O] aux époux [F].

Conséquences financières

Les époux [O] ont été condamnés à verser une indemnité d’occupation correspondant au montant du loyer et des charges, ainsi qu’une somme de 500 euros au titre des frais de justice. Les dépens ont également été mis à leur charge.

Exécution de la décision

La décision est assortie de l’exécution provisoire de droit, permettant aux bailleurs de procéder à l’expulsion avec le concours de la force publique si nécessaire.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :
Me Didier JAUBERT

Copie exécutoire délivrée
le :
à :Me Alain TAMEGNON HAZOUME

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 24/03119 – N° Portalis 352J-W-B7H-C4LSY

N° MINUTE :
10 JCP

JUGEMENT
rendu le mercredi 08 janvier 2025

DEMANDEURS
Monsieur [B] [Y] [F], demeurant [Adresse 4] –

Madame [L] [G] épouse [F], demeurant [Adresse 4] – Cameroun
représentés par Me Alain TAMEGNON HAZOUME, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #D0060

DÉFENDEURS
Monsieur [V] [O], demeurant [Adresse 2]
comparant en personne assisté de Me Didier JAUBERT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #E1558

Madame [S] [O], demeurant [Adresse 2]
représentés par Me Didier JAUBERT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #E1558

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Deborah FORST, Juge, juge des contentieux de la protection
assistée de Inès CELMA-BERNUZ, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 30 octobre 2024

JUGEMENT
contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 08 janvier 2025 par Deborah FORST, Juge assistée de Inès CELMA-BERNUZ, Greffier
Décision du 08 janvier 2025
PCP JCP fond – N° RG 24/03119 – N° Portalis 352J-W-B7H-C4LSY

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 10 octobre 1995, Monsieur [B] [Y] [F] a donné à bail à Monsieur [V] [O] et Madame [S] [O] un appartement à usage d’habitation pour une durée de 3 ans renouvelable à effet au 15 octobre 1995.

Par acte de commissaire de justice du 9 novembre 2020, Monsieur [B] [Y] [F] et Madame [L] [G] épouse [F] ont fait délivrer aux époux [O] un congé « pour habiter » à effet au 14 octobre 2022.

Les époux [O] se sont maintenus dans les lieux.

Par acte de commissaire de justice du 26 janvier 2023, les époux [F] ont fait assigner les époux [O] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris aux fins de :
les dire recevables et bien fondés en leur demande ;déclarer les époux [O] occupants sans droit ni titre du logement situé au 1er étage droite, bâtiment C, de l’immeuble situé [Adresse 2] depuis le 14 octobre 2022 ;ordonner l’expulsion immédiate et sans délai des époux [O] ainsi que celle de tous occupants de leur chef, des locaux situés [Adresse 2], avec au besoin le concours de la force publique et d’un serrurier ;condamner les époux [O] à leur verser la somme de 2500 euros par mois, charges en sus, à titre d’indemnité d’occupation depuis le 14 octobre 2022, date d’expiration du bail, jusqu’à parfaite libération des lieux ;condamner les époux [O] à leur verser la somme de 3500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;rappeler que l’exécution provisoire de la décision à intervenir est de droit.
L’affaire a été appelée à l’audience du 23 mai 2023, enregistrée sous le numéro de RG23/2946, et renvoyée au 29 septembre 2023 sous le numéro de RG 23/4506, puis au 4 janvier 2024. L’affaire a été radiée à cette dernière audience par ordonnance du 11 janvier 2024. L’affaire a été réinscrite au rôle sous le numéro de RG 24/3119 et rappelée à l’audience du 2 juillet 2024, à laquelle elle a été renvoyée au 30 octobre 2024. L’affaire a été retenue à cette dernière audience.

Les époux [F], représentés par leur conseil, ont déposé des conclusions écrites, reprises dans leurs observations orales, aux termes desquelles ils demandent de :
rejeter l’exception d’incompétence excipée par les époux [O] ;les dire recevables et bien fondés en leur demande ;déclarer les époux [O] occupants sans droit ni titre du logement situé au 1er étage droite, bâtiment C, de l’immeuble situé [Adresse 2] depuis le 14 octobre 2022 ;ordonner l’expulsion immédiate et sans délai des époux [O] ainsi que celle de tous occupants de leur chef, des locaux situés [Adresse 2], avec au besoin le concours de la force publique et d’un serrurier ;condamner les époux [O] à leur verser la somme de 2500 euros par mois, charges en sus, à titre d’indemnité d’occupation depuis le 14 octobre 2022, date d’expiration du bail, jusqu’à parfaite libération des lieux ;condamner les époux [O] à leur verser la somme de 3500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;rappeler que l’exécution provisoire de la décision à intervenir est de droit.
En réponse à l’exception d’incompétence territoriale soulevée en défense, ils font valoir qu’il s’agit d’une demande dilatoire, le tribunal d’instance de Boulogne-Billancourt ayant décliné sa compétence, à la demande des époux [O], au profit du tribunal judiciaire de Paris par jugement du 13 septembre 2017 dans le cadre d’un litige relatif à un précédent congé. Ils font valoir qu’aux termes de son jugement, le tribunal d’instance de Boulogne-Billancourt avait relevé que les parties avaient convenu tant dans le bail et que dans le constat contradictoire d’état des lieux que les lieux se situaient à Paris dans le 16 arrondissement, la preuve contraire n’étant pas rapportée en l’espèce. Ils exposent que les pièces versées par les époux [O] sont sans valeur pour déterminer la compétence de la présente juridiction, que la loi commune des parties doit prévaloir et que de multiples pièces permettent de retenir que les lieux se trouvent dans le [Localité 1].

A l’appui de leur demande d’expulsion, ils soutiennent que le congé est valide sur le fondement des articles 15-1 et 15-3 de la loi du 6 juillet 1989, les conditions de forme et de fond ayant été respectées et le congé étant réel, sérieux et légitime. Ils précisent qu’ils résidaient jusqu’à lors au Cameroun, et qu’ils viennent de plus en plus fréquemment en France afin d’accompagner leur fils qui souffre de graves troubles psychiatriques. Dans leurs observations orales, ils précisent disposer d’un visa Schengen.

Les époux [O], représentés par leur conseil, ont déposé des conclusions écrites aux termes desquelles ils demandent :
de les dire et juger recevables et fondés en leurs demandes ;in limine litis, de se déclarer territorialement incompétent pour connaître des demandes présentées par les époux [F] au profit du juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Boulogne-Billancourt ;de déclarer nul et non avenu le congé du 9 novembre 2020 et débouter les demandeurs de toutes leurs demandes ;de rappeler que le jugement à intervenir sera assorti de plein droit de l’exécution provisoire ;de condamner in solidum les époux [F] à leur verser la somme de 3500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;de condamner in solidum les époux [F] aux entiers dépens, dont ceux distraits au profit de Maître Didier Jaubert par application de l’article 699 du code de procédure civile.
A l’appui de l’exception d’incompétence qu’ils soulèvent, ils font valoir, au visa des articles 42 et 43 du code de procédure civile, que le jugement du 13 septembre 2017 ne lie pas la présente juridiction, une réforme du code de procédure civile étant intervenue entre temps. Ils exposent que la [Adresse 5], où se trouve l’immeuble, est « à cheval » sur le territoire de Paris et sur celui de la commune de [Localité 3], mais que la délimitation entre les deux communes est claire puisque le côté impair de la [Adresse 5] est celui qui forme la limite du territoire de [Localité 3], que l’administration fiscale a retenu que les lieux se trouvent à [Localité 3]. Ils estiment que les autres preuves qu’ils versent permettent d’établir que les lieux se trouvent à [Localité 3].

Au soutien de leur demande de nullité du congé, dont ils relèvent que les époux [F] n’en demandent pas la validation, ils estiment que les demandeurs ne prouvent pas leur qualité à agir, ni qu’ils disposent d’un récent titre de propriété du logement. Ils soutiennent en outre, sur le fondement de l’arrêté du 13 décembre 2017 qu’il y a une confusion car le motif allégué dans le congé du 9 novembre 2020 est la santé alors qu’il est inscrit dans le congé que les bénéficiaires de la reprise des lieux sont les bailleurs et qu’ils n’ont justifié d’aucun problème de santé, et que les seuls éléments produits sont ceux relatifs à l’état de santé de leur fils. Ils estiment qu’il y a aucune mention du caractère réel et sérieux de la décision de reprise. S’agissant du second motif tiré de leur retraite, ils font valoir que les bailleurs n’en justifient pas, pas davantage que de leur âge. Au visa des articles R318-7 du code de la construction et de l’habitation et de l’article L312-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, ils soutiennent que les bailleurs n’apportent pas la preuve de leur capacité à reprendre le logement dans la mesure où ils sont camerounais et ne justifient pas d’un titre de séjour de longue durée obtenu auprès de l’ambassade de France au Cameroun permettant de séjourner au moins 8 mois par an en France. A titre subsidiaire, à supposer que le bénéficiaire de la reprise soit Monsieur [Z] [F], ils estiment qu’il n’est pas prouvé de la nécessité de l’héberger en l’absence de tout document médical récent relatif à son état de santé alors que son profil LinkedIn indique qu’il est « administrateur, directeur des opérations ».

A l’issue des débats l’affaire a été mise en délibéré au 8 janvier 2025 par mise à disposition au greffe.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection, statuant après débats en audience publique par mise à disposition au greffe, en premier ressort, par jugement contradictoire,

Rejette l’exception d’incompétence territoriale soulevée par Madame [S] [O] et Monsieur [V] [O] ;

Rejette la demande de Madame [S] [O] et Monsieur [V] [O] tendant à déclarer nul le congé pour reprise délivré le 9 novembre 2020 à effet au 14 octobre 2022 ;

Dit que Madame [S] [O] et Monsieur [V] [O] se trouvent occupants sans droit ni titre depuis le 15 octobre 2022 du logement situé au 1er étage droite, bâtiment C, de l’immeuble situé [Adresse 2] ;

Dit qu’à défaut pour Madame [S] [O] et Monsieur [V] [O] d’avoir libéré les lieux deux mois après la signification du commandement de quitter les lieux prévu par l’article L412-1 du code des procédures civiles d’exécution, Monsieur [B] [Y] [F] et Madame [L] [G] épouse [F] pourront procéder à leur expulsion, ainsi que celle de tous occupants de leur chef des locaux situés [Adresse 2], avec au besoin le concours de la force publique et l’assistance d’un serrurier ;

Condamne Madame [S] [O] et Monsieur [V] [O] à payer à Monsieur [B] [Y] [F] et Madame [L] [G] épouse [F] une indemnité d’occupation égale au montant du loyer et des charges tels qu’ils auraient été dus si le bail s’était poursuivi entre les parties, et ce, jusqu’à libération des lieux ;

Condamne Madame [S] [O] et Monsieur [V] [O] à payer à Monsieur [B] [Y] [F] et Madame [L] [G] épouse [F] la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette pour le surplus des demandes ;

Condamne Madame [S] [O] et Monsieur [V] [O] aux dépens ;

Rappelle que la présente décision est assortie de l’exécution provisoire de droit.

La greffière La juge

 


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