Tribunal judiciaire de Paris, 8 janvier 2025, RG n° 24/00815
Tribunal judiciaire de Paris, 8 janvier 2025, RG n° 24/00815

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris

Thématique : Responsabilité du bailleur et troubles de jouissance : enjeux de la sécurisation des lieux loués

Résumé

Contexte du litige

L’établissement Paris Habitat OPH a loué un appartement et un emplacement de parking à Madame [W] [J] et son époux en décembre 1999. Un avenant en janvier 2005 a transféré le droit au bail à Madame [W] [J], son époux restant solidairement responsable des paiements. En 2024, Madame [W] [J] a donné congé de l’emplacement de parking.

Préjudices et actions en justice

Madame [W] [J] a subi des dégradations de son véhicule dans le parking, ce qui l’a poussée à assigner Paris Habitat OPH en octobre 2023. Elle a demandé des réparations pour les dommages subis, ainsi que des indemnités pour préjudice matériel et de jouissance, assorties d’une astreinte en cas de retard dans l’exécution des travaux.

Arguments de Madame [W] [J]

Elle a soutenu que l’absence de sécurité du parking, avec un portillon constamment ouvert, avait conduit à la dégradation de son véhicule. Après plusieurs actes de vandalisme, son assureur a évalué les dommages à 2701,72 euros. Elle a également demandé des réparations pour le préjudice de jouissance et un montant pour préjudice moral.

Réponse de Paris Habitat OPH

Paris Habitat OPH a contesté les demandes de Madame [W] [J], arguant qu’il n’était pas responsable des dégradations causées par des tiers. Il a également souligné avoir effectué des travaux pour sécuriser le parking et a demandé à ce que Madame [W] [J] soit déboutée de ses demandes.

Décision du tribunal

Le tribunal a déclaré irrecevables les demandes de réparation pour la période antérieure à octobre 2020, en raison de la prescription. Il a rejeté les demandes de Madame [W] [J] concernant le préjudice matériel et de jouissance, considérant que Paris Habitat OPH avait respecté ses obligations de sécurité.

Condamnation aux dépens

Madame [W] [J] a été condamnée à verser 300 euros à Paris Habitat OPH au titre de l’article 700 du code de procédure civile et a été condamnée aux dépens, la décision étant exécutoire de plein droit.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :
Maître Camille PICARD

Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Pierre-Bruno GENON-CATALOT

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 24/00815 – N° Portalis 352J-W-B7H-C3ZT2

N° MINUTE :
4 JCP

JUGEMENT
rendu le mercredi 08 janvier 2025

DEMANDERESSE
Madame [W] [J], demeurant [Adresse 1]
représentée par Maître Camille PICARD de la SELARL AKAOUI DEPOIX PICARD, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : #C0673

DÉFENDERESSE
Société PARIS HABITAT, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Pierre-Bruno GENON-CATALOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B 0096

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Deborah FORST, Juge, juge des contentieux de la protection
assistée de Inès CELMA-BERNUZ, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 30 octobre 2024

JUGEMENT
contradictoire, en dernier ressort, prononcé par mise à disposition le 08 janvier 2025 par Deborah FORST, Juge assistée de Inès CELMA-BERNUZ, Greffier

Décision du 08 janvier 2025
PCP JCP fond – N° RG 24/00815 – N° Portalis 352J-W-B7H-C3ZT2

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 28 décembre 1999, l’établissement Paris Habitat OPH a donné à bail à Madame [W] [J] et à son époux un appartement à usage d’habitation situé [Adresse 1], pour un loyer révisable de 476,08 euros ainsi qu’un emplacement de parking n° 21 situé à la même adresse, pour un loyer de 75,89 euros, payable à terme échu le 1er de chaque mois.

Par avenant du 17 janvier 2005, le droit au bail a été attribué à Madame [W] [J] à compter du 10 janvier 2005, son époux demeurant solidairement tenu au paiement des loyers et charges.

Par acte sous seing privé du 5 septembre 2001, un contrat de location pour l’emplacement de parking n°21 a été établi entre l’établissement Paris Habitat OPH et Madame [W] [J].

Madame [W] [J] a donné congé de l’emplacement de parking en 2024.

Considérant qu’elle avait subi un préjudice matériel tenant à la dégradation de son véhicule dans le parking, et un préjudice de jouissance au titre de son emplacement de parking, Madame [W] [J] a fait assigner, par acte de commissaire de justice du 31 octobre 2023, l’établissement Paris Habitat OPH devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris aux fins de :
condamner l’établissement Paris Habitat OPH à effectuer les travaux nécessaires à la suppression de son trouble soit la réparation de la porte d’accès au parking de l’immeuble [Adresse 1] ;assortir cette condamnation d’une astreinte de 300 euros par jour de retard à compter du mois suivant la signification de la décision ;condamner l’établissement Paris Habitat OPH à lui verser la somme de 2701,04 euros en réparation de son préjudice matériel ;condamner l’établissement Paris Habitat OPH à lui verser 4624 euros, somme à parfaire jusqu’à complète réalisation des travaux, en réparation de son préjudice de jouissance ;ordonner la consignation des loyers à compter de la signification du jugement et ce, jusqu’à complète exécution des travaux ;condamner l’établissement Paris Habitat OPH à lui verser la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;condamner l’établissement Paris Habitat OPH aux dépens.
L’affaire a été appelée à l’audience du 14 mars 2024, et renvoyée aux audiences des 2 juillet 2024 et 30 octobre 2024, à laquelle elle a été retenue.

A l’audience, Madame [W] [J], représentée par son avocat, a déposé des conclusions écrites, reprises dans ses observations orales, aux termes desquelles elle demande :
de condamner l’établissement Paris Habitat OPH à lui verser la somme de 500 euros en réparation de son préjudice moral ;de condamner l’établissement Paris Habitat OPH à lui verser la somme de 3552,64 euros en réparation de son préjudice de jouissance ;de condamner l’établissement Paris Habitat OPH à lui verser la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;de condamner l’établissement Paris Habitat OPH aux dépens.
Aux termes de ses écritures, elle fait valoir sur le fondement de l’article 1719 du code civil, que depuis la fin de l’année 2019, le portillon du parking donnant sur la rue était toujours ouvert, de jour comme de nuit, de sorte que l’accès à ce dernier n’était pas sécurisé, ce qui a entrainé la dégradation de son véhicule à plusieurs reprises, ce qu’elle a signalé à plusieurs reprises à son bailleur. Elle soutient que le 24 décembre 2022, elle a retrouvé son véhicule une nouvelle fois vandalisé au point qu’il soit devenu inutilisable, et qu’à la suite d’une réunion d’expertise contradictoire, à laquelle son bailleur ne s’est pas présenté, son assureur a chiffré le dommage à la somme de 2701,72 euros, dépassant ainsi la valeur du véhicule de 500 euros, et a mis en demeure l’établissement Paris Habitat OPH de faire procéder aux réparations du parking, de prendre en charge la réparation du véhicule et de l’indemniser de son préjudice de jouissance, ce qu’il a refusé de faire. Elle explique que des travaux de sécurisation du parking ont finalement été engagés au mois de janvier 2024, et qu’à cette occasion, son bailleur lui a demandé de libérer la place de parking ou de poursuivre le paiement des loyers, alors que son véhicule ne pouvait être déplacé, et qu’elle n’a finalement eu d’autre choix que de s’en séparer en le cédant à une société et de résilier son bail. Elle soutient que le bailleur s’est abstenu de lui assurer une jouissance paisible de son emplacement de parking en raison de l’absence de fermeture du parking par une porte sécurisée, ce qui lui a causé de nombreuses nuisances. Elle estime que ses préjudices sont constitués d’une part d’un préjudice matériel correspondant à la somme de 500 euros correspondant à la valeur de son véhicule devenu inutilisable, et d’autre part, à la somme de 3552,64 euros, correspondant à 40 mois de loyers allant de novembre 2019 à février 2024, date du paiement du dernier loyer. Elle considère que l’article 1725 du code civil ne saurait s’appliquer en l’espèce dans la mesure où les troubles procèdent d’un défaut de sécurisation des lieux, et alors que le bailleur ne justifie que de deux interventions les 29 mars 2022 et 18 octobre 2023, et sans que ces interventions ne fassent cesser les désordres.

L’établissement Paris Habitat OPH, représenté par son conseil, a déposé des conclusions écrites, reprises dans ses observations orales, aux termes desquelles il demande :
de débouter Madame [W] [J] de ses demandes ;de condamner Madame [W] [J] à lui verser la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;de la condamner aux dépens.
Au soutien de ses demandes, il fait valoir que le premier courrier reçu désignant Madame [W] [J] en qualité de victime de dégradations date du 6 janvier 2023, qu’il y a répondu le 6 février 2023 en indiquant ne pouvoir être tenu pour responsable des garanties souscrites par son contrat d’assurance automobile, et que pour autant, il a engagé de nombreux travaux afin de pallier aux dysfonctionnements de la porte de parking liée à des actes malveillants les 18 mars 2022, 26 octobre 2023, 30 août 2023 et 15 novembre 2023. Il ajoute lui avoir proposé deux solutions de relogement en 2014 et 2021 qu’elle a refusées. Sur le fondement de l’article 1725 du code civil, il fait valoir qu’il ne saurait être tenu pour responsable des dégradations pour lesquelles Madame [W] [J] a porté plainte, qu’il appartient aux officiers de police judiciaire en charge de l’enquête de déterminer les auteurs des dégradations sans considération ou non de l’absence de ou de fermeture de la porte du parking, qu’il n’est en rien responsable de cette voie de fait, et qu’il arrive au surplus que de telles dégradations soient causées par des auteurs eux-mêmes titulaires d’un accès. Il conteste que la partie demanderesse, sur qui repose la charge de la preuve, apporte la preuve que la fermeture du parking n’était plus assurée au moment des faits, et de la durée de cette prétendue défaillance, et soutient qu’en tout état de cause, il a engagé de nombreux travaux pour sécuriser la porte du parking et éviter les intrusions. Il considère enfin que Madame [W] [J] ne justifie pas de ses préjudices, et que l’exception d’inexécution n’est admise que lorsqu’il est établi que le preneur se trouve dans l’impossibilité totale d’utiliser les locaux loués, ce qui n’était pas le cas en l’espèce. Au visa de l’article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989, il fait valoir que la demande d’indemnisation sur une période de 40 mois est irrecevable.

A l’issue de débats, l’affaire a été mise en délibéré au 8 janvier 2025.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection statuant publiquement, après débats en audience publique, par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Déclare irrecevable car prescrite la demande de réparation du trouble de jouissance formée par Madame [W] [J] pour la période du mois de novembre 2019 au 30 octobre 2020 ;

Rejette la demande de Madame [W] [J] tendant à condamner l’établissement Paris Habitat OPH à lui verser la somme de 500 euros en réparation de son préjudice matériel ;

Rejette la demande de Madame [W] [J] tendant à condamner l’établissement Paris Habitat OPH à lui verser la somme de 3552,64 euros en réparation de son préjudice de jouissance ;

Condamne Madame [W] [J] à verser à l’établissement Paris Habitat OPH la somme de 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette pour le surplus des demandes ;

Condamne Madame Madame [W] [J] aux dépens ;

Rappelle que la présente décision est assortie de droit de l’exécution provisoire.

La greffière La juge

 


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