Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris
Thématique : Marque générique validée par l’usage
→ RésuméUne marque, pour être valide, doit être distinctive et ne pas être générique ou descriptive. Cependant, une marque générique peut acquérir un caractère distinctif par l’usage. L’exemple de la marque « Que Choisir » illustre cette exception : bien qu’initialement dépourvue de caractère distinctif, elle a été reconnue comme renommée grâce à sa notoriété croissante, atteignant 85 % de reconnaissance auprès du public. Cette évolution démontre l’importance des sondages de notoriété pour établir le caractère distinctif d’une marque, même lorsque celle-ci semble, à première vue, générique.
|
Par défaut, un signe déposé à titre de marque, pour désigner des produits et services, doit être distinctif, c’est à dire qu’il ne doit être ni générique, nécessaire ou usuel, ni descriptif de la qualité des produits et services visés à l’enregistrement de la marque. Toutefois et c’est l’une des exceptions phares à la nullité d’une marque : une marque générique peut devenir distinctive par l’usage.
Marque non distinctive
L’association UFC Que choisir a
bénéficié de cette exception. Aux termes de l’article L.711-2 du
code de la propriété intellectuelle, le caractère distinctif d’un signe de
nature à constituer une marque s’apprécie à l’égard des produits ou services
désignés. Sont ainsi dépourvus de caractère distinctif :
a)
Les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont
exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du
service ;
b)
Les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du
produit ou du service, et notamment l’espèce, la qualité, la quantité, la
destination, la valeur, la provenance géographique, l’époque de la production
du bien ou de la prestation de service ;
c)
Les signes constitués exclusivement par la forme imposée par la nature ou la
fonction du produit, ou conférant à ce dernier sa valeur substantielle.
Le
caractère distinctif peut, sauf dans le cas prévu au c, être acquis par
l’usage. L’article L.714-3 dudit code prévoit qu’est déclaré nul par décision
de justice l’enregistrement d’une marque qui n’est pas conforme aux
dispositions des articles L. 71 1-1 à L. 71 1-4.
Signe « Que Choisir »
Les
signe « Que Choisir » appartenant au langage courant pour suggérer une idée de
choix ou d’offre de comparaison au profit du consommateur. Il ne présente aucun
caractère arbitraire, le fait qu’il n’est pas suivi de point d’interrogation
étant insuffisant, tandis que l’ensemble des produits et services visés à
l’enregistrement de la marque constituent des supports ou des moyens permettant
de fournir des informations au consommateur pour l’aider dans ses décisions,
ainsi que des politiques de conseil pour l’assister dans ses démarches. Aussi,
à la date de son dépôt, la marque « Que Choisir » ne présentait aucun caractère
distinctif.
De l’intérêt de faire des sondages de notoriété
Cependant,
il découlait de l’étude SORGEM produite en demande que le magazine QUE CHOISIR,
qui renvoie nécessairement à la marque verbale QUE CHOISIR, était connu de 85%
du grand public, par rapport à 64% en 2011, juste derrière « 60 millions de
consommateurs ».
Cette
marque, exploitée en continu depuis plus de 13 ans, a donc nécessairement
acquis un caractère distinctif par l’usage.
Déceptivité également exclue
Aux
termes de l’article L.711-3 c) du code de la propriété intellectuelle, ne peut
être adopté comme marque ou élément de marque un signe de nature à tromper le
public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du
produit ou du service. Selon l’article L.714-6 b) dudit code, encourt la
déchéance de ses droits le propriétaire d’une marque devenue de son fait propre
à induire en erreur, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance
géographique du produit ou du service. Or, là aussi, il n’était pas démontré en
quoi l’usage de la marque Que Choisir serait de nature à tromper le public.
Une marque renommée
Aux
termes de l’article L.713-5 du code de la propriété intellectuelle, la
reproduction ou l’imitation d’une marque jouissant d’une renommée pour des
produits ou services non similaires à ceux désignés dans l’enregistrement
engage la responsabilité civile de son auteur si celle est de nature à porter
préjudice au propriétaire de la marque ou si cette reproduction ou imitation
constitue une exploitation injustifiée de cette dernière. Peut être considérée
comme renommée la marque qui est connue d’une fraction significative du public
concerné par les produits ou services couverts par elle, soit en l’espèce le
consommateur français. Afin d’apprécier la renommée d’une marque, il convient
de prendre en compte notamment la part de marché occupée par la marque, la
connaissance de la marque par le public concerné, le cas échéant fondée sur des
sondages d’opinion, l’intensité de son exploitation, son étendue géographique,
la durée de son usage, ou encore l’importance des investissements de son
titulaire.
Il résulte de l’analyse des comptes 2017 de l’UFC-QUE CHOISIR que le chiffre d’affaire du site web quechoisir.org est en progression de 150.000 euros avec quasiment 150.000 abonnés et un portefeuille doublé en 5 ans. Il ressort de ces éléments que la marque verbale QUE CHOISIR, à laquelle renvoient le site web et le magazine QUE CHOISIR, a acquis au cours de nombreuses années, étant exploitée depuis plus de 13 ans, une notoriété certaine auprès d’un large public par une exploitation continue sur l’ensemble du territoire français. Il lui a donc été reconnu le caractère de marque renommée au sens de l’article L.713-5 du code de la propriété intellectuelle. Télécharger la décision
Laisser un commentaire