Tribunal judiciaire de Paris, 7 Juillet 2016
Tribunal judiciaire de Paris, 7 Juillet 2016

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris

Thématique : Protection des visuels publicitaires | Affaire Pyrex

Résumé

La société Pyrex a lancé une nouvelle gamme de produits, « Attraction », pour rivaliser avec Téfal. Pour promouvoir cette gamme, elle a engagé une agence de communication qui a créé un visuel publicitaire avec le slogan « aussitôt cuit, aussitôt servi ». Après la rupture des relations commerciales, l’agence a revendiqué la propriété des droits d’auteur, arguant que l’utilisation de son visuel et de son slogan par Pyrex constituait une contrefaçon. Cependant, l’originalité des créations n’a pas été prouvée, et le slogan, inspiré d’un proverbe libre de droit, n’était pas protégeable, soulignant ainsi la complexité des droits d’auteur en matière publicitaire.

Propriété d’un visuel publicitaire

La société Pyrex a souhaité diversifier son offre en concevant une nouvelle gamme de produits baptisée « Attraction » constituée d’ustensiles, l’objectif de cette gamme étant de concurrencer notamment les produits de la marque « Téfal », leader de ce segment dit du « dessus de cuisinière ».  Dans ce but, elle a lancé un appel d’offres auprès de plusieurs agences de communication. L’agence de conseil en communication publicitaire qui a remporté l’appel d’offre a élaboré un visuel publicitaire comprenant le slogan « aussitôt cuit, aussitôt servi » qui a été utilisé.

Suite à la rupture des relations commerciales entre les parties, l’agence a revendiqué la propriété des droits d’auteurs sur ses créations publicitaires. Elle en tirait pour conséquence que la reproduction et l’exploitation par l’annonceur de son visuel publicitaire et de son accroche originale sur son site internet, sa page Facebook et dans un film sur Youtube, constituaient des actes de contrefaçon.

Condition de l’originalité

La cession des droits d’auteurs et la contrefaçon supposent nécessairement de prouver  l’originalité des œuvres en cause. Or, en l’espèce, l’originalité des visuels publicitaires n’était pas établie.

En application de l’article L 111-1 du code de la propriété intellectuelle, l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial. Et, en application de l’article L 112-1 du même code, ce droit appartient à l’auteur de toute œuvre de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination.

Dans ce cadre, si la protection d’une œuvre de l’esprit est acquise à son auteur sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale en ce sens qu’elle porte l’empreinte de la personnalité de son auteur et n’est pas la banale reprise d’un fonds commun non appropriable, il appartient à celui qui se prévaut d’un droit d’auteur dont l’existence est contestée de définir et d’expliciter les contours de l’originalité qu’il allègue.

En effet, seul l’auteur, dont le juge ne peut suppléer la carence, est en mesure d’identifier les éléments traduisant sa personnalité et qui justifient son monopole et le principe de la contradiction posé par l’article 16 du code de procédure civile commande que le défendeur puisse connaître précisément les caractéristiques qui fondent l’atteinte qui lui est imputée et apporter la preuve qui lui incombe de l’absence d’originalité.

Si une combinaison d’éléments connus ou naturels n’est pas a priori exclue de la protection du droit d’auteur, encore faut-il que la description qui en est faite soit suffisamment précise pour limiter le monopole demandé à une combinaison déterminée opposable à tous sans l’étendre à un genre insusceptible d’appropriation.

Visuel publicitaire banal

Concernant le visuel publicitaire, l’agence de communication n’en a livré qu’une description purement technique qui découle de sa stricte observation objective et est de ce fait étrangère à la caractérisation de son originalité faute de révéler les choix exprimant un parti pris esthétique et traduisant la personnalité de leur auteur.

Cette carence dans la preuve était d’autant plus dirimante que l’œuvre en débat était une commande adressée à une agence de communication dont la compétence résidait par nature dans la mise en œuvre d’un savoir-faire technique. Or, celle-ci a repris des éléments imposés tels les produits offerts à la vente et a réutilisé des éléments non appropriables tels des couverts et des aliments. Ainsi, rien ne permettait de comprendre en quoi les formes, les couleurs, l’agencement des éléments et leur combinaison du visuel étaient le fruit d’un choix arbitraire de l’auteur et non la reprise d’une association banale appartenant à un fond commun.

Slogan publicitaire commun

Quant au slogan « aussitôt cuit aussitôt servi », qui est la transposition assumée du proverbe « aussitôt dit aussitôt fait » libre de droit au domaine de la cuisine, il n’est que la description sous une forme promotionnelle accrocheuse du visuel et de la publicité Pyrex évoquée. Il ne présente de ce fait aucune originalité et ne constitue pas une œuvre protégeable par le droit d’auteur.

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