Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris
Thématique : Renouvellement de bail commercial : enjeux de l’accord sur le loyer et exercice du droit d’option
→ RésuméDÉBATSL’audience du 1er octobre 2024 a été présidée par Monsieur Jean-Christophe DUTON, juge rapporteur. Les avocats des parties n’ont pas opposé d’objection, et le juge a rendu compte au Tribunal conformément à l’article 805 du Code de Procédure Civile. Les avocats ont été informés que la décision serait mise à disposition au greffe le 7 janvier 2025. JUGEMENTLe jugement a été rendu par mise à disposition au greffe, en premier ressort et de manière contradictoire. La SCI PORTE DE VINCENNES a donné à bail commercial à la SARL SOGI 20 des locaux pour une durée de neuf ans, à compter du 1er juillet 2008. En 2014, la SCI PORTE DE VINCENNES a cédé la propriété des locaux à la SCI PARDES PATRIMOINE. En juin 2020, la SARL SOGI 20 a demandé le renouvellement du bail, qui a été accepté par la SCI PARDES PATRIMOINE en septembre 2020. Cependant, la SARL SOGI 20 a ensuite notifié sa renonciation au renouvellement, ce que la SCI PARDES PATRIMOINE a contesté. PROCÉDURE JUDICIAIRELa SCI PARDES PATRIMOINE a assigné la SARL SOGI 20 devant le tribunal judiciaire de Paris pour faire constater l’accord sur le renouvellement du bail et demander le paiement des loyers dus. La SARL SOGI 20 a, de son côté, contesté les demandes de la SCI PARDES PATRIMOINE, arguant que le droit d’option avait été exercé correctement et que le bail n’avait pas été renouvelé. ARGUMENTS DES PARTIESLa SCI PARDES PATRIMOINE a soutenu que la renonciation de la SARL SOGI 20 au renouvellement était tardive et que l’accord sur le renouvellement incluait le prix du loyer. En revanche, la SARL SOGI 20 a affirmé que le renouvellement pouvait être demandé sans préciser le montant du loyer et que son droit d’option avait été exercé dans les délais. Elle a également contesté la bonne foi du bailleur dans l’acceptation de la demande de renouvellement. MOTIVATION DU TRIBUNALLe tribunal a constaté que la demande de renouvellement du bail avait été faite régulièrement et que l’acceptation du bailleur ne constituait pas une violation de la bonne foi. Il a également déterminé que l’accord sur le renouvellement ne comprenait pas le prix du loyer. En ce qui concerne l’exercice du droit d’option, le tribunal a jugé qu’il avait été exercé valablement, entraînant l’extinction rétroactive du bail renouvelé. CONCLUSIONS DU TRIBUNALLe tribunal a constaté le principe du renouvellement du bail à compter du 1er juillet 2020 et a rejeté les demandes de paiement des loyers et charges de la SCI PARDES PATRIMOINE. Il a également noté l’absence de demande indemnitaire pour la période d’occupation entre juillet et septembre 2020. La SCI PARDES PATRIMOINE a été condamnée aux dépens et à verser une somme à la SARL SOGI 20 au titre de l’article 700 du code de procédure civile. |
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:
■
18° chambre
1ère section
N° RG 21/09780
N° Portalis 352J-W-B7F-CU47M
N° MINUTE : 1
contradictoire
Assignation du :
02 Juillet 2021
JUGEMENT
rendu le 07 Janvier 2025
DEMANDERESSE
S.C.I. PARDES PATRIMOINE
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Odile COHEN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0051
DÉFENDERESSE
S.A.R.L. SOGI 20
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Maître Gilles HITTINGER ROUX de la SCP HB & ASSOCIES-HITTINGER-ROUX BOUILLOT & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0497
Décision du 07 Janvier 2025
18° chambre 1ère section
N° RG 21/09780 – N° Portalis 352J-W-B7F-CU47M
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Sophie GUILLARME, 1ère Vice-présidente adjointe,
Monsieur Jean-Christophe DUTON, Vice-président,
Madame Diana SANTOS CHAVES, Juge,
assistés de Monsieur Christian GUINAND, Greffier principal,
DÉBATS
A l’audience du 1er Octobre 2024, tenue en audience publique devant Monsieur Jean-Christophe DUTON, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.
Avis a été donné aux avocats des parties que le décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 7 janvier 2025.
JUGEMENT
Rendu par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort
Par acte notarié du 14 mai 2008, la SCI PORTE DE VINCENNES a donné à bail commercial à la SARL SOGI 20, des locaux sis [Adresse 3] à [Localité 6], pour une durée de neuf ans, à compter du 1er juillet 2008 avec échéance au 30 juin 2016, moyennant un loyer annuel de 114.000 euros hors taxes, hors charges.
La destination est la suivante : tout commerce d’alimentation générale et d’épicerie.
Par acte notarié du 31 mars 2014, la SCI PORTE DE VINCENNES a cédé à la SCI PARDES PATRIMOINE la propriété foncière des locaux sis [Adresse 3] à [Localité 6].
Par acte extrajudiciaire du 9 juin 2020, la SARL SOGI 20 a sollicité auprès de la SCI PARDES PATRIMOINE le renouvellement du bail commercial, à compter du 1er juillet 2020.
Par acte extrajudiciaire du 3 septembre 2020, la SCI PARDES PATRIMOINE a accepté la demande de renouvellement.
Par acte extrajudiciaire du 3 septembre 2020, la SARL SOGI 20 a notifié à la SCI PARDES PATRIMOINE l’exercice de son droit d’option sur le fondement de l’article L.145-57 du code de commerce en » renonçant purement et simplement » au renouvellement du bail, et en indiquant qu’elle quitterait définitivement les locaux à la date du 30 septembre 2020.
Par acte extrajudiciaire du 15 septembre 2020, la SCI PARDES a élevé une protestation à la renonciation au renouvellement de bail et à l’exercice du droit d’option du preneur, estimant que la » renonciation est tardive et ne peut produire d’effet « .
Par procès-verbal de constat du 30 septembre 2020, il a été dressé un état des lieux de sorties de la SARL SOGI 20, lors de la remise des clefs.
Par exploit d’huissier du 2 juillet 2021, la SCI PARDES PATRIMOINE a fait assigner la SARL SOGI 20 devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins de :
– constater l’accord des parties sur les conditions du renouvellement du bail et sur le prix du loyer à compter du 1er juillet 2020 ;
– dire que le droit d’option de la SARL SOGI 20 est tardif car postérieure à l’acceptation du renouvellement de bail par le bailleur sur les conditions du bail et sur le prix du loyer ;
– condamner la SARL SOGI 20 au paiement des loyers et charges à compter du 1er juillet 2020 ;
– condamner la SARL SOGI 20 au paiement des loyers et charges échus et s’élevant du 1er juillet 2020 au 30 juin 2021 à la somme de 71.897, 29 euros, sauf à parfaire ;
– condamner la SARL SOGI 20 au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;
– ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.
Par courrier recommandé notifié le 5 octobre 2022, la SARL SOGI 20 a fait délivrer au bailleur un congé au 30 juin 2023 (correspondant à la fin de la période triennale), dans l’hypothèse où le bail aurait été renouvelé au 1er juillet 2020.
Par conclusions notifiées le 11 avril 2023 la SCI PARDES PATRIMOINE demande au tribunal judiciaire de Paris de :
– débouter la SARL SOGI 20 de l’ensemble de ses demandes ;
– constater l’accord des parties sur les conditions du renouvellement du bail et sur le prix du loyer, à compter du 1er juillet 2020 ;
– constater que le droit d’option de la SARL SOGI 20 est tardif car postérieur à l’acceptation du renouvellement de bail par le bailleur sur les conditions du bail et sur le prix du loyer ;
– condamner la SARL SOGI 20 au paiement des loyers et charges, à compter du 1er juillet 2020 au prix du loyer du bail expiré ;
– condamner la SARL SOGI 20 au paiement des loyers et charges jusqu’à la fin de la période triennale, soit jusqu’au 30 juin 2023, soit la somme de 302.515,70 euros ;
– condamner la SARL SOGI 20 au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;
– ordonner l’exécution provisoire.
Au soutien de ses prétentions, la SCI PARDES PATRIMOINE énonce:
– que l’option peut être exercée tant qu’aucun accord n’est intervenu entre les parties sur le montant du loyer ; que lorsque les parties sont convenues de la chose et du prix, l’exercice du droit d’option n’est plus possible; qu’il a été jugé par la Cour de cassation que lorsque les parties ont toutes deux exprimé leur volonté de voir renouveler le contrat » aux mêmes clauses et conditions antérieures « , sans mention d’aucune réserve, elles avaient conclu un accord exprès sur les conditions et clauses du bail (Cass civ.3 15 avril 2021) ; que le renouvellement du bail est donc irrévocable ; qu’en l’espèce, la SARL SOGI 20 a sollicité le renouvellement du bail aux mêmes conditions que le
bail échu, conformément à l’article L.145-10 du code de commerce ; qu’elle a, en sa qualité de bailleur, accepté le renouvellement du bail, en faisant explicitement mention d’un accord sur le prix dans son acte de réponse, en ces termes : » Par le présent acte la requérante consent au principe du renouvellement du bail aux mêmes clauses et conditions du bail expiré en ce accord sur le prix du loyer » ;
– que s’agissant de sa bonne foi, elle doit être présumée ; que les courriers de résiliation de fournisseur produits par le preneur, ou de changement d’employeur du responsable de magasin dont elle n’a pas été informée ne lui sont pas opposables ; que le fait de faire délivrer l’acceptation de renouvellement dans le cadre de l’urgence ne préjuge en rien d’une prétendue mauvaise foi, mais démontre sa volonté de répondre explicitement, avant l’expiration du délai de trois mois ; qu’elle n’a jamais eu connaissance de la volonté du preneur de quitter les lieux ;
– que le droit d’option ne peut être exercé en l’espèce, puisqu’il doit intervenir entre le moment où les parties tombent d’accord sur le principe de renouvellement et celui auquel elles s’accordent sur le montant de loyer du nouveau bail ;
– que la force obligatoire du contrat impose donc au preneur de payer les loyers jusqu’au 30 juin 2023, date de fin de la première période triennale ; que le préjudice est certain et important, les locaux étant demeurés vides.
Par conclusions notifiées le 4 mai 2023, la SARL SOGI 20 demande au tribunal judiciaire de Paris de :
A titre principal,
– débouter la SCI PARDES PATRIMOINE de l’ensemble de ses demandes ;
A titre subsidiaire,
– limiter la réparation du préjudice jusqu’à la date à laquelle la SCI PARDES PATRIMOINE aurait dû relouer le local, soit la somme de 22.500 euros, correspondant à trois mois de loyers ;
– constater que le montant réclamé par la SCI PARDES PATRIMOINE ne peut, en tout état de cause, excéder les loyers qui seraient dus jusqu’au 30 juin 2023, date de la première période triennale, compte tenu du congé qui a été adressé le 3 octobre 2022;
– écarter l’exécution provisoire du jugement à intervenir ;
En tout état de cause,
– condamner la SCI PARDES PATRIMOINE à lui payer la somme 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la SCI PARDES PATRIMOINE en tous les dépens, en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, la SARL SOGI 20 énonce :
– qu’il est constant qu’en matière de bail commercial, le principe du renouvellement du bail peut être acquis sans que les parties aient pu trouver un accord sur le prix qui peut être négocié ou fixé ultérieurement ; que la mention » aux mêmes clauses et conditions » insérée dans une demande de renouvellement du bail, si elle peut traduire la volonté de renouveler le bail, ne saurait suffire à caractériser un engagement précis, complet et ferme du locataire sur le montant du loyer du bail à renouveler, sans mention explicite du prix du loyer ; qu’en outre, le bail antérieur contenait une clause qui écartait la fixation du loyer sur le fondement des dispositions statutaires, et exigeait un formalisme par acte notarié ; qu’en l’absence de détermination des paramètres du prix et d’un tel formalisme, aucun accord n’a pu avoir lieu ;
– que le droit d’option peut être exercé tant qu’aucun accord n’est intervenu entre les parties sur le montant du loyer; qu’il peut être exercé avant même l’introduction d’une procédure en fixation du loyer ; qu’en l’espèce, l’exercice du droit d’option a été régulier ;
– que l’acceptation du bailleur du renouvellement, le même jour que l’exercice du droit d’option, a été réalisée en violation de l’obligation de bonne foi en ce qu’il a tenté de faire obstacle à l’exercice du droit d’option ; que la facturation d’émolument d’urgence alors que cette délivrance ne nécessitait aucune urgence, en témoigne, étant précisé que l’absence de réponse vaut en la matière acceptation implicite;
– que la jurisprudence mentionnée par le bailleur concerne une demande de renouvellement adressée par le preneur au même loyer ; que tel n’est pas le cas en l’espèce ;
– que l’exercice du droit d’option ne répond à aucune exigence de forme ; qu’elle a en outre informé le bailleur verbalement de sa volonté de l’exercer bien avant sa formalisation ; qu’en outre, cette volonté ressortait du fait qu’elle avait pris toutes dispositions utiles pour quitter les lieux (mutation du responsable du magasin ; personnel réaffecté sur d’autres sites, stock et matériel déplacés ; contrats essentiels à l’activité résiliés) ;
– que s’agissant du préjudice allégué par le bailleur, celui-ci ne peut s’enrichir au détriment du preneur ; qu’en effet, ayant récupéré le local, il lui est loisible de prendre toutes les mesures pour le remettre en location ; que celui-ci ne peut prétendre au paiement d’un loyer qui doit refléter la contrepartie d’une prestation.
La clôture a été prononcée le 11 mai 2023.
L’audience de plaidoirie s’est tenue le 1er octobre 2024.
La décision a été mise en délibéré au 7 janvier 2025.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au greffe à la date du délibéré;
– Constate le principe du renouvellement du bail du 14 mai 2008 liant la SCI PARDES PATRIMOINE et la SARL SOGI 20 concernant les locaux commerciaux sis [Adresse 3] à [Localité 6], à compter du 1er juillet 2020;
– Constate que par l’exercice du droit d’option de la SARL SOGI 20 fondé sur l’article L.145-57 du code de commerce le bail renouvelé à compter du 1er juillet 2020 s’est éteint rétroactivement à cette même date ;
– Rejette la demande en paiement des loyers et des charges de la SCI PARDES PATRIMOINE pour la période postérieure au 1er juillet 2020 ;
– Constate l’absence de demande indemnitaire pour la période d’occupation entre le 1er juillet 2020 et le 30 septembre 2020 ;
– Condamne la SCI PARDES PATRIMOINE aux entiers dépens;
– Condamne la SCI PARDES PATRIMOINE à payer à la SARL SOGI 20 la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Rejette le surplus des demandes ;
– Rappelle que l’exécution provisoire est de droit.
Fait et jugé à Paris le 07 Janvier 2025.
Le Greffier Le Président
Christian GUINAND Sophie GUILLARME
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