Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris
Thématique : Conditions du dénigrement contre une société
→ RésuméL’affaire Canal Plus soulève des questions sur le dénigrement et la liberté d’expression. Un ancien salarié a accusé le groupe de censure après que son documentaire, initialement prévu sur Canal Plus, a été diffusé sur FRANCE 3. Cette accusation a conduit à une poursuite pour dénigrement. Selon l’article 1240 du code civil, la divulgation d’informations pouvant nuire à autrui peut constituer un acte de dénigrement, même sans concurrence directe. Toutefois, si les propos relèvent d’un sujet d’intérêt général et reposent sur des faits, ils sont protégés par la liberté d’expression, sous réserve de respecter ses limites.
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Affaire Canal Plus
Un ancien salarié de la chaîne I TELE (Groupe Canal Plus) a réalisé un documentaire intitulé “Evasion fiscale, enquête sur le Crédit Mutuel”, prévu pour passer sur la chaîne Canal Plus. Finalement, le documentaire a été diffusé sur la chaîne FRANCE 3.
Imputations de censure : un dénigrement ?
Ce changement de diffuseur a été présenté par le réalisateur comme le résultat d’une action de censure du Groupe Canal Plus. Suite à ces accusations, le réalisateur a été poursuivi pour dénigrement.
Conditions du dénigrement
L’article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Même en l’absence d’une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la divulgation, par l’une, d’une information de nature à jeter le discrédit sur les produits, les services ou les prestations de l’autre peut constituer un acte de dénigrement, ouvrant droit à réparation sur le fondement de l’article 1240 du code civil. Cette divulgation n’entre pas dans les prévisions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, dès lors qu’elle ne concerne pas la personne physique ou morale.
En application des règles régissant la responsabilité délictuelle de droit commun, il appartient toutefois au demandeur de prouver l’existence d’une faute commise par l’auteur des propos, un préjudice personnel et direct subi par lui et un lien de causalité entre cette faute et le préjudice.
En outre, s’agissant d’une restriction au principe fondamental de la liberté d’expression, la responsabilité civile de l’auteur des propos doit s’apprécier strictement.
Ainsi, lorsque l’information se rapporte à un sujet d’intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, cette divulgation relève du droit à la liberté d’expression, qui inclut le droit de libre critique, et ne saurait être regardée comme fautive, sous réserve que soient respectées les limites admissibles de la liberté d’expression.
Délit de presse applicable
En l’occurrence, les propos du réalisateur ne se limitaient pas à une critique des produits et services du groupe Canal Plus. En effet, ce dernier ne critiquait pas la qualité des prestations d’information ou de divertissement offertes par le groupe mais portait une critique contre la personne morale elle-même, mise en cause pour avoir refusé de diffuser un reportage, ce pour des raisons totalement indépendantes du contenu, mais afin de protéger les intérêts d’une société tierce, supposée dirigée par un proche. N’était donc pas mise en cause la qualité de l’offre de la société, mais bien le comportement de la personne morale elle- même. Or, les abus de la liberté d’expression ne se réparent que sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
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