Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris
Thématique : Obligations de remise en état et troubles de jouissance dans un logement locatif
→ RésuméContexte du litigeLa société MUTUELLE DU CORPS SANITAIRE FRANCAIS (MACSF IMMOBILIER) a signé un contrat de location avec Mme [R] [F] le 9 septembre 1989 pour un local à usage d’habitation. Mme [F] a occupé ce logement avec sa sœur, Mme [O] [F]. Un sinistre a eu lieu dans la nuit du 3 au 4 décembre 2023, causé par la rupture de la cuve d’un chauffe-eau électrique, entraînant des infiltrations d’eau dans l’appartement. Réactions et démarches entreprisesSuite au sinistre, Mme [F] a informé le gestionnaire RICHARDIERE NEXITY, qui a mandaté un plombier. Le ballon d’eau a été remplacé le 5 décembre 2023. Entre décembre 2023 et mai 2024, Mme [F] a envoyé plusieurs courriers recommandés au bailleur, signalant l’insalubrité de l’appartement et la nécessité de condamner une chambre. Un expert d’assurance a constaté des dommages d’humidité et des effets personnels affectés. Constatations et expertisesLe 22 mai 2024, un rapport d’expertise a révélé une humidité excessive et des moisissures. Un constat d’huissier a été réalisé le 27 novembre 2024, confirmant les désordres. Mme [F] a mis en demeure le bailleur par lettre recommandée le 30 mai 2024. Le 9 juillet 2024, elle a assigné MACSF IMMOBILIER devant le juge des contentieux de la protection, demandant des réparations et des indemnités. Arguments de Mme [F]Mme [F] a soutenu que le bailleur avait manqué à ses obligations d’entretien et de remise en état, en vertu des articles du code civil et de la loi du 6 juillet 1989. Elle a contesté les devis de remise en état proposés par le bailleur, arguant qu’ils ne prenaient pas en compte l’ampleur des travaux nécessaires. Elle a également demandé des indemnités pour la privation de jouissance et le préjudice moral. Réponse de MACSF IMMOBILIERLa société MACSF IMMOBILIER a contesté la recevabilité de l’action et a demandé le rejet des demandes de Mme [F]. Elle a affirmé avoir établi un devis complet pour les travaux nécessaires et a soutenu que les retards étaient dus à des problèmes de séchage et à l’absence d’aération de la part de la locataire. Décision du juge des référésLe juge a reconnu la recevabilité de l’action de Mme [F] et de l’intervention de Mme [O] [F]. Il a constaté un trouble manifestement illicite dans la jouissance du logement, en raison de l’humidité persistante et des retards dans les travaux de remise en état. La société MACSF IMMOBILIER a été condamnée à exécuter les travaux sans astreinte, en raison de l’absence de preuve d’une mauvaise volonté manifeste. Indemnisation accordéeLe juge a accordé des indemnités provisionnelles à Mme [F] pour le préjudice de jouissance, le préjudice moral, et à Mme [O] [F] pour son préjudice physique et moral. Les demandes d’indemnisation pour relogement ont été rejetées, car les travaux n’excédaient pas 21 jours. La société MACSF IMMOBILIER a également été condamnée aux dépens de l’instance. |
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copie conforme délivrée
le : 06/02/2025
à : Maître Hugues WEDRYCHOWSKI
Copie exécutoire délivrée
le : 06/02/2025
à : Maître David SAIDON
Pôle civil de proximité
PCP JCP référé
N° RG 24/09715 – N° Portalis 352J-W-B7I-C6DVU
N° MINUTE : 4/2025
ORDONNANCE DE REFERE
rendue le 06 février 2025
DEMANDERESSE
Madame [R] [F], demeurant [Adresse 1]
représentée par Maître David SAIDON de la SELEURL David Saidon Avocat, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : #C0630
DÉFENDERESSE
S.A.S.U. MACSF IMMOBILIER La société MACSF IMMOBILIER société par actions simplifiée à associé unique, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Maître Hugues WEDRYCHOWSKI de la SCP SCP WEDRYCHOWSKI ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : #P105
INTERVENANTE VOLONTAIRE
Madame [O] [F], demeurant [Adresse 1]
non comparante
représentée par Maître David SAIDON de la SELEURL David Saidon Avocat, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : #C0630
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Brice REVENEY, Juge, juge des contentieux de la protection assisté de Alexandrine PIERROT, Greffière
DATE DES DÉBATS
Audience publique du 16 décembre 2024
ORDONNANCE
contradictoire et en premier ressort prononcée par mise à disposition le 06 février 2025 par Brice REVENEY, Juge, juge des contentieux de la protection assisté de Alexandrine PIERROT, Greffière
Décision du 06 février 2025
PCP JCP référé – N° RG 24/09715 – N° Portalis 352J-W-B7I-C6DVU
EXPOSE DU LITIGE
Suivant acte sous seing privé du 9 septembre 1989, La société MUTUELLE DU CORPS SANITAIRE FRANCAIS (ci-après MACSF IMMOBILIER) a consenti à Mme [R] [F] un contrat de location d’un local à usage d’habitation situé [Adresse 1] qu’elle a occupé en compagnie de sa sœur Mme [O] [F].
Mme [R] [F] a subi un sinistre survenu dans la nuit du 3 au 4 décembre 2023 suite à la rupture de la cuve du chauffe-eau électrique ayant causé une infiltration d’eau dans toutes les pièces et par mail du 3 décembre 2023, en fait état auprès du gestionnaire RICHARDIERE NEXITY qui a indiqué mandater un plombier.
Le ballon d’eau défectueux a été remplacé dès le 5 décembre 2023.
De nombreux courriers recommandés ont été envoyés par la locataire entre décembre 2023 et mai 2024, notamment des lettres du 6 et du 15 février 2024 par lesquelles Mme [F] informait son bailleur avoir du condamner une des deux chambre outre l’insalubrité générale de l’appartement.
Le 19 février 2024, l’expert d’assurance MACIF de la locataire, qui devait faire l’avance des travaux de remise en état des agencements locatifs, a signalé au bailleur les dommages d’humidité subis par les agencements locatifs et à des effets personnels de la locataire.
Par courriel du 16 mai 2024, Mme [F] a relancé le bailleur, insistant sur l’état dégradé de sa sœur du fait de l’humidité, outre le parquet d’origine, dont les lattes, décollées, prenaient un tour dangereux.
Un rapport de l’expert d’assurance MACIF de la locataire en date du 22 mai 2024 a renchéri sur ces désordres dont une moisissure galopante, mesurée à 85% d’humidité.
Mme [F] fait constater par commissaire de justice les désordres le 27/11/2024.
Une mise en demeure de remédier sous quinze jours a été effectuée au bailleur par LRAR du 30 mai 2024.
Par acte de commissaire de justice du 9 juillet 2024, Mme [F] a assigné la société MACSF IMMOBILIER devant le juge des contentieux de la protection près le tribunal judiciaire de Paris agissant en tant que juge des référés aux fins des demandes suivantes dont elle fait état dans ses conclusions n° 2:
– déclarer recevable l’action de Mme [R] [F] et l’intervention volontaire de Mme [O] [F],
– juger du trouble de jouissance engendré par défaut d’entretien et de remise en état du logement imputable au bailleur et le condamner :
-à effectuer les travaux de réfection de l’appartement notamment en déposant le parquet d’origine et en déplaçant et protégeant les meubles, sous astreinte de 300 € par jour de retard à compter de la signification du jugement,
– à prendre en charge les frais de relogement de Mme [F] et sa sœur jusqu’à l’achèvement des travaux,
– à indemniser à titre provisionnel Mme [F] et sa sœur de la privation de jouissance de l’appartement du 03/12/2023 au 03/12/2024, soit 12 mois pour un montant de 10.660 € correspondant aux deux tiers du montant du loyer pendant cette période,
– à indemniser à titre provisionnel Mme [F] et sa sœur du préjudice physique et moral depuis le 03/12/2023 pour un montant de 10.000 €,
– à indemniser Mme [F] et sa sœur des frais irrépétibles à hauteur de 3.960 €, outre les entiers dépens incluent le coût du constat d’huissier de 420 €.
Décision du 06 février 2025
PCP JCP référé – N° RG 24/09715 – N° Portalis 352J-W-B7I-C6DVU
Mme [F], revendiquant un trouble manifestement illicite, se base sur les articles 1719, 1720, 1721 du code civil et l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 pour pointer l’obligation de résultat défaillante du bailleur d’entretenir le logement en état de servir à son usage et d’y faire toutes réparations autres que locatives pour ce faire, y compris les réparations nécessitées par les dégradations dues aux fuites et à l’humidité.
Elle conteste les termes du double devis de remise en état proposé par le bailleur, l’un ne prévoyant qu’un remplacement partiel du parquet, l’autre ne prévoyant pas la pose du nouveau parquet ainsi que la protection du mobilier et les frais de déchetterie. Elle précise que la baisse du taux d’humidité suppose d’abord le remplacement du parquet pourri avant que les travaux d’embellissement des murs ne s’effectue, plusieurs mois après.
Elle souligne que la condamnation d’une chambre et le caractère indécent de la seconde justifie à mesure de deux pièces sur trois l’indemnisation d’une privation de jouissance des 2/3 du logement depuis 12 mois, soit une réduction rétroactive provisionnelle de son loyer jusqu’à l’exécution des travaux.
Elle fait valoir l’atteinte à la sécurité physique ou à la santé des occupants depuis 12 mois du fait de l’environnement humide qui a affecté les biens ainsi que les personnes, tel que justifié par des certificats médicaux en pneumologie de Mme [O] [F].
***
Dans ses conclusions en défense n° 3, la société MACSF IMMOBILIER demande de :
– dire qu’il n’ y a pas lieu à référé,
– débouter Mme [F] de ses demandes et la condamner à lui payer la somme de 3.000 € de frais irrépétibles outre les entiers dépens.
La société MACSF IMMOBILIER indique voir fait établir par DLM DECOR un devis de remise en état du parquet le 17 avril 2024, rectifié avec l’accord de la MACIF et portant bel et bien sur la totalité de la surface de parquet , dépose et pose incluse, soit 67 m2 outre la surface carrelée, la pose » au dessus du parquet du parquet en stratifié par-dessus le parquet chaîne » (sic), devant être prise en charge par la MACIF au titre d’une reprise de l’embellissement réalisé par la locataire, embellissement qui coupe court à toute exigence de ponçage et de vitrification de la première couche de parquet.
La société MACSF IMMOBILIER affirme que le devis contient tous les postes dont Mme [F] déplore l’absence.
Elle indique que les travaux prévus en août 2024 ont été repoussés à cause des congés de la locataire, les travaux ne pouvant intervenir tant que les sols ne sont pas secs. Elle rappelle que Mme [F] a reçu de la MACIF la somme de 14.745 € pour les travaux de remise en état.
La société MACSF IMMOBILIER pour contester le trouble manifestement illicite pointe l’absence de preuve du caractère indécent du logement, le constat du 24 mai 2024 n’évoquant ni l’insalubrité ni la condamnation d’une des deux chambres ni un parquet soulevé sur toute la surface et les photos n’étant pas pertinentes.
Elle ajoute que ni la DDPP ni l’ARS n’ont été saisis pour risque manifeste de santé et de salubrité, et que Mme [F] a du manquer aux gestes d’aération les plus évidents pour faire baisser le taux d’humidité.
La société MACSF IMMOBILIER dit le préjudice de jouissance non justifié par le constat d’huissier, qui relève en lieu et place d’une chambre condamnée que les deux chambre comportent un couchage, point qui relève d’une contestation sérieuse, tout comme l’état de santé de Mme [O] [F] qu’on ne peut relier au sinistre, sinon qu’il fait suite à un état antèrieur certifié en 2020.
***
A l’audience du 26 novembre 2024, Le conseil de Mme [F] s’est référé à ses écritures et a indique avoir reçu la veille de l’audience un devis antidaté avec une prise en charge partielle des frais.
Le conseil de La société MACSF IMMOBILIER a repris oralement ses écritures. Il a précisé n’avoir jamais refusé d’effectuer des travaux mais que le temps de séchage nécessite d’attendre pour y procéder , outre que du temps pour le chiffrage a été perdu du fait du parquet stratifié posé par dessus le parquet de chêne par la locataire, qui a manqué à aérer son logement.
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A l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 6 février 2025 par mise à disposition au greffe du tribunal.
PAR CES MOTIFS
Nous, juge des référés, statuant par ordonnance mise à disposition au greffe, réputée contradictoire et rendue en premier ressort,
Au principal, RENVOYONS les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront mais, dès à présent,
RECEVONS l’action de Mme [R] [F] devant le juge des référés,
RECEVONS l’intervention volontaire de Mme [O] [F] devant le juge des référé,
CONDAMNONS La société MACSF IMMOBILIER à payer à Mme [R] [F] la somme provisionnelle de 7403 € au titre de son préjudice de jouissance,
CONDAMNONS La société MACSF IMMOBILIER à payer à Mme [R] [F] la somme provisionnelle de 1.000 € au titre de son préjudice moral,
CONDAMNONS La société MACSF IMMOBILIER à payer à Mme [O] [F] la somme provisionnelle de 2.000 € au titre de son préjudice physique et moral,
REJETONS toutes les autres demandes,
CONDAMNONS La société MACSF IMMOBILIER aux entiers dépens de l’instance, en ce compris le constat en date du 27/04/2024,
CONDAMNONS La société MACSF IMMOBILIER à payer aux consorts la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
RAPPELONS que l’exécution provisoire est de droit.
La Greffière, Le Juge,
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