Tribunal judiciaire de Paris, 6 février 2025, RG n° 24/05251
Tribunal judiciaire de Paris, 6 février 2025, RG n° 24/05251

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris

Thématique : Résiliation de bail et obligations locatives : enjeux de paiement et de jouissance.

Résumé

Contexte de l’Affaire

La SASU OPERA MALESHERBES a conclu un contrat de bail avec un locataire pour un appartement et une cave, avec un loyer mensuel de 5 725 euros. Le bail a été signé le 8 août 2023, avec une prise d’effet au 25 août 2023. Cependant, des loyers sont restés impayés, entraînant des actions légales de la part du bailleur.

Commandement de Payer et Saisine de la CCAPEX

En mars 2024, la SASU OPERA MALESHERBES a signifié un commandement de payer au locataire pour un montant de 34 467,86 euros, correspondant aux loyers et charges impayés. Par la suite, la SASU a saisi la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (CCAPEX) pour tenter de résoudre le litige.

Assignation en Justice

En mai 2024, la SASU OPERA MALESHERBES a assigné le locataire devant le juge des contentieux de la protection, demandant la constatation de la clause résolutoire, la résiliation judiciaire du bail, et l’expulsion du locataire. Le montant de la dette locative a été actualisé à 92 677,87 euros lors de l’audience de novembre 2024.

Arguments du Bailleur

Le bailleur a soutenu que le locataire n’avait pas prouvé l’indécence du logement et a mis en avant la jurisprudence qui stipule que le non-paiement des loyers ne peut être justifié que par un état d’inhabitabilité totale. De plus, le bailleur a mentionné avoir réduit le loyer en raison de l’absence de jouissance de la cave, qui est désormais accessible.

Arguments du Locataire

Le locataire a contesté les demandes du bailleur, alléguant des mensonges et omissions constitutifs de dol, ce qui justifierait la nullité du contrat de bail. Il a également demandé des dommages et intérêts pour l’absence d’eau chaude, la non-délivrance de la cave, et le trouble de voisinage.

Décision du Tribunal

Le tribunal a rejeté la demande de nullité du contrat de bail pour dol, considérant que le locataire n’avait pas prouvé les manœuvres dolosives. En revanche, il a constaté la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et a ordonné l’expulsion du locataire.

Dommages et Intérêts

Le tribunal a accordé des dommages et intérêts au locataire pour le préjudice lié à l’absence d’eau chaude, à la jouissance de la cave, et au trouble de voisinage, totalisant 8 575 euros. Le locataire a également été condamné à payer les arriérés de loyers et charges au bailleur.

Conclusion

La décision a été rendue le 6 février 2025, avec des ordonnances d’expulsion et de paiement des sommes dues, tout en précisant que le jugement était assorti de l’exécution provisoire. Les parties ont été déboutées de leurs demandes supplémentaires.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]

Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Xavier MARTINEZ
Me Sarah MELKI CAROUBI

Pôle civil de proximité

PCP JCP ACR fond

N° RG 24/05251 – N° Portalis 352J-W-B7I-C46X7

N° MINUTE :
1

JUGEMENT
rendu le 06 février 2025

DEMANDERESSE
S.A.S.U. OPERA MALESHERBES, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Xavier MARTINEZ, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : #216

DÉFENDEUR
Monsieur [R] [P], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Sarah MELKI CAROUBI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #B1131

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Karine METAYER, Juge des contentieux de la protection
assistée de Lisa BOUCHEMMA, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 25 novembre 2024

JUGEMENT
contradictoire et en premier ressort prononcé par mise à disposition le 06 février 2025 par Karine METAYER, juge des contentieux de la protection assistée de Lisa BOUCHEMMA, Greffier

Décision du 06 février 2025
PCP JCP ACR fond – N° RG 24/05251 – N° Portalis 352J-W-B7I-C46X7

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 8 août 2023 avec prise d’effet au 25 août 2023, la SASU OPERA MALESHERBES a donné à bail à Monsieur [R] [P] un ensemble immobilier composé d’un appartement correspondant au lot n°8 et d’une cave n°8, situé [Adresse 1], pour un loyer mensuel de 5 725 euros, outre 650 euros de provisions sur charges.

Des loyers étant impayés, par acte de commissaire de justice en date du 21 mars 2024, la SASU OPERA MALESHERBES a fait signifier à Monsieur [R] [P] un commandement de payer visant la clause résolutoire pour un montant de 34 467,86 euros en principal, au titre des loyers et charges impayés.

Par notification électronique du 25 mars 2024 la SASU OPERA MALESHERBES a saisi la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (CCAPEX).

Par acte de commissaire de justice en date du 14 mai 2024, la SASU OPERA MALESHERBES a fait assigner Monsieur [R] [P] devant le juge des contentieux de la protection de Paris aux fins de :
à titre principal, constater l’acquisition de la clause résolutoire ;à titre subsidiaire, prononcer la résiliation judiciaire du bail ;ordonner l’expulsion de Monsieur [R] [P] ainsi que de tout occupant de son chef, avec au besoin l’assistance de la force publique ; autoriser le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers se trouvant dans les lieux dans tel lieu qu’il plaira au bailleur aux frais du défendeur dans les conditions du code des procédures civiles d’exécution ; condamner Monsieur [R] [P] au paiement des sommes suivantes :la somme de 53 546,48 euros au titre de la dette locative au 6 mai 2024, échéance de mai 2024 inclus, avec intérêts au taux légal à compter du 21 mars 2024 ;une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant du loyer mensuel et des charges locatives, à compter de la résiliation du bail jusqu’à libération effective des lieux ;la somme de 1500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile les dépens ;refuser tout délai de paiement ;dire n’y avoir lieu d’écarter l’exécution provisoire.
L’assignation a été dénoncée à la préfecture de Paris le 15 mai 2024.

À l’audience du 25 novembre 2024, la SASU OPERA MALESHERBES, représentée par son conseil, maintient les demandes contenues dans son acte introductif d’instance et actualise la dette locative à la hausse, la somme s’élevant à 92 677,87 euros arrêtée au 30 novembre 2024, loyer du mois de novembre 2024 inclus.
Au soutien de ses demandes, elle fait valoir que la taxe foncière du logement s’élève à la somme de 226 180 euros par an et que le bailleur ne peut se permettre de laisser des loyers impayés.
Sur l’indécence du logement, elle soutient que le locataire n’en rapporte pas la preuve.
Elle met en avant la jurisprudence constante de la Cour de Cassation qui consacre qu’il ne peut y avoir d’exception d’inexécution de l’obligation du locataire de payer les loyers, sauf à caractériser le caractère totalement inhabitable du logement, ce qui n’est pas le cas en l’espèce selon la bailleresse.
Elle souligne par ailleurs que la bailleresse a opéré une réduction des loyers en raison de l’absence de jouissance de la cave et opérant une réduction des loyers de 900 et 200 euros en février 2024 et précise que la cave est désormais accessible et utilisable.
Sur le trouble de voisinage, elle reconnait les difficultés liées à un voisin précisant qu’une procédure d’expulsion a été entamée et a abouti et que ces derniers ne se manifestaient plus depuis février 2024.
Elle expose enfin concernant le non-paiement des loyers que le dernier versement du loyer date du 7 mars 2024 et correspond à un virement de 6 075 euros. Elle s’est opposée à l’octroi de délais de paiement.

La SASU OPERA MALESHERBES soutient, sur le fondement de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, que Monsieur [R] [P] n’a pas réglé les sommes réclamées dans le délai de six semaines après la délivrance du commandement de payer du 21 mars 2024.
À titre subsidiaire, elle soutient que le non-paiement des loyers constitue un manquement du locataire à ses obligations justifiant la résiliation judiciaire du bail en application des articles 1224 et suivants du code civil et 7 de la loi du 6 juillet 1989. Elle ajoute que la créance de loyer est certaine, liquide et exigible, ce qui justifie la condamnation du locataire à régler l’arriéré de loyers en application de l’article 7 de la loi du 6 juillet 1989.

Monsieur [R] [P], représenté par son conseil, par conclusions écrites soutenues oralement, sollicite de :
débouter la SASU OPERA MALESHERBES de l’ensemble de ses demandes ;juger que les mensonges et omissions de la SASU OPERA MALESHERBES sont constitutifs d’un dol de nature à entrainer la nullité du contrat de bail en date du 8 août 2023 consenti par la SASU OPERA MALESHERBES à Monsieur [P] ;Prononcer la nullité du bail en date du 8 août 2023 consenti par la SASU MALESHERBES à Monsieur [P] ; Ordonner la restitution par la SASU OPERA MALESHERBES à Monsieur [P] de tous les loyers versés au titre du bail du 8 août 2023 consenti par la SASU OPERA MALESHERBES du dépôt de garantie et des frais découlant de cette prise à bail : frais de déménagement, note d’hôtel, frais de garde meuble…Accorder à Monsieur [P] un délai allant jusqu’à la fin de l’année scolaire pour quitter l’appartement en contrepartie du paiement d’une indemnité d’occupation également au montant du loyer du bail en date du 8 août 2023 ;
A titre subsidiaire
Constater que la SASU OPERA MALESHERBES a manqué à ses obligations essentielles de sorte que Monsieur [P] est fondé à sollicité l’indemnisation de ses préjudices ;
Et en conséquence :
Condamner la SASU OPERA MALESHERBES à payer à Monsieur [P] la somme de 13 548 euros au titre de son préjudice lié à l’absence d’eau chaude ;Condamner la SASU OPERA MALESHERBES à payer à Monsieur [P] la somme de 24 030 euros au titre de son préjudice lié à l’absence de délivrance de la cave ;Condamner la SASU OPERA MALESHERBES à payer à Monsieur [P] la somme de 12 750 euros au titre de son préjudice lié au trouble anormal de voisinage ;
En tout état de cause
Condamner la SASU OPERA MALESHERBES à payer à Monsieur [P] la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral ;Condamner la SASU OPERA MALESHERBES à payer à Monsieur [P] la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;Condamner la SASU OPERA MALESHERBES aux entiers dépens ;Ordonner la compensation entre les sommes qui seraient allouées à Monsieur [P] et le montant de l’arriéré locatif qui serait dû à la SASU OPERA MALESHERBES.
Au soutien de ses prétentions, il soulève le dol de la bailleresse sur le fondement de l’article 1137 du code civil en raison du comportement des occupants du 4ème étage, et d’un grave trouble anormal de voisinage relatif leurs agissements et de la connaissance de la bailleresse de ces éléments préalablement à la signature du contrat de bail à usage d’habitation le 8 août 2023.
Par ailleurs, il fait valoir qu’il n’a pu jouir dès son aménagement et pendant plusieurs mois de la cave comprise dans la location de l’ensemble immobilier, et ce en dépit de nombreuses relances jusqu’au 11 octobre 2023 et que la bailleresse lui a caché l’impossibilité d’accès et d’utilisation de la cave au moment de la signature du contrat de bail.
Il fait grief le caractère indécent du logement au motif qu’il a rencontré des problèmes d’eau chaude à son entrée dans les lieux et ce pendant plusieurs semaines. Il conteste le principe de la dette.

Il sera référé aux écritures des parties déposées à l’audience pour un plus ample exposé de leurs moyens en application des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile.
L’affaire a été mise en délibéré au 6 février 2025 par mise à disposition au greffe du tribunal.

Par note en délibéré, la SASU OPERA MALESHERBES a été autorisée à produire un décompte actulisé de la dette.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection, statuant en audience publique, par jugement contradictoire en premier ressort, rendu par mise à disposition au greffe le jour de son délibéré,

REJETTE la demande de Monsieur [R] [P] de nullité relative au contrat de bail à usage d’habitation entre la SASU OPERA MALESHERBES et Monsieur [R] [P] pour vice du consentement ;

DECLARE recevable la demande de la SASU OPERA MALESHERBES aux fins de constat de l’acquisition de la clause résolutoire ;

CONSTATE que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire contenue dans le bail conclu le 8 août 2023 avec prise d’effet au 25 août 2024, entre la SASU OPERA MALESHERBES d’une part, et Monsieur [R] [P] d’autre part, concernant l’ensemble immobilier, composé d’un appartement et d’une cave, situé [Adresse 1], sont réunies à la date du 2 mai 2024 ;

CONSTATE la résiliation du bail à compter de cette date ;

ORDONNE, à défaut de départ volontaire des lieux, l’expulsion de Monsieur [R] [P] ainsi que de tout occupant de son chef, dans un délai de deux mois à compter de la signification d’un commandement d’avoir à libérer les lieux, avec l’assistance de la force publique si besoin est, ainsi que le transport des meubles laissés dans les lieux loués, conformément aux dispositions des articles L433-1 et L433-2 du code des procédures civiles d’exécution ;

FIXE le montant de l’indemnité d’occupation mensuelle due par Monsieur [R] [P] à compter du 2 mai 2024, date de la résiliation du bail, et jusqu’à la libération définitive des lieux, à une somme égale au montant mensuel du loyer indexé et des charges qui auraient été dus si le bail s’était poursuivi,

CONDAMNE Monsieur [R] [P] à payer à la SASU OPERA MALESHERBES la somme de 92 677,87 euros au titre des loyers, charges et indemnités d’occupation arrêtés au 30 novembre 2024 échéance de novembre 2024 incluse, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision, à compter du 21 mars 2024 sur la somme de 34 467,86 euros, et du présent jugement sur le surplus ;

CONDAMNE Monsieur [R] [P] à payer à la SASU OPERA MALESHERBES l’indemnité d’occupation mensuelle à compter du 30 novembre 2024, et jusqu’à complète libération des lieux, avec intérêts au taux légal à compter de l’exigibilité de chacune des échéances ;

CONDAMNE la SASU OPERA MALESHERBES à verser à Monsieur [R] [P] la somme de 950 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance lié au défaut d’eau chaude ;

CONDAMNE la SASU OPERA MALESHERBES à verser à Monsieur [R] [P] la somme de 4 625 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance de la cave ;

CONDAMNE la SASU OPERA MALESHERBES à verser à Monsieur [R] [P] la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance lié au trouble anormal de voisinage ;

ORDONNE la compensation des sommes dues ;

CONDAMNE Monsieur [R] [P] à payer à la SASU OPERA MALESHERBES la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur [R] [P] aux dépens de l’instance, comprenant les frais de signification du commandement de payer du 21 mars 2024, et le coût de la notification de l’assignation à la préfecture, et de la saisine de la CCAPEX ;

DEBOUTE les parties de leurs plus amples demandes et prétentions ;

RAPPELLE que le présent jugement est assorti de l’exécution provisoire de droit ;

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition du jugement au greffe du tribunal judiciaire, le 6 février 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA JUGE

 


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