Tribunal judiciaire de Paris, 5 février 2025, RG n° 24/04465
Tribunal judiciaire de Paris, 5 février 2025, RG n° 24/04465

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris

Thématique : Reconnaissance d’un accident du travail et contestation de prise en charge

Résumé

Engagement et Accident de Travail

Monsieur [L] [T], prothésiste dentaire, a été engagé par la SARL [4] à compter du 1er juin 2001, puis par la société [6] à partir du 1er février 2013. Le 21 novembre 2017, il a déclaré avoir subi un accident au travail, impliquant un coup physique et un choc émotionnel, causé par un tiers, à savoir un chirurgien-dentiste salarié d’une autre entreprise cliente de la société [6]. Suite à cet incident, Monsieur [L] [T] a été placé en arrêt de travail.

Déclarations Médicales et Prise en Charge

Un certificat médical initial a été établi le jour même de l’accident, indiquant un choc émotionnel et un syndrome anxiodépressif. La Caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 7] a informé la société [6] de la prise en charge de l’accident en tant qu’accident du travail. Cependant, la société [6] a contesté cette décision, entraînant une procédure judiciaire.

Procédure Judiciaire

Le 7 juin 2018, la société [6] a saisi le Tribunal judiciaire des affaires de sécurité sociale de Paris en raison du rejet implicite de sa contestation. Après plusieurs transferts de dossier et une radiation de l’affaire pour non-comparution, le litige a été réinscrit et plaidé le 18 décembre 2024. La société [6] a demandé au tribunal de déclarer inopposable la décision de prise en charge de l’accident.

Arguments des Parties

La société [6] a soutenu que le recours était irrecevable en raison de l’absence de saisine de la Commission de recours amiable. En revanche, la Caisse primaire d’assurance maladie a affirmé que la prise en charge de l’accident était justifiée et opposable à la société [6].

Décision du Tribunal

Le tribunal a déclaré le recours de la société [6] recevable mais mal fondé, confirmant la décision de prise en charge de l’accident du travail. La société [6] a été déboutée de toutes ses demandes, y compris celle relative aux frais irrépétibles, et a été condamnée aux dépens.

Conclusion

Le jugement a été rendu le 5 février 2025, ordonnant l’exécution de la décision de prise en charge de l’accident survenu le 21 novembre 2017, subi par Monsieur [L] [T], par la Caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 7].

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] 2 Expéditions exécutoires délivrées aux parties par LRAR le :
2 Expéditions délivrées aux avocats par LS le :

PS ctx protection soc 4

N° RG 24/04465

N° Portalis 352J-W-B7I-C6IDF

N° MINUTE :

Requête du :

16 Janvier 2024

JUGEMENT
rendu le 05 Février 2025
DEMANDERESSE

S.A.S. [6]
[Adresse 1]
[Localité 2]

Représentée par Me Karole SAMOUN BULOURDE, avocate au barreau de PARIS, avocat plaidant

DÉFENDERESSE

ASSURANCE MALADIE DE [Localité 7] DIRECTION CONTENTIEUX ET LUTTE CONTRE LA FRAUDE
POLE CONTENTIEUX GENERAL
[Adresse 5]
[Localité 3]

Représentée par Me Joana VIEGAS, avocate

COMPOSITION DU TRIBUNAL

M. Franck DOUDET, Vice-Président adjoint,
M. Christian GALANI, Assesseur,
M. Joseph SUDRY, Asesseur,

assistés de Carla RODRIGUES, Greffière

DEBATS

A l’audience du 18 Décembre 2024 tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 05 Février 2025.

JUGEMENT

Rendu par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Monsieur [L] [T] né le 22 juin 1970 a été engagé selon contrat à durée indéterminée et à compter du 1er juin 2001, par la SARL [4] en qualité de prothésiste dentaire.
Son contrat de travail était repris par la société [6] à compter du 1er février 2013.
Monsieur [L] [T] a déclaré auprès de la Caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 7], le 21 novembre 2017, avoir subi, au lieu et temps de travail, un accident, et en a informé son employeur le 22 novembre suivant.
Dans sa déclaration d’accident du travail du 22 novembre 2017, Monsieur [L] déclare avoir subi un coup avec un impact psychologique (choc émotionnel) physique (une griffure au visage au coin de l’œil gauche et poussée de TA (tension artérielle) à 17/10.
Monsieur [L] [T] précise que le coup lui aurait été porté par un tiers, à savoir le Dr [B], chirurgien-dentiste, lequel est salarié d’une entreprise autre que celle qui emploie Monsieur [L] [T] , laquelle est cliente du laboratoire [6].
Monsieur [L] [T] a été placé en arrêt de travail suite au certificat médical initial établi le jour même de l’accident, soit le 21 novembre 2017 jusqu’au 5 novembre 2017 par le médecin Docteur [P] [M].
Le certificat médical initial établi le 21 décembre 2017 par le Docteur [P] [M] indique qu’il constate :
« un choc émotionnelsyndrome anxiodépressif »
Par courrier du 18 décembre 2017 la Caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 7] informait la société [6] de la prise en charge du caractère professionnel de l’accident déclaré le 21 novembre 2017.
Par courrier en date du 21 décembre 2017, la société [6] saisissait les services administratifs de la CPAM de [Localité 7] en contestation de la prise en charge au titre de la législation professionnelle d’accident du travail du salarié Monsieur [L] [T].
En l’absence de réponse dans les délais impartis de deux mois qui vaut rejet implicite, par lettre recommandée avec accusé de réception, la société [6] a saisi le Tribunal judiciaire des affaires de sécurité sociale de Paris en date du 7 juin 2018 en contestation de la décision implicite de rejet du recours formé contre la décision de prise en charge du caractère professionnel de l’accident, dont Monsieur [L] [T] déclare avoir été victime le 21 novembre 2017.
Le 1er janvier 2019, le dossier a été transféré au Pôle social du Tribunal de grande instance de Paris, sous-pôle « contentieux général de la sécurité sociale », en raison de la fusion des tribunaux des affaires de la sécurité sociale avec les juridictions de droit commun.
Le 1er janvier 2020, l’instance s’est poursuivie devant le Tribunal judiciaire de Paris.
Par jugement en date du 13 juin 2022, le Tribunal judiciaire de Paris prononçait la radiation de l’affaire aux motifs que la société requérante n’a pas comparu.
C’est dans ce cadre que revient l’affaire après réinscription au rôle, enregistrée sous le numéro RG 24/04465.
Un litige concernant une faute inexcusable introduit par Monsieur [L] [T] est pendant le Tribunal de céans mais ne concerne pas le présent recours qui relève de la société [6] et la CPAM de [Localité 7].
L’audience a été retenue le 18 décembre 2024, date à laquelle elle a été plaidée en présence des parties dûment représentées.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs pièces et conclusions, régulièrement adressées au secrétariat-greffe, conformément à l’article 455 du Code de procédure civile, ainsi qu’à la note de l’audience du 18 décembre 2024.
Par conclusions reprises oralement auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des moyens, la société [6] représentée par son conseil sollicite du tribunal de :
ORDONNER le rétablissement de l’affaire au rôle,DECLARER recevable et bien fondée la SAS [6] en inopposabilité de la décision reconnaissant le caractère professionnel de l’accident survenu le 21.11.17,Y faisant droit
CONSTATER que l’accident survenu le 21.11.17 dont Monsieur [T] [L] se déclare victime n’a pas de caractère professionnel,Par conséquent :
ANNULER la décision implicite de rejet de la Caisse de Recours Amiable de La Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Paris, saisie le 22.12.17 par la SAS [6], en contestation du caractère professionnel de l’accident déclaré par Monsieur [T] [L] le 21.11.17DÉCLARER inopposable à la SAS [6] la prise en charge du caractère professionnel de l’accident du 21.11.17 tel que déclaré par Monsieur [T] [L], CONDAMNER la CRA de la CPAM de [Localité 7] à verser à la SAS [6] une somme de 1500,00€ au titre des dispositions de l’article 700 du CPC, ORDONNER L’EXCUTION PROVISOIRE.Par conclusions reprises oralement auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des moyens, la Caisse primaire d’assurance maladie de Paris, représentée par son conseil sollicite du tribunal de :
Déclarer irrecevable le recours de la SAS [6] pour absence de saisine de la Commission de recours amiable.A titre subsidiaire,
Constater que c’est, à bon droit, que la Caisse a pris en charge l’accident survenu le 21 novembre 2017 à Monsieur [T] [L],Dire et juger la décision de prise en charge opposable à la société [6].MOTIFS DE LA DECISION :
sur la recevabilité du recours :Vu l’article R142-1 du Code de la sécurité sociale,
« Les réclamations relevant de l’article L. 142-4 formées contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole de salariés ou de non-salariés sont soumises à une commission de recours amiable composée et constituée au sein du conseil, du conseil d’administration ou de l’instance régionale de chaque organisme.
Cette commission doit être saisie dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision contre laquelle les intéressés entendent former une réclamation ».
En l’espèce, par courrier en date du 21 décembre 2017, la société [6] saisissait les services administratifs de la CPAM en contestation de la déclaration d’accident du travail du salarié Monsieur [L] [T].
La Caisse mentionne que la Commission de recours amiable n’est pas indiquée en tant que destinataire du courrier.
Force est de constater que le recours a été fait dans le délai réglementaire des deux mois à compter de la date de décision de prise en charge de l’accident du travail au titre de la législation professionnelle du 18 décembre 2017 auprès des services administratifs de la Caisse et ce dont il résulte que le recours contentieux de la société laboratoire est recevable.

sur la contestation de la décision de prise en charge :Vu l’article L411-1 du Code de la sécurité sociale,
Selon l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme un accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise.
Constitue un accident du travail, une action soudaine ou un événement ou une série d’événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l’occasion du travail celui-ci étant le fait générateur du traumatisme dont il est résulté une lésion corporelle, psychologique ou psychique, quelle que soit la date d’apparition de celle-ci.
Pour bénéficier de la présomption d’imputabilité, le salarié doit rapporter la preuve de la survenance d’un accident et démontrer que celui-ci est survenu au temps et au lieu de travail. La preuve de la matérialité de l’accident peut résulter des déclarations du salarié corroborées par des documents médicaux et, en particulier, par un certificat médical établi le jour même de l’accident, ainsi que par la déclaration d’accident du travail transmise sans réserve à la Caisse.
La présomption d’imputabilité lorsque la matérialité de l’accident au travail temps et au lieu de travail a été admise ne peut être écartée qu’en apportant la preuve d’une cause totalement étrangère au travail.
En l’espèce, il ressort de la déclaration d’accident du travail et des pièces produites que l’accident subi par Monsieur [L] [T] au temps et au lieu du travail est une lésion au sens de l’article L 411-1 du Code de la sécurité sociale puisqu’en effet, un certificat médical initial a été établi le jour même par le Docteur [P] [M] indiquant qu’il constate :« un choc émotionnel et un syndrome anxiodépressif » qui corrobore avec la déclaration de l’accident du travail, faisant état « d’un choc émotionnel, griffure au visage au coin de l’œil gauche, poussée de TA 17/10 » et que l’action soudaine est intervenue au temps et au lieu du travail.
D’autre part, il ressort du rapport d’enquête interne que Monsieur [L] [T] a été malmené le 21 novembre 2017, soit le jour de l’accident, puisqu’il est indiqué que le Docteur [B] [I] l’a empoigné pour le raccompagner à la porte du laboratoire. Il ressort de ces faits qu’il y a eu violence sur un salarié pendant le temps de travail, rappelant que le Docteur [B] [I] confesse lui-même dans sa main courante du 22 novembre 2017, s’être présenté sur le lieu du travail de Monsieur [L] [T] le 21 novembre 2017 à 10 h 30 « dans le cadre de ma profession », qu’il s’est adressé à ce salarié et que le ton est monté dans le cadre d’une discussion houleuse. Il reconnaît avoir empoigné Monsieur [L] jusqu’à l’entrée de son laboratoire lorsque ce dernier s’est présenté au centre dentaire.
En l’état de ces constatations, il ne peut être soutenu que les faits du 21 novembre 2017 se sont produits alors que Monsieur [L] [T] n’était pas sous la subordination de son employeur alors que les faits ont un rapport direct et certain avec le travail.

Par voie de conséquence, les moyens desquels la société [6] soutient son recours en contestation de prise en charge de l’accident du travail du 21 novembre 2017 seront rejetés et il convient de confirmer la décision de prise en charge de l’accident du travail en date du 21 novembre 2017 au titre de la législation professionnelle.

sur les frais irrépétibles et les dépens :La société [6] est déboutée de l’ensemble des moyens qu’elle a invoqués au soutien de sa demande de contestation de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l’accident du 21 novembre 2017, sera également déboutée de ses demandes subséquentes.
La société [6] qui succombe en la présente instance, sera déboutée de sa demande de condamnation à hauteur de 1.500 euros à la CPAM de [Localité 7] formulée sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, et sera condamnée aux dépens.

 


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