Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris
Thématique : Responsabilité de l’État pour délais excessifs dans le traitement des demandes judiciaires
→ RésuméContexte de l’affaireLe 13 août 2018, un salarié a saisi le conseil des prud’hommes de Nanterre, entraînant une série d’audiences qui ont été perturbées par des renvois dus à l’état d’urgence sanitaire. Après plusieurs reports, l’affaire a été plaidée le 21 avril 2021 et le jugement a été rendu le 8 septembre 2023. Assignation de l’agent judiciaire de l’ÉtatLe 3 mai 2023, le salarié a assigné l’agent judiciaire de l’État devant le tribunal judiciaire de Paris, invoquant l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire. Il réclame des dommages et intérêts pour préjudice moral et matériel, ainsi que des intérêts légaux et des frais de justice. Arguments du salariéLe salarié soutient que la durée de la procédure est excessive et constitue un déni de justice, ayant été privé de son salaire pendant plus de 44 mois. Il demande une indemnisation de 20.000,00 € pour son préjudice moral et 9.200,00 € de manière subsidiaire. Réponse de l’agent judiciaire de l’ÉtatL’agent judiciaire de l’État conteste les demandes du salarié, arguant que la responsabilité de l’État ne peut être engagée que pour un délai excessif de 35 mois et que le préjudice n’est pas justifié à hauteur de la somme demandée. Évaluation de la responsabilité de l’ÉtatLe tribunal a examiné la durée de la procédure et a conclu à un délai excessif global de 41 mois, engageant ainsi la responsabilité de l’État. Il a noté que certains délais étaient justifiés par des circonstances exceptionnelles, comme la crise sanitaire. Indemnisation du préjudice moralLe tribunal a reconnu le préjudice moral du salarié, allouant une indemnité de 8.200,00 € en réparation. Cependant, il a rejeté la demande d’indemnisation pour préjudice matériel, faute de justification. Condamnation aux dépens et frais de justiceL’agent judiciaire de l’État, en tant que partie perdante, a été condamné aux dépens. De plus, il a été ordonné de verser 1.200,00 € au salarié pour couvrir ses frais de justice, conformément à l’article 700 du code de procédure civile. Exécution provisoire de la décisionLa décision du tribunal est exécutoire de droit à titre provisoire, sans circonstances justifiant une exécution différée. Les parties ont été déboutées de leurs demandes supplémentaires. |
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :
■
1/1/1 resp profess du drt
N° RG 23/06234 – N° Portalis 352J-W-B7H-CZW6Y
N° MINUTE :
Assignation du :
02 Mai 2023
JUGEMENT
rendu le 05 Février 2025
DEMANDEUR
Monsieur [C] [V]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par Me Bijar ACAR, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L0161
DÉFENDEUR
AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représenté par Me Anne-laure ARCHAMBAULT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0079
MINISTÈRE PUBLIC
Monsieur Etienne LAGUARIGUE de SURVILLIERS,
Premier Vice-Procureur
Décision du 05 Février 2025
1/1/1 resp profess du drt
N° RG 23/06234 – N° Portalis 352J-W-B7H-CZW6Y
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Monsieur Benoit CHAMOUARD, Premier vice-président adjoint
Président de formation,
Madame Marjolaine GUIBERT, Vice-présidente
Madame Valérie MESSAS, Vice-présidente
Assesseurs,
assistés de Madame Marion CHARRIER, Greffier
DÉBATS
A l’audience du 08 Janvier 2025
tenue en audience publique
Monsieur Benoit CHAMOUARD a fait un rapport de l’affaire.
JUGEMENT
Prononcé par mise à disposition
Contradictoire
en premier ressort
EXPOSE DU LITIGE
Le 13 août 2018, Monsieur [C] [V] a saisi le conseil des prud’hommes de Nanterre, lequel a convoqué les parties à l’audience devant le bureau de jugement du 6 mars 2019.
L’affaire a ensuite fait l’objet d’un renvoi à l’audience de jugement du 6 novembre 2019 en raison de l’état d’urgence sanitaire, laquelle a été annulée.
Les parties ont été convoquées à l’audience de jugement du 10 juin 2020, laquelle ne s’est pas tenue, puis reconvoquées à l’audience de jugement du 21 avril 2021. A cette date, l’affaire a été plaidée et mise en délibéré.
Après plusieurs prorogés, le jugement a été rendu le 8 septembre 2023 puis notifié aux parties le 11 septembre 2023.
C’est dans ce contexte que, par acte du 3 mai 2023, Monsieur [C] [V] a fait assigner l’agent judiciaire de l’État devant le tribunal judiciaire de Paris, sur le fondement de l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire.
Aux termes de ses conclusions notifiées le 24 mars 2024, Monsieur [C] [V] demande la condamnation de l’agent judiciaire de l’État à lui payer, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
– la somme de 20.000,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et de son préjudice matériel, et 9.200,00 € à titre très subsidiaire, si le mode de calcul revendiqué par l’agent judiciaire de l’Etat devait retenu ;
– les intérêts au taux légal assortissant cette somme à compter du prononcé du jugement, et leur capitalisation ;
– la somme de 2.000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Bijar Acar.
Monsieur [C] [V] estime que la durée de la procédure est excessive et engage la responsabilité de l’État pour déni de justice. Au titre de son préjudice, il explique que la procédure avait pour objet d’obtenir le paiement de salaires impayés, et qu’il a été privé de son salaire, créance par nature alimentaire destinée à faire face à ses charges d’existence, pendant plus de 44 mois.
Suivant conclusions signifiées le 22 mars 2024, l’agent judiciaire de l’État sollicite la réduction des demandes à de plus justes proportions.
Il estime que la responsabilité de l’État n’est susceptible d’être engagée sur le fondement de l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire qu’à hauteur d’un délai excessif de 35 mois, et que le demandeur ne justifie pas d’un préjudice à hauteur de la somme demandée.
Par message du 28 septembre 2023, le Ministère public près le tribunal judiciaire de Paris a indiqué ne pas conclure.
Il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, comme le permet l’article 455 du code de procédure civile.
La clôture de la mise en état a été prononcée le 30 septembre 2024 par ordonnance rendue le même jour par le juge de la mise en état.
A l’audience du 8 janvier 2025, l’affaire a été mise en délibéré au 5 février 2025, date du présent jugement.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant, par mise à disposition au greffe à la date indiquée à l’issue des débats en audience publique en application de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, contradictoirement et en premier ressort,
CONDAMNE l’agent judiciaire de l’État à payer à Monsieur [C] [V]:
– la somme de 8.200,00 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
– la somme de 1.200,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement;
ORDONNE la capitalisation des intérêts ;
CONDAMNE l’agent judiciaire de l’État aux dépens ;
DIT que Maître Bijar Acar peut recouvrer directement contre l’agent judiciaire de l’Etat les dépens dont il a fait l’avance sans avoir reçu provision, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire ;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Fait et jugé à Paris le 05 Février 2025
Le Greffier Le Président
Marion CHARRIER Benoit CHAMOUARD
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