Tribunal judiciaire de Paris, 5 février 2025, RG n° 23/04293
Tribunal judiciaire de Paris, 5 février 2025, RG n° 23/04293

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris

Thématique : Retard excessif dans le traitement d’une expertise judiciaire et ses conséquences financières.

Résumé

Contexte de la Procédure

Les parties impliquées dans cette affaire ont convenu de procéder sans audience. Les avocats ont soumis leurs dossiers de plaidoirie au greffe de la chambre à des dates spécifiques en octobre et novembre 2024. Un rapport a été établi par un expert judiciaire sur l’affaire.

Demande des Demanderesses

Le 21 avril 2015, deux propriétaires ont assigné leurs voisins, des occupants, devant le tribunal de grande instance de Vienne. Elles cherchaient à faire reconnaître leur acte de propriété sur trois parcelles qu’elles affirmaient être occupées sans droit ni titre. Elles ont demandé la démolition des constructions illégales et des dommages-intérêts s’élevant à 10.000 euros, ainsi qu’une indemnité de 5.000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile.

Décisions du Tribunal

Le 6 avril 2016, le juge a déclaré irrecevable la demande des occupants visant à désigner un géomètre-expert pour un bornage. La clôture de l’affaire a été prononcée le 8 novembre 2017, et l’affaire a été plaidée le 1er février 2018. Un jugement du 28 juin 2018 a ordonné une expertise judiciaire, avec un expert désigné pour réaliser cette tâche.

Retards et Réclamations

L’expert a tardé à déposer son rapport, ce qui a conduit les demanderesses à relancer à plusieurs reprises le tribunal et l’expert. Après plusieurs prorogations, le rapport a finalement été rendu le 30 mai 2023. En mars 2023, les demanderesses ont assigné l’agent judiciaire de l’État devant le tribunal judiciaire de Paris, invoquant un déni de justice.

Demandes d’Indemnisation

Dans leurs conclusions, les demanderesses ont demandé une indemnisation pour préjudice moral, préjudice financier, et des frais de justice, totalisant 52.950 euros. Elles ont soutenu que les délais excessifs avaient causé un déni de justice, en raison de l’inefficacité du juge et de l’expert.

Réponse de l’Agent Judiciaire de l’État

L’agent judiciaire de l’État a demandé le rejet des demandes des demanderesses, arguant que les manquements de l’expert ne pouvaient engager la responsabilité de l’État. Il a également souligné que le juge avait été diligent dans le suivi de l’expertise.

Évaluation du Tribunal

Le tribunal a examiné les délais et a conclu que certains d’entre eux étaient excessifs, engageant la responsabilité de l’État pour un retard total de 6 mois. Cependant, il a jugé que les demandes d’indemnisation pour préjudice moral et financier n’étaient pas entièrement justifiées.

Décision Finale

Le tribunal a condamné l’agent judiciaire de l’État à verser 900 euros à chacune des demanderesses pour préjudice moral, a ordonné le paiement des dépens, et a alloué 2.000 euros pour les frais de justice. Les autres demandes ont été rejetées.

Fait et jugé à Paris le 5 février 2025.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

1/1/1 resp profess du drt

N° RG 23/04293 – N° Portalis 352J-W-B7H-CZITQ

N° MINUTE :

Assignation du :
10 Mars 2023

JUGEMENT
rendu le 05 Février 2025
DEMANDERESSES

Madame [M] [I]
[Adresse 4]
[Localité 2]

Madame [C] [R]
[Adresse 4]
[Localité 2]

Représentées par Me Emilie RONCHARD, avocat plaidant au barreau de LYON, [Adresse 1] et par Me Lauriane RAYNAUD, avocat postulant au barreau de PARIS, vestiaire #A0657

DÉFENDEUR

L’AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT
DIRECTION DES AFFAIRES JURIDIQUES
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 3]

Représenté par Maître Pierre D’AZEMAR DE FABREGUES de la SELARL URBINO ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0137

MINISTÈRE PUBLIC

Monsieur Etienne LAGUARIGUE de SURVILLIERS,
Premier Vice-Procureur

Décision du 05 Février 2025
1/1/1 resp profess du drt
N° RG 23/04293 – N° Portalis 352J-W-B7H-CZITQ

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur Benoit CHAMOUARD, Premier vice-président adjoint
Président de formation,

Madame Cécile VITON, Première vice-présidente adjointe
Madame Valérie MESSAS, Vice-présidente
Assesseurs,

assistés de Madame Marion CHARRIER, Greffier

PROCÉDURE SANS AUDIENCE

Les parties ont donné leur accord pour que la procédure se déroule sans audience.
Les avocats ont déposé leur dossier de plaidoirie le 29 octobre et le 13 novembre 2024 au greffe de la chambre.
Madame Valérie MESSAS a fait un rapport de l’affaire.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition
Contradictoire
en premier ressort

Le 21 avril 2015, Mmes [M] [I] et [C] [R] ont fait assigner leurs voisins, les consorts [B], devant le tribunal de grande instance de Vienne afin de voir reconnaître et établir leur acte de propriété s’agissant de trois parcelles occupées, selon elles, sans droit ni titre par leurs voisins et, en conséquence, de condamner les défendeurs à procéder à des démolitions d’ouvrages et de constructions ainsi qu’à leur payer 10.000 euros à titre de dommages et intérêts et une indemnité de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le 6 avril 2016, le juge de la mise en état a déclaré irrecevable la demande des consorts [B] visant à la désignation d’un géomètre-expert aux fins de bornage, les a déboutés de leur demande de sursis à statuer et d’expertise judiciaire aux motifs, sur ce dernier point, que  » cette mesure d’instruction n’est pas justifiée à ce stade et qu’il appartiendra au juge du fond d’apprécier souverainement l’ensemble des éléments qui lui seront soumis à l’appui de la revendication immobilière qui fait l’objet du présent litige « .

La clôture a été prononcée le 8 novembre 2017 et l’affaire plaidée le 1er février 2018.

Par jugement avant dire droit du 28 juin 2018, le tribunal de grande instance de Vienne a ordonné une mesure d’expertise judiciaire et nommé, pour y procéder, M. [D], remplacé par M. [Y] par ordonnance du 4 mars 2019, la date de dépôt de rapport étant fixé au 1er octobre 2019.

Déplorant l’absence de dépôt du rapport, le conseil des demanderesses a relancé à de multiples reprises l’expert [Y] ainsi que le tribunal judiciaire de Vienne.

A la suite d’échanges entre le juge en charge du contrôle des expertises et l’expert, le délai de remise du rapport a été prorogé par ordonnances successives des 20 avril 2021, 24 mai 2022, 21 novembre 2022 et 24 février 2023 pour une date limite fixée au 15 mai 2023.

Le 30 mai 2023, l’expert judiciaire a rendu son rapport.

***

C’est dans ce contexte que, par acte du 10 mars 2023, Mmes [I] et [R] ont fait assigner l’agent judiciaire de l’Etat devant le tribunal judiciaire de Paris, sur le fondement de l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 26 février 2024.

Le 28 octobre 2024, le juge de la mise en état a rejeté la demande de révocation de clôture formulée par les demanderesses.

***

Aux termes de leurs conclusions notifiées le 4 octobre 2024, Mmes [I] et [R] demandent au tribunal de condamner l’agent judiciaire de l’Etat à leur payer en réparation du déni de justice :
– 44.000 euros au titre du préjudice moral ;
– 6.950 euros au titre du préjudice financier ;
– 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile outre sa condamnation aux entiers dépens.

Elles soutiennent qu’elles ont souffert de délais déraisonnables constitutifs d’un déni de justice, que la désignation de l’expert est intervenue trois ans après l’assignation en raison notamment de plusieurs rabats de clôture au cours de la mise en état, que le délai de 6 mois pour désigner l’expert [Y] est déraisonnable et que le juge chargé du contrôle des expertises n’a pas été suffisamment diligent.
De ce fait, elles considèrent qu’elles ont subi un préjudice moral ainsi qu’un préjudice financier correspondant aux honoraires versés à leurs conseils et aux frais de consignation à valoir sur les honoraires de l’expert.

Dans ses conclusions récapitulatives notifiées le 3 juillet 2023, l’agent judiciaire de l’Etat demande au tribunal de débouter Mmes [I] et [R] de l’ensemble de leurs demandes et de condamner, chacune d’entre elles, à une indemnité de 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Il soutient que, de jurisprudence constante, les manquements de l’expert ne sauraient engager la responsabilité de l’Etat sur le fondement de l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire, que le juge en charge du contrôle des expertises a été très attentif au suivi de cette expertise, ayant régulièrement adressé des relances et demandes d’observations à l’expert judiciaire et qu’il a rappelé aux demanderesses les dispositions de l’article 235 du code de procédure civile en vertu desquelles elles pouvaient demander le remplacement de l’expert défaillant.

Par avis du 30 novembre 2023, le ministère public estime que la responsabilité du retard dans le déroulement des opérations d’expertise incombe à l’expert et que les manquements de ce dernier ne sauraient engager la responsabilité de l’Etat pour dysfonctionnement du service public de la justice. En outre, il expose, qu’une fois alerté, le juge chargé du contrôle des expertises a été particulièrement diligent et qu’il a même invité les demanderesses à solliciter le remplacement de l’expert, ce qu’elles n’ont pas fait.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, comme le permet l’article 455 du code de procédure civile.

***

Les parties ont donné leur accord pour une procédure sans audience. L’affaire a été mise en délibéré au 8 janvier 2025 prorogée au 5 février 2025.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort,

CONDAMNE l’agent judiciaire de l’Etat à payer à Madame [M] [I] la somme de 900 euros en réparation de son préjudice moral ;

CONDAMNE l’agent judiciaire de l’Etat à payer à Madame [C] [R] la somme de 900 euros en réparation de son préjudice moral;

CONDAMNE l’agent judiciaire de l’Etat aux dépens ;

CONDAMNE l’agent judiciaire de l’Etat à payer à Mesdames [M] [I] et [C] [R], prises ensemble, la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Fait et jugé à Paris le 05 Février 2025

Le Greffier Le Président
Marion CHARRIER Benoit CHAMOUARD

 


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