Tribunal judiciaire de Paris, 5 février 2025, RG n° 23/03579
Tribunal judiciaire de Paris, 5 février 2025, RG n° 23/03579

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris

Thématique : Retard excessif et préjudice moral : responsabilité de l’État engagée

Résumé

Contexte de l’affaire

Le 19 février 2019, un organisme public a notifié à une bénéficiaire une contrainte en raison d’un trop-perçu. En réponse, la bénéficiaire a saisi le tribunal de grande instance d’une opposition à cette contrainte le 25 février 2019. L’audience a été fixée au 2 juillet 2020, et le jugement a été rendu le 15 octobre 2020.

Procédure d’appel

La bénéficiaire a interjeté appel de ce jugement le 17 novembre 2020, et l’audience de plaidoiries devant la cour d’appel a été programmée pour le 20 juin 2023. Par la suite, le 8 mars 2023, la bénéficiaire a assigné l’Agent judiciaire de l’État devant le tribunal, demandant des dommages et intérêts pour préjudice moral et financier.

Demandes de la bénéficiaire

Dans son assignation, la bénéficiaire a demandé au tribunal de condamner l’Agent judiciaire de l’État à verser 10 001€ de dommages et intérêts à titre principal et 4 900€ à titre subsidiaire, ainsi qu’à payer les dépens et 1 000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Elle a également sollicité l’exécution provisoire de ce jugement, arguant que les délais de traitement de son affaire étaient excessifs.

Arguments de l’Agent judiciaire de l’État

Dans ses dernières conclusions, l’Agent judiciaire de l’État a demandé une réduction des demandes indemnitaires, arguant que les délais en première instance n’étaient pas excessifs, malgré un délai reconnu de 17 mois en appel. Il a également souligné que la procédure avait été affectée par l’état d’urgence sanitaire.

Évaluation du déni de justice

Le tribunal a examiné si un déni de justice était caractérisé. Il a conclu qu’aucun déni de justice n’était établi pour la procédure de première instance, tandis qu’un délai excessif de 17 mois a été reconnu pour la procédure d’appel, ce qui a prolongé l’incertitude pour la bénéficiaire.

Préjudice moral et décision du tribunal

Le tribunal a reconnu un préjudice moral pour la bénéficiaire, qui sera réparé par une condamnation de l’Agent judiciaire de l’État à verser 1 700€ de dommages et intérêts. De plus, l’Agent judiciaire de l’État a été condamné aux dépens et à verser 1 000€ à la bénéficiaire sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Conclusion

En conclusion, le tribunal a statué en faveur de la bénéficiaire, condamnant l’Agent judiciaire de l’État à verser des dommages et intérêts et à couvrir les frais de justice, tout en rappelant que l’exécution provisoire de ce jugement est de droit.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

1/1/1 resp profess du drt

N° RG 23/03579 – N° Portalis 352J-W-B7H-CZITO

N° MINUTE :

Assignation du :
08 Mars 2023

JUGEMENT
rendu le 05 Février 2025
DEMANDEUR

Madame [B] [I]
[Adresse 1]
[Localité 2]

Représenté par Me Frank PETERSON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1288

DÉFENDEUR

AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT
DIRECTION AFFAIRES JURIDIQUES
[Adresse 4]
– [Adresse 4]
[Localité 3]

Représenté par Maître Renaud LE GUNEHEC de la SCP NORMAND & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0141

MINISTÈRE PUBLIC

Monsieur Etienne LAGUARIGUE de SURVILLIERS,
Premier Vice-Procureur

Décision du 05 Février 2025
1/1/1 resp profess du drt
N° RG 23/03579 – N° Portalis 352J-W-B7H-CZITO

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur Benoit CHAMOUARD, Premier vice-président adjoint
Président de formation,

Madame Marjolaine GUIBERT, Vice-présidente
Madame Valérie MESSAS, Vice-présidente
Assesseurs,

assistés de Madame Marion CHARRIER, Greffier

DÉBATS

A l’audience du 08 Janvier 2025
tenue en audience publique
Monsieur Benoit CHAMOUARD a fait un rapport de l’affaire.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition
Contradictoire
en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

Le 19 février 2019, Pôle Emploi a notifié à Madame [B] [I] une contrainte en raison d’un trop perçu.

Madame [I] a saisi le tribunal de grande instance de Blois d’une opposition à cette contrainte le 25 février 2019. La date d’audience devant le tribunal judiciaire a été fixée au 2 juillet 2020 et le jugement a été rendu le 15 octobre 2020.

Madame [I] a interjeté appel de ce jugement le 17 novembre 2020. L’audience de plaidoiries devant la cour d’appel a été fixée au 20 juin 2023.

Par acte du 8 mars 2023, Madame [I] a fait assigner l’Agent judiciaire de l’Etat devant ce tribunal sur le fondement de l’article L141-1 du code de l’organisation judiciaire.

Aux termes de cette assignation, Madame [I] demande au tribunal de condamner l’Agent judiciaire de l’Etat au paiement de 10 001€ de dommages et intérêts à titre principal et 4 900€ de dommages et intérêts à titre subsidiaire, en réparation de son préjudice moral et financier.
Elle sollicite également la condamnation de l’Agent judiciaire de l’Etat aux dépens et au paiement de 1 000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Elle demande au tribunal d’ordonner l’exécution provisoire ce jugement.

Madame [I] expose que le délai de 52 mois nécessaire pour juger son affaire, qui ne présentait pas de complexité particulière, est excessif. Elle précise notamment que :
– le délai séparant l’introduction de l’instance et l’audience est excessif à hauteur de 4 mois ;
– le délai nécessaire pour le délibéré l’est à hauteur de 2 mois,
– le délai séparant l’appel de l’audience de plaidoirie est excessif à hauteur de 19 mois,
ce qui caractérise un déni de justice.

Madame [I] explique par ailleurs que ces délais excessifs lui ont occasionné un préjudice moral, caractérisé par une tension et une souffrance psychologique anormales générées par l’attente ou l’incertitude d’une décision de justice importante pour elle.

Par dernières conclusions du 22 janvier 2024, l’Agent judiciaire de l’Etat demande au tribunal de ramener les demandes indemnitaires à de plus justes proportions.

L’Agent judiciaire de l’Etat expose, concernant la procédure de première instance, que la clôture n’est intervenue que 4 mois après le dernier jeu de conclusions des parties, alors que l’état d’urgence sanitaire avait été mis en place. Il précise que l’audience n’a eu lieu que 3 mois plus tard et que le délai de 3 mois nécessaire pour le délibéré, compte tenu des vacations judiciaires, n’est pas excessif. Il en conclut qu’aucun déni de justice n’est caractérisé en première instance.

Concernant la procédure d’appel, l’Agent judiciaire de l’Etat reconnaît un délai excessif à hauteur de 17 mois.

Il sollicite la réduction des demandes indemnitaires adverses.

Par avis du 22 janvier 2024, le ministère public estime qu’un délai excessif est caractérisé au moment du délibéré de première instance à hauteur d’un mois. Il relève un délai excessif de 16 mois en appel et s’en rapporte à l’appréciation du tribunal concernant l’évaluation du préjudice.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, comme le permet l’article 455 du code de procédure civile.

La clôture de l’instruction a été ordonnée le 22 janvier 2024.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et susceptible d’appel,

CONDAMNE l’Agent judiciaire de l’Etat à payer 1 700€ de dommages et intérêts à Madame [B] [I] en réparation de son préjudice moral,

CONDAMNE l’Agent judiciaire de l’Etat aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Frank Peterson,

CONDAMNE l’Agent judiciaire de l’Etat à payer 1 000€ à Madame [B] [I] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties de leurs autres ou plus amples demandes,

RAPPELLE que l’exécution provisoire de ce jugement est de droit.

Fait et jugé à Paris le 05 Février 2025

Le Greffier Le Président
Marion CHARRIER Benoit CHAMOUARD

 


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