Tribunal judiciaire de Paris, 5 février 2025, RG n° 22/06204
Tribunal judiciaire de Paris, 5 février 2025, RG n° 22/06204

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris

Thématique : Responsabilité professionnelle d’un avocat en matière de gestion d’indivision et de reddition de comptes.

Résumé

Contexte de l’Affaire

Monsieur S, un acheteur, et Madame F, une vendeuse, ont mandaté Maître Y, une avocate, pour introduire une action judiciaire contre leur mère, Madame Z, une dirigeante d’entreprise, afin d’ouvrir les opérations de comptes, de liquider et de partager l’indivision existante entre eux, ainsi que de demander une reddition de comptes concernant la gestion d’affaires de cette dernière.

Jugement Initial

Le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand a rendu un jugement le 16 septembre 2015, constatant que la demande de licitation d’un bien immobilier était devenue sans objet en raison de sa vente. Il a ordonné le partage du prix de vente, désigné un notaire pour ce faire, et a limité la demande de reddition de comptes à une période spécifique. Une expertise a été ordonnée pour évaluer la gestion de Madame Z durant cette période.

Décisions de la Cour d’Appel

Par un arrêt du 19 septembre 2017, la cour d’appel de Riom a ordonné l’ouverture des opérations de comptes et a confirmé certaines décisions du tribunal de première instance. Elle a également ordonné une mesure de complément d’expertise pour vérifier la gestion de Madame Z sur une période plus étendue.

Jugement Ultérieur

Le tribunal a rendu un jugement le 9 septembre 2019, ordonnant le partage du prix de vente et condamnant Madame Z à verser des sommes importantes à Monsieur S et Madame F. Ce jugement a été confirmé par la cour d’appel le 12 janvier 2021, qui a déclaré irrecevables certaines demandes antérieures.

Procédure Contre l’Avocate

Monsieur S et Madame F ont assigné Maître Y devant le tribunal judiciaire de Rouen pour engager sa responsabilité civile professionnelle. Après un dessaisissement, l’affaire a été transférée au tribunal judiciaire de Paris.

Prétentions des Parties

Monsieur S et Madame F demandent au tribunal de condamner Maître Y pour des fautes dans l’exercice de sa mission, en réclamant des sommes importantes pour des frais engagés et des dommages-intérêts. De son côté, Maître Y demande le débouté des demandes des requérants et sollicite une garantie de la part de la société SCP, qui a également été impliquée dans la procédure.

Responsabilité de l’Avocat

Le tribunal a examiné les fautes alléguées de Maître Y, notamment en ce qui concerne la communication de conclusions erronées et l’absence de conseils sur l’opportunité d’un pourvoi en cassation. Il a conclu que Maître Y avait effectivement commis une faute engageant sa responsabilité civile.

Préjudice et Lien de Causalité

Monsieur S et Madame F ont soutenu que la faute de Maître Y leur avait causé un préjudice financier significatif, en les privant de la possibilité d’obtenir des sommes dues par Madame Z. Le tribunal a évalué ce préjudice et a reconnu une perte de chance substantielle.

Appel en Garantie

Maître Y a demandé à la société SCP de la garantir pour la moitié des condamnations prononcées à son encontre, arguant que cette dernière avait également manqué à ses obligations. Le tribunal a reconnu la responsabilité partagée entre Maître Y et la société SCP.

Conclusion du Tribunal

Le tribunal a condamné Maître Y à verser des dommages et intérêts à Monsieur S et Madame F, tout en ordonnant à la société SCP de garantir Maître Y pour une partie des condamnations. Les frais de justice ont également été attribués conformément aux dispositions légales.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

1/1/2 resp profess du drt

N° RG 22/06204 – N° Portalis 352J-W-B7G-CXBOH

N° MINUTE :

Assignation du :
02 Février 2022

JUGEMENT
rendu le 05 Février 2025
DEMANDEURS

Monsieur [S] [W]
[Adresse 2]
[Localité 9]

Madame [F] [W] épouse [A]
[Adresse 10]
[Adresse 10]
CANADA

Représentés par Me Frédéric TALMON, avocat postulant au barreau de PARIS, vestiaire #E0990, et par Me Isabelle RAYGADE, avocat plaidant au barreau de BERGERAC, [Adresse 4] – 24100 BERGERAC

DÉFENDEURS

Maître [Y] [G]
[Adresse 6]
[Localité 8]

Représenté par Maître Jérôme DEPONDT de la SELAS IFL Avocats, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0042

Décision du 05 Février 2025
[Adresse 1]
N° RG 22/06204 – N° Portalis 352J-W-B7G-CXBOH

S.C.P. [14]
CENTRE COMMERCIAL [12]
[Adresse 11]
[Localité 7]

Représentée par Maître Jean-Michel DE ROCQUIGNY de l’ASSOCIATION COLLET PHILIPPE ET AUTRE CABINET, avocats plaidant au barreau de CLERMONT-FERRAND, [Adresse 3], et par Maître Paul YON de l’EURL PAUL YON SARL, avocats postulant au barreau de PARIS, vestiaire #C0347

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur Benoit CHAMOUARD, Premier vice-président adjoint
Président de formation,

Madame Cécile VITON, Première vice-présidente adjointe
Madame Marjolaine GUIBERT, Vice-présidente
Assesseurs,

assistés de Madame Marion CHARRIER, Greffier

DÉBATS

A l’audience du 04 Décembre 2024, tenue en audience publique, devant Monsieur Benoit CHAMOUARD et Madame Marjolaine GUIBERT magistrats rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties en ont rendu compte au tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.
Madame Cécile VITON a fait un rapport de l’affaire.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition
Contradictoire
en premier ressort

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Monsieur [S] [W] et Madame [F] [W] épouse [A] ont mandaté Maître [Y] [G], avocate au barreau de Paris, afin d’introduire une action judiciaire à l’encontre de leur mère, Madame [Z] [X] épouse [J], aux fins d’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de l’indivision existante entre eux et de reddition de comptes de la gestion d’affaires opérée par cette dernière.

Par jugement du 16 septembre 2015, le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand a :
– constaté que la demande de licitation de la maison de [Localité 13] est devenue sans objet en raison de la vente intervenue le 27 novembre 2014 ;
– ordonné le partage du prix de vente qui en est résulté et désigné pour y procéder un notaire ;
– débouté Monsieur [S] [W] et Madame [F] [W] de leur demande en indemnité d’occupation ;
– déclaré leur demande de reddition de comptes, tant de l’indivision que de gestion d’affaires, limitée par la prescription à la période du 16 juillet 2008 au 31 décembre 2011 et dit que Madame [Z] [X] épouse [J] devra procéder à cette reddition de comptes ;
– avant dire-droit sur les demandes chiffrées, ordonné une expertise confiée à Monsieur [E] afin de :
* donner son avis sur la reddition des comptes de la gestion de Madame [X] sur la période du 16 juillet 2008 au 31 décembre 2011, tant de l’indivision de la maison de [Localité 13] que sur le patrimoine de ses deux enfants ;
* déterminer si les prélèvements qu’elle a opérés correspondent à des dépenses légitimes ou au remboursement de frais engagés dans le cadre de sa gestion, de chiffrer le cas échéant les montants à rapporter et proposer les comptes à faire ;
* donner son avis sur l’existence de fautes de gestion et sur le préjudice qui a pu en découler pour les requérants ;
– débouté Madame [X] [J] de ses demandes reconventionnelles, tant en paiement d’une indemnité de gestion qu’en dommages-intérêts pour procédure abusive ;
– réservé les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’expert, Monsieur [M] [E], a déposé son rapport d’expertise le 15 septembre 2016.

Par arrêt du 19 septembre 2017, la cour d’appel de Riom a :
– ordonné l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de l’indivision existant entre Monsieur [S] [W], Madame [F] [W] et Madame [Z] [X], ces opérations portant sur le prix de vente subrogé au bien immobilier sis [Adresse 5] à [Localité 13] ;
– dit n’y avoir lieu en l’état à :
* inscrire au débit du compte d’administration de Madame [Z] [X] la somme de 18 363,39 euros ;
* ordonner le partage du prix de vente et la déconsignation de la moitié de la somme détenue chez le notaire ;
* statuer sur la demande d’indemnité de gestion formée par Madame [X] ;
– dit qu’il appartiendra à la juridiction de première instance de se prononcer sur ces questions, et plus largement sur l’ensemble des comptes entre les parties, au vu des conclusions du rapport de complément d’expertise ;
– confirmé le jugement déféré en ce qui concerne l’indemnité d’occupation et les dommages-intérêts pour procédure abusive ;
– ordonné une mesure de complément d’expertise, et commis pour y procéder l’expert précédemment désigné, Monsieur [E], lequel pouvait s’adjoindre tout technicien ou spécialiste de son choix, et qui avait pour mission de :
* poursuivre sa mission de vérification des comptes de la gestion opérée par Madame [Z] [X] sur l’indivision existant entre elle et ses enfants, sur la période allant du 9 mai 2001, date du début de l’indivision, au 16 juillet 2008 ;
* dire si les prélèvements opérés par Madame [X] sur les comptes des parties durant cette période correspondent ou non à des dépenses afférentes à la conservation ou à l’amélioration du bien indivis;
* poursuivre sa mission de vérification de la gestion de Madame [Z] [X] concernant les comptes de ses enfants, sur la période allant de l’année 2001 au 16 juillet 2008 ;
* donner son avis sur le principe et le montant d’une éventuelle indemnité de gestion due à Madame [X], tant en ce qui concerne la gestion de l’indivision que la gestion des comptes de ses enfants ;
– dit qu’après le dépôt du rapport d’expertise le dossier suivra à nouveau son cours au tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand ;
– réservé l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’expert, Monsieur [K] [R], a déposé son rapport d’expertise le 5 novembre 2018.

Par jugement du 9 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand a :
– ordonné le partage du prix de vente de l’immeuble de [Localité 13] ;
– condamné Madame [Z] [X] à payer à Monsieur [S] [W] et Madame [F] [W] la somme de 169 710,04 euros ;
– débouté les parties de toutes leurs autres prétentions ;
– condamné Madame [X] à payer les dépens, à l’exception de ceux relatifs à l’expertise [R], ordonnée par la cour d’appel de Riom le 19 février 2017 et qui resteront à la charge des demandeurs.

Par arrêt du 12 janvier 2021, la cour d’appel de Riom a :
– déclare irrecevables les demandes formées sur le fondement du rapport de Monsieur [R] et antérieures au 16 juillet 2008 ;
– confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand en date du 9 septembre 2019 ;
– débouté les parties de leurs autres demandes ;
– condamné chacune des parties à payer ses propres dépens.

Procédure

Par acte de commissaire de justice du 25 juin 2021, Monsieur [S] [W] et Madame [F] [W] épouse [A] ont assigné Madame [Y] [G] devant le tribunal judiciaire de Rouen afin de voir engager sa responsabilité civile professionnelle.

Par ordonnance de dessaisissement du 2 février 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Rouen a déclaré ledit tribunal incompétent au profit du tribunal judiciaire de Paris.

Par acte de commissaire de justice du 18 juillet 2022, Madame [Y] [G] a assigné en intervention forcée la Scp [14].

Les deux procédures ont été jointes par décision du juge de la mise en état du 17 novembre 2022.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 18 janvier 2024.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions du 15 novembre 2023, Monsieur [S] [W] et Madame [F] [W] demandent au tribunal de :
– juger que Madame [Y] [G] a commis des fautes dans l’exercice de sa mission ;
– en conséquence, condamner Madame [Y] [G] à leur payer les sommes suivantes :
* 281 922,08 euros correspondant aux sommes sollicitées en première instance sur la base du rapport de Monsieur [R] ;
* 38 520,60 euros correspondant aux honoraires de Madame [Y] [G] payés par les demandeurs dans le cadre d’une procédure rendue inutile par sa faute ;
* 9 381,46 euros correspondant aux frais de l’expertise réalisée par Monsieur [R] ;
* 1 198 euros pour les frais de postulation d’appel supportés ;
– condamner Madame [Y] [G] à leur payer à chacun la somme de 6 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile;
– débouter Madame [Y] [G] de l’ensemble de ses demandes contraires aux présentes ;
– condamner Madame [Y] [G] aux entiers dépens, à recouvrer par Madame [L] [P] conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions du 23 mai 2023, Madame [Y] [G] demande au tribunal de :
– débouter Monsieur [S] [W] et Madame [F] [W] de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions;
– subsidiairement, condamner la Scp [14] à la garantir et relever indemne de toutes condamnations qui viendraient à être prononcées à son encontre ;
– en tout état de cause, condamner tout succombant à lui verser une somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Depondt conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions du 21 juin 2023, la Scp [14] demande au tribunal de débouter Madame [G] comme toute autre partie de toutes ses demandes, fins et conclusions à son encontre et de condamner qui il appartiendra au paiement d’une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

CONDAMNE Madame [Y] [G] à payer à Monsieur [S] [W] et Madame [F] [W] la somme de 212 024,46 euros à titre de dommages et intérêts.

CONDAMNE la société [14] à relever et garantir Madame [Y] [G] à raison de la moitié de l’ensemble des condamnations prononcées à son encontre.

CONDAMNE Madame [Y] [G] aux dépens avec droit de recouvrement au profit de Maître [L] [P] et à Maître Jérôme Depondt, avocats, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

CONDAMNE Madame [Y] [G] à payer à Monsieur [S] [W] et Madame [F] [W] la somme de 3 000 euros à chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

DÉBOUTE Monsieur [S] [W] et Madame [F] [W] du surplus de leurs demandes.

DÉBOUTE Madame [Y] [G] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

DÉBOUTE la société [14] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Fait et jugé à Paris le 05 Février 2025

Le Greffier Le Président
Marion CHARRIER Benoit CHAMOUARD

 


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