Tribunal judiciaire de Paris, 5 février 2025, RG n° 21/03384
Tribunal judiciaire de Paris, 5 février 2025, RG n° 21/03384

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris

Thématique : Indemnité d’occupation et expulsion : enjeux d’un bail commercial en fin de cycle.

Résumé

Contexte du Litige

Le litige oppose une société bailleur, représentée par la S.C. SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE LA PREVOYANCE, à une société locataire, la S.A.R.L. SARL CAMAIEU. Un bail commercial a été signé le 19 juin 1996 pour une durée de neuf ans, renouvelé en 2005 pour une période équivalente. En 2017, le bailleur a signifié un congé à la locataire, sans offre de renouvellement, mais avec une proposition d’indemnité d’éviction.

Procédures Judiciaires

Suite à la signification du congé, le bailleur a assigné la locataire devant le juge des référés pour évaluer les indemnités d’occupation et d’éviction. Un expert judiciaire a été désigné, et son rapport a estimé l’indemnité d’éviction à 82.650 euros et l’indemnité d’occupation à 22.185 euros par an. En 2022, le juge a déclaré la demande d’indemnité d’éviction de la locataire irrecevable pour cause de prescription.

Demandes des Parties

Le bailleur a demandé au tribunal de condamner la locataire à payer l’indemnité d’occupation, de fixer son montant et d’ordonner son expulsion. De son côté, la locataire a contesté le montant de l’indemnité d’occupation et a demandé à être déboutée de toutes les demandes du bailleur, tout en sollicitant la prise en charge des dépens.

Décision du Tribunal

Le tribunal a fixé l’indemnité d’occupation à 22.185 euros par an, à compter du 1er janvier 2018, et a ordonné l’expulsion de la locataire. Les intérêts sur cette indemnité ne commenceront à courir qu’à partir du jugement, et la demande d’indexation de l’indemnité a été rejetée. Le bailleur a été condamné aux dépens, y compris les frais d’expertise.

Conclusion

La décision du tribunal a confirmé le droit du bailleur à percevoir une indemnité d’occupation, tout en ordonnant l’expulsion de la locataire pour occupation sans droit ni titre. Les demandes accessoires ont été rejetées, et le bailleur a été tenu de supporter les frais de la procédure.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :
à Me SADOUN (B0241)
Me MUTELET (C0676)

18° chambre
2ème section

N° RG 21/03384 –
N° Portalis 352J-W-B7F-CT5XJ

N° MINUTE : 1

Assignation du :
24 Février 2021

JUGEMENT
rendu le 05 Février 2025
DEMANDERESSE

S.C. SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE LA PREVOYANCE (RCS de PARIS n°311 653 836)
[Adresse 5]
[Adresse 5]

représentée par Me Serge SADOUN, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #B0241, Me Sophie RIVIERE-MARIETTE, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat plaidant, vestiaire 275

DÉFENDERESSE

S.A.R.L. SARL CAMAIEU (RCS de PARIS n°420 438 517)
[Adresse 3]
[Adresse 3]

représentée par Maître Catherine MUTELET de la SELARL LP-CM, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #C0676

Décision du 05 Février 2025
18° chambre 2ème section
N° RG 21/03384 – N° Portalis 352J-W-B7F-CT5XJ

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Par application des articles R.212-9 du code de l’organisation judiciaire et 812 du code de procédure civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.

Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.

Maïa ESCRIVE, Vice-présidente, statuant en juge unique, assistée de Paulin MAGIS, Greffier.

DÉBATS

A l’audience du 04 Décembre 2024, tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 05 Février 2025.

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 19 juin 1996, la société DAMON, aux droits de laquelle vient la S.C. SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE LA PREVOYANCE, a donné à bail commercial à la S.A.R.L. SARL CAMAIEU (ci-après désignée société CAMAIEU) afin d’y exercer les activités de “DEPANNAGE – ENTRETIEN – RENOVATION DU BATIMENT”, un local au fond de la cour à gauche, dépendant d’un immeuble situé [Adresse 4] et désigné ainsi :

“partie du LOT N° 134 savoir : – au rez-de-chaussée sur jardinet, deux pièces escalier intérieur menant sur une pièce et WC”.

Ce bail a été consenti pour une durée de neuf années à compter du 15 juin 1996 pour se terminer le 15 juin 2005, et moyennant le versement d’un loyer annuel de 18.000 francs.

Le bail liant les parties a été renouvelé le 31 juillet 2005, pour une nouvelle période de neuf années à compter du 15 juin 2005, pour se terminer le 14 juin 2014, et moyennant un loyer annuel de 4.500 euros hors taxes et hors charges.

Par acte extrajudiciaire en date du 27 juin 2017, la S.C. SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE LA PREVOYANCE a signifié à la société CAMAIEU un congé pour le 31 décembre 2017, sans offre de renouvellement du bail mais avec offre de paiement d’une indemnité d’éviction.

Par acte délivré le 18 juin 2018, la S.C. SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE LA PREVOYANCE a fait assigner la société CAMAIEU devant le juge des référés de ce tribunal aux fins de voir désigner un expert judiciaire pour évaluer les indemnités d’occupation et d’éviction.

Par ordonnance du 2 octobre 2018, le juge des référés de ce tribunal a fait droit à cette demande et a désigné en qualité d’expert, Monsieur [W] [R].

Par acte délivré le 24 février 2021, la S.C. SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE LA PREVOYANCE a fait assigner la société CAMAIEU devant ce tribunal aux fins essentielles de fixation de l’indemnité d’occupation due par la société CAMAIEU et de condamnation de celle-ci à son paiement.

L’expert judiciaire a déposé son rapport le 27 octobre 2021. Il a estimé l’indemnité d’éviction à la somme de 82.650 euros et l’indemnité d’occupation à la somme de 22.185 euros par an.

Par conclusions notifiées le 24 novembre 2021, la S.C. SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE LA PREVOYANCE a saisi le juge de la mise en état d’un incident tendant à voir juger prescrite la demande en paiement d’une indemnité d’éviction présentée par la société CAMAIEU.

Par ordonnance du 5 septembre 2022, le juge de la mise en état a :

– déclaré la société CAMAIEU prescrite et irrecevable en sa demande en paiement d’une indemnité d’éviction,
– débouté la société LA PREVOYANCE de sa demande de provision,
– déclaré la société LA PREVOYANCE irrecevable en sa demande tendant à voir ordonner l’expulsion de la société CAMAIEU, “ainsi que celle de tout occupant de son chef et au besoin avec l’assistance d’un serrurier et du Commissaire de Police” et en sa demande tendant à voir “Ordonner que les biens mobiliers soient entreposés chez tel garde-meubles qu’il plaira de désigner”,
– débouté les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– renvoyé l’affaire à une audience de mise en état ultérieure,
– réservé les dépens.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 9 juillet 2023, la S.C. SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE LA PREVOYANCE demande au tribunal, sur le fondement de l’article L. 145-28 du code de commerce, de :

– dire que la société CAMAIEU est tenue au paiement d’une indemnité d’occupation calculée conformément aux dispositions de l’article L. 145-28 du code de commerce,
– fixer l’indemnité d’occupation à la somme annuelle de 22.185 euros à compter du 1er janvier 2018 jusqu’à l’entière libération des lieux par elle et tous occupants de son chef,
– dire et juger que cette indemnité sera indexée annuellement, sur l’évolution annuelle de l’indice du coût des loyers commerciaux et pour la première fois, le 1er janvier 2019, l’indice de base étant celui du 3ème trimestre 2017,
– condamner la société CAMAIEU à lui payer cette indemnité, avec intérêts au taux légal à compter du 1er janvier 2018 ; lesdits intérêts étant capitalisés en application de l’article 1342-3 du code civil pour ceux qui seront dus depuis plus d’une année entière,
– dire et juger que les indemnités d’occupation provisoires payées par la société CAMAIEU durant la procédure viendront en compensation des indemnités d’occupation ci-dessus,
– ordonner l’expulsion de la société CAMAIEU à défaut de libération amiable des lieux,
– condamner la société CAMAIEU à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– la condamner en tous les dépens qui comprendront notamment les frais et honoraires d’expertise.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 novembre 2023, la société CAMAIEU demande au tribunal, au visa des articles L. 145-14 et L. 145-28 du code de commerce, de :
– la recevoir en ses conclusions, la dire bien fondée, y faire droit,
– fixer l’indemnité d’occupation due par la société CAMAIEU à compter du 1er janvier 2018 à la somme annuelle en principal de 17.255 euros et subsidiairement, à la somme de 22.185 euros par an, telle que retenue dans le rapport d’expertise judiciaire,
– débouter la société LA PREVOYANCE de sa demande au titre de l’indexation annuelle de l’indemnité d’occupation,
– débouter la société LA PREVOYANCE de toutes ses autres demandes, fins et conclusions,
– condamner la société LA PREVOYANCE au paiement de l’intégralité des dépens de l’instance, comprenant les frais de l’expertise judiciaire.

* * *

Ainsi que le permet l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières conclusions des parties pour l’exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.

La clôture de la mise en état a été prononcée par ordonnance du 6 novembre 2023.

L’affaire a été appelée pour plaidoiries à l’audience tenue en juge unique du 4 décembre 2024 et mise en délibéré à la date de ce jour.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort,

Fixe le montant de l’indemnité d’occupation des lieux sis [Adresse 3] [Localité 1] due par la S.A.R.L. SARL CAMAIEU à la S.C. SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE LA PREVOYANCE à la somme de 22.185 (vingt-deux mille cent quatre-vingt-cinq) euros, hors taxes et hors charges, par an depuis le 1er janvier 2018 et jusqu’à son départ effectif des lieux,

Dit que cette indemnité d’occupation ne produira des intérêts au taux légal qu’à compter du présent jugement,

Ordonne la capitalisation de ces intérêts, dès lors qu’ils seront dus depuis plus d’un an,

Condamne la S.A.R.L. SARL CAMAIEU à payer à la S.C. SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE LA PREVOYANCE le rappel de cette indemnité d’occupation, après déduction des sommes provisoirement versées de ce chef,

Déboute la S.C. SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE LA PREVOYANCE de sa demande d’indexation de l’indemnité d’occupation,

Ordonne à la S.A.R.L. SARL CAMAIEU et à tous occupants de son chef de libérer les lieux dans le délai de 3 (trois) mois suivant la signification de la présente décision,

Ordonne, à défaut de libération volontaire des lieux dans ce délai, l’expulsion de la S.A.R.L. SARL CAMAIEU ainsi que celle de tous occupants de son chef, si besoin avec le concours de la force publique et d’un serrurier,

Dit que l’enlèvement des meubles et effets se trouvant éventuellement dans les lieux sera effectué selon les règles fixées par les articles L. 433-1 et suivants, et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,

Condamne la S.C. SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE LA PREVOYANCE aux dépens, en ce compris le coût de l’expertise,

Déboute la S.C. SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE LA PREVOYANCE de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Dit n’y avoir lieu d’écarter l’exécution provisoire de la présente décision.

Fait et jugé à Paris le 05 Février 2025

Le Greffier Le Président
Paulin MAGIS Maïa ESCRIVE

 


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