Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris
Thématique : Résiliation de bail commercial et reconstitution de garantie bancaire : enjeux de bonne foi et délais accordés.
→ RésuméContexte de l’AffaireSuite à un acte sous seing privé daté du 12 juillet 2011, un bail commercial a été conclu entre un bailleur, désormais décédé, et une société locataire, la S.A.R.L. COCOVAL, pour l’exploitation d’un local à des fins de bar et de restauration légère. Le bail, d’une durée de neuf ans, stipulait un loyer annuel de 12.000 euros, avec une garantie bancaire de 12.600 euros à fournir par le preneur. Difficultés de PaiementÀ partir de 2017, la société COCOVAL a rencontré des difficultés financières, entraînant des arriérés de loyers. En conséquence, la bailleresse a mis en demeure la société COCOVAL et a engagé des procédures judiciaires pour récupérer les sommes dues, y compris un commandement de payer et une assignation en référé. Décisions JudiciairesLe juge des référés a ordonné l’expulsion de la société COCOVAL et a constaté l’acquisition de la clause résolutoire au 30 décembre 2017. La société COCOVAL a interjeté appel, et la cour d’appel a suspendu les effets de la clause résolutoire tout en accordant des délais de paiement. Décès de la Bailleresse et Transmission des DroitsLe 9 octobre 2019, la bailleresse est décédée, et ses ayants droit ont constitué une société civile immobilière, la SCI MR DE PRESSAC, qui a pris la suite des droits de la bailleresse dans le cadre de l’affaire. Demandes des PartiesLa société COCOVAL a demandé l’annulation du commandement de payer et des dommages-intérêts, tandis que la SCI MR DE PRESSAC a demandé la constatation de la clause résolutoire et la résiliation du bail pour non-reconstitution de la garantie bancaire. Intervention de la SCI MR DE PRESSACL’intervention de la SCI MR DE PRESSAC a été jugée recevable, car elle justifiait son droit d’agir en tant que propriétaire des locaux loués. La SCI a également soutenu que la société COCOVAL n’avait pas respecté ses obligations contractuelles. Analyse de la Validité du CommandementLe tribunal a examiné la validité du commandement de payer et a conclu qu’il n’était pas de mauvaise foi, rejetant ainsi les demandes de la société COCOVAL. La clause résolutoire a été considérée comme acquise en raison du non-respect des obligations contractuelles par la société COCOVAL. Décision Finale du TribunalLe tribunal a autorisé la société COCOVAL à reconstituer la garantie bancaire dans un délai de douze mois, tout en constatant la résiliation du bail à compter du 12 août 2019. La société COCOVAL a été condamnée à verser des indemnités d’occupation et à couvrir les dépens de la procédure. L’exécution provisoire de la décision a également été ordonnée. |
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :
à Me GUIDARA (A0466)
Me DESEINE (A0224)
■
18° chambre
2ème section
N° RG 19/10013
N° Portalis 352J-W-B7D-CQSOJ
N° MINUTE : 3
Assignation du :
07 Août 2019
JUGEMENT
rendu le 05 Février 2025
DEMANDERESSE
S.A.R.L. COCOVAL (RCS de PARIS n°533 127 601)
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Me Giuseppe GUIDARA, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #A0466
DÉFENDERESSE
S.C.I. SCI MR DE PRESSAC (RCS de VERSAILLES n°891 548 059), par voie d’intervention volontaire, venant aux droits de Monsieur [E] [O], Monsieur [Z] [O] et Madame [V] [O] épouse [S], venant eux-mêmes aux droits de Madame [K] [B] veuve [Y]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Me Marianne DESEINE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0224
Décision du 05 Février 2025
18° chambre 2ème section
N° RG 19/10013 – N° Portalis 352J-W-B7D-CQSOJ
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Par application des articles R.212-9 du code de l’organisation judiciaire et 812 du code de procédure civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.
Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.
Maïa ESCRIVE, Vice-présidente, statuant en juge unique, assistée de Paulin MAGIS, Greffier.
DÉBATS
A l’audience du 04 Décembre 2024, tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 05 Février 2025.
JUGEMENT
Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort
EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant un acte sous seing privé en date du 12 juillet 2011, Monsieur [W] [Y] et Madame [K] [B] épouse [Y], tous deux désormais décédés, ont donné à bail commercial à la S.A.R.L. COCOVAL pour y exercer une activité de “bar, restauration légère : sandwichs, crêpes, salades”, des locaux dépendant d’un immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 5] et désignés ainsi :
“Une boutique située en façade de l’immeuble avec ARRIERE-BOUTIQUE-RESERVE, comportant WC lavabo au Rez-de-chaussée, à droite de la porte d’entrée de l’immeuble, le tout constituant le lot NUMERO DEUX (N°2)
Et les 70/1000èmes des parties communes générales”.
Le bail a été conclu pour une durée de neuf années à compter du 12 juillet 2011, pour se terminer le 11 juillet 2020, et moyennant le paiement d’un loyer annuel initial de 12.000 euros hors taxes et hors charges, indexé annuellement sur la variation de l’indice du coût de la construction. Les parties sont convenues également de la constitution par le preneur d’une garantie bancaire à première demande portant sur une année de loyers et charges, soit au jour de la signature du bail une somme de 12.600 euros.
Par acte du 7 juillet 2011, la S.A. SOCIETE GENERALE s’est engagée à garantir le versement au bailleur à première demande de toutes les sommes qu’il pourrait réclamer à la société COCOVAL à concurrence d’une somme forfaitaire de 12.600 euros, la garantie étant valable jusqu’au 8 juillet 2020.
A compter de l’année 2017, la société COCOVAL a été confrontée à des difficultés concernant le paiement des loyers et des charges qui ont conduit Madame [K] [B] veuve [Y] à :
– mettre en demeure, par courrier recommandé en date du 29 novembre 2017, la S.A. SOCIETE GENERALE de lui payer la somme de 8.613,59 euros, outre celle de 18,23 euros,
– signifier à la société COCOVAL le 30 novembre 2017 un premier commandement de payer visant la clause résolutoire et portant sur un arriéré locatif de 8.613,59 euros,
– assigner la locataire et la S.A. SOCIETE GENERALE devant le juge des référés de ce tribunal.
Par ordonnance en date du 20 mars 2018, le juge des référés de ce tribunal a
– constaté l’acquisition de la clause résolutoire au 30 décembre 2017 à 24h,
– ordonné l’expulsion de la société COCOVAL des locaux,
– condamné la société COCOVAL au paiement d’une indemnité d’occupation provisionnelle égale au montant du dernier loyer contractuel, augmenté des charges et taxes, à compter du 31 décembre 2017 et jusqu’à la libération des lieux,
– condamné in solidum la SOCIETE GENERALE avec la société COCOVAL à payer cette indemnité d’occupation provisionnelle, dans les limites de son engagement de 12.600 euros,
– condamné la société COCOVAL à verser à la bailleresse la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné in solidum les sociétés COCOVAL et SOCIETE GENERALE aux dépens.
La société COCOVAL a interjeté appel de cette ordonnance et par un arrêt en date du 26 septembre 2019, la cour d’appel de Paris a accordé des délais de paiement à la société COCOVAL et a suspendu les effets de la clause résolutoire.
Par acte extrajudiciaire en date du 12 juillet 2019, Madame [K] [B] veuve [Y] a signifié à la société COCOVAL un commandement d’“avoir à justifier de la reconstitution de la garantie autonome à première demande délivré par un établissement bancaire de premier ordre ayant agence à [Localité 4], portant sur une année de loyers, charges et accessoires, soit 12.600 euros, valable pour la durée du bail et de ses renouvellements” et ce, dans un délai d’un mois, l’acte visant d’une part, la clause résolutoire du bail et d’autre part, l’article L. 145-17 du code de commerce.
Par acte délivré le 7 août 2019, la société COCOVAL a fait assigner Madame [K] [B] veuve [Y] devant ce tribunal en opposition au commandement de payer visant la clause résolutoire délivré le 12 juillet 2019.
Le 9 octobre 2019, Madame [K] [B] veuve [Y] est décédée. Ses ayants droit, Monsieur [E] [O], Monsieur [Z] [O] et Madame [V] [O] épouse [S], ont constitué la S.C.I. SCI MR DE PRESSAC, laquelle est désormais propriétaire du bien donné à bail à la société COCOVAL.
Suivant des conclusions notifiées le 18 octobre 2020, Monsieur [E] [O], Monsieur [Z] [O] et Madame [V] [O] épouse [S], ayants droit de Madame [K] [B] veuve [Y], sont intervenus volontairement à la présente instance.
Suivant des conclusions notifiées le 26 février 2021, la SCI MR DE PRESSAC, venant aux droits de Monsieur [E] [O], Monsieur [Z] [O] et Madame [V] [O] épouse [S], est intervenue volontairement à la présente instance.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 mars 2023, la société COCOVAL demande au tribunal, sur le fondement de l’article 1104 du code civil, de :
A titre principal :
– dire nul et de nul effet le commandement visant la clause résolutoire signifié de mauvaise foi le 12 juillet 2019 par Madame [Y] à la S.A.R.L. COCOVAL ;
– condamner la SCI MR DE PRESSAC à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la délivrance du commandement ;
A titre subsidiaire :
– lui accorder un délai de deux ans pour reconstituer la garantie bancaire dans les conditions prévues au bail du 12 juillet 2011 ;
Dans tous les cas :
– condamner la SCI MR DE PRESSAC à lui payer la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner la SCI MR DE PRESSAC aux dépens, dont distraction au profit de Maître Giuseppe GUIDARA en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile;
– Rappeler l’exécution provisoire du jugement à intervenir.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 octobre 2023, la SCI MR DE PRESSAC demande au tribunal, au visa des articles 1127 du code civil, L. 145-41 et suivants du code de commerce, de :
– dire régulière et bien fondée son intervention volontaire en qualité de propriétaire du lot 2 de l’état descriptif de division de l’immeuble [Adresse 1] à [Localité 4], lot correspondant au local commercial donné en location à la société COCOVAL ;
Vu le commandement du 12 juillet 2019 de reconstituer une garantie bancaire,
Vu l’absence de reconstitution de la garantie bancaire,
– constater l’acquisition de la clause résolutoire à effet du 12 août 2019 ;
A titre subsidiaire, vu le non-respect par la société COCOVAL de son obligation contractuelle de reconstituer une garantie bancaire à première demande représentant 12 mois de loyers,
– prononcer la résiliation judiciaire du bail avec toutes ses conséquences de droit ;
Dans tous les cas :
– rejeter la demande de délais de la société COCOVAL ;
– débouter la même de sa demande de dommages-intérêts ;
– ordonner en conséquence l’expulsion de la défenderesse et de tous occupants de son chef, et ce avec l’assistance de la force publique et d’un serrurier si besoin ;
– autoriser le demandeur à faire enlever dans tel local de son choix et aux frais du défendeur, les meubles et effets se trouvant dans les lieux loués ;
– condamner la société COCOVAL à lui payer les sommes suivantes :
– 1.153,93 euros par mois, charges en sus, à titre d’indemnité d’occupation mensuelle, à compter du 1er septembre 2019 jusqu’à libération effective des lieux par la remise des clés, étant précisé que les sommes réglées par la société COCOVAL depuis cette date viendront en déduction de l’indemnité d’occupation,
– 196,75 euros pour les frais du commandement, s’agissant d’un acte prescrit par la loi,
– 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– La condamner aux dépens qui seront recouvrés par Maître Marianne DESEINE, avocat au barreau de Paris, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
* * *
Ainsi que le permet l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières conclusions des parties pour l’exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.
La clôture de la mise en état a été prononcée par ordonnance du 6 novembre 2023.
L’affaire a été appelée pour plaidoiries à l’audience tenue en juge unique du 4 décembre 2024 et mise en délibéré à la date de ce jour.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort,
Déclare recevable l’intervention volontaire de la S.C.I. SCI MR DE PRESSAC qui justifie intervenir en qualité de propriétaire des locaux donnés à bail à la S.A.R.L. COCOVAL et venir aux droits de Monsieur [E] [O], Monsieur [Z] [O] et Madame [V] [O] épouse [S], eux-mêmes venant aux droits de [K] [B] veuve [Y], précédente bailleresse, aujourd’hui décédée,
Déboute la S.A.R.L. COCOVAL de ses demandes tendant à voir juger nul et de nul effet le commandement signifié le 12 juillet 2019 et à obtenir la condamnation de la S.C.I. SCI MR DE PRESSAC à lui verser des dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la délivrance dudit commandement,
Constate à la date du 12 août 2019 à 24h00 l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail du 12 juillet 2011 liant la S.C.I. SCI MR DE PRESSAC et la S.A.R.L. COCOVAL sur les lieux sis [Adresse 1] à [Localité 5],
Autorise la S.A.R.L. COCOVAL à produire la garantie bancaire à première demande prévue par la clause 6 du bail commercial du 12 juillet 2011 dans un délai de douze (12) mois suivant la signification de la présente décision,
Ordonne la suspension des effets de la clause résolutoire pendant le cours de ce délai,
Dit que, faute pour la S.A.R.L. COCOVAL de s’acquitter de son obligation passé ce délai :
• la clause résolutoire reprendra de plein droit son plein effet et le bail sera résilié,
• la S.A.R.L. COCOVAL devra libérer les locaux loués sis [Adresse 1] à [Localité 5], de sa personne, de ses biens et de tous occupants de son chef,
• faute pour la S.A.R.L. COCOVAL de libérer spontanément les locaux susvisés, la S.C.I. SCI MR DE PRESSAC est, dès à présent, autorisée à procéder à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef, au besoin avec l’assistance de la force publique et d’un serrurier,
• la S.A.R.L. COCOVAL est condamnée à verser à la S.C.I. SCI MR DE PRESSAC une indemnité d’occupation égale au montant du loyer en principal en vigueur à la date de reprise des effets de la clause résolutoire, charges et taxes en sus,
• rappelle que le sort des meubles trouvés dans les lieux est régi par l’article L.433-1 du code des procédures civiles d’exécution,
Déclare sans objet la demande de résiliation judiciaire du bail présentée à titre subsidiaire par la S.C.I. SCI MR DE PRESSAC,
Condamne la S.A.R.L. COCOVAL aux dépens de la présente instance, comprenant le coût du commandement en date du 12 juillet 2019 de 196,75 euros TTC, et qui pourront être recouvrés directement par Maître Marianne DESEINE, en application de l’article 699 du code de procédure civile,
Déboute la S.A.R.L. COCOVAL de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la S.A.R.L. COCOVAL à verser à la S.C.I. SCI MR DE PRESSAC la somme de deux mille cinq cents (2.500) euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Ordonne l’exécution provisoire du jugement.
Fait et jugé à Paris le 05 Février 2025
Le Greffier Le Président
Paulin MAGIS Maïa ESCRIVE
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