Tribunal judiciaire de Paris, 31 janvier 2025, RG n° 23/16232
Tribunal judiciaire de Paris, 31 janvier 2025, RG n° 23/16232

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris

Thématique : Obligation de vigilance et secret bancaire : enjeux de la vérification d’identité dans les relations financières

Résumé

Contexte de l’Affaire

Monsieur [E] [H] a été approché par la société Arkea pour un investissement sur livret. Il a signé un bulletin de souscription le 3 décembre 2021 pour un contrat intitulé « THF 2021 », impliquant un compte à termes avec un investissement initial de 2.500 euros, basé sur le trading à haute fréquence.

Ordre de Virement et Plainte

Le 26 décembre 2021, Monsieur [H] a effectué un virement de 7.500 euros à l’entité AGS via la Banque Populaire, les fonds étant déposés sur un compte de la SAS Olinda, opérant sous l’enseigne Qonto. Suite à une escroquerie présumée, il a déposé plainte le 17 mai 2022 et a demandé le remboursement de la somme à la société Olinda, qui a refusé.

Assignation en Justice

Le 28 septembre 2023, Monsieur [H] a assigné la société Olinda en justice, invoquant des manquements à ses obligations de vigilance en matière de lutte contre le blanchiment d’argent. Il a demandé des réparations pour les préjudices subis, incluant le remboursement de 7.500 euros et des compensations pour préjudice moral et frais de justice.

Demandes de Communication de Documents

Monsieur [H] a également demandé la communication de documents attestant des vérifications d’identité liées à l’ouverture du compte bancaire. Il a précisé les types de documents requis, tant pour les personnes physiques que morales, et a proposé des astreintes en cas de non-respect de cette demande.

Réponse de la Société Olinda

La société Olinda a contesté la demande de Monsieur [H], arguant que les documents sollicités étaient couverts par le secret bancaire. Elle a également demandé à être déboutée de la demande d’astreinte et a formulé des demandes de communication de documents à l’encontre de Monsieur [H].

Décision du Tribunal

Le tribunal a ordonné à la société Olinda de produire certains documents relatifs à l’identité du titulaire du compte et aux vérifications effectuées lors de l’ouverture de celui-ci. Les autres demandes de Monsieur [H] ont été rejetées, et la société Olinda a été condamnée à verser 500 euros à Monsieur [H] pour ses frais de justice. L’affaire a été renvoyée à une audience ultérieure pour la suite des débats.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies
délivrées le :

à
Me DUPUIS
Me BONNET DES TUVES

9ème chambre 2ème section
N° RG 23/16232 – N° Portalis 352J-W-B7H-C2VZW
N° MINUTE : 6

Assignation du :
28 Septembre 2023

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 31 Janvier 2025

DEMANDEUR

Monsieur [E] [H]
[Adresse 5]
[Localité 3]
représenté par Maître Audric DUPUIS, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C1162 et Maître Arnaud DELOMEL, avocat au barreau de RENNES, avocat plaidant

DEFENDERESSE

Société OLINDA
[Adresse 1]
[Localité 2] / FRANCE
représentée par Maître Francis BONNET DES TUVES de l’AARPI INFINITY AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #G0685

MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT

Augustin BOUJEKA, Vice-président, Juge de la mise en état, assisté de Diane FARIN, Greffière,

DEBATS

A l’audience du 13 décembre 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 31 Janvier 2025.

ORDONNANCE

Rendue publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [E] [H] expose avoir été démarché par une société dénommée Arkea qui lui a proposé un investissement sur livret.

Dans cette perspective, il a signé, le 3 décembre 2021, un bulletin de souscription afférent à un contrat intitulé « THF 2021 » proposé par cette société Arkea, relatif à un compte à termes avec une mise de départ de 2.500 euros, avec comme support le trading à haute fréquence multi-support.

Le 26 décembre 2021, Monsieur [H] a donné un ordre de virement à la société Banque Populaire, dans les livres de laquelle il était titulaire d’un compte bancaire, portant sur la somme de 7.500 euros au profit d’une entité dénommée AGS, les fonds ayant été réceptionnés sur un compte bancaire domicilié en France dans les livres de la SAS Olinda, exerçant sous l’enseigne Qonto.

Monsieur [H] affirme avoir, en considération d’une escroquerie à l’origine de ce paiement, déposé plainte le 17 mai 2022 auprès de la gendarmerie nationale et, par lettre de son conseil du 14 novembre 2022, mis en demeure la société Olinda d’avoir à lui restituer la somme de 7.500 euros, recevant une réponse négative en date du 5 décembre 2022.

C’est dans ce contexte que par acte du 28 septembre 2023, Monsieur [H] a fait assigner la société Olinda devant ce tribunal pour demander, au visa des directives européennes n°91/308/CEE, n°2001/97/CE, n°2005/60/CE, n°2015/849, n°2018/843, des articles L. 561-1 et suivants, R. 561-1 et suivants du code monétaire et financier, 1240, 1241, 1231-1, 1104 du code civil, de :
A titre principal :
• Juger que la société Olinda n’a pas respecté son obligation légale de vigilance au titre du dispositif de LCB-FT ;
• Juger que la société Olinda est responsable des préjudices subis par Monsieur [H].
A titre subsidiaire :
• Juger que la société Olinda a commis un manquement contractuel à son devoir de vigilance engageant sa responsabilité délictuelle à l’égard de Monsieur [H].
• Juger que la société Olinda est responsable des préjudices subis par Monsieur [H].
En tout état de cause :
• Condamner la société Olinda à rembourser à Monsieur [H] la somme de 7.500 €, correspondant aux sommes ayant transité par le compte bancaire litigieux, en réparation de son préjudice matériel.
• Condamner la société Olinda à verser à Monsieur [H] la somme de 1.500 €, correspondant à 20 % des sommes ayant transité sur le compte bancaire ouvert au sein de ses livres, en réparation de son préjudice moral.
• Condamner la société Olinda à verser à Monsieur [H] la somme de 3.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
• Condamner la même aux entiers dépens.
Par écritures d’incident signifiées le 6 juin 2024, réitérées le 10 décembre 2024, Monsieur [H] demande au juge de la mise en état près le tribunal de céans, au visa des articles 11, 138, 142, 788 et 789 du code de procédure civile, L561-5 et suivants et R561-5 et suivants du code monétaire et financier, de :
« • ORDONNER la société Olinda à communiquer à Monsieur [H] :
– Tout document attestant des vérifications d’identité du titulaire du compte bancaire lors de son ouverture (compte ayant pour IBAN le numéro : [XXXXXXXXXX04]).
S’agissant d’une personne physique :
– Une copie de la carte d’identité ou du passeport du titulaire du compte,
– La preuve du recours à un moyen d’identification électronique conforme à l’article R. 561-5-1 du code monétaire et financier,
– Le justificatif de domicile fourni lors de l’ouverture du compte,
– Les éléments communiqués par le titulaire du compte relatifs à sa situation personnelle, professionnelle et patrimoniale.
S’agissant d’une personne morale :
– L’attestation de l’immatriculation de la société au registre du commerce fournie au moment de l’ouverture du compte,
– Les statuts de la société concernée,
– La déclaration de résidence fiscale de la société,
– Une copie de la carte d’identité ou du passeport du représentant légal de la société et du bénéficiaire effectif ;
– La déclaration de bénéficiaire effectif.
– Tout document attestant de la nature du compte ouvert :
– La justification économique déclarée par les titulaires des comptes ou le fonctionnement envisagé des comptes bancaires.
– Tout document justifiant des vérifications d’usage durant le fonctionnement des comptes bancaires :
– Les relevés de compte bancaire intégraux pour les mois de novembre à décembre 2021 et janvier 2022,
– Tout document justifiant la provenance et la destination des fonds concernés par l’affaire,
S’agissant d’une ou de sociétés, les factures émises pour justifier de la prestation fournie au titre de l’encaissement des fonds de Monsieur [H].
Sous astreinte définitive de 1.000 € par jour de retard, passé un délai de 15 jours après la signification de l’ordonnance à intervenir, durant 2 mois et l’y CONDAMNER au besoin.
• Condamner la société Olinda à verser à Monsieur [H] la somme de 1.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
• Condamner la même aux entiers dépens. »

Par écritures d’incident signifiées le 23 octobre 2024, la société Olinda demande au juge de la mise en état près ce tribunal, au visa des articles 788, 789, 138, 142 et 700 du code de procédure civile, L. 522-19 du code monétaire et financier, de :
« Déclarer recevable et bien fondée la société OLINDA SAS en ses demandes fins et conclusions.
En conséquence,
A titre principal :
Débouter Monsieur [E] [H] de sa demande de communication de :
– Tout document attestant des vérifications d’identité des titulaires des comptes bancaires lors de leur ouverture (compte ayant pour IBAN le numéro : [XXXXXXXXXX04]) :
– Un extrait Kbis à jour,
– Les statuts de la personne morale,
– Une copie d’une pièce d’identité en cours de validité du représentant légal de la personne morale,
– Un « Selfie » ou un « live vidéo » de ce représentant légal,
– Une justification du siège social de la personne morale (toute vérification de l’adresse indiquée aux termes du Kbis),
– Une attestation d’assurance responsabilité civile,
– La déclaration de bénéficiaire effectif et un justificatif de sa pièce d’identité.
– Tout document attestant de la nature du compte ouvert :
La justification économique déclarée par le/les titulaires des comptes ou le fonctionnement envisagé des comptes bancaires.
– Tout document justifiant des vérifications d’usage durant le fonctionnement du compte bancaire :
– Les relevés de compte bancaire intégraux pour les mois d’avril à juillet 2021,
– Tout document justifiant la provenance et la destination des fonds concernés par l’affaire,
S’agissant d’une ou de sociétés, les factures émises pour justifier des prestations fournies au titre de l’encaissement des fonds de Monsieur [H].
A titre subsidiaire :
– Autoriser la communication des pièces précisément déterminées dans l’ordonnance à intervenir et dont la communication est nécessaire à l’exercice du droit à la preuve de Monsieur [H] soit, la liste limitative suivante :
S’il s’agit d’une personne morale :
– le recueil de sa forme juridique, de sa dénomination ; – de son numéro d’immatriculation ; – de l’adresse de son siège social et celle du lieu de direction effective de l’activité, si celle-ci est différente de l’adresse du siège social.
S’il s’agit d’une personne physique :
– Un document d’identité faisant apparaître ses nom et prénoms, ainsi que de ses date et lieu de naissance et son adresse.
En tout état de cause :
Débouter Monsieur [E] [H] de sa demande d’astreinte.
Condamner Monsieur [E] [H] à payer à la société OLINDA la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le Condamner aux dépens. »

L’affaire a été appelée à l’audience du 13 décembre 2024 et mise en délibéré au 31 janvier 2025.

Il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées et visées ci-dessus pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Nous, Augustin Boujeka, juge de la mise en état, statuant publiquement par ordonnance contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

ORDONNONS à la SAS Olinda de produire la copie de la pièce officielle d’identité comportant la photographie, l’état civil et le domicile de AGS s’il s’agit de l’acronyme ou du surnom d’une personne physique ;
ORDONNONS à la SAS Olinda de produire l’extrait du registre d’immatriculation ou l’équivalent, comportant la forme juridique, le siège social ou le lieu de direction de l’activité si distinct du siège social de l’entité AGS, ainsi que le nom des principaux dirigeants de la personne morale si c’en est une ;
ORDONNONS à la SAS Olinda de produire les pièces justifiant des vérifications prescrites au 1° à 4° de l’article R.561-5-1 du code monétaire et financier ;
ORDONNONS que les pièces mentionnées au dispositif de cette ordonnance doivent être produites aux débats au plus tard le 14 mars 2025 ;
RENVOYONS l’affaire à l’audience de mise en état de la 2ème section de la 9ème chambre du tribunal de céans du vendredi 11 avril 2025, Monsieur [E] [H] devant avoir signifié des conclusions au fond avant cette date ;
CONDAMNONS la SAS Olinda à verser à Monsieur [E] [H] la somme de 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
RÉSERVONS les dépens ;
DÉBOUTONS Monsieur [E] [H] du surplus de ses demandes.
Faite et rendue à Paris le 31 Janvier 2025

LA GREFFIÈRE LE JUGE DE LA MISE EN ÉTAT

 


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