Tribunal judiciaire de Paris, 31 janvier 2025, RG n° 23/09424
Tribunal judiciaire de Paris, 31 janvier 2025, RG n° 23/09424

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris

Thématique : Remboursement contesté : enjeux de la forclusion et des délais de notification dans les services de paiement.

Résumé

Contexte de l’affaire

Madame [W] [K], née en 1935, était cliente du Crédit Lyonnais (LCL) où elle avait ouvert un compte de dépôt et souscrit un contrat de « Financement obsèques ». Entre novembre et décembre 2020, elle a été hospitalisée, puis admise dans un centre de réhabilitation gériatrique.

Plainte pour utilisation frauduleuse

Le 10 mars 2021, Madame [K] a déposé une plainte pour utilisation frauduleuse de sa carte bancaire, signalant des transactions non autorisées entre le 11 décembre 2020 et le 27 janvier 2021, pour un montant total de 15.323 euros. La banque a rejeté sa demande de remboursement, arguant d’une négligence de sa part.

Demande de rachat et décès

Le 16 juin 2022, Madame [K] a demandé le rachat de son contrat « Financement obsèques ». Après son décès le [Date décès 5] 2022, ses deux filles, [P] [E] et [H] [E], ont hérité de ses droits et ont poursuivi les démarches auprès de la banque.

Mise en demeure et assignation

Le 22 novembre 2022, les consorts [E] ont mis en demeure LCL de rembourser 17.063,50 euros, incluant les sommes détournées et la valeur de rachat du contrat. Le 18 juillet 2023, ils ont assigné la banque en justice pour obtenir le remboursement des opérations non autorisées et d’autres compensations.

Arguments de la banque LCL

La banque a soulevé une fin de non-recevoir pour forclusion, se basant sur le délai de treize mois prévu par le code monétaire et financier pour contester les opérations non autorisées. Elle a soutenu que l’action des consorts [E] était irrecevable en raison du dépassement de ce délai.

Réponse des consorts [E]

Les consorts [E] ont contesté cette forclusion, affirmant avoir respecté le délai de notification des opérations contestées. Ils ont également fait valoir que la jurisprudence citée par la banque ne s’appliquait pas à leur situation.

Décision du tribunal

Le tribunal a rejeté la fin de non-recevoir pour forclusion, déclarant l’action des consorts [E] recevable. L’affaire a été renvoyée à une audience de mise en état prévue pour le 11 avril 2025, avec une obligation pour LCL de signifier ses conclusions au fond avant cette date.

Condamnation de la banque

En raison de l’incident, la banque LCL a été condamnée à verser 1.500 euros aux consorts [E] pour couvrir les frais de justice, les dépens étant réservés.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies
délivrées le :

à
Me DEHALLE
Me MARTINET

9ème chambre 2ème section
N° RG 23/09424 – N° Portalis 352J-W-B7H-C2KUA
N° MINUTE : 5

Assignation du :
18 Juillet 2023

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 31 Janvier 2025

DEMANDERESSES

Madame [P] [V] [E], agissant en son nom propre et en sa qualité d’ayant droit de Madame [W] [K]
[Adresse 10]
[Localité 1] (ITALIE)
représentée par Maître Roxane DEHALLE, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #E2253 et Maître Davide PADULA, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire E2253

Madame [H] [P] [E], agissant en son nom propre et en sa qualité d’ayant droit de Madame [W] [K]
[Adresse 10]
[Localité 1] (ITALIE)
représentée par Maître Roxane DEHALLE, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #E2253 et Maître Davide PADULA, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire E2253

DEFENDERESSE

S.A.S. LCL
[Adresse 2]
[Localité 6]
représentée par Maître Julien MARTINET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1329

MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT

Augustin BOUJEKA, Vice-Président, juge de la mise en état,
assisté de Diane FARIN, Greffière.

DEBATS

A l’audience du 13 décembre 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 31 Janvier 2025.

ORDONNANCE

Rendue publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

FAITS ET PROCÉDURE

Madame [W] [K], veuve [E], née le [Date naissance 4] 1935, était titulaire d’un compte de dépôt ouvert dans les livres du Crédit Lyonnais (ci-après la banque LCL) et avait souscrit auprès de cet établissement bancaire un contrat « Financement obsèques ».

Du 12 novembre 2020 au 21 décembre 2020, Madame [K] a été hospitalisée à Paris et à partir du 21 décembre 2020, a été admise dans un centre de réadaptation gériatrique à [Localité 7].

Selon procès-verbal dressé le 10 mars 2021, Madame [K] a déposé plainte auprès du commissariat du [Localité 3] pour utilisation frauduleuse de sa carte bancaire, au cours de la période courant du 11 décembre 2020 au 27 janvier 2021, invoquant un préjudice de 15.323 euros.

Ces paiements frauduleux ont été contestés le 20 mai 2021 par Madame [K], la banque LCL ayant rejeté la demande de remboursement afférente à cette contestation le 4 juin suivant en invoquant une négligence grave de sa cliente.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 juin 2022, Madame [K] a sollicité le rachat de son contrat « Financement obsèques » auprès de la banque LCL.

Le 2 août suivant, Madame [K] a de nouveau sollicité auprès du Crédit Lyonnais le remboursement des sommes frauduleusement détournées par utilisation illicite de sa carte, pour un montant de 15.323 euros (à parfaire), ainsi que des informations sur les suites données à la demande de rachat de son contrat « Financement obsèques ».

Le [Date décès 5] 2022, [W] [K] est décédée, laissant pour lui succéder ses deux filles [P] [V] [E] et [H] [P] [E] (ci-après les consorts [E]).

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 novembre 2022, le conseil des consorts [E] a mis en demeure la banque LCL de rembourser, sans délai, la somme de 17.063,50 euros représentant les sommes frauduleusement détournées au détriment d’[W] [K], ainsi que la valeur de rachat du contrat « Financement obsèques ».

C’est dans ce contexte que par acte du 18 juillet 2023, les consorts [E] ont fait assigner la banque LCL pour demander à ce tribunal, au visa des articles L133-18 et L133-19 du code monétaire et financier, 1231-1 et 1240 du code civil, L132-21 du code des assurances, de :
« Sur le remboursement des opérations non autorisées :
• CONDAMNER le CREDIT LYONNAIS à payer à Madame [P] [E] et Madame [H] [E], en leur qualité d’ayant droit de Madame [W] [K] la somme 13.170,50€ en principal,
• CONDAMNER le CREDIT LYONNAIS à payer à Madame [P] [E] et Madame [H] [E], en leur qualité d’ayant droit de Madame [W] [K] la somme 5.561,06€ au titre des intérêts au taux légal majoré, conformément à l’article L133-18 du CMF, arrêté au 27.05.2023 et à parfaire à réception des fonds
Sur le versement de la valeur de rachat du contrat de financement obsèques :
• CONDAMNER le CREDIT LYONNAIS à payer à Madame [P] [E] et Madame [H] [E], en leur qualité d’ayant droit de Madame [W] [K] la somme 2.935,91€ en principal
• CONDAMNER le CREDIT LYONNAIS à payer à Madame [P] [E] et Madame [H] [E], en leur qualité d’ayant droit de Madame [W] [K] la somme 176,71€ au titre des intérêts au taux légal majoré, conformément à l’article L132-21du CMF, arrêtés au 23 mai 2023 soit 176,71€ et à parfaire à réception des fonds
Sur le préjudice moral :
• CONDAMNER le CREDIT LYONNAIS à payer à Madame [P] [E] et Madame [H] [E] la somme de 1.000€ chacun en réparation du préjudice moral qu’elles ont subi,
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
• CONDAMNER le CREDIT LYONNAIS à payer à Madame [P] [E] et Madame [H] [E] la somme de 1.800€ au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux entiers dépens. »

La clôture intervenue le 22 mars 2024, par ordonnance du juge de la mise en état, a été révoquée le 7 juin 2024.

Par conclusions d’incident signifiées le 19 septembre 2024, réitérées en dernier lieu le 11 décembre 2024, la banque LCL demande au juge de la mise en état près ce tribunal de :
Prononcer la forclusion de la demande tendant au remboursement des opérations ;
Condamner Mmes [P] et [H] [E] au paiement, au profit du Crédit Lyonnais, d’une indemnité de 2.000 € chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Par conclusions en réponse d’incident signifiées le 24 octobre 2024, les consorts [E] demandent au juge de la mise en état près ce tribunal, au visa de l’article L133-24 alinéa 1er du code monétaire et financier, de :
• Rejeter la fin de non-recevoir tirée de la forclusion soulevée par Le Crédit Lyonnais,
• Condamner le Crédit Lyonnais à payer à Madame [P] [E] et Madame [H] [E] la somme de 2.000€ au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux entiers dépens,
• Renvoyer l’affaire à une prochaine audience de mise en état, à tout le moins afin de statuer sur la demande de condamnation du Crédit Lyonnais au versement de la valeur de rachat du contrat de financement obsèques.

L’affaire a été appelée à l’audience du 13 décembre 2024 et mise en délibéré au 31 janvier 2025.

Il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées et visées ci-dessus pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Nous, Augustin Boujeka, juge de la mise en état, statuant publiquement par ordonnance contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

REJETONS la fin de non-recevoir tirée de la forclusion ;
DÉCLARONS recevable l’action de Madame [P] [V] [E] et de Madame [H] [P] [E] ;
RENVOYONS l’affaire à l’audience de mise en état de la 2ème section de la 9ème chambre de ce tribunal du vendredi 11 avril 2025 à 9h30, Le Crédit Lyonnais devant avoir signifié des conclusions au fond avant cette date ;
CONDAMNONS Le Crédit Lyonnais à verser à Madame [P] [V] [E] et [H] [P] [E], prises ensemble, la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
RÉSERVONS les dépens.
Faite et rendue à Paris le 31 Janvier 2025

LA GREFFIÈRE LE JUGE DE LA MISE EN ÉTAT

 


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