Tribunal judiciaire de Paris, 3 mai 2017
Tribunal judiciaire de Paris, 3 mai 2017

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris

Thématique : Esprit Sushi c/ L’Express

Résumé

Christophe Barbier, ancien directeur de L’Express, a été poursuivi en diffamation après la publication d’un hors-série critiquant la franchise Esprit Sushi. Un ancien franchisé, Nicolas Landrix, a qualifié l’enseigne de « fumisterie », affirmant avoir été « pigeonné » par des promesses de marges bénéficiaires non tenues. L’article soulève des préoccupations sur les prix élevés des produits, la société ne se rémunérant pas par des droits d’entrée, mais par des marges importantes. Bien que les termes employés soient vifs, le tribunal a jugé que les allégations ne portaient pas atteinte à l’honneur de la société, se limitant à un différend commercial.

Affaire L’Express

Christophe Barbier, l’ancien directeur de la publication de L’Express a été poursuivi en diffamation publique suite à la publication d’un hors-série Entreprise mettant en cause la franchise Esprit Sushi : « Une ‘fumisterie », selon un ancien franchisé, très amer de voir l’enseigne continuer à recruter des candidats, amenés, selon lui, à se faire pigeonner à leur tour », « AMER Nicolas Landrix, ex-membre de l’enseigne Esprit Sushi, considère avoir été « pigeonné ».

Franchisés « pigeonnés »

Chercher à « pigeonner » ses cocontractants, est un terme familier décrivant le fait de chercher à duper.  L’article en cause reproche principalement à la société Esprit Sushi  le prix trop élevé de ses produits, lié au fait que cette société ne se rémunérait pas par un droit d’entrée et des redevances et devait dès lors, se rémunérer via une marge importante sur les produits. L’article précisait que l’ancien franchisé n’avait pu atteindre les 83 pour cent de marge brute annoncés, mais qu’il avait difficilement atteint les 55 pour cent, du fait de ces conditions, et qu’il a saisi le tribunal de commerce, aux fins de remboursement des sommes investies et de nullité du contrat signé.

Termes vis mais diffamation exclue

Il n’était pas reproché à la société la commission d’une infraction pénale, s’agissant d’un différend à caractère commercial ; les propos visés, éclairés simplement le lecteur sur le fait que le contrat proposé par Esprit Sushi ne permettrait pas aux cocontractants d’atteindre un équilibre financier, ce qui a été de nature à justifier, pour l’un d’entre eux, la saisine du tribunal de commerce pour obtenir le remboursement des sommes versées et la nullité du contrat. Le terme « se faire pigeonner », s’il peut paraître un peu vif, est employé par un ancien franchisé, pour décrire la signature d’un contrat qu’il a estimé à son désavantage.

L’allégation en cause, si elle est précise, ne porte pas atteinte à l’honneur et à la considération de la société car n’étant pas susceptible de revêtir une qualification pénale et ne constituant pas non plus un manquement manifeste à la morale commune attendue dans la vie des affaires, l’article, qui n’induit pas un manquement contractuel délibéré et évident de la part de la société, se limitant à évoquer, certes en des termes vifs, un contentieux lié aux conséquences de l’application d’un contrat.

Notion de diffamation

L’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 définit la diffamation comme toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé ; il doit s’agir d’un fait précis, susceptible de faire l’objet d’un débat contradictoire sur la preuve de sa vérité, ce qui distingue ainsi la diffamation, d’une part, de l’injure – caractérisée, selon le deuxième alinéa de l’article 29, par toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait – et, d’autre part, de l’expression subjective d’une opinion ou d’un jugement de valeur, dont la pertinence peut être librement discutée dans le cadre d’un débat d’idées mais dont la vérité ne saurait être prouvée. L’honneur et la considération de la personne ne doivent pas s’apprécier selon les conceptions personnelles et subjectives de celle-ci, mais en fonction de critères objectifs et de la réprobation générale provoquée par l’allégation litigieuse, que le fait imputé soit pénalement répréhensible ou manifestement contraire aux règles morales communément admises. La  diffamation, qui peut se présenter sous forme d’allusion ou d’insinuation, doit être appréciée en tenant compte des éléments intrinsèques et extrinsèques au support en cause, à savoir tant du contenu même des propos que du contexte dans lequel ils s’inscrivent.

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