Tribunal judiciaire de Paris, 3 avril 2024
Tribunal judiciaire de Paris, 3 avril 2024

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris

Thématique : Virements non autorisés : les SMS bancaires déterminants

Résumé

En cas de virements non autorisés, la responsabilité de la banque est engagée si elle ne prouve pas que le client a reçu un code d’activation par SMS avant l’ajout d’un nouveau bénéficiaire. Dans cette affaire, la banque a échoué à démontrer la fraude ou la négligence du client, ce qui l’oblige à rembourser 15 000 euros pour les virements contestés. De plus, le client obtient 1 000 euros pour préjudice moral et 3 000 euros pour ses frais de justice. La décision est exécutoire à titre provisoire, renforçant ainsi la protection des consommateurs face aux fraudes bancaires.

En présence de virements frauduleux suite à l’ajout non autorisé d’un bénéficiaire, la banque engage sa responsabilité si elle n’établit pas que le client a bien été destinataire d’un code d’activation envoyé par SMS avant l’enregistrement d’un nouveau « token » et que son client aurait transmis ce code à un tiers.

La solution juridique apportée à cette affaire est que la banque est tenue de rembourser les opérations de paiement non autorisées par le client, sauf en cas de fraude ou de négligence grave de la part de ce dernier. Dans le cas présent, la banque n’a pas réussi à prouver la fraude ou la négligence du client, et est donc condamnée à rembourser les virements litigieux de 15 000 euros. De plus, la banque devra payer des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du client. Le client se voit également accorder une somme de 1 000 euros au titre de son préjudice moral. Les frais du procès sont à la charge de la banque, qui devra également verser une somme de 3 000 euros au client pour compenser ses frais de justice. La décision est exécutoire à titre provisoire.

Résumé

M. [Y] a assigné la société HSBC en responsabilité pour le remboursement de deux virements contestés effectués depuis son compte de dépôt, ainsi que pour des dommages financiers et moraux. M. [Y] affirme que la banque n’a pas sécurisé correctement son compte en ligne et n’a pas réagi de manière adéquate aux alertes. La société CCF, venant aux droits de la société HSBC, affirme que les virements litigieux ont été autorisés par M. [Y] lui-même, qui aurait communiqué des informations sensibles à un tiers. Elle soutient que M. [Y] n’a pas prouvé qu’il a été victime d’une fraude. L’affaire a été clôturée et sera plaidée à l’audience du 28 février 2024.

Sur la responsabilité de la banque

La banque doit rembourser les opérations de paiement non autorisées, sauf en cas de fraude ou de négligence grave de la part du payeur. Elle doit prouver la faute du payeur autrement que par la simple utilisation de données confidentielles. Dans cette affaire, la banque n’a pas réussi à prouver la fraude ou la négligence du client, et est donc condamnée à rembourser les virements litigieux.

Sur le préjudice financier et le préjudice moral

Le client demande une somme au titre de son préjudice financier, arguant qu’il aurait pu investir les fonds indûment mobilisés. Cependant, il n’a pas prouvé son intention d’investir cet argent. Sa demande est rejetée. En revanche, il obtient une somme au titre de son préjudice moral pour le stress et les inquiétudes causés par la situation.

Sur les frais du procès

La partie perdante est condamnée à payer les dépens et les frais de justice exposés par l’autre partie pour assurer sa défense. La société CCF est donc tenue de payer les frais du procès et une somme supplémentaire à titre de compensation.

Sur l’exécution provisoire

Les décisions de première instance sont exécutoires à titre provisoire, sauf si le juge estime que cela est incompatible avec la nature de l’affaire. Dans ce cas, aucune circonstance n’impose d’écarter l’exécution provisoire.

– 15 000 euros à M. [M] [Y]
– 1 000 euros à M. [M] [Y] au titre de son préjudice moral
– 3 000 euros à M. [M] [Y] au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

Réglementation applicable

L’article L.133-18 du code monétaire et financier pose le principe du remboursement par la banque des opérations de paiement non autorisées : « En cas d’opération de paiement non autorisée signalée par l’utilisateur dans les conditions prévues à l’article L. 133-24, le prestataire de services de paiement du payeur rembourse au payeur le montant de l’opération non autorisée immédiatement après avoir pris connaissance de l’opération ou après en avoir été informé, et en tout état de cause au plus tard à la fin du premier jour ouvrable suivant, sauf s’il a de bonnes raisons de soupçonner une fraude de l’utilisateur du service de paiement et s’il communique ces raisons par écrit à la Banque de France. Le cas échéant, le prestataire de services de paiement du payeur rétablit le compte débité dans l’état où il se serait trouvé si l’opération de paiement non autorisée n’avait pas eu lieu. »

Par dérogation à ce principe, l’article L.133-19 IV prévoit que le payeur supporte toutes les pertes occasionnées par des opérations de paiement non autorisées si ces pertes résultent d’un agissement frauduleux de sa part ou s’il n’a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations mentionnées aux articles L.133-16 et L.133-17, lesquels lui font obligation notamment de préserver la sécurité de ses données.

L’article L.133-23 du code monétaire et financier fixe les règles de preuve applicables lorsque l’utilisateur conteste avoir donné son autorisation au paiement : « En application de l’article L.133-23 du code monétaire et financier, lorsqu’un utilisateur de services de paiement nie avoir autorisé une opération de paiement qui a été exécutée, il incombe à son prestataire de services de paiement de prouver que l’opération en question a été authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée et qu’elle n’a pas été affectée par une déficience technique ou autre.

L’utilisation de l’instrument de paiement telle qu’enregistrée par le prestataire de services de paiement ne suffit pas nécessairement en tant que telle à prouver que l’opération a été autorisée par le payeur ou que celui-ci n’a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations lui incombant en la matière. Le prestataire de services de paiement, y compris, le cas échéant, le prestataire de services de paiement fournissant un service d’initiation de paiement, fournit des éléments afin de prouver la fraude ou la négligence grave commise par l’utilisateur de services de paiement. »

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :

– Maître Arnaud DUQUESNOY de la SCP MILLENIUM AVOCATS
– Maître Anne-gaëlle LE MERLUS de la SCP LUSSAN

Mots clefs associés

– Responsabilité de la banque
– Remboursement des opérations de paiement non autorisées
– Preuve de l’autorisation au paiement
– Fraude ou négligence de l’utilisateur
– Plainte pour virements non autorisés
– Création d’un nouveau bénéficiaire
– Logs de connexion
– Réinitialisation des codes en ligne
– Demande de remboursement
– Intérêts de retard
– Préjudice financier
– Préjudice moral
– Frais du procès
– Exécution provisoire

– Responsabilité de la banque : obligation pour la banque de rembourser les opérations de paiement non autorisées
– Remboursement des opérations de paiement non autorisées : obligation pour la banque de rembourser les opérations de paiement non autorisées effectuées sans autorisation
– Preuve de l’autorisation au paiement : nécessité pour l’utilisateur de prouver qu’il a autorisé le paiement en question
– Fraude ou négligence de l’utilisateur : responsabilité de l’utilisateur en cas de fraude ou de négligence ayant entraîné des opérations de paiement non autorisées
– Plainte pour virements non autorisés : action en justice engagée par l’utilisateur pour obtenir le remboursement des virements non autorisés
– Création d’un nouveau bénéficiaire : action de l’utilisateur pour ajouter un nouveau bénéficiaire à son compte
– Logs de connexion : enregistrement des connexions à un compte en ligne
– Réinitialisation des codes en ligne : action de réinitialiser les codes d’accès en ligne à un compte
– Demande de remboursement : demande formulée par l’utilisateur pour obtenir le remboursement d’une opération de paiement non autorisée
– Intérêts de retard : montant dû en cas de retard dans le remboursement des opérations de paiement non autorisées
– Préjudice financier : dommage financier subi par l’utilisateur à la suite d’opérations de paiement non autorisées
– Préjudice moral : dommage moral subi par l’utilisateur à la suite d’opérations de paiement non autorisées
– Frais du procès : frais engagés pour mener une action en justice
– Exécution provisoire : mise en œuvre temporaire d’une décision de justice en attendant une décision définitive.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Décision du 03 Avril 2024
9ème chambre 1ère section
N° RG 21/06948 – N° Portalis 352J-W-B7F-CUOSH

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

9ème chambre 1ère section

N° RG 21/06948

N° Portalis 352J-W-B7F-CUOSH

N° MINUTE : 1

Assignation du :
19 mai 2021

Contradictoire

JUGEMENT
rendu le 03 Avril 2024
DEMANDEUR

Monsieur [M] [Y]
[Adresse 2]
[Localité 3]

représenté par Maître Arnaud DUQUESNOY de la SCP MILLENIUM AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #J0143

DÉFENDERESSE

SOCIÉTÉ CCF,
venant aux droits de la S.A. HSBC CONTINENTAL EUROPE
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Maître Anne-gaëlle LE MERLUS de la SCP LUSSAN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #P0077

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Anne-Cécile SOULARD, Vice-présidente,
Monsieur Patrick NAVARRI, Vice-président,
Madame Marine PARNAUDEAU, Vice-présidente,

assistés de Madame Sandrine BREARD, greffière.

DÉBATS

A l’audience du 28 février 2024 tenue en audience publique devant Madame Anne-Cécile SOULARD, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile.

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte en date du 19 mai 2021, M. [M] [Y] a assigné la société anonyme HSBC Continental Europe, anciennement dénommée HSBC France, (ci-après désignée “la société HSBC”) en responsabilité aux fins de remboursement de la somme totale de 15 000 euros correspondant à deux virements contestés effectués depuis son compte de dépôt le 25 février 2021, demande fondée sur les dispositions des articles L. 133-19, L. 133-20 et L. 133-23 du code monétaire et financier, et aux fins d’indemnisation d’un préjudice financier et d’un préjudice moral.
Par ordonnance du 25 mai 2022, le juge de la mise en état a :
– rejeté la demande de suspension de l’instance formée par la société HSBC dans l’attente de l’issue de la procédure pénale faisant suite à la plainte déposée par M. [Y] le 26 février 2021,
– débouté la société HSBC de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société HSBC à payer à M. [Y] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– réservé les dépens,
– renvoyé l’affaire à la mise en état.
Demandes et moyens de M. [Y]
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 10 octobre 2023, M. [Y] demande au tribunal de :
« CONDAMNER la SA HSBC à payer à Monsieur [Y], à titre de remboursement, la somme de 15.000,00 € augmentée des intérêts au taux dont dispose l’article L133-18 du code monétaire et financier, à compter du 18/03/2021.
CONDAMNER la SA HSBC à payer à Monsieur [Y] la somme de 5.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice financier.
CONDAMNER la SA HSBC à payer à Monsieur [Y] la somme de 5.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.
En tout état de cause,
CONDAMNER la SA HSBC, à payer à Monsieur [M] [Y] la somme de 5.000,00 € par application de l’article 700 du CPC.
DEBOUTER la SA HSBC de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusion contraires ou supplémentaires.
RAPPELER l’exécution provisoire de plein droit du jugement à intervenir.
CONDAMNER la SA HSBC aux entiers dépens d’instance, dont distraction au profit de la SCP MILLENIUM AVOCATS, avocat aux offres de droit qui déclare en avoir fait l’avance en ce qui la concerne, par application de l’article 699 du CPC. »
M. [Y] considère que c’est à la banque de rapporter la preuve d’un agissement frauduleux ou d’une négligence grave de sa part. Il ajoute que la banque ne démontre pas que l’opération litigieuse a été authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée et qu’elle n’a pas été affectée d’une déficience technique ou autre.
M. [Y] expose qu’il a reçu un mail de la société HSBC le 25 février 2021 à 22h20 l’informant de l’ajout d’un bénéficiaire sur son compte en ligne. Il précise qu’il a répondu quelques heures plus tard en indiquant qu’il n’était pas à l’origine de cet ajout puis qu’il a tenté à plusieurs reprises de joindre son agence bancaire dans la journée du 26 février. Il observe qu’il n’a obtenu une réponse de la banque que le 26 février à 15h15.
M. [Y] estime qu’il n’y a aucun lien entre son appel à sa banque du 25 février relatif à sa carte bancaire et la fraude effectuée sur son compte en ligne.
M. [Y] conteste l’opposabilité de la clause 3.5 des conditions générales de comptes de particuliers selon laquelle toute opération initiée par le client depuis son compte en ligne est autorisée par le client. Il fait valoir que cette clause s’oppose à l’obligation de résultat dont est tenue la banque dans la sécurisation des comptes dont elle est dépositaire. Il soutient que la banque est tenue à un devoir général de vigilance et qu’elle a fait preuve au contraire de laxisme et de légèreté en ne réagissant pas de manière rapide aux alertes de M. [Y].
Demandes et moyens de la société CCF
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 19 janvier 2024, la société CCF, venant aux droits de la société HSBC Continental Europe, demande au tribunal de débouter M. [Y] de l’ensemble de ses demandes et de la condamner à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens. Elle sollicite en outre d’écarter l’exécution provisoire en cas de condamnation à son encontre.
La société CCF constate qu’un nouvel IBAN a été enregistré dans la liste des bénéficiaires de M. [Y] le 25 février 2021. Elle observe que cet enregistrement a nécessité d’une part une connexion à la banque à distance par la frappe d’un identifiant, d’une réponse à une question mémorable et d’un code à usage unique généré par le système Secure Key et d’autre part, une fois la connexion effective, la frappe d’un code confidentiel ou le relevé d’empreinte digitale. Elle en déduit que l’enregistrement de l’IBAN n’a pu se faire qu’à l’initiative du titulaire du compte ou d’une personne à laquelle il aurait préalablement communiqué lesdits codes.
La société CCF affirme que M. [Y] a communiqué à un tiers un code d’activation envoyé par SMS qui a permis l’enregistrement d’un nouveau téléphone comme « token de sécurité ». Elle précise que les deux virements contestés ont été exécutés à l’aide de ce téléphone nouvellement enregistré.
La société CCF considère qu’il revient à M. [Y] de prouver qu’il a été victime d’une fraude, de sorte que les virements litigieux constituent des opérations de paiement non autorisées. Elle allègue que M. [Y] ne prouve aucunement l’existence de cette fraude.
La société CCF fait état des appels téléphoniques de M. [Y] des 25 et 26 février auprès de la banque HSBC au cours desquels il évoque une fraude par utilisation de sa carte bancaire. Elle indique qu’au cours d’un appel que M. [Y] croyait provenir du service des fraudes, il a réinitialisé tous ses accès banque à distance.
La société CCF soutient en outre qu’elle a exécuté les ordres de virement reçus conformément à ses obligations et à son devoir de non-ingérence.
* * *
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il sera renvoyé aux dernières écritures des parties pour l’exposé des moyens et arguments venant au soutien de leurs demandes et de leurs défenses.
Le juge de la mise en état a clôturé l’instruction de l’affaire par ordonnance du 24 janvier 2024 et fixé l’affaire pour être plaidée à l’audience tenue en juge rapporteur du 28 février 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur la responsabilité de la banque

L’article L.133-18 du code monétaire et financier pose le principe du remboursement par la banque des opérations de paiement non autorisées : « En cas d’opération de paiement non autorisée signalée par l’utilisateur dans les conditions prévues à l’article L. 133-24, le prestataire de services de paiement du payeur rembourse au payeur le montant de l’opération non autorisée immédiatement après avoir pris connaissance de l’opération ou après en avoir été informé, et en tout état de cause au plus tard à la fin du premier jour ouvrable suivant, sauf s’il a de bonnes raisons de soupçonner une fraude de l’utilisateur du service de paiement et s’il communique ces raisons par écrit à la Banque de France. Le cas échéant, le prestataire de services de paiement du payeur rétablit le compte débité dans l’état où il se serait trouvé si l’opération de paiement non autorisée n’avait pas eu lieu. »

Par dérogation à ce principe, l’article L.133-19 IV prévoit que le payeur supporte toutes les pertes occasionnées par des opérations de paiement non autorisées si ces pertes résultent d’un agissement frauduleux de sa part ou s’il n’a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations mentionnées aux articles L.133-16 et L.133-17, lesquels lui font obligation notamment de préserver la sécurité de ses données.

L’article L.133-23 du code monétaire et financier fixe les règles de preuve applicables lorsque l’utilisateur conteste avoir donné son autorisation au paiement : « En application de l’article L.133-23 du code monétaire et financier, lorsqu’un utilisateur de services de paiement nie avoir autorisé une opération de paiement qui a été exécutée, il incombe à son prestataire de services de paiement de prouver que l’opération en question a été authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée et qu’elle n’a pas été affectée par une déficience technique ou autre.

L’utilisation de l’instrument de paiement telle qu’enregistrée par le prestataire de services de paiement ne suffit pas nécessairement en tant que telle à prouver que l’opération a été autorisée par le payeur ou que celui-ci n’a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations lui incombant en la matière. Le prestataire de services de paiement, y compris, le cas échéant, le prestataire de services de paiement fournissant un service d’initiation de paiement, fournit des éléments afin de prouver la fraude ou la négligence grave commise par l’utilisateur de services de paiement. »

Il appartient donc à la banque de prouver la faute volontaire ou non du payeur, autrement qu’en démontrant l’utilisation de données hautement confidentielles et elle ne peut se contenter d’invoquer le probable « hameçonnage » dont le client aurait été victime, c’est-à-dire un courriel ou un SMS frauduleux qui l’aurait nécessairement conduit, en réponse, à divulguer ses éléments d’identification personnels au fraudeur.

Il ressort des mails de M. [Y] qu’il a reçu le 25 février 2021 à 22h20 un message intitulé « ajout d’un nouveau bénéficiaire » indiquant : « Conformément à votre saisie, le compte se terminant par 643368 a été ajouté à vos bénéficiaires sur HSBC.FR. Si vous n’êtes pas à l’origine de cette opération, merci de contacter HSBC Relations Clients. »

M. [Y] a répondu à ce message le 26 février 2021 à 02h37 en s’étonnant : « Je reçois à l’instant ce présent mail ci joint ; je ne sais pas ce que c’est, de quel bénéficiaire parle-t-on ? Je n’ai donné aucune instruction d’aucune nature. »

Son relevé d’appels depuis son téléphone portable montre plusieurs appels effectués le 26 février 2021 dont plusieurs vers des interlocuteurs enregistrés sous l’intitulé « HSBC ». L’heure des appels n’est pas visible sur le relevé d’appels.
M. [Y] a déposé plainte le 1er mars 2021 en indiquant que deux virements de 10 000 et 5 000 euros ont été débités de son compte en faveur d’un destinataire qu’il n’a pas enregistré. Sa plainte a été classée sans suite le 5 août 2021 pour « auteur inconnu ».
Il ressort des relevés de compte que les virements ont été effectués en faveur de « LLUIS STEPHANIE » que M. [Y] affirme ne pas connaître.

La société CCF fournit le compte-rendu d’un appel téléphonique passé par M. [Y] auprès d’HSBC Premier (pièce n°6). Il est mentionné que cet appel est daté du 26 mai 2021 à 14h54. Cependant M. [Y] relate dans cet appel le SMS qu’il a reçu la veille au soir pour l’informer que « le compte 643368 a été ajouté à vos bénéficiaires sur HSBC France ».

Il y a donc lieu de considérer que la mention du 26 mai sur ce compte-rendu constitue une erreur de plume et que cet appel est bien daté du 26 février comme l’affirme la banque, sans être contestée par M. [Y].

M. [Y] évoque dans cette conversation le service des fraudes qu’il a eu la veille au téléphone à propos de deux transactions Samsung qui auraient été effectuées frauduleusement avec sa carte bancaire. Il indique : « J’ai passé 1 heure avec lui pour ces 2 transactions, on a tout bloqué et on a tout remis à point avec mes codes etc ».

La banque affirme que la création de ce nouveau bénéficiaire a été effectuée depuis un téléphone portable qui a été enregistrée comme nouveau « token » au moyen d’un code d’activation transmis à M. [Y] et que celui-ci aurait nécessairement transmis à un tiers.
La banque produit également le « justificatif des logs de connexion » (pièce n°14) qui montre l’activation d’un nouveau « token » à 14h41 alors que selon le relevé des envois de mails et de SMS du 25 février 2021 (pièce n°12), seul un SMS a été envoyé à M. [Y] à 15h40. Ce SMS est postérieur à l’activation d’un nouveau « token » de telle sorte qu’il ne peut s’agir du SMS contenant un code d’activation.

Par ailleurs, il ressort du justificatif des logs de connexion qu’un nouveau bénéficiaire a bien été créé le 25 février 2021 à 21h20 alors que M. [Y] a reçu un e-mail pour l’informer de la création de ce bénéficiaire à 22h20. Cet horaire ressort à la fois de l’extraction des envois vers M. [Y] produit par la société CCF et du mail fourni par M. [Y].

Ainsi, la banque n’établit pas que M. [Y] a bien été destinataire d’un code d’activation envoyé par SMS avant l’enregistrement d’un nouveau « token » et que M. [Y] aurait transmis ce code à un tiers.

Les explications données par M. [Y] au sujet de transactions litigieuses avec Samsung concernent un usage frauduleux de carte bancaire sans qu’il soit évoqué dans ce cadre l’accès au compte en ligne ou l’enregistrement d’un nouveau « token ».
Il n’est pas établi, ni par les relevés d’activité sur le compte en ligne de M. [Y], ni par les retranscriptions de conversations téléphoniques que M. [Y] aurait réinitialisé ses codes en ligne à l’occasion d’une conversation téléphonique qu’il aurait eu le 25 février 2021.

En outre, M. [Y] a été particulièrement diligent puisqu’il a dès le 26 février contacté sa banque à plusieurs reprises pour obtenir des explications sur l’ajout de ce nouveau bénéficiaire, étant précisé que ses appels ont permis de faire échec à de nouveaux virements vers le même destinataire.

La société CCF ne peut se prévaloir des conditions générales de la convention de compte pour mettre en échec les dispositions de l’article L. 133-18 qui lui font obligation de prouver la fraude ou la négligence de M. [Y].
Il résulte de ce qui précède que la société CCF échoue à démontrer la fraude ou la négligence de M. [Y].

Dans ces conditions, elle sera condamnée à rembourser à M. [Y] le montant des virements litigieux, soit la somme de 15 000 euros.

L’article L. 133-18 du code monétaire et financier précise que :

« En cas de manquement du prestataire de services de paiement aux obligations prévues aux deux premiers alinéas du présent article, les pénalités suivantes s’appliquent :
1° Les sommes dues produisent intérêt au taux légal majoré de cinq points ;
2° Au-delà de sept jours de retard, les sommes dues produisent intérêt au taux légal majoré de dix points ;
3° Au-delà de trente jours de retard, les sommes dues produisent intérêt au taux légal majoré de quinze points. »

Toutefois, ces dispositions relatives aux intérêts n’ont été ajoutées à l’article L.133-18 que depuis le 18 août 2022. Elles ne sont donc pas applicables aux faits du présent litige survenus en 2021.

A défaut de dispositions spécifiques, il y a lieu de faire application de l’article 1231-6 du code civil selon lequel les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.

M. [Y] a mis en demeure la banque HSBC de lui rembourser le montant des virements litigieux par courrier de son conseil en date du 18 mars 2021.
Dans ces conditions, la somme de 15 000 euros que la société CCF est condamnée à payer portera intérêts au taux légal à compter du 18 mars 2021.

2. Sur le préjudice financier et le préjudice moral

Selon le dernier alinéa de l’article 1231-6 du code civil, le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l’intérêt moratoire.
M. [Y] sollicite une somme de 5 000 euros au titre de son préjudice financier en faisant valoir qu’il aurait pu investir ou faire un autre usage des 15 000 euros que la banque a indûment mobilisés. Il évoque la hausse de 35,50% du CAC 40 au début de l’année 2021.
Cependant, M. [Y] ne justifie pas qu’il avait l’intention d’investir cet argent en bourse ou qu’il devait faire un usage particulier des 15 000 euros litigieux.

Sa demande au titre du préjudice financier sera rejetée.

M. [Y] demande également la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral.

Il justifie qu’il a appelé à de nombreuses reprises les services de HSBC dès le 26 février 2021 pour obtenir des explications. Il ressort de la retranscription de la conversation précitée qu’il était inquiet des conséquences de ce virement.

Ces éléments justifient de lui allouer une somme de 1 000 euros au titre de son préjudice moral.

3. Sur les frais du procès

L’article 695 du code de procédure civile énumère les frais du procès qui entrent dans la catégorie des dépens. Il est de principe que les dépens sont à la charge de la partie perdante, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.

Partie perdante au procès, la société CCF sera condamnée au paiement des entiers dépens, conformément à l’article 696 du code de procédure civile, avec distraction au profit de la SCP MILLENIUM AVOCATS.

Elle sera également condamnée à payer à M. [Y] la somme de 3 000 euros afin de compenser les frais de justice non compris dans les dépens qu’il a dû exposer afin d’assurer la défense judiciaire de ses intérêts, en application de l’article 700 du code de procédure civile.

4. Sur l’exécution provisoire

Les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire, en application de l’article 514 du code de procédure civile.
Le juge peut toutefois écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire, conformément à l’article 514-1 du code de procédure civile.
Aucune circonstance du présent litige n’impose d’écarter l’exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort,
CONDAMNE la société CCF, venant aux droits de la société HSBC Continental Europe, à payer à M. [M] [Y] la somme de 15 000 euros, assorti des intérêts au taux légal à compter du 18 mars 2021 ;
REJETTE la demande de M. [M] [Y] au titre de son préjudice financier ;
CONDAMNE la société CCF, venant aux droits de la société HSBC Continental Europe, à payer à M. [M] [Y] la somme de 1 000 euros au titre de son préjudice moral ;
CONDAMNE la société CCF, venant aux droits de la société HSBC Continental Europe, aux entiers dépens, avec distraction au profit de la SCP MILLENIUM AVOCATS ;
CONDAMNE la société CCF, venant aux droits de la société HSBC Continental Europe, à payer à M. [M] [Y] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE toute autre demande plus ample ou contraire ;
RAPPELLE que le présent jugement est de droit exécutoire à titre provisoire.

Fait et jugé à Paris le 03 avril 2024.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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