Tribunal Judiciaire de Paris, 27 mars 2019
Tribunal Judiciaire de Paris, 27 mars 2019

Type de juridiction : Tribunal Judiciaire

Juridiction : Tribunal Judiciaire de Paris

Thématique : Affaire Cash Investigation

Résumé

En matière de dénigrement, il est déterminant de choisir le bon fondement juridique. Les critiques virulentes visant une personne morale doivent être qualifiées de diffamation, conformément à la loi du 29 juillet 1881, et non d’après l’article 1240 du code civil, qui s’applique aux critiques de produits ou services. Dans une affaire récente, l’Association PEFC a vu son assignation déclarée nulle, les juges ayant requalifié les faits en diffamation. De plus, l’Association a été condamnée pour procédure abusive, ayant déjà tenté deux actions similaires sans succès, démontrant ainsi un comportement malveillant.

En matière de dénigrement, attention à ne pas se tromper de fondement juridique. Les imputations virulentes contre une personne morale sont sanctionnables sur le fondement de la diffamation et non celui de l’article 1240 du code civil (à réserver aux critiques de produits et services de la société).        

Société victime de Cash Investigation

L’assignation d’une personne morale (Association label PEFC), vivement critiquée dans  l’émission « Cash Investigation » a été déclarée nulle. L’assignation délivrée se référait au comportement de la personne morale. C’est sous couvert de dénigrement, ou encore de publicité comparative illicite, que l’Association  PEFC cherchait en réalité à réparer un préjudice de réputation. Les juges ont requalifié le fondement juridique de l’assignation, qui visait des faits diffamatoires au sens de la loi du 29 juillet 1881. Les contraintes procédurales d’ordre public édictées par l’article 53 de cette loi n’ont pas été respectées, propos incriminés, texte de loi applicable, élection de domicile et notification au ministère public.

Responsabilité de droit commun

L’article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Même en l’absence d’une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la divulgation, par l’une, d’une information de nature à jeter le discrédit sur les produits, les services ou les prestations de l’autre peut constituer un acte de dénigrement, ouvrant droit à réparation sur le fondement de l’article 1240 du code civil. Cette divulgation n’entre pas dans les prévisions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, dès lors qu’elle ne concerne pas la personne physique ou morale.

Obligation de requalification du juge

En outre, en application de l’article 12 du code de procédure civile, le juge doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée. Lorsque le dommage invoqué trouve sa cause dans l’une des infractions définies par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, le demandeur ne peut, notamment pour échapper aux contraintes procédurales de cette loi, se prévaloir pour les mêmes faits de qualifications juridiques distinctes restreignant la liberté protégée par cette loi dans des conditions qu’elle ne prévoit pas.

Mentions de la citation pour diffamation

Pour rappel, l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 exige que la citation précise et qualifie le fait incriminé et qu’elle indique le texte de loi applicable à la poursuite. Cet acte introductif d’instance a ainsi pour rôle de fixer définitivement l’objet de la poursuite, afin que la personne poursuivie puisse connaître, dès sa lecture et sans équivoque, les faits dont elle aura exclusivement à répondre, l’objet exact de l’incrimination et la nature des moyens de défense qu’elle peut y opposer. Les formalités prescrites par ce texte, applicables à l’action introduite devant la juridiction civile dès lors qu’aucun texte législatif n’en écarte l’application, sont substantielles aux droits de la défense et d’ordre public. Leur inobservation entraîne la nullité de la poursuite elle- même aux termes du 3e alinéa de l’article 53.

Condamnation pour procédure abusive

A noter que l’Association PEFC a été condamnée pour procédure abusive. En effet, cette dernière avait déjà délivré deux assignations, pour les mêmes émissions, qui ont abouti à des nullités de procédure. En choisissant de faire une action contre les défendeurs, en se plaignant ce que des propos seraient constitutifs de dénigrement ou de publicité comparative illicite, alors même que, manifestement, elle ne sollicitait, de fait, que la réparation d’un préjudice de réputation, ce qui devait entraîner un strict respect du formalisme de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, l’Association a agi par malveillance.  Le caractère abusif et téméraire de la procédure était donc établie (1.000 euros, pour procédure abusive).

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