Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris
Thématique : Responsabilité médicale et indemnisation : enjeux de la solidarité nationale face aux fautes professionnelles.
→ RésuméContexte médical de Mme [G] [V] épouse [D]Mme [G] [V] épouse [D] souffrait d’endométriose depuis 2008, avec des lésions résistantes aux anti-inflammatoires. En 2013, une IRM a révélé une endométriose pelvienne profonde et des adhérences recto-sigmoïdiennes. Des examens ultérieurs ont confirmé la présence d’une endométriose ovarienne et d’une adénomyose utérine diffuse. Interventions chirurgicales et complicationsLe 11 juin 2014, Mme [D] a subi une chirurgie pour traiter son endométriose, mais a quitté l’hôpital avec des complications, notamment l’absence de mictions spontanées. En septembre 2015, un bilan a révélé une vessie neurologique nécessitant des auto-sondages quotidiens, attribués à la chirurgie. Procédure d’indemnisationLe 23 septembre 2016, Mme [D] a saisi la Commission de conciliation et d’indemnisation (CCI) pour obtenir une indemnisation. Après plusieurs expertises, la CCI a conclu à une faute du professeur [X] pour des actes chirurgicaux inappropriés, évaluant la perte de chance à 60%. Refus d’indemnisation et substitutionL’assureur du professeur [X], BHIL, a refusé de donner suite à l’avis de la CCI. En 2020, Mme [D] a demandé la substitution d’un autre assureur, qui a procédé à une indemnisation partielle. Mme [D] a ensuite saisi le tribunal judiciaire de Paris pour obtenir une indemnisation supplémentaire. Arguments des parties en litigeMme [D] a demandé au tribunal de reconnaître la recevabilité de son action et de condamner l’assureur à verser des indemnités. L’assureur a contesté l’application de l’article L. 1142-15 du code de la santé publique dans le cadre d’une action contentieuse. Décision du tribunalLe tribunal a rejeté les demandes de Mme [D], affirmant que la responsabilité du professionnel de santé était engagée, ce qui excluait l’indemnisation au titre de la solidarité nationale. Les dépens ont été mis à la charge de Mme [D]. |
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS
19ème contentieux médical
N° RG 23/03484
N° MINUTE :
Assignation du :
07 Mars 2023
DEBOUTE
PLL
JUGEMENT
rendu le 25 Novembre 2024
DEMANDERESSE
Madame [G] [V] épouse [D]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Maître Anne GRAPPOTTE-BENETREAU, avocat associé de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #K0111 et par la SELARL SIAM CONSEIL, société d’avocats inscrite au Barreau de BREST, représentée par Maître Gildas JANVIER, avocat au barreau de BREST, avocat plaidant
DÉFENDERESSE
L’[6] ([6])
[Adresse 7]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par la SCP UGGC Avocats agissant par Maître Sylvie WELSCH, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0261
Expéditions
exécutoires
délivrées le :
Décision du 25 Novembre 2024
19ème contentieux médical
RG 23/03484
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Monsieur Pascal LE LUONG, Premier Vice-Président
Monsieur Olivier NOËL, Vice-Président
Monsieur Maurice RICHARD, Magistrat honoraire
Assistés de Madame Erell GUILLOUËT, Greffière, lors des débats et au jour de la mise à disposition au greffe.
DEBATS
A l’audience du 23 Septembre 2024 présidée par Monsieur Pascal LE LUONG tenue en audience publique, avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 25 Novembre 2024.
JUGEMENT
– Contradictoire
– En premier ressort
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [G] [V] épouse [D] souffrait depuis 2008 de lésions d’endométriose résistantes aux anti-inflammatoires. Une IRM réalisée en 2013 a mis en évidence une endométriose pelvienne profonde avec des adhérences serrées recto-sigmoïdiennes. Le 18 mars 2013, une coloscopie basse et une écho-endoscopie colorectale permettent de conclure à une endométriose ovarienne gauche de 6cm avec présence d’adhérences péri ovariennes, attraction de la paroi digestive vers l’avant, et vraisemblablement, nodule d’endométriose digestive de 15mm sur 5mm du haut rectum.
Le 19 mars 2013, une échographie pelvienne conclut à une adénomyose utérine diffuse, à une endométriose profonde postérieure avec infiltration digestive de la jonction recto-sigmoïdienne et des adhérences ovariennes bilatérales avec endométriomes ovariens gauches.
Le 8 avril 2014, elle consulte le professeur [X] au sein de l’hôpital [5]. L’indication d’une exérèse sigmoïdo-rectale avec anastomose colorectale basse, coplectomie partielle avec exérèse des deux ligaments utéro sacrés, exérèse du paramètre gauche et de la lame sacro génito pubienne gauche avec annexectomie gauche est posée le 15 mai 2014. Le 11 juin 2014, une cure d’endométriose profonde par laparotomie est réalisée. La patiente regagne son domicile le 26 juin 2014 avec la réalisation d’un calendrier mictionnel et six auto-sondages par jour.
Le 23 octobre 2014, Mme [V] est adressée par le professeur [X] au docteur [S], urologue, en raison de l’absence de reprise des mictions spontanées liées à une dénervation pelvienne.
Le 4 septembre 2015, à l’occasion d’un bilan urodynamique, Mme [V] rapporte des douleurs persistantes depuis le mois de juin 2014 ainsi que des infections urinaires. Le 6 septembre 2016, il est conclu à une vessie neurologique nécessitant plusieurs auto-sondages quotidiens secondaires à la chirurgie d’endométriose réalisée le 11 juin 2014.
C’est dans ce contexte que Madame [D] a saisi, aux fins d’indemnisation, la Commission de conciliation et d’indemnisation (CCI) de la région Ile de France le 23 septembre 2016. Une expertise a été diligentée et confiée au docteur [N], chirurgien, qui a déposé son rapport le 18 mars 2018. Par avis du 24 mai 2018, la CCI d’Ile de France a mis hors de cause l’AP-HP et a ordonné une contre-expertise confiée au docteur [Y], chirurgien gynécologue. Ce dernier a déposé son rapport le 21 janvier 2019. Par avis du 14 mars 2019 la CCI a retenu que la responsabilité pour faute du praticien était engagée dès lors qu’il résultait du rapport d’expertise qu’il n’y avait aucune indication à pratiquer une exérèse du paramètre gauche et du nerf hypogastrique gauche qui est responsable de la symptomatologie urinaire et digestive de la patiente. La Commission a ainsi estimé que la faute du professeur [X] dans la réalisation de l’acte avait fait perdre à la patiente la possibilité d’éviter la réalisation d’une atteinte à son intégrité physique.
Compte tenu de l’état antérieur de Madame [D] et des risques liés à l’intervention, la Commission a évalué la perte de chance à 60% et a mis à la charge de l’assureur du praticien, l’indemnisation des préjudices dans ces proportions. Par un nouvel avis du 17 décembre 2022, la CCI, saisie par Monsieur [T] [D] agissant en son nom propre et en qualité de représentant légal de leurs fils mineurs [B] [D] et [I] [D], a fait droit à sa demande et a mis à la charge de BHIL, assureur du professeur [X] l’indemnisation des victimes indirectes, à hauteur de 60%.
Par courrier du 4 juillet 2019, la société BHIL, assureur du professeur [X], a refusé de donner suite à l’avis de la CCI.
Par courrier du 25 septembre 2020, Madame [D] et son époux ont, par le biais de leur conseil, sollicité la substitution de l’[6]. L’[6] s’est substitué à BHIL assureur du docteur [X] et a procédé en ses lieu et place à l’indemnisation des préjudices des consorts [D] et leur a versé les sommes suivantes :
– 6 729 euros en réparation du déficit fonctionnel temporaire et du préjudice sexuel de Madame [G] [D], à hauteur de 60 % au titre d’un protocole d’indemnisation transactionnel partiel signé le 14 juin 2022 ;
– 7 500 euros en réparation du préjudice sexuel de Monsieur [T] [D], époux, à hauteur de 60 %, au titre d’un protocole d’indemnisation transactionnel définitif signé le 14 juin 2022. Par la suite, PACIFICA a versé à Madame [D] la somme de 82.125 € au titre d’un contrat garantie accident de la vie.
Madame [D] a ainsi saisi l’[6] en substitution pour obtenir l’indemnisation des postes de préjudices non indemnisés par PACIFICA. L’[6] a, formulé une offre d’indemnisation de 18.700,00 € à Madame [D] au titre de l’incidence professionnelle et des frais d’assistance, que cette dernière a refusé.
Madame [D] a saisi le tribunal judiciaire de Paris, par voie
d’assignation délivrée à l’[6] le 7 mars 2023, pour obtenir la condamnation de l’[6] au paiement de la somme de 77 359,45 € en indemnisation des préjudices subis outre 3 000 € au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens.
Elle demande au tribunal de :
Déclarer l’action de Madame [D] à l’égard de l’[6] recevable et bien fondée ;
Condamner l’[6] à verser à Madame [D] la somme de 77 359,45€ en indemnisation de ses préjudices outre celle de 3 000€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile
Elle considère notamment que les dispositions de l’article L. 1142-15 du code de la santé publique s’appliquent dans le cadre d’une action contentieuse.
L’[6] estime que les dispositions de l’article L. 1142-15 du code de la santé publique – qui prévoient la substitution de l’[6] lorsque les professionnels de santé dont la responsabilité a été retenue par la commission de conciliation et d’indemnisation (CCI) n’ont pas fait d’offre d’indemnisation dans le cadre du dispositif amiable mis en place par les dispositions des articles 1142-2 et suivants du code de la santé publique issus de la loi n°2002-303 du 4 mars 2002 –, ne trouvent en aucun cas à s’appliquer dans le cadre d’une action contentieuse.
L’[6] demande au tribunal :
À titre principal,
De constater, dire et juger que l’article L. 1142-15 du code de la santé publique ne s’applique pas en matière contentieuse mais simplement dans le cadre du dispositif administratif de règlement amiable des accidents médicaux prévu aux articles L. 1142-15 du code de la santé
publique,
En conséquence,
De débouter Madame [D] de ses demandes en ce qu’elles seraient formulées à l’encontre de l’[6] sur le fondement de l’article L. 1142-15 du code de la santé publique,
En tout état de cause,
De constater, dire et juger que les conditions d’indemnisation au titre de la solidarité nationale sur le fondement de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique ne sont pas réunies et de la débouter de l’intégralité de ses demandes formulées à l’encontre de l’[6], et de la condamner aux dépens.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties quant à l’exposé détaillé de leurs prétentions et moyens.
Toutes les parties ayant constitué avocat, la décision sera contradictoire.
L’ordonnance de clôture était rendue le 4 mars 2024 et l’audience de plaidoiries se tenait le 23 septembre 2024. La décision était mise en délibéré au 25 novembre 2024.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire mis à disposition au greffe et rendu en premier ressort,
REJETTE les demandes de Madame [G] [V] épouse [D] ;
LAISSE les dépens de l’instance à la charge de Madame [G] [V] épouse [D].
Fait et jugé à Paris le 25 Novembre 2024.
La Greffière Le Président
Erell Guillouet Pascal Le Luong
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