Tribunal judiciaire de Paris, 2 avril 2015
Tribunal judiciaire de Paris, 2 avril 2015

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris

Thématique : Mesures de blocage des FAI : qui doit payer ?

Résumé

La question du financement des mesures de blocage ordonnées par un juge aux fournisseurs d’accès à Internet (FAI) suscite des débats. Dans une affaire de blocage d’un site de téléchargement illégal, la SCPP a demandé que les FAI prennent en charge ces coûts. Cependant, le Conseil Constitutionnel a statué que les dépenses liées aux interceptions de sécurité ne peuvent pas être imputées aux opérateurs, car elles relèvent de l’intérêt général. De même, la CJUE a souligné que ces injonctions pourraient nuire à la liberté d’entreprise des FAI, qui ne sont pas responsables des atteintes aux droits de propriété intellectuelle.

Qui doit supporter le coût du blocage d’un domaine ordonné aux FAI par un juge ?  Dans cette affaire de blocage de l’accès à un site de téléchargement contrefaisant d’œuvres phonographiques, la SCPP demandait la prise en charge financière des mesures de blocage du domaine par les fournisseurs d’accès (FAI).

Position du Conseil Constitutionnel

Le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 28 décembre 2000 a, à propos des frais engendrés par les interceptions de sécurité demandées aux opérateurs, indiqué que : « Considérant que, s’il est loisible au législateur, dans le respect des libertés constitutionnellement garanties, d’imposer aux opérateurs de réseaux de télécommunications de mettre en place et de faire fonctionner les dispositifs techniques permettant les interceptions justifiées par les nécessités de la sécurité publique, le concours ainsi apporté à la sauvegarde de l’ordre public, dans l’intérêt général de la population, est étranger à l’exploitation des réseaux de télécommunications ; que les dépenses en résultant ne sauraient dès lors, en raison de leur nature, incomber directement aux opérateurs».

Position de la CJUE

La CJUE a dit pour droit dans l’arrêt SABAM / Netlog (CJUE, 16 févr. 2012, aff. C-360/10) que « Une telle injonction entraînerait une atteinte caractérisée à la liberté d’entreprise du fournisseurs d’accès Internet concerné puisqu’elle l’obligerait à mettre en place un système informatique complexe, coûteux, permanent et à ses seuls frais, ce qui serait d’ailleurs contraire aux conditions prévues à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2004/48, qui exige que les mesures pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle ne soient pas inutilement complexes ou coûteuses». Elle a réaffirmé sa position dans la décision Telekabel, rendue le 27 mars 2014, en rappelant que l’injonction limitait la liberté d’entreprendre du fournisseur d’accès à l’internet, notamment en ce qu’elle « 1’oblige à prendre des mesures qui sont susceptibles de représenter pour celui-ci un coût important », alors même qu’il « n’est pas l’auteur de l’atteinte au droit fondamental de propriété intellectuelle ayant provoqué l’adoption de ladite injonction ».

Dès lors, le coût des mesures ordonnées ne peut être mis à la charge des FAI qui ont l’obligation de les mettre en oeuvre.  Il appartient aux FAI de solliciter, s’ils le souhaitent, le paiement de leurs frais auprès des demandeurs à une instance, eu égard aux mesures effectivement prises et aux dépenses engagées spécifiquement pour l’application des injonctions qui leur sont faites.

 


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