Tribunal judiciaire de Paris, 17 janvier 2025, RG n° 22/12054
Tribunal judiciaire de Paris, 17 janvier 2025, RG n° 22/12054

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris

Thématique : Francis Cabrel c/ Warner : les enseignements de l’affaire

Résumé

Contexte de l’affaire

M. [O], auteur compositeur interprète, a signé six contrats d’édition avec la société ‘Les Éditions [N]’ entre 1977 et 1980, confiant l’édition de 24 œuvres musicales à la société Warner Chappell Music France. Parmi ces œuvres, M. [W] [J] est coauteur de l’œuvre « Imagine-toi », et la société Chandelle Productions est coéditrice de plusieurs autres œuvres.

Accord de 1980

En 1980, un accord a été établi entre M. [O] et la société Les Éditions [N], stipulant un versement d’une partie des recettes éditoriales à M. [O]. Ce dernier a par la suite reproché à la société Warner des manquements, notamment des reprises illicites de ses œuvres et des imprécisions dans les comptes rendus liés à cet accord.

Demandes de M. [O]

M. [O] a demandé la résiliation des contrats d’édition, la remise de justificatifs pour vérifier les autorisations et les sommes dues, ainsi que des paiements spécifiques pour les années 2019 et 2020. Il a également réclamé des dommages-intérêts pour atteinte à son droit moral.

Réponse de la société Warner

La société Warner a contesté les accusations de M. [O] et a demandé la condamnation de ce dernier pour procédure abusive. Elle a soutenu avoir respecté ses obligations d’éditeur et a affirmé que les griefs de M. [O] étaient infondés.

Arguments de M. [O]

M. [O] a fait valoir que la société Warner avait manqué à ses obligations de surveillance et de reddition de comptes, entraînant une rupture de confiance. Il a également souligné des cas de reprises non autorisées de ses œuvres par d’autres artistes, pour lesquels Warner n’aurait pas agi de manière adéquate.

Arguments de la société Warner

La société Warner a rétorqué que la responsabilité du respect des droits d’auteur incombait également à M. [O] et qu’elle avait agi de manière diligente en réponse aux signalements de ce dernier. Elle a également contesté les montants réclamés par M. [O] et a affirmé que les contrats d’édition n’étaient pas à durée indéterminée.

Décision du tribunal

Le tribunal a rejeté toutes les demandes de M. [O], y compris celles concernant la résiliation des contrats d’édition, la communication de justificatifs, et les demandes de dommages-intérêts. Il a également rejeté la demande reconventionnelle de Warner pour procédure abusive, condamnant M. [O] aux dépens et à verser 20 000 euros à la société Warner pour les frais de défense.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
2ème section

N° RG 22/12054
N° Portalis 352J-W-B7G-CX7D5

N° MINUTE :

Assignation du :
03 Octobre 2022

JUGEMENT
rendu le 17 Janvier 2025
DEMANDEURS

S.A.S. CHANDELLE PRODUCTIONS
[Adresse 2]
[Localité 6]

Monsieur [V] [O]
[Adresse 8]
[Localité 4]

Monsieur [W] [J]
[Adresse 5]
[Localité 3]

représentés par Maître Caroline BIRONNE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1158

DÉFENDERESSE

S.A.S. WARNER CHAPPELL MUSIC FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 7]

représentée par Maître Michael MAJSTER de l’AARPI Majster & Nehmé Avocats, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D0727

Copies éxécutoires délivrées le :
– Maître BIRONNE #E1158
– Maître MAJSTER #D727

Décision du 17 Janvier 2025
3ème chambre 2ème section
N° RG 22/12054 – N° Portalis 352J-W-B7G-CX7D5

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Irène BENAC, Vice-Présidente
Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge
Monsieur Malik CHAPUIS, Juge,

assistée de Monsieur Quentin CURABET, Greffier

DEBATS

A l’audience du 18 Octobre 2024 tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 20 décembre 2024, puis prorogé en dernier lieu au 17 Janvier 2025.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à dipsosition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

1. M. [O], auteur compositeur interprète, a confié à la société ‘Les Éditions [N]’, aux droits de laquelle se trouve la société Warner chappell music France (la société Warner), l’édition des 24 oeuvres musicales suivantes en vertu de 6 contrats d’éditions conclus entre 1977 et 1980 :
1- « Ami »
2- « Au Matin des Mauvais Jours »
3- « C’était l’Hiver »
4- « Change de Docteur »
5- « Chemins de Traverse,
6- « Cool Papa Cool »
7- « Elle écoute pousser les Fleurs »
8- « L’Encre de tes Yeux,  »
9- « Imagine-toi »
10- « L’Instant d’Amour,  »
11- « Je l’aime à mourir »
12- « Je m’étais perdu »
13- « Je Rêve »
14- « Je reviens bientôt »
15- « Ma ville »
16- « [P] »
17- « Mais le Matin »
18- « Monnaies Blues »
19- « Les Murs de Poussière,  »
20- « Les Pantins de Naphtaline,  »
21- « Pas trop de Peine »
22- « Petite [K] »
23- « Souviens-toi de nous »
24- « Les Voisins »

2. M. [W] [J] est coauteur de l’oeuvre 9 (« Imagine-toi ») et la société Chandelle productions est coéditrice des oeuvres 6, 7 et 8.

3. En 1980, M. [O] et la société Les Éditions [N] ont conclu un accord prévoyant au profit du premier un versement d’une partie des recettes éditoriales perçues par l’éditeur.

4. Reprochant à la société Warner plusieurs manquements en raison de reprises illicites de deux de ses oeuvres et d’imprécision dans les comptes rendus en application de l’accord de 1980, M. [O] lui a demandé en vain la résiliation des contrats d’édition de ces 2 oeuvres le 12 mai 2021, puis l’a assignée en résiliation des 6 contrats le 3 octobre 2022.

5. L’instruction a été close le 7 septembre 2023.

Prétentions des parties

6. M. [O], dans ses dernières conclusions (16 juin 2023), demande
– la condamnation de la société Warner à lui remettre les « justificatifs lui permettant de vérifier les autorisations et les sommes qui lui reviennent au titre des adaptations de ses oeuvres durant les 10 dernières années » ainsi que le calcul, certifié par un expert-comptable, des sommes dues depuis 1990 en exécution du contrat de 1980,
– sa condamnation à lui payer, au titre du reversement de droits d’auteur en exécution de ce contrat de 1980, 18 371,66 euros pour 2019, 1 756,64 euros pour 2020, à parfaire, avec les « intérêts de droit » depuis la mise en demeure du 12 mai 2021,
– la résiliation judiciaire, subsidiairement la résiliation unilatérale, des contrats d’édition,
– la condamnation de la société Warner à lui payer 50 000 euros en réparation de l’atteinte à son droit moral ainsi que 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

7. La société Warner, dans ses dernières conclusions (1er septembre 2023), résiste aux prétentions dirigées contre elle et reconventionnellement demande la condamnation de M. [O] à lui payer 10 000 euros pour procédure abusive et 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Moyens des parties

8. À titre principal, sur la résiliation judiciaire des 6 contrats d’édition, M. [O] soutient en premier lieu qu’en application des articles L. 132-11 à L. 132-14 du code de la propriété intellectuelle et de l’article IV des contrats en cause, l’éditeur est tenu d’une obligation de surveillance du respect du droit moral de l’auteur ainsi que d’assurer l’exploitation permanente de son œuvre, ce dont il résulte selon lui l’obligation d’œuvrer loyalement à maintenir une relation de confiance avec l’auteur, comme le confirme le code des usages et bonnes pratiques de l’édition des œuvres musicales du 4 octobre 2017, certes non applicable aux contrats en cause mais auquel il est utile de se référer, estime-t-il.

9. Il estime que la société Warner a manqué à ces obligations, entraînant une rupture du lien de confiance, en ce que des paroles de ses chansons ont été reprises sans son accord, une fois par une marque de bijoux contre laquelle la société Warner n’est intervenue qu’après que lui-même le lui a signalé et plusieurs fois par d’autres artistes dont la plupart sont très connus (par [L], [X], [E] [F], [A]), à l’égard desquels la société Warner n’a encore réagi qu’après qu’il les lui a signalés, alors même que, dans le cas de [X], elle était aussi l’éditrice de l’œuvre litigieuse, avait la charge de « clearer » les droits et ne pouvait pas ignorer la reprise dans cette œuvre des paroles de sa chanson « Petite [K] », très connue, ce dont il déduit que la société Warner a choisi de favoriser cet autre artiste à son détriment. Il lui reproche également, face à ces reprises, d’avoir agi de façon désinvolte, de l’avoir découragé de demander l’interdiction (d’ailleurs, souligne-t-il, la société Warner ne justifie d’aucune mise en demeure adressée aux contrefacteurs) et lui avoir seulement proposé des accords de « sample » rétroactifs qu’il a été contraint d’accepter, devant le fait accompli, afin de ne pas pénaliser un autre artiste mais sans que cela ne répare l’atteinte à son droit moral dans la mesure où la divulgation avait déjà eu lieu, plusieurs des œuvres litigieuses portant également atteinte à l’intégrité de son œuvre.

10. A propos, en particulier, de la reprise de ses paroles dans la chanson de [X], il dit avoir « définitivement perdu » confiance dans la société Warner en raison du refus de celle-ci d’assumer ce qu’il estime être sa responsabilité et non celle de l’artiste « mal conseillé par son éditeur ». Sur la reprise de paroles de sa chanson « Je l’aime à mourir » par [A], il critique le refus de la société Warner de transmettre l’ensemble de ses demandes, l’affirmation fausse selon lequel il n’aurait pas indiqué clairement qu’il aurait refusé la reprise si on le lui avait demandé et l’absence d’exécution de ses instructions, la vidéo litigieuse étant restée en ligne après la date fixée, la société Warner demandant même ultérieurement à M. [O], en urgence, l’autorisation de réexploiter cette vidéo et n’agissant pas pour faire supprimer les vidéos identiques encore présentes sur Youtube.

11. Il estime enfin la poursuite des relations contractuelles impossibles au regard de la mauvaise opinion qu’aurait la société Warner à son égard, qui ressort selon lui des écritures de celle-ci, de la dégradation continue de leurs relations et du refus de celle-ci de « lui révéler les liens qu’elle entretient depuis tant d’années avec M. [U] [D] ».

12. Il soutient, en second lieu, que l’éditeur est tenu de rendre exactement compte de sa gestion et estime que tel n’est pas le cas ici de la société Warner dont il soutient qu’elle lui remet des décomptes erronés et imprécis s’agissant des sommes qu’elle lui doit en exécution du contrat de « reversement » conclu en 1980, en ce que les décomptes lui ont seulement été remis après mise en demeure et que les sommes versées (dont il précise qu’il s’agit bien de droits d’auteur et non de « reversements commerciaux ») ne correspondent pas au calcul résultant de l’accord (lequel n’est d’ailleurs pas communiqué par la défenderesse, critique-t-il), notamment car les montants dus sont, à tort, divisés par deux. Il affirme avoir découvert dans la présente procédure que la moitié de ces « reversements » était payée à M. [D], son ancien manageur, qui n’est pas coauteur des œuvres en cause et n’a selon lui aucune raison de percevoir un reversement sur ses droits d’auteurs. Il estime que la société Warner a dissimulé cette division par deux au profit de M. [D] et que cela démontre à quel point les comptes sont obscurs et donc non conformes à l’obligation de transparence. Il observe encore que l’assiette sur laquelle il fonde ses calculs, critiquée par la défenderesse, provient uniquement des décomptes que celle-ci lui a remis. Il lui reproche en outre de n’avoir pas communiqué les détails de compte de ces reversements depuis 1990 comme il le lui a demandé, ni celui de l’année 2021, ce qui « trahit une fois de plus sa légèreté envers » lui, estime-t-il.

13. Subsidiairement, M. [O] fonde sa demande sur la faculté de résiliation unilatérale des contrats à durée indéterminée, estimant que les contrats en cause, en prévoyant une durée égale à celle de la protection des droits d’auteur, soit jusqu’à 70 ans après sa mort, donnant ainsi au droit de propriété cédé un caractère perpétuel car se transmettant à ses enfants, s’analysent en des contrats à durée indéterminée. Il ajoute qu’au demeurant les contrats en cause ont une durée qui excède les usages et qui résulte d’un rapport de force déséquilibré, qu’ainsi la clause prévoyant cette durée est nulle, donc que les contrats sont à durée indéterminée.

14. Sur la réparation de l’atteinte à son droit moral, lequel est selon lui « absolu et discrétionnaire », il invoque l’atteinte à ses chansons « Petite [K] » et « Je l’aime à mourir », la violation de son droit au nom lors de la diffusion du clip de [X] qui a été diffusé « des millions de fois » avant qu’il soit cité, ce qui constitue selon lui une usurpation de son œuvre, et la négligence de la société Warner qui n’a pas surveillé le respect des engagements pris. Il ajoute qu’en tout état de cause il aurait refusé, en vertu de son droit de divulgation, les utilisations contrefaisantes de ses œuvres. Il estime « inadmissible » que la société Warner l’ait dissuadé d’agir en justice et ait « tenté de justifier le comportement des contrefacteurs ». Il affirme que la dénaturation de ses œuvres est irréversible. Il fait encore valoir des « désagréments » causés par « la gestion erratique de ses intérêts » par la défenderesse. Il déduit de l’ensemble de ces éléments un préjudice moral de 50 000 euros.

**

15. En défense, la société Warner, qui indique à titre liminaire exploiter et promouvoir les oeuvres en cause conformément aux dispositions du code de la propriété intellectuelle et aux usages, conteste les griefs formés contre elle. Elle fait d’abord valoir qu’en application de l’article L. 132-8 du code de la propriété intellectuelle, la charge du respect des oeuvres éditées incombe aussi à l’auteur qui est garant de l’exercice paisible des droits qu’il cède, qu’il n’existe aucune obligation de « surveillance » pesant sur l’éditeur, qu’au cas présent elle a toujours veillé au respect des oeuvres de M. [O], a pris l’initiative de faire cesser les exploitations illicites qu’elle a découvertes et a fait cesser sans tarder celles que lui a signalées M. [O], ajoutant qu’elle ne les avait jamais autorisées auparavant et qu’elle a, aussi, été « placée devant le fait accompli ». Elle expose que c’est à chaque fois conformément à la position de M. [O] qu’elle a proposé des accords de « sample » avant que celui-ci n’adopte une position ambigüe ou lui reproche ces propositions. Elle estime que M. [O] a une stratégie visant à lui reprocher des faits commis par des tiers qu’il indique ensuite ne pas vouloir sanctionner pour enfin refuser toute régularisation afin de « créer de toute pièce des impasses qu’il tente » de lui imputer.

16. En particulier, sur la reprise de paroles de « Petite [K] » dans « Près des étoiles » de [X], dont elle est co-éditrice, la société Warner conteste en avoir eu connaissance avant sa publication, estime que M. [O] a « sciemment entretenu le flou » sur ses intentions en ne répondant pas à ses demandes, afin de « créer artificiellement un grief » à son encontre. Elle réfute toute responsabilité et fait valoir que contrairement aux affirmations du demandeur l’oeuvre litigieuse n’a jamais été déposée à la Sacem, en raison de l’absence d’accord trouvé avec M. [O]. Sur la reprise (modifiée) de « Je l’aime à mourir » dans une vidéo Youtube de [A], elle rappelle avoir proposé à M. [O] de demander le retrait pur et simple de l’oeuvre litigieuse lorsqu’il a fait savoir qu’elle violait son droit moral et qu’il ne l’aurait jamais autorisée si on le lui avait demandé et estime en substance avoir bien transmis l’intégralité des conditions posées par M. [O], qu’elle estime ambigües, en exigeant (et obtenant) du management de [A] des excuses. Elle affirme que la vidéo a bien été supprimée de Youtube par les équipes de [A] et soutient qu’elle n’est pas responsable des republications de cette vidéo par des tiers, qui se produisent « constamment » malgré les retraits qui peuvent être demandés. Elle ajoute qu’aucun manquement de sa part ne peut être caractérisé par le simple fait d’avoir demandé à M. [O] s’il consentait à la reproduction de la reprise de [A] dans un CD gratuit.

17. Elle estime qu’au demeurant les exploitations critiquées ne portent pas atteinte au droit moral de M. [O], rappelle qu’en toute hypothèse seul l’auteur peut agir à ce titre et que l’éditeur n’a aucune obligation d’agir lorsque les droits patrimoniaux ne sont pas en cause.

18. Elle ajoute qu’en tout état de cause les manquements allégués ne portent que sur deux oeuvres et ne sauraient emporter la résiliation des contrats concernant les 22 autres oeuvres.

19. Sur la reddition de compte, la société Warner estime que le demandeur procède par affirmations générales sans indiquer ce qui serait imprécis ou erroné. Elle explique que les reversements commerciaux sont un complément de rémunération dû à M. [O] calculé sur les revenus éditoriaux qu’elle perçoit, en application d’un accord commercial spécial conclu avec les éditions [N] en 1980 et non en application des contrats d’édition, de sorte qu’une éventuelle erreur ne peut caractériser un manquement dans l’exécution de ces contrats. Elle conteste quoiqu’il en soit toute erreur dans ces décomptes, faisant valoir que conformément à cet accord 50% du reversement commercial revient à M. [D], que la division par deux du montant total ressort expressément des feuilles de reversement anciennes dont se prévaut le demandeur lui-même, qu’elle ne connait pas le contentieux ayant donné lieu à cet accord et ignore donc pour quelle raison ces sommes sont versées à M. [D], d’ailleurs bien connu de M. [O] pour avoir été le producteur de son premier album et avoir encore créé un évènement avec lui en 1994 (les « rencontres d’Astaffort »). Elle estime ainsi abusif de la part de M. [O] de « feindre » d’ignorer ces versements à M. [D] en exécution d’un accord qu’il a lui-même négocié et conclu en 1980. Elle souligne que ces reversements sont calculés sur sa part éditoriale et ne réduisent donc pas la part perçue par l’auteur. Elle réfute la dissimulation que lui reproche M. [O], explique ne pas être en possession de l’accord, peut-être détruit dans un incendie, et estime paradoxal que le demandeur, qui s’en prévaut, refuse lui-même de le communiquer.

20. Elle conteste les montants réclamés, totalement erronés selon elle, et soutient que l’assiette de calcul des reversements commerciaux est de 65 855,88 euros pour 2019 (et non 75 213,28 comme le soutient le demandeur) et de 62 128,96 euros pour 2020 (et non 40 828,33 euros).

21. Contre la résiliation unilatérale, elle conteste que les contrats d’édition en cause soient des engagements perpétuels ni des contrats à durée indéterminée, faisant valoir qu’ils stipulent simplement une durée de cession des droits patrimoniaux égale à la durée légale de leur protection, ce qui selon elle n’est ni illicite ni perpétuel, et que l’article L. 132-17 du code de la propriété intellectuelle prévoit strictement 4 hypothèses de résolution non judiciaire du contrat d’édition, ce qui interdit une résiliation unilatérale de plein droit.

22. Subsidiairement, elle conteste la preuve de l’existence et du montant du préjudice allégué.

23. Sur sa demande reconventionnelle pour procédure abusive, la société Warner soutient que l’action engagée par M. [O] est manifestement dépourvue de fondement, qu’elle consiste à créer artificiellement des manquements afin de « récupérer » son catalogue. Elle en déduit un préjudice de 10 000 euros.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal :

Rejette les demandes de M. [O] en résiliation des contrats d’édition ;

Rejette sa demande en communication de justificatifs visant à vérifier les « autorisations et les sommes qui lui reviennent au titre des adaptations de ses oeuvres » ;

Rejette sa demande en paiement de sommes au titre de l’accord de 1980 ;

Rejette sa demande en communication du calcul certifié par un expert-comptable des sommes dues au titre de cet accord ;

Rejette sa demande en dommages et intérêts pour violation de son droit moral d’auteur ;

Rejette la demande de la société Warner pour procédure abusive ;

Condamne M. [O] aux dépens ainsi qu’à payer à la société Warner chappell music France 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Fait et jugé à Paris le 17 Janvier 2025

Le Greffier La Présidente
Quentin CURABET Irène BENAC

 


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon