Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris
Thématique : AdWords : appréciation du risque de confusion
→ RésuméL’utilisation d’une marque tierce comme mot-clé sur Google AdWords n’est pas en soi un acte de contrefaçon, selon la CJUE. Cette dernière a précisé que la protection d’une marque ne s’étend pas aux pratiques concurrentielles, tant que certaines conditions sont respectées. Toutefois, une atteinte à la fonction d’indication d’origine peut survenir si l’annonce ne permet pas à l’internaute de distinguer clairement l’origine des produits ou services. Dans un cas spécifique, l’utilisation d’un nom commercial comme mot-clé a été jugée déloyale, car elle a induit en erreur les consommateurs, entraînant une confusion sur l’identité du distributeur.
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Absence de contrefaçon par défaut
Le principe est acquis : le seul fait d’utiliser la marque d’un tiers comme mot-clé sur Google Adwords ne constitue pas en soi un acte de contrefaçon. En effet, la CJUE a dit pour droit dans son arrêt rendu, le 22 septembre 2011, (aff. C-323/09, Interflora c/ Marks and Spencer) que « la marque n’a cependant pas pour objet de protéger son titulaire contre des pratiques inhérentes au jeu de la concurrence, que l’utilisation d’une marque même notoire à titre de mot clé est licite si elle respecte un certain nombre de conditions », le titulaire d’une marque renommée n’est pas habilité à interdire, notamment, des publicités affichées par des concurrents à partir de mots clés correspondant à cette marque.
Dans ses arrêts Google du 23 mars 2010 et Interflora, la CJUE a ajouté la notion d’atteinte à la fonction d’indication d’origine à propos des liens commerciaux comme suit : «Il y a atteinte à cette fonction lorsque l’annonce ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute normalement informé et raisonnablement attentif de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d’un tiers »
Et l’arrêt Google a apporté la précision suivante : «Eu égard à la fonction essentielle de la marque, qui, dans le domaine du commerce électronique, consiste notamment à permettre aux internautes parcourant les annonces affichées en réponse à une recherche au sujet d’une marque précise, de distinguer les produits ou les services du titulaire de cette marque de ceux qui ont une autre provenance, ledit titulaire doit être habilité à interdire l’affichage d’annonces de tiers que les internautes risquent de percevoir erronément comme émanant de lui »
En cas de litige, il convient donc de déterminer s’il y a une atteinte à la fonction d’identification de la marque du fait de l’annonce AdWords litigieuse qui dépend de la façon dont est présentée l’annonce suscitée par le mot-clé identique à cette marque. Ainsi, il y a atteinte à la fonction d’identification de la marque lorsque l’annonce ne permet pas ou permet difficilement à l’internaute normalement informé et raisonnablement attentif, de savoir si les produits ou services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou au contraire d’un tiers.
En l’occurrence, les liens promotionnels étaient affichés à côté ou au-dessus de la liste des résultats naturels de la recherche et l’internaute faisait bien la différence entre les publicités et les résultats naturels de la recherche. Il résulte en effet du fonctionnement du moteur de recherches Google, que lorsque l’internaute introduit le nom d’une marque en tant que mot de recherche, le site internet du titulaire de ladite marque apparaît dans la liste des résultats naturels et cela, normalement, sur l’un des premiers rangs de cette liste.
Les marques alléguées de contrefaçon portaient sur des services identiques (catégories « publicité » et « reproduction de sons »), les juges ont donc dû vérifier s’il existait un risque de confusion pour l’internaute normalement averti :
Si le bandeau « Annonces » informait l’internaute qu’il s’agissait d’une publicité, néanmoins, le fait d’accoler sa dénomination sociale au lien hypertexte était de nature à engendrer une confusion dans l’esprit de l’internaute normalement averti, lequel serait enclin à penser qu’il existait un lien commercial entre les deux sociétés en présence. La contrefaçon de marque a été retenue.
Quel préjudice ?
L’annonce AdWords contrefaisante a fait l’objet de 38 clics sur une période limitée, ce qui a justifié l’allocation de 3000 euros de dommages et intérêts.
Concurrence déloyale constituée
L’utilisation par l’annonceur du nom commercial et du nom de domaine de son concurrent comme mot clé ne peut constituer un acte de concurrence déloyale que dans la mesure où le contenu de l’annonce induirait dans l’esprit du consommateur une confusion et l’amènerait à croire qu’il s’adresse au même distributeur.
En l’espèce, il a été démontré que la réservation de la marque du concurrent à titre de mot-clé dans le moteur de recherches Google était une attitude déloyale, et que le libellé de l’annonce a eu pour objet de détourner par des moyens déloyaux les clients du résultat naturel vers l’annonce publicitaire de l’annonceur (concurrence déloyale retenue).
Conditions de l’atteinte à la dénomination sociale
L’atteinte à la dénomination sociale d’une société est sanctionnée sur le fondement de l’article 1382 du code civil. L’utilisation par l’annonceur de la dénomination sociale de son concurrent comme mot clé ne peut constituer un acte de concurrence déloyale et parasitaire que dans la mesure où le contenu de l’annonce induirait dans l’esprit du consommateur une confusion et l’amènerait à croire qu’il s’adresse au même prestataire de services. En l’espèce, il n’était pas démontré l’usage de moyens déloyaux par la réservation à titre de mot-clé de la dénomination sociale du concurrent.
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