Tribunal judiciaire de Paris, 15 janvier 2025, RG n° 24/02338
Tribunal judiciaire de Paris, 15 janvier 2025, RG n° 24/02338

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris

Thématique : Responsabilité bancaire et négligence dans un cas de fraude en ligne

Résumé

Contexte de l’affaire

M. [L] [G] conteste un achat de 9.490 euros effectué le 9 janvier 2023 avec sa carte bancaire, qu’il affirme ne pas avoir autorisé. Après avoir tenté sans succès d’obtenir un remboursement de la BNP Paribas, il dépose plainte le 21 mars 2023.

Procédure judiciaire

Le 29 janvier 2024, M. [G] assigne la BNP Paribas devant le tribunal judiciaire de Paris, demandant la reconnaissance de sa recevabilité et la responsabilité de la banque pour le remboursement de la somme contestée, ainsi que des dommages-intérêts pour résistance abusive.

Éléments de la fraude

M. [G] relate avoir reçu un appel d’un prétendu conseiller de la BNP Paribas, qui l’informe d’une opération frauduleuse sur son compte. Il a ensuite communiqué un faux code de sécurité et a fait opposition à sa carte bancaire. Il découvre plus tard qu’une somme de 9.490 euros a été prélevée sur son compte.

Arguments de la BNP Paribas

La BNP Paribas soutient que l’opération a été authentifiée conformément aux exigences de sécurité. Elle affirme que M. [G] a commis une négligence grave en divulguant ses données de sécurité, permettant ainsi la fraude. La banque demande le rejet des demandes de M. [G] et la condamnation de ce dernier à des frais.

Chronologie des événements

Le 9 janvier 2023, plusieurs connexions à l’espace en ligne de M. [G] sont enregistrées, suivies de l’activation de la clé digitale et de la validation du paiement. M. [G] a fait opposition à sa carte peu après la transaction, mais la chronologie indique qu’il a été en ligne avec le fraudeur pendant l’exécution de la fraude.

Décision du tribunal

Le tribunal conclut que, bien que M. [G] ait été victime d’une fraude, il a commis une négligence grave en ne protégeant pas ses données de sécurité. Par conséquent, sa demande de remboursement est rejetée, tout comme sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive.

Conséquences financières

M. [G] est condamné aux dépens et à verser 1.500 euros à la BNP Paribas au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. L’exécution provisoire de la décision est écartée.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Copies délivrées le: 15/01/2025
Me BALE (certifiée conforme)
Me METAIS (exécutoire)

9ème chambre 2ème section

N° RG :
N° RG 24/02338 – N° Portalis 352J-W-B7I-C35TD

N° MINUTE : 14

Assignation du :
29 Janvier 2024

JUGEMENT
rendu le 15 Janvier 2025
DEMANDEUR

Monsieur [L] [G]
[Adresse 4]
[Localité 5]

représenté par Maître Dikpeu-Eric BALE de la SELARL BALE & KOUDOYOR, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #D1635

DÉFENDERESSE

S.A. BNP PARIBAS
[Adresse 2]
[Localité 3]

représentée par Maître Philippe METAIS du PARTNERSHIPS BRYAN CAVE LEIGHTON PAISNER (France) LLP, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #R030

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur Gilles MALFRE, Premier Vice-président adjoint,
Monsieur Augustin BOUJEKA, Vice-Président
Monsieur Alexandre PARASTATIDIS, Juge,

assistés de Madame Alice LEFAUCONNIER, Greffière.

DÉBATS

A l’audience du 30 Octobre 2024 tenue en audience publique devant Monsieur PARASTATIDIS, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 15 Janvier 2025.

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

FAITS ET PROCEDURE

M. [L] [G] conteste avoir autorisé un achat au moyen de sa carte bancaire liée à son compte courant ouvert dans les livres de la BNP Paribas et validé par Clé Digitale pour un montant de 9.490 euros le 9 janvier 2023.

Ses démarches auprès de la banque pour obtenir le remboursement de cette opération sont demeurées infructueuses.

Il a déposé plainte auprès de la gendarmerie nationale de [Localité 5] le 21 mars 2023.

C’est dans ce contexte que par exploit de commissaire de justice du 29 janvier 2024, constituant ses seules écritures, aux visas des articles 10, 1231-1 et 1231-6 alinéa 3 du code civil, et L.133-4, L.133-18 et L.133-44 du code monétaire et financier, M. [G] a fait assigner la BNP Paribas devant le tribunal judiciaire de Paris auquel il est demandé de :

« Déclarer Monsieur [L] [G] recevable et bien fondé en ses demandes,

Constater la sommation de communiquer signifiée à la BNP PARIBAS, et d’en tirer toutes les conséquences de droit en cas de carence de cette dernière

Y faisant droit,

Déclarer la BNP PARIBAS responsable des dommages subis par Monsieur [L] [G],

En conséquence,

Condamner la BNP PARIBAS à rembourser Monsieur [L] [G] la somme totale de 9 490 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice financier, avec intérêts au taux légal à compter de la date de l’assignation,

Voir majorer le taux légal des intérêts de quinze points en application de l’article L133-18 alinéa 3 du code monétaire et financier,

Condamner la BNP PARlBAS à verser à Monsieur [L] [G] la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,

Condamner la BNP PARIBAS à verser à Monsieur [L] [G] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

Condamner la BNP PARIBAS aux entiers de l’instance, dont distraction au profit de Maître BALE, qui en fait la demande, en application des dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile,

Rappeler qu’en application de l’article 514 du Code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire »

A l’appui de ses prétentions, M. [G] expose dans ses écritures avoir reçu le 15 janvier 2023 aux alentours de 15 heures l’appel d’un prétendu préposé de la BNP Paribas qui pour le mettre en confiance lui a communiqué le nom de sa conseillère bancaire ainsi que la dernière transaction effectuée sur son compte, et lui a signalé une opération frauduleuse d’un montant de 11.000 euros sur son compte passée au Sénégal. Il indique avoir cependant douté de son interlocuteur lorsque ce dernier lui a demandé la communication du code secret à quatre chiffres de sa carte bancaire pour procéder au remboursement et qu’il lui a alors communiqué un faux code puis raccroché au nez lors d’un second appel. Il ajoute avoir fait immédiatement opposition à sa carte bancaire à partir de son téléphone mobile, contacté sa banque pour exposer les faits et effectué le 18 janvier 2023 au commissariat de son domicile un signalement de fraude relative à cet instrument de paiement. Il explique avoir constaté quelques jours plus tard, en se connectant à son espace en ligne, que le numéro de téléphone rattaché à sa clé digitale avait été modifié et qu’une somme de 9.490 euros avait été prélevée sur son compte avec le libellé « Paiement CB BUC*DIGITEA (Belgique) du 09/01 ».

M. [G] recherche dès lors, sur le fondement de l’article L.133-18 du code monétaire et financier, la responsabilité de la banque qui a refusé de lui rembourser le paiement frauduleux qu’il n’a pas autorisé, alors qu’elle ne rapporte pas la preuve de sa validation au moyen de sa clé digitale depuis son téléphone mobile et alors que sa carte bancaire était en sa possession, précisant que le tribunal devra tirer les conséquences du refus de la banque de donner suite à la sommation faite dans son assignation de communiquer une copie du SMS qui lui aurait été adressé le 9 janvier 2023 comprenant un lien permettant le transfert de la clé digitale sur un autre téléphone, une copie du courriel avec pour objet « nouvel enrôlement de la clé digitale », et l’adresse électronique utilisée et le numéro de téléphone sur lequel a été transférée la clé digitale. Il sollicite en conséquence la condamnation de la banque à lui payer la somme de 9.490 euros avec intérêts au taux légal majoré de quinze points.

M. [G] sollicite par ailleurs la condamnation de la banque à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, la défenderesse ne pouvant ignorer l’obligation de remboursement lui incombant.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 27 juin 2024, aux visas des articles L.133-4, L.133-16 et suivants et L.133-44 du code monétaire et financier, 1231-1 et suivants du code civil, et 696 et 700 du code de procédure civile, la BNP Paribas demande au tribunal de :

« Sur la demande formée par Monsieur [G] tendant au remboursement de l’opération litigieuse

– Juger que la transaction litigieuse a été dûment authentifiée et que BNP Paribas a parfaitement respecté ses obligations en matière de sécurisation de l’instrument de paiement de Monsieur [G] ;

– Juger que Monsieur [G] a commis une négligence grave au sens de l’article L.133-19, IV. du Code monétaire et financier ;

En conséquence,

– Débouter Monsieur [G] de sa demande de remboursement des opérations litigieuses à hauteur de 9.490,00 euros assortie des intérêts au taux légal majoré ;

Sur la demande formée par Monsieur [G] tendant au paiement de dommages et intérêts

– Juger que le régime de responsabilité des prestataires de services de paiement tel qu’issu de la Directive 2007/64/CE fait l’objet d’une application exclusive et autonome ;

– Juger que BNP Paribas n’a commis aucune inexécution contractuelle ;

En conséquence,

– Débouter Monsieur [G] de sa demande tendant au paiement de la somme de 3.000,00 euros à titre de dommages et intérêts ;

En tout état de cause

– Débouter Monsieur [G] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions à l’encontre de BNP Paribas ;

– Condamner Monsieur [G] à verser à BNP Paribas la somme de 2.500,00 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;

– Ecarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir. »

Pour sa défense, la banque expose que M. [G] dispose d’un espace en ligne BNP Paribas auquel lui seul peut accéder au moyen de données personnelles et confidentielles, qu’il est utilisateur d’un système d’authentification forte sous la forme d’une clé digitale installée sur son appareil mobile auquel est associée la ligne téléphonique [XXXXXXXX01] depuis le 6 juin 2022 et qu’il est par ailleurs détenteur d’une carte bancaire dotée du système « Cryptogramme Visuel Dynamique ». Elle ajoute que le 9 janvier 2023 à compter de 14h50, plusieurs connexions sont intervenues sur l’espace en ligne de M. [G] depuis une adresse IP (185.109.254.137) différente de celle habituellement utilisée par ce dernier (92.184.123.140) et en déduit que M. [G] a communiqué à son insu ses données de sécurité personnelles préalablement à ces connexions, et ce probablement dans le cadre d’une escroquerie de type « phishing » croyant renseigner ces informations confidentielles sur un site de la BNP Paribas alors qu’il s’agissait en réalité d’un site frauduleux usurpant l’identité de cet établissement. Elle explique que fort de ces éléments, le fraudeur a pu ainsi se connecter et prendre connaissance notamment de l’identité du conseiller en charge du compte de M. [G] et des dernières opérations effectuées par ce dernier, éléments dont il s’est servi pour gagner la confiance du demandeur en se faisant passer pour un conseiller lors d’un appel téléphonique passé le 9 janvier 2023 et obtenir de lui la communication du lien contenu dans le SMS qui lui a été adressé sur son mobile pour finaliser l’enrôlement d’un nouvel appareil initié depuis l’espace en ligne et qui a servi par la suite à réaliser le paiement litigieux. Elle soutient que seul M. [G] est en mesure de produire ce SMS généré automatiquement et envoyé au client dès que la demande de transfert de clé digitale est initiée depuis l’espace en ligne tout comme le courriel qui lui a été envoyé sur son adresse électronique ([Courriel 8]) l’informant de l’enrôlement de sa clé digitale.

Elle ajoute que l’achat frauduleux qui a été effectué au moyen de sa carte bancaire et validé par sa clé digitale, comme en atteste le relevé de traces informatiques, n’a été possible que par la communication par le demandeur du numéro de sa carte bancaire et de sa date d’expiration à l’occasion du phishing et, nécessairement par la transmission au cours de la conversation téléphonique avec le fraudeur du cryptogramme dynamique qui change régulièrement et qui doit donc être donné en temps réel au moment du paiement, relevant que l’enrôlement de la clé digitale (14h58) et l’achat frauduleux (15h01) coïncident justement avec l’appel du fraudeur que M. [G] situe aux alentours de 15 heures.

Elle souligne le rôle particulièrement actif du demandeur dans la réalisation de la fraude qui en suivant les instructions du fraudeur a mis en échec le système d’authentification forte mis en place par ses soins en divulguant ses données de sécurité personnelles permettant d’accéder à son espace en ligne, les données relatives à sa carte bancaire ainsi que le code contenu dans le SMS reçu sur sa ligne téléphonique permettant l’enrôlement de la clé digitale, et ainsi dûment authentifié la transaction.

Elle conclut en conséquence à la négligence grave de M. [G] l’exonérant de son obligation de procéder au remboursement de l’opération et la mise hors de cause de son système informatique.

S’agissant de la demande indemnitaire sur le fondement de la résistance abusive, la BNP Paribas fait valoir le caractère exclusif du régime de responsabilité défini aux articles L.133-18 à L.133-24 du code monétaire et financier issus de la transposition des articles 58, 59 et 60 de la directive 2007/64/CE, à l’exclusion de tout régime alternatif de responsabilité résultant du droit national en matière d’opérations de paiement non autorisées ou mal exécutées. Elle conclut en conséquence au rejet de ce moyen fondé sur le régime de responsabilité contractuelle découlant de l’article 1217 du code civil. En tout état de cause, elle conclut au rejet de la demande faisant valoir, d’une part, qu’aucune inexécution contractuelle, fautive ou par négligence, ne peut lui être reprochée et, d’autre part, que le préjudice allégué n’est démontré ni dans son principe ni dans son quantum.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières écritures des parties pour l’exposé des moyens et arguments venant au soutien de leurs demandes.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 25 septembre 2024. L’affaire a été évoquée à l’audience tenue en juge rapporteur du 30 octobre 2024 et mise en délibéré au 15 janvier 2025.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement par jugement contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe :

DEBOUTE M. [L] [G] de ses demandes ;

CONDAMNE M. [L] [G] aux dépens ;

CONDAMNE M. [L] [G] à payer à la SA BNP Paribas la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

ECARTE l’exécution provisoire de droit.

Fait et jugé à Paris le 15 Janvier 2025

La Greffière Le Président

 


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon