Tribunal judiciaire de Paris, 15 décembre 2016
Tribunal judiciaire de Paris, 15 décembre 2016

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris

Thématique : Produits dérivés : cession de droits impérative

Résumé

La commercialisation de produits dérivés, même sous le prétexte d’hommage, nécessite l’acquisition des droits d’auteur des ayants droit. Dans l’affaire concernant Alessandro Mendini, une société a utilisé un portrait photographique de l’artiste sans le consentement du photographe, qui a démontré l’originalité de son œuvre par des choix créatifs lors de la prise de vue. La cour a statué que la reproduction du portrait sur les emballages n’était pas accessoire, mais un élément central, entraînant un préjudice évalué à 13 000 euros. Cette décision souligne l’importance de respecter les droits d’auteur dans la création de produits dérivés.

Affaire Alessandro Mendini

Quel que soit l’intention à l’origine de la commercialisation de produits dérivés, hommage ou non à l’artiste, l’acquisition des droits d’auteur doit être obtenue des ayant droits. En l’occurrence, une société a voulu rendre hommage au designer Alessandro Mendini et a conçu un packaging de produits (cafetière, tire bouchons …)  revêtu de croquis, de citations et du visage du designer extrait d’un portrait photographique. Or, le photographe ayant réalisé le portrait de l’artiste n’avait pas consenti à l’exploitation de son œuvre sous forme de produits dérivés.

La société poursuivie a contesté sans succès l’originalité du portrait photographique au motif que ses caractéristiques étaient la reprise des codes classiques du portrait.

Conditions de la protection des portraits

L’article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial.  Ce droit est conféré à l’auteur de toute œuvre de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination. Il se déduit de ces dispositions le principe de la protection d’une œuvre sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale.

Selon l’arrêt du ler décembre 2011,(CJUE, 3e ch., ler déc. 2011,aff. C-145/10, Eva-Maria P. c/Standard Verlags GmbH) une photographie de portrait est susceptible en vertu de l’article 6 de la directive 93/98 d’être protégée par le droit d’auteur – ce qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier dans chaque cas d’espèce – à condition qu’une telle photographie soit une création intellectuelle de l’auteur reflétant la personnalité de ce dernier et se manifestant par des choix libres et créatifs lors de la réalisation de cette photographie.

Ainsi, l’auteur doit être en mesure d’expliciter les éléments permettant de comprendre son effort créatif et ce qu’il revendique comme étant l’empreinte qu’il a imprimée à cette œuvre et qui ressort de sa personnalité.

En l’espèce, la photographe a suffisamment explicité en quoi ses choix portaient son empreinte tant au niveau de la mise en scène, du cadrage et de l’atmosphère qu’elle a voulu créer lors de la réalisation du portrait jusqu’au développement du cliché. Elle a établi qu’au cours des étapes de la réalisation du portrait qui s’est tenue dans un appartement, le choix de la lumière artificielle et diffuse, de l’angle de vue à hauteur d’œil et au cadrage resserré autour de son sujet, et le recours à la technique du grain argentique pour rendre le portrait plus esthétique, manifestaient l’expression de sa personnalité.

Reproduction principale du portrait

Selon l’article L 122-4 du code de la propriété intellectuelle « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause est illicite ».  Les boites d’emballage des produits dérivés permettaient de constater que l’extrait du portrait n’était pas accessoire mais constituait un élément de décor choisi volontairement par la société. Cette dernière a voulu tirer profit d’un emballage attractif pour éditer une  gamme de produits populaires.

La photographe étant une professionnelle de longue date, connue pour réaliser des portraits d’architectes et designers qui sont publiés et exposés et les produits ayant été commercialisés en grande quantité dans de grands magasins (Printemps, Galeries Lafayette, Bon marché, Fnac et BHV), le préjudice a été évalué à 13 000 euros (incluant le préjudice moral).

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