Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris
Thématique : Présomption d’innocence : appel d’une condamnation
→ RésuméL’article de nouvelobs.com sur Arnaud Mimran, actuellement en prison pour une peine de 8 ans, a suscité une action en justice pour atteinte à la présomption d’innocence. Bien que l’assignation au journaliste ait été validée, l’atteinte à la présomption d’innocence a été reconnue. En effet, l’article présentait Mimran comme déjà condamné, alors qu’il avait interjeté appel, rendant sa culpabilité non définitive. Le journaliste aurait dû mentionner cette information cruciale. Toutefois, les termes utilisés pour décrire Mimran, bien que sensationnalistes, n’ont pas été jugés fautifs dans le contexte de l’affaire.
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Traitement des affaires judiciaires en cours
A été mis en ligne sur le site nouvelobs.com un article intitulé « Corruption: Arnaud Mimran entendu par la police » et révélant que « le financier flambeur, qui purge une peine de 8 ans de prison » avait a été placé en garde à vue dans le cadre d’une enquête portant sur des soupçons de corruption. L’intéressé a poursuivi l’éditeur pour atteinte à sa présomption d’innocence.
Validité de l’assignation délivrée au journaliste
Sur le volet de la procédure, l’assignation délivrée au journaliste, auteur de l’article, à son adresse professionnelle et non à son domicile personnel, a été validée. Aux termes de l’article 654 du Code de procédure civile, la signification des actes d’huissier de justice doit être faite à personne. Toutefois, le Code de procédure civile prévoit en son article 655 que si la signification à personne s’avère impossible, l’acte peut être délivré à domicile. L’article 649 du Code de procédure civile dispose par ailleurs que la nullité des actes d’huissier est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure, parmi lesquelles l’article 114 du même code, prévoyant que la nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public.
En l’espèce, l’acte litigieux a été délivré à l’adresse professionnelle du journaliste concerné et non à son domicile personnel, en violation de l’article 654 du Code de procédure civile. Néanmoins, en l’absence de preuve d’un grief causé par cette irrégularité au journaliste, l’assignation n’a pas été déclarée nulle.
Atteinte à la présomption d’innocence
Sur le fond, l’atteinte à la présomption d’innocence a été retenue. Le principe de la présomption d’innocence ne disparaît que devant une condamnation pénale définitive. Dans l’article en cause, et peu important que le sujet traité touche essentiellement à une procédure distincte, Arnaud Mimran, désigné par son nom et sa photographie, était présenté comme purgeant « une peine de 8 ans de prison », puis « condamné à 8 ans de prison dans une vaste affaire d’escroquerie à la taxe carbone », et qualifié de « financier flambeur » ou ‘financier à la réputation sulfureuse ». Or, s’il a effectivement fait l’objet d’une condamnation à la peine de 8 ans d’emprisonnement délictuel prononcée par le tribunal correctionnel de Paris qui a également décerné mandat de dépôt à son égard pour des faits d’escroquerie réalisée en bande organisée et blanchiment aggravé, l’intéressé justifiait avoir interjeté appel de cette décision à la même date, en sorte que ni sa culpabilité ni sa peine n’avaient de caractère définitif.
Il appartenait donc à l’auteur de l’article, pour respecter la présomption d’innocence, de préciser cette circonstance (dont le journaliste avait connaissance). En revanche, l’utilisation des qualificatifs « flambeur » et « à la réputation sulfureuse », certes à connotation sensationnaliste, relève de la liberté éditoriale et, dans le contexte de la détention provisoire effective de l’intéressé et de ses auditions dans le cadre d’affaires pénales, n’avait pas de caractère fautif.
Pour rappel, selon l’article 9-1 du code civil « chacun a droit au respect de la présomption d’innocence. Lorsqu’une personne est, avant toute condamnation, présentée publiquement comme coupable de faits faisant l’objet d’une enquête ou d’une instruction judiciaire, le juge peut, même en référé, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que l’insertion d’une rectification, ou la diffusion d’un communiqué, aux fins de faire cesser l’atteinte à la présomption d’innocence, et ce aux frais de la personne physique ou morale responsable de cette atteinte ».
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