Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris
Thématique : Le référé-contrefaçon de modèle communautaire
→ RésuméEn matière de contrefaçon de modèle communautaire, le juge des référés se limite à vérifier la qualité à agir du demandeur et l’existence d’une atteinte imminente à ses droits. Le Tribunal de l’Union européenne (TUE) a établi un examen en quatre étapes pour apprécier le caractère individuel d’un dessin ou modèle. Dans l’affaire opposant la société Gleener à Mercerie Rascol, Gleener accuse cette dernière de contrefaçon de son produit protégé. Le juge a constaté la contrefaçon vraisemblable et a interdit à Mercerie Rascol de commercialiser le produit litigieux, tout en condamnant cette dernière à verser des dommages-intérêts à Gleener.
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Le TUE a rappelé qu’il ressort de ces dispositions que “l’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle communautaire procède, en substance, d’un examen en quatre étapes.
Cet examen consiste à déterminer, premièrement, le secteur des produits auxquels le dessin ou modèle est destiné à être incorporé ou auxquels il est destiné à être appliqué, deuxièmement, l’utilisateur averti desdits produits selon leur finalité et, en référence à cet utilisateur averti, le degré de connaissance de l’art antérieur ainsi que le niveau d’attention aux similitudes et aux différences dans la comparaison des dessins ou modèles, troisièmement, le degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle, dont l’influence sur le caractère individuel est en proportion inverse, et, quatrièmement, en tenant compte de celui-ci, le résultat de la comparaison, directe si possible, des impressions globales produites sur l’utilisateur averti par le dessin ou modèle contesté et par tout dessin ou modèle antérieur divulgué au public, pris individuellement (affaire T-T74/18 du 13 juin 2019, §66).
Le TUE a indiqué dans une décision du 10 novembre 2021 (affaire T-193/20,§60) que « (…) un degré élevé de liberté du créateur renforce la conclusion selon laquelle les dessins ou modèles sans différences significatives produisent une même impression globale sur l’utilisateur averti et, partant, le dessin ou modèle contesté ne présente pas de caractère individuel.
À l’inverse, un faible degré de liberté du créateur favorise la conclusion selon laquelle les différences suffisamment marquées entre les dessins ou modèles produisent une impression globale dissemblable sur l’utilisateur averti et, partant, le dessin ou modèle contesté présente un caractère individuel».
Aux termes de l’article L. 521-6 du code de la propriété intellectuelle (applicable aux dessins communautaires selon l’article L. 522-1) :
» Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l’encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d’actes argués de contrefaçon.
La juridiction civile compétente peut également ordonner toutes mesures urgentes sur requête lorsque les circonstances exigent que ces mesures ne soient pas prises contradictoirement, notamment lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au demandeur.
Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu’il est porté atteinte à ses droits ou qu’une telle atteinte est imminente.
La juridiction peut interdire la poursuite des actes argués de contrefaçon, la subordonner à la constitution de garanties destinées à assurer l’indemnisation éventuelle du demandeur ou ordonner la saisie ou la remise entre les mains d’un tiers des produits soupçonnés de porter atteinte aux droits conférés par le titre, pour empêcher leur introduction ou leur circulation dans les circuits commerciaux.
Si le demandeur justifie de circonstances de nature à compromettre le recouvrement des dommages et intérêts, la juridiction peut ordonner la saisie conservatoire des biens mobiliers et immobiliers du prétendu contrefacteur, y compris le blocage de ses comptes bancaires et autres avoirs, conformément au droit commun.
Pour déterminer les biens susceptibles de faire l’objet de la saisie, elle peut ordonner la communication des documents bancaires, financiers, comptables ou commerciaux ou l’accès aux informations pertinentes.
Elle peut également accorder au demandeur une provision lorsque l’existence de son préjudice n’est pas sérieusement contestable.
Saisie en référé ou sur requête, la juridiction peut subordonner l’exécution des mesures qu’elle ordonne à la constitution par le demandeur de garanties destinées à assurer l’indemnisation éventuelle du défendeur si l’action en contrefaçon est ultérieurement jugée non fondée ou les mesures annulées.
Lorsque les mesures prises pour faire cesser une atteinte aux droits sont ordonnées avant l’engagement d’une action au fond, le demandeur doit, dans un délai fixé par voie réglementaire, soit se pourvoir par la voie civile ou pénale, soit déposer une plainte auprès du procureur de la République.» A défaut, sur demande du défendeur et sans que celui-ci ait à motiver sa demande, les mesures ordonnées sont annulées, sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent être réclamés.”
L’article 4.1 « Conditions de protection » du règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires prévoit que la protection d’un dessin ou modèle par un dessin ou modèle communautaire n’est assurée que dans la mesure où il est nouveau et présente un caractère individuel.
Selon l’article 5 « Nouveauté” du même règlement:
“1. Un dessin ou modèle est considéré comme nouveau si aucun dessin ou modèle identique n’a été divulgué au public:
(…)
b) dans le cas d’un dessin ou modèle communautaire enregistré, avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement du dessin ou modèle pour lequel la protection est demandée ou, si une priorité est revendiquée, la date de priorité.
2. Des dessins ou modèles sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par des détails insignifiants”.
L’article 6 « Caractère individuel » dudit règlement prévoit:“1. Un dessin ou modèle est considéré comme présentant un caractère individuel si l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public:
(…)
b) dans le cas d’un dessin ou modèle communautaire enregistré, avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou, si une priorité est revendiquée, avant la date de priorité.
2. Pour apprécier le caractère individuel, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle.”
Résumé de l’affaire
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Tribunal judiciaire de Paris
RG n°
24/50268
JUDICIAIRE
DE PARIS
■
N° RG 24/50268 – N° Portalis 352J-W-B7I-C3UOS
N° : 1/MC
Assignation du :
08 Janvier 2024
[1]
[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le:
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 12 juin 2024
par Anne BOUTRON, Vice-présidente au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,
Assistée de Marion COBOS, Greffier.
DEMANDERESSE
Société GLEENER INC.
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 2] – CANADA
représentée par Maître Jérôme TASSI de la SELEURL JTA-ECM, avocat au barreau de PARIS – #L0084
DEFENDERESSE
S.A.S. MERCERIE RASCOL
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Maître Jules GOMEZ-BOURRILLON de la SELEURL SELARL JGB AVOCAT, avocat postulant au barreau de PARIS – #B0383 et par Maître Olivier SAUTEL, avocat plaidant au barreau d’ALES
DÉBATS
A l’audience du 02 Avril 2024, tenue publiquement, présidée par Anne BOUTRON, Vice-présidente, assistée de Marion COBOS, Greffier,
Nous, Président,
Après avoir entendu les conseils des parties comparantes,
La société de droit canadien Gleener est spécialisée dans l’entretien des tissus et les produits de lessive. Elle commercialise un produit dénommé » rasoir et brosse anti-bouloches pour tissus « , protégé par un dessin communautaire n°001684051-0001 déposé le 19 mars 2010 et un brevet européen EP 2482706B1. Elle est par ailleurs titulaire de la marque de l’Union européenne n°012478434.
La société Mercerie Rascol a pour activité la fourniture de produits liés au monde de la couture. Elle a commercialisé le » rasoir et brosse anti-bouloches pour tissus » de la société Gleener sur son site internet.
Ayant constaté que la société Mercerie Rascol commercialisait sur son site internet www.rascol.com et faisait la promotion sur ses réseaux sociaux d’un produit qu’elle estime identique au sien, en utilisant la même référence, la société Gleener l’a faite assigner par acte de commissaire de justice du 8 janvier 2024 pour l’audience des référés du tribunal judiciaire de Paris du 2 avril 2024 en contrefaçon de dessin, de marque et en concurrence déloyale et parasitaire.
PRETENTIONS DES PARTIES
Aux termes de son assignation, repris à l’audience, la société Gleener demande au juge des référés de :
La juger recevable et bien-fondée en ses demandes ;
Sur les actes de contrefaçon de dessin et modèle et de marque
Condamner la société Mercerie Rascol pour actes de contrefaçon du modèle communautaire n°0016844051-0001 de la société Gleener en ayant commercialisé et en commercialisant la » brosse rasoir anti-peluches 2 en 1 Rascol »
Condamner la société Mercerie Rascol pour actes de contrefaçon de la marque de l’Union européenne n°012478434 appartenant à la société Gleener en ayant utilisé cette marque pour présenter et référencer son produit » brosse rasoir anti-peluches 2 en 1 Rascol »
Interdire à la société Mercerie Rascol de commercialiser la » brosse rasoir anti-peluches 2 en 1 Rascol » sur le site internet www.rascol.com ainsi que dans tout autre point de vente physique, ainsi que d’y faire référence sur son site internet et ses réseaux sociaux, et ce sur tout le territoire de l’Union européenne
Interdire à la société Mercerie Rascol d’utiliser la marque Gleener pour commercialiser la » brosse rasoir anti-peluches 2 en 1 Rascol » sur son site internet et ses réseaux sociaux, et ce sur tout le territoire de l’Union européenne
Prononcer ces interdictions sous astreinte de 200 euros par infraction constatée et par jour de retard, à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir
Dire que le président se réserve la compétence de prononcer la liquidation desdites astreintes
Ordonner à la société Mercerie Rascol, conformément aux articles L. 521-6 et L. 716-4-9 du code de la propriété intellectuelle, et sous astreinte de 200 euros par jour de retard, de produire tous les documents depuis temps non prescrit, portant sur :
– Les noms et adresses des producteurs, fabricants, distributeurs, fournisseurs et autres détenteurs antérieurs du produit » brosse rasoir anti-peluches 2 en 1 Rascol » ainsi que des réseaux de distribution et détaillants ;
– Les quantités produites, commercialisées, livrées, reçues ou commandées du produit » brosse rasoir anti-peluches 2 en 1 Rascol « , et ce sur l’ensemble de l’Union européenne
Condamner la société Mercerie Rascol à lui payer 20.000 euros à titre de provision sur les dommages-intérêts pour le préjudice moral du fait des actes de contrefaçon de dessin et modèle
Condamner la société Mercerie Rascol à lui payer 20.000 euros à titre de provision sur les dommages-intérêts pour le préjudice moral du fait des actes de contrefaçon de marque
Condamner la société MERCERIE RASCOL à payer à la société GLEENER la somme de 20.000 Euros à titre de provision sur les dommages et intérêts pour le préjudice patrimonial du fait des actes de contrefaçon de dessin et modèle
Condamner la société MERCERIE RASCOL à payer à la société GLEENER la somme de 20.000 Euros à titre de provision sur les dommages et intérêts pour le préjudice patrimonial du fait des actes de contrefaçon de marque
Sur la concurrence déloyale et parasitaire,
Condamner la société Mercerie Rascol pour actes de concurrence déloyale et de parasitisme à son égard
Condamner la société Mercerie Rascol à lui payer 20.000 euros à titre de provision sur les dommages-intérêts pour les actes de concurrence déloyale
En tout état de cause,
Ordonner la publication d’un extrait de l’ordonnance à intervenir, dans cinq revues ou journaux de son choix, sur le site internet www.rascol.com, ainsi que sur les comptes Instagram et Facebook de Rascol, pendant une durée de trois mois à compter d’un délai de 15 jours de la signification de l’ordonnance à intervenir, en caractère Arial 10, en français, pendant deux mois à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir, aux frais avancés et solidaires de la société Rascol, à hauteur de 6.000 euros maximum par insertion, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir
Se réserver la liquidation des astreintes
Condamner la société Mercerie Rascol à lui payer 10.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile
Condamner la société Mercerie Rascol à tous les dépens de l’instance, dont distraction faite au profit de Maître Jérôme Tassi
Selon ses conclusions notifiées à l’audience du 2 avril 2024 et dont elle a repris les termes oralement, la société Mercerie Rascol demande en substance au juge des référés de:
REJETER l’ensemble des demandes de la société GLEENER formulées au titre de la contrefaçon de dessin et modèle
REJETER l’ensemble des demandes de la société GLEENER formulées au titre de la contrefaçon de marque
REJETER l’ensemble des demandes de la société GLEENER formulées au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme
REJETER la demande d’interdiction de commercialisation sous astreinte
REJETER la demande tendant à faire disparaître la mention GLEENER de ce site
REJETER la demande de communication de ces informations sous astreinte,
REJETER la demande de publication au frais de la société RASCOL, de la décision à venir
Sur les demandes de provision, REJETER l’ensemble des demandes formulées par la société GLEENER,
A titre subsidiaire et dans l’hypothèse où il serait considéré que la société RASCOL n’avait pas le droit de commercialiser ce produit,
LIMITER la provision pour contrefaçon de dessin et modèle, et/ou de marque et/ou concurrence déloyale et/ou parasitisme à la somme de 2 095,27 euros, correspondant à la marge de bénéfice de la société RASCOL dans la commercialisation du produit en cause
A titre infiniment subsidiaire et dans l’hypothèse où il serait considéré que la société RASCOL n’avait pas le droit de commercialiser ce produit
LIMITER la provision pour contrefaçon de dessin et modèle, et/ou de marque et/ou concurrence déloyale et/ou parasitisme à la somme de 17 970,00 euros, correspondant au montant de la commande que RASCOL aurait pu passer auprès d’elle pour acquérir le produit en cause
En tout état de cause
CONDAMNER la société GLEENER à payer 2 000,00 euros à la société RASCOL au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
LAISSER les dépens à la charge de chacune des parties,
DECIDER, dans l’hypothèse, d’une condamnation au versement d’une provision à quel titre que ce soit, que cette condamnation ne sera pas assortie de l’exécution provisoire, du fait des enjeux en cause, de la discussion sur les droits et propriétés revendiqués par la société GLEENER et des contestations formulées par la société RASCOL, et de la faiblesse des enjeux économiques (gain pour la société RASCOL ou gain manqué pour la société GLEENER).
Sur la vraissemblance de la contrefaçon de dessin communautaire n°001684051-0001
Moyens des parties
La société Gleener fait valoir que l’ensemble des caractéristiques de son dessin n°001684051-0001 sont reproduites dans le produit litigieux commercilaisé par la société Mercerie Rascol qui en constitue une copie servile et ne produit pas sur l’utilisateur averti une impression visuelle globale différente, de sorte que la contrefaçon est caractérisée.
La société Mercerie Rascol conteste le bien fondé de l’action de la société Gleener aux motifs que la présence de nombreux produits identiques à celui de la société Gleener interroge l’antériorité du dépôt effectué par cette société et qu’il ne peut bénéficier de protection à défaut de présenter un caractère propre et de physionomie propre nouvelle, sa forme n’étant pas originale et dictée par des fonctions techniques.
Réponse du juge
Aux termes de l’article L. 521-6 du code de la propriété intellectuelle (applicable aux dessins communautaires selon l’article L. 522-1 du même code) :
» Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l’encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d’actes argués de contrefaçon. La juridiction civile compétente peut également ordonner toutes mesures urgentes sur requête lorsque les circonstances exigent que ces mesures ne soient pas prises contradictoirement, notamment lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au demandeur. Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu’il est porté atteinte à ses droits ou qu’une telle atteinte est imminente.
La juridiction peut interdire la poursuite des actes argués de contrefaçon, la subordonner à la constitution de garanties destinées à assurer l’indemnisation éventuelle du demandeur ou ordonner la saisie ou la remise entre les mains d’un tiers des produits soupçonnés de porter atteinte aux droits conférés par le titre, pour empêcher leur introduction ou leur circulation dans les circuits commerciaux. Si le demandeur justifie de circonstances de nature à compromettre le recouvrement des dommages et intérêts, la juridiction peut ordonner la saisie conservatoire des biens mobiliers et immobiliers du prétendu contrefacteur, y compris le blocage de ses comptes bancaires et autres avoirs, conformément au droit commun. Pour déterminer les biens susceptibles de faire l’objet de la saisie, elle peut ordonner la communication des documents bancaires, financiers, comptables ou commerciaux ou l’accès aux informations pertinentes.
Elle peut également accorder au demandeur une provision lorsque l’existence de son préjudice n’est pas sérieusement contestable.
Saisie en référé ou sur requête, la juridiction peut subordonner l’exécution des mesures qu’elle ordonne à la constitution par le demandeur de garanties destinées à assurer l’indemnisation éventuelle du défendeur si l’action en contrefaçon est ultérieurement jugée non fondée ou les mesures annulées.
Lorsque les mesures prises pour faire cesser une atteinte aux droits sont ordonnées avant l’engagement d’une action au fond, le demandeur doit, dans un délai fixé par voie réglementaire, soit se pourvoir par la voie civile ou pénale, soit déposer une plainte auprès du procureur de la République.» A défaut, sur demande du défendeur et sans que celui-ci ait à motiver sa demande, les mesures ordonnées sont annulées, sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent être réclamés.”
Sur la protection du dessin communautaire
Sauf hypothèse de nullité manifeste du titre invoqué, le juge des référés doit se borner à vérifier, outre la qualité à agir du demandeur, l’existence ou l’imminence d’une atteinte aux droits qui lui sont conférés par le titre et il appartient à la juridiction statuant au fond de se prononcer sur la validité du titre.
L’article 4.1 « Conditions de protection » du règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires prévoit que la protection d’un dessin ou modèle par un dessin ou modèle communautaire n’est assurée que dans la mesure où il est nouveau et présente un caractère individuel.
Selon l’article 5 « Nouveauté” du même règlement:
“1. Un dessin ou modèle est considéré comme nouveau si aucun dessin ou modèle identique n’a été divulgué au public:
(…)
b) dans le cas d’un dessin ou modèle communautaire enregistré, avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement du dessin ou modèle pour lequel la protection est demandée ou, si une priorité est revendiquée, la date de priorité.
2. Des dessins ou modèles sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par des détails insignifiants”.
L’article 6 « Caractère individuel » dudit règlement prévoit:“1. Un dessin ou modèle est considéré comme présentant un caractère individuel si l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public:
(…)
b) dans le cas d’un dessin ou modèle communautaire enregistré, avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou, si une priorité est revendiquée, avant la date de priorité.
2. Pour apprécier le caractère individuel, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle.”
Le TUE a rappelé qu’il ressort de ces dispositions que “l’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle communautaire procède, en substance, d’un examen en quatre étapes. Cet examen consiste à déterminer, premièrement, le secteur des produits auxquels le dessin ou modèle est destiné à être incorporé ou auxquels il est destiné à être appliqué, deuxièmement, l’utilisateur averti desdits produits selon leur finalité et, en référence à cet utilisateur averti, le degré de connaissance de l’art antérieur ainsi que le niveau d’attention aux similitudes et aux différences dans la comparaison des dessins ou modèles, troisièmement, le degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle, dont l’influence sur le caractère individuel est en proportion inverse, et, quatrièmement, en tenant compte de celui-ci, le résultat de la comparaison, directe si possible, des impressions globales produites sur l’utilisateur averti par le dessin ou modèle contesté et par tout dessin ou modèle antérieur divulgué au public, pris individuellement (affaire T-T74/18 du 13 juin 2019, §66).
Le TUE a indiqué dans une décision du 10 novembre 2021 (affaire T-193/20,§60) que « (…) un degré élevé de liberté du créateur renforce la conclusion selon laquelle les dessins ou modèles sans différences significatives produisent une même impression globale sur l’utilisateur averti et, partant, le dessin ou modèle contesté ne présente pas de caractère individuel. À l’inverse, un faible degré de liberté du créateur favorise la conclusion selon laquelle les différences suffisamment marquées entre les dessins ou modèles produisent une impression globale dissemblable sur l’utilisateur averti et, partant, le dessin ou modèle contesté présente un caractère individuel».
En l’espèce, le dessin communautaire déposé le 19 mars 2010 par la société Gleener enregistré sous le n°001684051-0001 est un dispositif pour le soin du tissus (pièce Gleener n°1.14) servant à supprimer les bouloches, peluches et poils de presque tous les tissus.
L’utilisateur averti est un membre du grand public connaisseur des accessoires de soins du linge. La liberté du créateur est large.
La société Gleener fonde la protection du dessin communautaire n°001684051-0001 sur les caractéristiques suivantes (pages 9 et suivantes de son assignation):“La première extrémité est une brosse ovale, et la seconde est une lame. Ces deux parties sont rattachées par un manche;
– une brosse de forme ovale (1.1), composée d’une partie inférieure également ovale (1.2) ;
– sur la partie supérieure est apposé un ovale, en son centre (1.3) ; cet ovale est lui-même intégré dans un ovale, positionné dans un creux formé sur la partie supérieur de la brosse (1.4).
– un manche séparant les deux extrémités de l’outil (2.1) ; en forme de vague (2.2) ; dont la partie centrale est plus épaisse que ses extrémités (2.3) ; comportant deux parties surmoulées [au-dessus et en dessous] (2.4) ;
– un bouton de forme triangulaire, arrondi sur le milieu (3.1) ; positionné à l’intersection entre la poignée et l’extrémité comportant la lame détachable (3.2).
– la lame est positionnée sur la face externe de la forme triangulaire (4.1) ; cette forme triangulaire est creusée sur le dessus (4.2) ; la lame est détachable de l’outil (4.3).
– l’outil est recourbé vers le bas s’agissant de l’extrémité comportant la lame (5.1)”
La société Mercerie Rascol ne rapporte pas la preuve d’antériorités destructrice de nouveauté, les pièces produites à cet égard (ses pièces n°4 et 5) n’étant pas datées, ni ne démontre que l’ensemble des caractéristiques revendiquées par la société Gleener ont été divulguées dans leur intégralité par un dessin ou modèle antérieur, lui ôtant tout caractère individuel, de sorte qu’elle n’établit pas avec l’évidence requise en référé la nullité du titre de la société Gleener. En outre, son moyen tiré d’un défaut d’originalité du dessin communautaire de la société Gleener est inopérant s’agissant d’une demande de protection de dessin ou modèle communautaire et non de droit d’auteur.
Sur la vraissemblance de la contrefaçon
Aux termes de l’article 19.1 du Règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires : « le dessin ou modèle communautaire enregistré confère à son titulaire le droit exclusif de l’utiliser et d’interdire à tout tiers de l’utiliser sans son consentement ».
En application de l’article L.521-1 du code de la propriété intellectuelle, lequel est applicable aux dessins et modèles communautaires conformément à l’article L522-1 du même code, « toute atteinte portée aux droits du propriétaire d’un dessin ou modèle, tels qu’ils sont définis aux articles L.513-4 à L.513-8, constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur ».
Selon l’article 10 « Etendue de la protection » du règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires : »1. La protection conférée par le dessin ou modèle communautaire s’étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l’utilisateur averti une impression visuelle globale différente.
2. Pour apprécier l’étendue de la protection, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle ».
Il ressort du constat d’huissier du 16 novembre 2023 qu’à cette date la société Mercerie Rascol commercialisait sur son site internet une “brosse rasoir anti-peluches 2 en 1 Rascol” (pièce Gleener 2.2 et 2.5, page 5) qui reproduit de manière servile l’ensemble des caractéristiques du dessin communautaire de la société Gleener et qui ne produit pas sur l’utilisateur averti une impression visuelle globale différente.
Si les ressemblances relatives aux caractéristiques imposées par les contraintes techniques ne peuvent permettre de conclure à la vraissemblance de la contrefaçon, les caractéristiques invoquées en l’occurrence par la société Gleener ne sont pas exclusivement imposées par la fonction technique du produit, à l’exception des caractéristiques tenant à l’existence de deux terminaisons composées d’une brosse et d’un rasoir et raccordées par un manche.
La vraissemblance de la contrefaçon du dessin communautaire n°001684051-0001 de la société Gleener par le rasoir antibouloches commercialisé par la société Rascol est ainsi caractérisée.
Sur la la vraissemblance de la contrefaçon de marque
Moyen des parties
La société Gleener fait valoir que la société Mercerie Rascol utilise sa marque GLEENER dans les avis des utilisateurs sur la page concernant le produit qu’elle vend sous sa propre marque RASCOL ainsi que dans la vidéo de présentation de son produit publiée sur son site Internet et sur son compte Youtube et pour référencer son produit sur Google.
La société Mercerie Rascol oppose que les avis sont des messages de clients qui sont anciens, que la vidéo litigieuse n’a été présente sur son site que lorsqu’elle commercialisait le produit Gleener et qu’elle n’a pas acheté le nom Gleener pour s’assurer du référencement sur Google et ce référencement n’est ainsi pas de son fait.
Réponse du juge
L’article L. 716-4-6 du code de la propriété intellectuelle dispose: » Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l’encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d’actes argués de contrefaçon. La juridiction civile compétente peut également ordonner toutes mesures urgentes sur requête lorsque les circonstances exigent que ces mesures ne soient pas prises contradictoirement, notamment lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au demandeur. Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu’il est porté atteinte à ses droits ou qu’une telle atteinte est imminente”.
Selon l’article 9.1 “Droit conféré par la marque de l’Union européenne” du Règlement (CE) no 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire, “la marque communautaire confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires: a) d’un signe identique à la marque communautaire pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée (…)”.
La société Gleener justifie être titulaire de la marque verbale de l’Union européenne GLEENER n° 012478434 déposée le 06 janvier 2014 et enregistrée le 9 juin 2014, désignant en classe 21 les » articles et matériel à des fins de nettoyage et d’entretien des tissus y compris dispositifs pour éliminer les bouloches et les peluches, éliminateurs de peluches, brosses anti-peluches, rouleaux anti-peluches et dispositifs pour enlever la fourrure sur des tissus » (pièce Gleener 1.16).
Il ressort du constat d’huissier réalisé sur le site internet de la société Mercerie Rascol le 16 novembre 2023 (pièce Gleener n°2.5) que sur 79 avis accessibles depuis la page de présentation du rase bouloches commercialisé sous le signe Rascol, trois avis portent la mention Gleener dans leur titre et datent de janvier 2021, avril et mai 2022. De plus, il ressort des pages 90 et 91 de ce constat qu’à cette date était accessible sur le site de la défenderesse et sur son compte You tube une vidéo intitulée “brosse anti-peluches gleener”, la page Youtube renvoyant à un lien dirigeant vers le site de la société Mercerie Rascol qui alors ne vendait plus de produit Gleener mais son produit concurrent. Enfin, il apparaît de la page 30 du même constat que l’entrée dans le moteur de recherche des termes “brosse anti-peluches gleener” fait apparaître en deuxième position une annonce sponsorisée avec un lien renvoyant vers le site de la défenderesse. Les annonces sponsorisées étant générées par un référencement payant, il s’en déduit que la société Mercerie Rascol a réservé la marque Gleener comme mot clé pour améliorer son référencement. L’ensemble de ces faits constitue des usages de la marque Gleener non autorisés dans la vie des affaires suffisants à caractériser la vraissemblance de la contrefaçon de la marque de l’Union européenne Gleener par la société Mercerie Rascol.
Sur les actes de la concurrence déloyale et le parasitisme
Moyen des parties
La société Gleener fait grief à la société Mercerie Rascol de commercialiser un produit copiant servilement aussi bien l’esthétique que les fonctionnalités techniques de son produit, et d’en faire une présentation identique sur son site, créant ainsi un risque de confusion pour la clientèle. Elle lui reproche également de reprendre des contenus promotionnels qu’elle a créés et de tirer ainsi profit de ses investissements publicitaires et technologiques, de proposer une interopérabilité entre les produits et de vendre son produit au même prix que le produit Gleener .
La société Mercerie Rascol conteste reproduire le produit de la société Gleener au motif qu’il existe plusieurs produits identiques au produit Gleener sur le marché, commercialisés par d’autres sociétés, souvent sans marque. Elle estime que la vidéo du produit Gleener accessible sur son compte Youtube n’est pas constitutive de concurrence déloyale dès lors que la mention du signe Gleener écarte tout risque de confusions, outre que la vidéo sur son site n’est pas accessible en lien avec son propre produit mais seulement avec le produit Gleener qu’elle commercialisait antérieurement. Elle ajoute que la société Gleener ne peut pas tirer argument du prix du produit qu’elle vend pour caractériser une faute en raison de sa versatilité. Enfin, elle souligne que la présentation de son produit correspond à sa charte de présentation. Elle fait de plus valoir que les investissements publicitaires et technologiques allégués par la société Gleener au titre du parasitisme ne sont pas étayés.
Réponse du juge
L’article 835 du code de procédure civile énonce que le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
L’article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Aux termes de l’article 1241 du même code, chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu’un signe ou un produit qui ne fait pas l’objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l’absence de faute par la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit, circonstance attentatoire à l’exercice paisible et loyal du commerce.
L’action fondée sur la concurrence déloyale exige la preuve d’une faute relevant de faits distincts de ceux allégués au titre de la contrefaçon (Cass. com., 18 sept. 2019, n° 17-23.253).
Le parasitisme, qui n’exige pas de risque de confusion, consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale économique et financière, 10 juillet 2018, n°16-23.694).
Selon l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
En l’occurrence, les actes invoqués par la société Gleener au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme, tirés de la reproduction servile de son produit et de l’usage de la vidéo de promotion du produit Gleener sont identiques à ceux poursuivis au titre de la contrefaçon de dessin et de la contrefaçon de marque, de sorte que la société Gleener n’est pas recevable à s’en prévaloir. De plus, le grief tiré de l’utilisation de la même présentation des produits Gleener et Rascol sur le site de la défenderesse est inopérant en l’absence de preuve qu’elle serait à l’origine de la création d’une telle présentation. Elle ne prouve pas plus que les photographies utilisées par la défenderesse seraient de sa propre création. Enfin, elle ne rapporte pas la preuve des investissements promotionnels et technologiques allégués. La vente des produits concurrents au même prix et leur interopérabilité ne sont pas de nature à caractériser les fautes allégués avec l’évidence requise en référé
Il résulte de l’ensemble que la société Gleener ne rapporte pas la preuve d’un trouble manifestement illicite ou d’un dommage imminent, de sorte que ses demandes relatives à la concurrence déloyale et au parasitisme seront rejetées.
Sur les mesures sollicitées par la société Gleener
Moyen des parties
Outre des mesures d’interdiction, la société Gleener demande la communication de documents au titre du droit à l’information, la publication de l’ordonnance et des provisions d’un montant total de 100 000 euros à valoir sur la réparation de ses préjudices moral et patrimonial.
La société Mercerie Rascol sollicite le rejet des demandes d’interdiction aux motifs qu’elle a suspendu la commercialisation de son produit depuis le 7 janvier 2024 et qu’elle a supprimé les références à la marque Gleener qui pouvaient encore se trouver sur son site internet, son compte Instagram et sa page Facebook. Elle ajoute que les mesures de publication apparaissent disproportionnées. Elle souligne en outre le caractère infondé de la provision pour préjudice moral et fait valoir que le manque à gagner de la société Gleener ne saurait être supérieur à 17 970 € et que son bénéfice a été de 2095,27 euros pour 191 pièces vendues.
Sur la demande d’interdiction
Selon les articles L.521-6 et L.716-4-6 du code de la propriété intellectuelle, le juge peut interdire la poursuite des actes argués de contrefaçon.
En l’occurrence, l’absence de nouvelles commandes de rase-bouloches de la société Mercerie Rascol entre le 7 janvier et 25 mars 2024, date du procès-verbal dressé à la demande de celle-ci (sa pièce n°31), ne suffit à démontrer qu’elle en aurait cessé toute commercialisation, de sorte qu’il n’apparaît pas disproportionné de faire droit aux mesures d’interdiction sollicitées par la société Gleener, d’autant qu’à cette date il est fait état d’un stock de 2809 articles, et ce nonobstant les constatations de commissaire de justice selon lequelles les références à la marque Gleener n’apparaissaient plus sur les sites de la société Mercerie Rascol à cete date (sa pièce n°32).
Sur la demande au titre du droit à l’information
Selon l’article L.521-5 du code de la propriété intellectuelle, » Si la demande lui en est faite, la juridiction saisie au fond ou en référé d’une procédure civile prévue au présent titre peut ordonner, au besoin sous astreinte, afin de déterminer l’origine et les réseaux de distribution des produits argués de contrefaçon qui portent atteinte aux droits du demandeur, la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur ou par toute personne qui a été trouvée en possession de produits argués de contrefaçon ou qui fournit des services utilisés dans de prétendues activités de contrefaçon ou encore qui a été signalée comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution de ces produits ou la fourniture de ces services. »
Selon l’article L. 716-4-9 du code de la propriété intellectuelle, « Si la demande lui en est faite, la juridiction saisie au fond ou en référé d’une procédure civile prévue au présent titre peut ordonner, au besoin sous astreinte, afin de déterminer l’origine et les réseaux de distribution des produits argués de contrefaçon qui portent atteinte aux droits du demandeur, la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur ou par toute personne qui a été trouvée en possession de produits argués de contrefaçon ou qui fournit des services utilisés dans de prétendues activités de contrefaçon ou encore qui a été signalée comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution de ces produits ou la fourniture de ces services. »
En l’occurrence, la société Mercerie Rascol justifie avoir déjà communiqué le nom de son fournisseur, le nombre de quantités vendues et de quantités en stock depuis le 23 mars 2023, de sorte que la demande de la société Gleener au titre du droit à l’information apparaît sans objet et sera rejetée.
Sur les mesures de publicités
L’article L.521-8 du Code de la propriété intellectuelle prévoit également que » La juridiction peut aussi ordonner toute mesure appropriée de publicité du jugement, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu’elle désigne, selon les modalités qu’elle précise « .
La même disposition est prévue par l’article L716-4-11 alinéa 2 du code de la propriété intellectuelle, en matière de contrefaçon de marque.
En l’espèce, les demandes de publicité seront rejetées compte tenu de leur caractère disproportionné.
Sur la demande de provision
Selon les articles L.521-6 et L.716-4-6 du code de la propriété intellectuelle, le juge des référés peut accorder au demandeur une provision lorsque l’existence de son préjudice n’est pas sérieusement contestable.
L’article L.521-7 du code de la propriété intellectuelle prévoit que:
» Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée. »
L’article L. 716-4-10 du même code présente des dispositions similaires.
En l’espèce, il n’est pas sérieusement contestable que les actes de contrefaçon de dessin et de marque communautaires ont causé à la société Gleener un préjudice moral à raison de la banalisation et de l’avilissement de son dessin et de sa marque communautaires, ainsi qu’un préjudice patrimonial. Toutefois, les demandes à ce titre de la société Gleener apparaissent manifestement disproportionnées, notamment au regard des bénéfices rapportés par la société Mercerie Rascol, de sorte que la société Mercerie Rascol sera condamnée à payer à titre provisionnel 1 500 € en réparation de de la contrefaçon de dessin communautaire et 1 500 € en réparation de la contrefaçon de marque communautaire.
Sur les demandes accessoires
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.
L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.
La société Mercerie Rascol, partie perdante à l’instance, sera condamnée aux dépens. La société Mercerie Rascol, partie tenue aux dépens, sera condamnée à payer 3 000 euros à la société Gleener au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’exécution provisoire est de droit et le juge des référés n’a pas le pouvoir de l’écarter de sorte qu’il n’a y pas lieu de faire droit à la demande de la société Mercerie Rascol de ne pas la prononcer.
Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire et en premier ressort ,
Constate la contrefaçon vraissemblable du dessin communautaire n°001684051-0001 et de la marque verbale de l’Union européenne GLEENER n° 012478434 de la société Gleener par la “brosse rasoir anti-peluches 2 en 1 Rascol” commercialisé par la société Mercerie Rascol
Dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes de la société Gleener fondées sur la concurrence déloyale et le parasitisme
Interdit à la société Mercerie Rascol sous astreinte de 200 euros par infraction constatée et par jour de retard pendant 180 jours, l’astreinte commençant à courir 15 jours après la signification de la présente ordonnance, de:
– commercialiser la » Brosse rasoir anti-peluches 2 en 1 Rascol » sur le site Internet www.rascol.com ainsi que dans tout autre point de vente physique, ainsi que d’y faire référence sur son site Internet et ses réseaux sociaux, et ce sur le territoire de l’Union européenne;
– utiliser la marque GLEENER n° 012478434 pour commercialiser la » Brosse rasoir anti-peluches 2 en 1 Rascol » sur son site Internet et ses réseaux sociaux, et ce sur le territoire de l’Union européenne ;
Se réserve la liquidation des astreintes prononcées
Condamne la société Mercerie Rascol à payer à la société Gleener la somme provisionnelle de 1500 euros à titre de dommages-intérêts en compensation du préjudice résultant des actes de contrefaçon de son dessin communautaire n°001684051-0001
Condamne la société Mercerie Rascol à payer à la société Gleener la somme provisionnelle de 1500 euros à titre de dommages-intérêts en compensation du préjudice résultant des actes de contrefaçon de sa marque verbale de l’Union européenne GLEENER n° 012478434
Rejette les demandes de publication et de communication de documents au titre du droit à l’information présentées par la société Gleener
Condamne la société Mercerie Rascol aux dépens
Condamne la société Mercerie Rascol à payer 3 000 euros à la société Gleener en application de l’article 700 du code de procédure civile
Dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur la demande de la société Mercerie Rascol de ne pas assortir la présente ordonnance de l’exécution provisoire
Fait à Paris le 12 juin 2024
Le Greffier,Le Président,
Marion COBOSAnne BOUTRON
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