Tribunal judiciaire de Paris, 11 mars 2021
Tribunal judiciaire de Paris, 11 mars 2021
Type de juridiction : Tribunal judiciaire Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris Thématique : Présomption d’innocence et déontologie de la presse

Résumé

L’avis d’une association de déontologie de la presse souligne la nécessité de distinguer entre les infractions à la loi et les violations des règles déontologiques. Il précise qu’une analyse critique d’un article ne constitue pas une déclaration de culpabilité, surtout dans le cadre d’une procédure pénale en cours. La présomption d’innocence, protégée par l’article 9-1 du code civil, impose que toute accusation publique soit fondée sur des preuves solides, sans préjugés. Le juge doit équilibrer ce droit avec la liberté d’expression, en tenant compte de l’intérêt général et de la proportionnalité des mesures prises.

Le fait que l’avis d’une association de déontologie de presse procède à une analyse de la publication d’un article et conclut vis-à-vis du journaliste auteur à une atteinte aux obligations déontologiques des journalistes, ne peut être assimilé à une déclaration péremptoire de culpabilité pour des faits d’injures à caractère raciste pour lesquels une procédure pénale est en cours.

Avis d’une association de déontologie de la presse

L’avis de l’association mentionnait expressément la distinction à opérer entre, d’une part les éventuelles infractions à la loi, d’autre part les entorses à la déontologie du journalisme et se prononçait de manière claire et non équivoque au regard des règles déontologiques qu’elle citait expressément. La seule affirmation, en soi, de la violation de la déontologie ne saurait, dans ces circonstances et au vu des précautions prises, valoir conclusion définitive de culpabilité du chef d’injures à caractère raciste.

Respect de la présomption d’innocence

Au sens de l’article 9-1 du code civil “chacun a droit au respect de la présomption d’innocence”, le juge peut prescrire toutes mesures aux fins de faire cesser l’atteinte à la présomption d’innocence “lorsqu’une personne est, avant toute condamnation, présentée publiquement comme coupable de faits faisant l’objet d’une enquête ou d’une instruction judiciaire”. 

Conditions de l’atteinte à la présomption d’innocence

Ainsi pour être constituée, l’atteinte à la présomption d’innocence suppose la réunion de trois éléments qui sont : i) l’existence d’une procédure pénale en cours non encore terminée par une décision de condamnation définitive, ii) l’imputation publique, à une personne précise, d’être coupable des faits faisant l’objet de cette procédure, non par simple insinuation ou de façon dubitative, mais par une affirmation péremptoire ou des conclusions définitives manifestant, de la part de celui qui les exprime, un clair préjugé tenant pour acquise la culpabilité de la personne visée, iii) la connaissance, par celui qui reçoit cette affirmation, que le fait ainsi imputé est bien l’objet d’une procédure pénale en cours, une telle connaissance pouvant résulter soit d’éléments intrinsèques contenus dans le texte litigieux, soit d’éléments extrinsèques, tels qu’une procédure notoirement connue du public ou largement annoncée dans la presse.

Par ailleurs, en application de l’article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme, toute personne a droit à la liberté d’expression, c texte prévoyant que l’exercice de cette liberté peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions, prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires dans une société démocratique, en particulier à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, parmi lesquels figure le droit à la présomption d’innocence et le droit au procès équitable.

Contrôle de proportionnalité

Le droit à la présomption d’innocence et le droit à la liberté d’expression ayant la même valeur normative, il appartient au juge de mettre ces droits en balance en fonction des intérêts en jeu et de privilégier la solution la plus protectrice de l’intérêt le plus légitime. Cette mise en balance doit être effectuée en considération, notamment, de la teneur de l’expression litigieuse, sa contribution à un débat d’intérêt général, l’influence qu’elle peut avoir sur la conduite de la procédure pénale et la proportionnalité de la mesure demandée.

 

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