Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Nîmes
Thématique : Conflit de voisinage et empiètement : enjeux de propriété et servitudes.
→ RésuméPropriété de la SCI BECYLa SCI BECY est propriétaire d’un bien immobilier situé à [Localité 9], acquis par acte notarié en 1994. Ce bien est mitoyen d’autres immeubles, dont celui de Monsieur [X], qui a fait une donation-partage de son immeuble à Madame [E] [H] en 2012. Monsieur [X] est usufruitier, tandis que Madame [E] [H] est nue-propriétaire. Des travaux ont été réalisés sur l’immeuble de Monsieur [X], incluant un permis de construire modificatif en 2015. Conflit sur les travaux et mise en demeureEn 2020, lors de travaux de réfection de la couverture de la SCI BECY, il a été signalé que Monsieur [X] avait installé une gouttière au débord de sa couverture, empiétant sur la propriété de la SCI BECY. Cette dernière a alors installé un caisson provisoire et a mis en demeure Monsieur [X] de rembourser les frais engagés et de remplacer la gouttière par un chéneau. La mise en demeure est restée sans réponse, et une tentative de conciliation a échoué. Procédure judiciaire et expertiseLa SCI BECY a ensuite engagé une procédure judiciaire, demandant une expertise sur la situation. Le tribunal a ordonné une expertise, dont le rapport a été déposé en 2022. Suite à cela, la SCI BECY a assigné Monsieur [X] et Madame [E] [H] pour obtenir la réalisation des travaux préconisés par l’expert et le remboursement des frais engagés. Demandes de la SCI BECYDans ses dernières écritures, la SCI BECY a demandé au tribunal de débouter Monsieur [X] et Madame [E] [H] de leurs demandes, de reconnaître un empiètement illégal sur sa propriété, d’homologuer le rapport d’expertise, et de condamner les défendeurs à réaliser les travaux nécessaires sous astreinte, ainsi qu’à payer des dommages-intérêts. Réponse de Monsieur [X] et Madame [E] [H]Monsieur [X] et Madame [E] [H] ont contesté les demandes de la SCI BECY, affirmant que la servitude d’écoulement des eaux pluviales était acquise par prescription. Ils ont également soutenu que la gouttière avait été installée à la demande de la SCI BECY et qu’aucun préjudice n’avait été causé. Ils ont demandé à être déboutés de toutes les demandes de la SCI BECY et ont formulé des demandes reconventionnelles pour procédure abusive. Décision du tribunalLe tribunal a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription et a déclaré l’action de la SCI BECY recevable. Il a ordonné à Monsieur [X] et Madame [E] [H] de procéder aux travaux nécessaires pour faire cesser l’empiètement, tout en déboutant la SCI BECY de ses autres demandes, y compris les dommages-intérêts. Les défendeurs ont également été déboutés de leurs demandes reconventionnelles. Conclusion sur les dépensLe tribunal a décidé de partager les dépens entre les parties, tenant compte de la bonne foi des défendeurs et de l’absence de préjudice avéré. Les demandes en vertu de l’article 700 du Code de procédure civile ont également été rejetées pour les deux parties. |
Copie ❑ exécutoire
❑ certifiée conforme
délivrée le
à
l’AARPI BONIJOL-CARAIL-VIGNON
Me Philippe HILAIRE-LAFON
TRIBUNAL JUDICIAIRE Par mise à disposition au greffe
DE NIMES
**** Le 19 Novembre 2024
1ère Chambre Civile
N° RG 22/05103 – N° Portalis DBX2-W-B7G-JWNG
Minute n° JG24/
JUGEMENT
Le tribunal judiciaire de Nîmes, 1ère Chambre Civile, a dans l’affaire opposant :
S.C.I. BECY,
inscrite au RCS de Nîmes sous le n° 387 526 619, prise en la personne de son représentant légal, dont le siège social est sis [Adresse 6]
représentée par l’AARPI BONIJOL-CARAIL-VIGNON, avocats au barreau de NIMES, avocats plaidant
à :
M. [D] [X]
né le 13 Décembre 2003 à [Localité 5],
demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Philippe HILAIRE-LAFON, avocat au barreau de NIMES, avocat plaidant
Mme [E] [F], [Z] [H]
née le 13 Décembre 2003 à [Localité 5],
demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Philippe HILAIRE-LAFON, avocat au barreau de NIMES, avocat plaidant
Rendu publiquement le jugement contradictoire suivant, statuant en premier ressort après que la cause a été débattue en audience publique le 17 Septembre 2024 devant Antoine GIUNTINI, Vice-président, statuant comme juge unique, assisté de Aurélie VIALLE, greffière, et qu’il en a été délibéré.
EXPOSE DU LITIGE
La SCI BECY est propriétaire, aux termes d’un acte notarié passé par devant Maître [V] [Y], Notaire à [Localité 8], en date du 7 décembre 1994, d’un bien immobilier sis sur la commune de [Localité 9], lieudit [Localité 7], cadastré section E N°[Cadastre 2] et [Cadastre 3] pour 44 et 48 ca.
Ce bien immobilier est directement mitoyen d’autres immeubles auxquels il est jumelé.
Monsieur [X], voisin de la SCI BECY, a procédé à une donation-partage de l’immeuble par acte du 15 mars 2012 à Madame [E] [H]. Monsieur [X] est usufruitier de l’immeuble, et Madame [E] [H] nue-propriétaire. Il a fait procéder à des travaux sur son bien immobilier.
Le permis de construire initial déposé par Monsieur [X] a fait l’objet d’un permis de construire modificatif en date du 30 mars 2015.
Dans le courant de l’année 2020, lors de travaux de réfection de la couverture de son immeuble la SCI BECY a été alertée par le maître d’œuvre que Monsieur [X] avait fait installer une gouttière au débord de la couverture, directement à l’aplomb de la propriété de la SCI BECY. Celle-ci a alors fait procéder à l’installation d’un caisson provisoire pour le prix de 572,90 euros.
Aux termes d’une lettre recommandée avec accusé de réception datée du 10 septembre 2020, la SCI BECY a mis en demeure Monsieur [D] [X] de procéder au remboursement de la somme de 572,90 euros ainsi qu’à la pose d’un chéneau sans débord, et non d’une gouttière.
Cette mise en demeure est restée sans réponse.
Une tentative de conciliation a eu lieu le 14 janvier 2021, sans suite.
La SCI BECY a fait procéder à un procès-verbal de constat d’huissier de justice le 29 mars 2021.
Par assignations en référé délivrées les 7 mai et 25 juin 2021 à Monsieur [X] et Madame [E] [H], la SCI BECY a sollicité sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile une expertise judiciaire.
Par ordonnance de référé du 15 septembre 2021, le Président du Tribunal Judiciaire de Nîmes a ordonné une expertise judiciaire et commis pour y procéder Monsieur [B] [W]. Aux termes de l’ordonnance de changement d’expert en date du 22 novembre 2021, Monsieur [T] [A] a été désigné.
L’accedit a eu lieu le 7 janvier 2022 et le pré-rapport a été déposé le 19 avril 2022. Le rapport d’expertise définitif de l’expert est daté du 16 juin 2022.
Par acte de Commissaire de justice du 8 novembre 2022, enregistré au greffe le 16 novembre 2022, SCI BECY a assigné Madame [E] [H] et Monsieur [D] [X] devant le tribunal judiciaire de Nîmes, sur le fondement des articles 544 et suivants du Code civil, afin notamment de condamner solidairement Madame [E] [H] et Monsieur [D] [X] à procéder à la réalisation des travaux préconisés dans le rapport d’expertise sous astreinte définitive de 200 euros par jour de retard passé le délai de deux mois à compter de la signification du jugement à venir, ainsi qu’à payer la somme de 572,90 euros en réparation du préjudice subi.
* * *
Aux termes de ses dernières écritures, notifiées le 16 juillet 2024, la SCI BECY demande au tribunal, sur le fondement des articles 544 et suivants du Code civil de :
DEBOUTER Monsieur [X] et Madame [H] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, tant au principal, subsidiaire qu’à titre reconventionnel
PRONONCER l’existence d’un empiètement illégal de la propriété [H]/[X] sur la propriété de la SCI BECY,
HOMOLOGUER le rapport d’expertise définitif en date du 16 juin 2022,
En conséquence,
CONDAMNER solidairement Monsieur [X] et Madame [E] [H] à procéder à la réalisation des travaux préconisés par Monsieur l’Expert au sein de son rapport d’expertise définitif, sous astreinte définitive de 200 euros par jour de retard passé le délai de deux mois à compter de la signification du jugement à intervenir,
CONDAMNER solidairement Monsieur [X] et Madame [E] [H] à porter et lui payer la somme de 572,90 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel subi, avec intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2020,
CONDAMNER SOLIDAIREMENT Madame [E] [H] et Monsieur [D] [X] à lui porter et payer la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNER SOLIDAIREMENT Madame [E] [H] et Monsieur [D] [X], aux dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire d’un montant de 2.733,19 euros et les frais de constat d’huissier du 29 mars 2021.
A l’appui de ses demandes la SCI BECY met en avant que M. [X] a fait installer une gouttière au débord de la couverture, directement à l’aplomb de sa propriété, en contradiction avec le permis de construire modificatif du mois de mars 2015, l’obligeant à faire installer un caisson provisoire afin d’assurer l’étanchéité de sa toiture et le reçu du surplus des eaux pluviales d’une partie de la toiture de la propriété de Monsieur [X]. Elle estime dès lors qu’il y a empiètement sur sa propriété. Elle pointe en outre que le rapport d’expertise constate que les travaux réalisés par Monsieur [X] ont eu pour conséquence une surélévation d’environ 30 cm de la toiture, qui modifie l’écoulement des eaux pluviales. Elle indique que Madame [E] [H] et Monsieur [D] [X] n’ont pas effectué les travaux préconisés par l’expert mis à la charge des défendeurs pour un montant de 3.639,70 euros. Elle soulève que les travaux chiffrés par l’expert sur la toiture de sa propriété sont sans lien avec le litige et sans incidence sur la propriété des défendeurs.
Elle estime que les travaux préconisés par l’Expert ont pour effet de faire cesser l’empiètement sur le fond de la SCI BECY et de respecter le permis de construire modificatif, non de violer une prescription acquise d’une servitude d’écoulement des eaux pluviales, qu’elle conteste de surcroît.
Elle réfute toute procédure abusive de sa part, ne souhaitant que le respect du permis de construire modificatif.
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Aux termes de ses dernières écritures, notifiées le 30 avril 2024, Madame [E] [H] et Monsieur [D] [X], demandent au tribunal, sur le fondement des articles 690, 693, 694, 708, 1240, 2229 et 2265 du Code civil, de :
JUGER que la servitude d’écoulement des eaux pluviales dont bénéficie leur propriété (fonds dominant) sur la propriété de la SCI BECY (fonds servant) est acquise par prescription trentenaire mais également par destination du père de famille.
Partant de là JUGER que la propriété de la SCI BECY (fonds servant) doit recevoir les mêmes eaux pluviales venant du fonds de Monsieur [D] [X] et de Madame [E] [H] (fonds dominant).
JUGER que la gouttière n’a été installée qu’à la demande de la SCI BECY et qu’elle a été supprimée à la demande de la SCI BECY.
JUGER que la SCI BECY ne justifie d’aucun préjudice découlant de cela.
DEBOUTER la SCI BECY de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions.
Subsidiairement et si par impossible le Tribunal venait à ordonner leur condamnation à réaliser les travaux préconisés par l’expert :
CONDAMNER également la SCI BECY à supporter les frais mis à sa charge dans la réalisation des travaux conformément aux préconisations de l’expert judiciaire.
RECONVENTIONNELLEMENT
JUGER abusive la procédure engagée par la SCI BECY à leur encontre,
CONDAMNER la SCI BECY à leur porter et payer la somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice découlant pour eux de cette procédure abusive et 5.000 € par application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
CONDAMNER la SCI BECY aux dépens en ce compris les frais d’expertise et de référé.
Madame [E] [H] et Monsieur [D] [X] reconnaissent un empiètement aérien sur la propriété de la SCI BERCY, qu’ils justifient par l’existence d’une servitude.
Ils soulignent qu’ils ont proposé à la SCI BECY de faire supprimer la gouttière, ce à quoi elle s’est opposée, ajoutant qu’elle n’a jamais été préjudiciable aux droits de la requérante. Ils relèvent que l’empiètement objet du litige n’existe que du fait des demandes de la SCI BECY de poser une gouttière et ne se maintient que du fait du refus par celle-ci de son enlèvement.
Ils estiment infondé le fait que les travaux n’aient pas été réalisés dans les formes de l’art et en toute hypothèse qu’ils sont les seuls à pouvoir s’en plaindre. Ils indiquent, s’agissant de la non-conformité au permis de construire, que l’action est prescrite, et que la SCI BECY n’établit pas l’existence d’un préjudice. Ils soulignent qu’il n’est établi aucune conséquence dommageable de la légère surélévation de la toiture.
Ils indiquent que la procédure engagée par la SCI BECY constitue un abus de droit d’ester en justice dans la mesure où la situation actuelle procède des propres demandes de dette dernière et que la demande de réalisation sous astreinte de travaux se heurte à une situation cristallisée par le jeu de la prescription acquisitive et de la destination du père de famille.
* * *
Pour un exposé complet des faits, prétentions et moyens des parties, il y a lieu en vertu de l’article 455 du Code de procédure civile de se reporter à leurs dernières écritures.
* * *
La clôture est intervenue le 10 septembre 2024 par ordonnance du juge de la mise en l’état en date du 5 septembre 2024.
L’affaire a été fixée à l’audience de juge unique du 17 septembre 2024 pour être plaidée.
La décision a été mise en délibérée au 17 novembre 2024.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal statuant en audience publique, en premier ressort, par jugement contradictoire,
REJETTE la fin de non-recevoir tirée de la prescription invoquée par Monsieur [D] [X] et à Madame [E] [H],
DECLARE non prescrite et recevable l’action de la SCI BECY,
CONDAMNE Monsieur [X] et Madame [E] [H] solidairement à procéder aux travaux de nature à faire cesser l’empiétement aérien par la gouttière constaté, à la dépose des gouttières, la dépose et le sciage des tuiles, le dérasage de la tête de mur existant et l’arase béton, visés dans le rapport définitif de l’expert, sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé le délai de deux mois à compter de la signification du présent jugement,
DEBOUTE la SCI BECY de sa demande de condamnation pour le surplus des travaux ;
DEBOUTE la SCI BECY de sa demande de caractère définitif de l’astreinte,
DEBOUTE la SCI BECY de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel subi, avec intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2020,
DEBOUTE Monsieur [D] [X] et à Madame [E] [H] de leur demande de condamnation de la SCI BECY à supporter les frais mis à sa charge dans la réalisation des travaux conformément aux préconisations de l’expert judiciaire,
DEBOUTE Monsieur [D] [X] et à Madame [E] [H] de leur demande de dommages-intérêts au titre d’une procédure abusive,
CONDAMNE in solidum Madame [E] [H] et Monsieur [D] [X] au paiement de la moitié des dépens, comprenant les frais d’expertise et de référé,
CONDAMNE la SCI BECY au paiement de la moitié des dépens, comprenant les frais d’expertise et de référé,
DEBOUTE Monsieur [D] [X] et à Madame [E] [H] de leur demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
DEBOUTE la SCI BECY de sa demande sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Le présent jugement a été signé par Antoine GIUNTINI, Vice-président et par Aurélie VIALLE, greffière présent lors de sa mise à disposition.
Le Greffier, Le Président,
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