Tribunal judiciaire de Nice, 30 janvier 2025, RG n° 23/02101
Tribunal judiciaire de Nice, 30 janvier 2025, RG n° 23/02101

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Nice

Thématique : Responsabilité décennale et malfaçons dans la réfection d’une terrasse en copropriété

Résumé

Contexte de l’affaire

Le syndicat des copropriétaires de la résidence de l’Avenue a engagé la SARL Entreprise P. Quesada pour des travaux de réfection de l’étanchéité d’une terrasse au 6ème étage, pour un montant de 30 279,17 euros TTC, selon un devis signé le 20 mars 2014. Les travaux ont été réceptionnés le 8 septembre 2014, avec une assurance décennale souscrite auprès de la société d’assurance mutuelle L’Auxiliaire.

Infiltrations constatées

En 2017, des propriétaires d’un appartement au 5ème étage ont signalé des infiltrations au plafond. Le syndicat de copropriété a informé l’entreprise et son assureur des désordres. Une expertise a été réalisée en février 2019 pour déterminer l’origine des infiltrations.

Actions judiciaires

Face à l’absence de communication du rapport d’expertise et à l’échec des démarches amiables, le syndicat des copropriétaires, ainsi que d’autres parties, ont assigné la SARL Entreprise P. Quesada et L’Auxiliaire devant le tribunal en août 2019. Une expertise judiciaire a été ordonnée, et le rapport définitif a été déposé en avril 2022.

Demandes du syndicat des copropriétaires

En mai 2023, le syndicat a de nouveau assigné les défendeurs pour obtenir la reconnaissance de leur responsabilité et la réparation des préjudices. Il a demandé des dommages-intérêts pour un total de 41 910 euros pour le préjudice matériel et 10 000 euros pour le préjudice moral, ainsi que le remboursement des frais d’expertise.

Réponse des défendeurs

La SARL Entreprise P. Quesada et L’Auxiliaire ont contesté leur responsabilité, arguant que les preuves avaient disparu en raison d’interventions ultérieures d’autres entreprises. Elles ont demandé à être mises hors de cause et ont soutenu que le syndicat n’avait pas subi de dommages.

Expertise et conclusions

L’expert a constaté des malfaçons dans le complexe d’étanchéité et a déterminé que les désordres affectaient plusieurs éléments constitutifs de l’ouvrage, rendant celui-ci impropre à sa destination. Les désordres avaient été constatés dès février 2015, avant l’intervention de la société MARS Etanché Monaco.

Décision du tribunal

Le tribunal a déclaré la SARL Entreprise P. Quesada responsable des désordres et a condamné l’entreprise et son assureur à verser 41 910 euros au syndicat pour le préjudice matériel. La demande de dommages-intérêts pour préjudice moral a été rejetée, et les défendeurs ont été condamnés aux dépens de l’instance. L’exécution provisoire de la décision a été ordonnée.

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NICE

GREFFE
(Décision Civile)

JUGEMENT : Syndic. de copro. RESIDENCE DE L’AVENUE c/ S.A.R.L. ENTREPRISE P. QUESADA, S.A.M.C.V. L’AUXILIAIRE

MINUTE N°
Du 30 Janvier 2025

2ème Chambre civile
N° RG 23/02101 – N° Portalis DBWR-W-B7H-O5S3

Grosse délivrée à
Me Armand ANAVE

expédition délivrée à
SCP ASSUS-JUTTNER – MAGAUD – RABHI- JUTTNER

le 30 janvier 2025

mentions diverses

Par jugement de la 2ème Chambre civile en date du
trente Janvier deux mil vingt cinq

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Karine LACOMBE, Présidente, assistée de Estelle AYADI, Greffier

Vu les Articles 812 à 816 du Code de Procédure Civile sans demande de renvoi à la formation collégiale ;

DÉBATS

A l’audience publique du 13 Septembre 2024 le prononcé du jugement étant fixé au 10 Janvier 2025 par mise à disposition au greffe de la juridiction ;

PRONONCÉ

Par mise à disposition au Greffe le 30 Janvier 2025 après prorogation du délibéré, signé par Karine LACOMBE, Présidente, assistée de Rosalie CONTRERES, faisant fonction de Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DE LA DÉCISION :
contradictoire, en premier ressort, au fond.

DEMANDERESSE:

Syndicat de copropriétaires RESIDENCE DE L’AVENUE sise [Adresse 2] Représenté par son syndic en exercice, la SARL SAG, elle-même représentée par son représentant légal
[Adresse 5]
[Localité 1]
représentée par Me Armand ANAVE, avocat au barreau de NICE, avocat plaidant

DÉFENDERESSES:

S.A.R.L. ENTREPRISE P. QUESADA Prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Adresse 7]
[Localité 1]
représentée par Me Alexandre MAGAUD de la SCP ASSUS-JUTTNER -MAGAUD- RABHI- JUTTNER, avocats au barreau de NICE, avocats plaidant
S.A.M.C.V. L’AUXILIAIRE Prise en la personne de son représentant légal en exercice,
[Adresse 4]
[Localité 6]
représentée par Me Alexandre MAGAUD de la SCP ASSUS-JUTTNER -MAGAUD- RABHI- JUTTNER, avocats au barreau de NICE, avocats plaidant

*****

EXPOSE DU LITIGE

Selon devis signé et daté du 20 mars 2014, le syndicat des copropriétaires de la communauté immobilière RESIDENCE DE L’AVENUE a confié à la SARL ENTREPRISE P.QUESADA la réalisation de travaux de réfection de l’étanchéité d’une terrasse située au 6ème étage, partie commune de l’ensemble de copropriété sis [Adresse 2] attribuée à la jouissance exclusive de l’appartement dont elle dépend, propriété de Madame [E] [Z], pour un montant total de 30 279, 17 euros TTC.

Dans ce cadre, la SARL ENTREPRISE P. QUESADA a justifié de la souscription d’une assurance garantie décennale auprès de la société d’assurance mutuelle L’AUXILIAIRE.

Les travaux ont été régulièrement réceptionnés à la date du 08 septembre 2014.

Dans le courant de l’année 2017, Monsieur [P] [H] et Madame [M] [H], propriétaires de l’appartement situé au 5ème étage de la copropriété, sous-jacent au logement de Madame [E] [Z] situé au 6ème étage, ont constaté des infiltrations en plafond.

Le syndicat de copropriété en exercice a informé la SARL ENTREPRISE P.QUESADA ainsi que son assureur, la société d’assurance mutuelle L’AUXILIAIRE, des désordres constatés.

Une mesure d’expertise a été réalisée au mois de février 2019 par le cabinet EXETECH, mandaté par la société d’assurance mutuelle L’AUXILIAIRE, afin de déterminer l’origine du sinistre.

A la demande du syndic de copropriété de la RESIDENCE DE L’AVENUE, la société MARS ETANCHE MONACO a réalisé des travaux d’étanchéité sur la terrasse du 6ème étage de l’immeuble.

Arguant de l’absence de communication du rapport d’expertise du cabinet EXETECH et de l’échec des démarches amiables, le syndicat des copropriétaires de la communauté immobilière RESIDENCE DE L’AVENUE, Monsieur [P] [H] et Madame [M] [H] et Madame [E] [Z] ont, par acte de commissaire de justice en date du 12 août 2019, fait assigner la SARL ENTREPRISE P. QUESADA et la société d’assurance mutuelle L’AUXILIAIRE devant le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de NICE aux fins d’expertise judiciaire.

Par ordonnance en date du 19 novembre 2019, le juge des référés a ordonné une expertise et commis Monsieur [B] [W] pour y procéder.

L’expert a déposé son rapport définitif le 04 avril 2022.

Par actes de commissaire de justice en date du 23 et 24 mai 2023, le syndicat des copropriétaires de la communauté immobilière RESIDENCE DE L’AVENUE a fait assigner la SARL ENTREPRISE P. QUESADA et la société d’assurance mutuelle L’AUXILIAIRE devant le tribunal judiciaire de NICE aux fins de reconnaissance de responsabilité et réparation de ses préjudices.

Aux termes de ses dernières conclusions, régulièrement notifiées par voie électronique (RPVA) le 24 juin 2024, le syndicat des copropriétaires de la communauté immobilière RESIDENCE DE L’AVENUE sollicite du tribunal de :
– Lui donner acte qu’il ne s’oppose pas à la demande de rabat de l’ordonnance de clôture formée par la SARL ENTREPRISE P. QUESADA et son assureur L’AUXILIAIRE ;
– Juger la SARL ENTREPRISE P. QUESADA responsable des dommages invoqués par lui et constatés par l’expert judiciaire;
– Condamner solidairement la SARL ENTREPRISE P. QUESADA et la Société d’assurance mutuelle L’AUXILIAIRE à lui verser la somme de 41.910 € à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice matériel subi ;
– Condamner solidairement la SARL ENTREPRISE P. QUESADA et la Société d’assurance mutuelle L’AUXILIAIRE à lui verser la somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral ;
– Condamner solidairement la SARL ENTREPRISE P. QUESADA et la Société d’assurance mutuelle L’AUXILIAIRE aux entiers dépens de l’instance, en ce compris les frais d’expertise judiciaire (19.630 € TTC) ;
– Condamner solidairement la SARL ENTREPRISE P. QUESADA et la Société d’assurance mutuelle L’AUXILIAIRE à lui verser la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– Rappeler que l’exécution provisoire est de droit.

Au soutien de sa demande et au visa des articles 1792 et 1792-4-1 du Code civil, le syndicat des copropriétaires de la communauté immobilière RESIDENCE DE L’AVENUE souligne qu’aux termes de divers sondages et mises en eau réalisés à partir de la terrasse de Madame [E] [Z], l’expert judiciaire commis par le juge des référés a constaté des désordres et malfaçons au niveau du complexe d’étanchéité et du complexe de revêtement imputables à la SARL ENTREPRISE P.QUESADA. Il ajoute que lesdits désordres affectent les éléments constitutifs de l’ouvrage et les rendent impropres à leur destination.

En réponse aux écritures adverses, le syndicat affirme que l’intervention de la société MARS ETANCHE MONACO, au moi de juillet 2018 correspond à une intervention ponctuelle, urgente, provisoire et très localisée pour faire face au sinistre (fuite) constaté par Monsieur [P] [H] et Madame [M] [H] au niveau de leur appartement à l’occasion d’une forte intempérie. Il soutient qu’il s’agissait d’une intervention particulièrement légère, comme en atteste le faible coût facturé pour la réalisation des travaux d’étanchéité concernés.

Il conteste que les défendeurs puissent se prévaloir d’une telle intervention pour s’exonérer de leur responsabilité. Il souligne à ce titre que la société MARS ETANCHE MONACO ainsi que son assureur, la LLOYD’s ont été régulièrement mis en cause dans le cadre des opérations d’expertise judiciaire de sorte que l’expert a tenu compte de l’intervention de la société et que celle-ci doit être mise hors de cause.

Il ajoute qu’il résulte du rapport d’expertise que les dommages sont apparu au mois de février 2015, soit bien antérieurement à l’intervention litigieuse de la société MARS ETANCHE MONACO, au mois de juillet 2018.

S’agissant du préjudice matériel invoqué, le demandeur fait valoir que les désordres constatés rendent nécessaires la réfection totale de la terrasse.

S’agissant du préjudice moral, le syndicat soutient que la terrasse sera inaccessible durant toute la durée des travaux, estimée à 3 mois. Il fait plaider que les tentatives de règlement amiables du litige initiées n’ont pas pu aboutir.

Aux termes de leurs dernières conclusions, régulièrement notifiées par voie électronique (RPVA) le 28 février 2024, la SARL ENTREPRISE P.QUESADA et la société d’assurance mutuelle L’AUXILIAIRE sollicitent du tribunal de :
A titre principal,
– Juger qu’il y a lieu de rabattre l’ordonnance de clôture du 15 février 2024 ;
– Juger que la disparition des preuves du fait de l’intervention ultérieure à la réception de l’ouvrage par deux entreprises tierces, implique que le maitre d’ouvrage qui a réceptionné l’ouvrage de cette dernière sans réserve ne peut plus rechercher sa responsabilité du fait de la disparition des preuves et de la réception de leur support chacune de ces deux entreprises.
– Juger que les reprises d’étanchéité ponctuelle de la société MARS ETANCHEITE et du revêtement carrelé sur le complexe étanche réalisé initialement par elle ont modifié l’ouvrage d’origine.
– Juger que sa responsabilité n’est pas et ne peut pas être démontrée par le Syndicat des copropriétaires en l’état de la modification de son ouvrage résultant d’interventions postérieures d’autres entreprises ;
– Les mettre purement et simplement hors de cause ;
– Débouter le Syndicat des copropriétaires [Adresse 2] de l’ensemble de ses demandes ;

A titre subsidiaire
– En cas de condamnation pour réparation du préjudice moral, faire application de la franchise visée aux garanties facultatives et la déclarer opposable ;

En tout état de cause
– Condamner le Syndicat des copropriétaires de la communauté immobilière RESIDENCE DE L’AVENUE aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de la SCP ASSUS-JUTTNER AVOCATS ASSOCIES ;
– Condamner le Syndicat des copropriétaires de la communauté immobilière RESIDENCE DE L’AVENUE au paiement de la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Au soutien de leur demande principale, elles font valoir que le syndicat des copropriétaires de la communauté immobilière RESIDENCE DE L’AVENUE a fait intervenir au mois de mai et juillet 2018, la société MARS ETANCHE MONACO aux fins de réalisation d’une mise en eau et de travaux de reprise et ce, sans en informer ni consulter la SARL ENTREPRISE P.QUESADA.

Elles ajoutent qu’aucune conclusion ne saurait être valablement tirée de la mise en eau effectuée par la société MARS ETANCHE MONACO à l’issue de laquelle ont été constaté des infiltrations, alors que celle-ci a été réalisée au cours d’une période de fortes intempéries. Elles soutiennent que les travaux de reprise réalisés par la société MARS ETANCHE MONACO n’ont pas permis de mettre un terme aux infiltrations.

Elles font valoir qu’en faisant intervenir la société MARS ETANCHE MONACO sur l’ouvrage antérieurement réalisé par la SARL ENTREPRISE P.QUESADA,le syndicat des copropriétaires de la communauté immobilière RESIDENCE DE L’AVENUE a renoncé à rechercher la responsabilité de ce dernier, en le privant de tout élément de preuve.

Les défenderesses affirment que l’expert judiciaire mandaté n’a pas, dans le cadre de ses opérations, tenu compte de l’intervention de la société MARS ETANCHE MONACO ainsi que du carreleur et de leur responsabilité dans les désordres relevés alors que leur intervention à selon eux modifié l’ouvrage d’origine. Ils remettent à ce titre en cause les conclusions du rapport d’expertise.

Au soutien de leur demande subsidiaire, elles font valoir que le syndicat des copropriétaires de la communauté immobilière RESIDENCE DE L’AVENUE n’a subi aucun dommage, seuls Monsieur [P] [H] et Madame [M] [H] non parties à l’instance pouvant arguer d’un préjudice moral. Elles se prévalent finalement des dispositions du contrat d’assurance liant la SARL ENTREPRISE P. QUESADA et la société d’assurance mutuelle L’AUXILIAIRE et l’existence d’une franchise applicable aux garanties facultatives.

L’affaire a été plaidée à l’audience à juge unique du 13 septembre 2024 et clôturée à cette date.
La décision a été mise en délibéré au 10 janvier 2025.

PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, par décision mise à disposition au greffe :

DIT sans objet la demande de rabat de l’ordonnance de clôture en date du 15 février 2024 ;

DECLARE la SARL ENTREPRISE P. QUESADA responsable des désordres subis par le syndicat des copropriétaires de la communauté immobilière RESIDENCE DE L’AVENUE sur le fondement de la garantie décennale ;

CONDAMNE la SARL ENTREPRISE P. QUESADA in solidum avec la société d’assurance mutuelle L’AUXILIAIRE, en sa qualité d’assureur, à payer au syndicat des copropriétaires de la communauté immobilière RESIDENCE DE L’AVENUE la somme de 41 910 euros (quarante et un mille neuf-cent-dix euros) en réparation de son préjudice matériel ;

CONDAMNE la société d’assurance mutuelle L’AUXILIAIRE à relever et garantir la SARL ENTREPRISE P. QUESADA des condamnations prononcées à son encontre

DEBOUTE le syndicat des copropriétaires de la communauté immobilière RESIDENCE DE L’AVENUE de sa demande de condamnation solidaire de la SARL ENTREPRISE P. QUESADA et de la société d’assurance mutuelle L’AUXILIAIRE au paiement de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

CONDAMNE la SARL ENTREPRISE P. QUESADA, in solidum avec la société d’assurance mutuelle L’AUXILIAIRE, en sa qualité d’assureur aux entiers dépens de l’instance, en ce compris les frais de l’expertise judiciaire réalisée par Monsieur [B] [W] ;

CONDAMNE la SARL ENTREPRISE P. QUESADA, in solidum avec la société d’assurance mutuelle L’AUXILIAIRE, en sa qualité d’assureur à payer au syndicat des copropriétaires de la communauté immobilière RESIDENCE DE L’AVENUE la somme de 5.000 (cinq mille) euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

DEBOUTE la SARL ENTREPRISE P. QUESADA et la société d’assurance mutuelle L’AUXILIAIRE de leur demande de condamnation du syndicat des copropriétaires de la communauté immobilière RESIDENCE DE L’AVENUE sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.

Le Greffier Le Président

 


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