Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Nantes
Thématique : Problématique de l’insaisissabilité des biens dans le cadre d’une procédure de redressement judiciaire et de l’indivision.
→ RésuméConstitution des prêts immobiliersLe 6 juillet 2005, Madame [N] [O] et Monsieur [B] [D] ont contracté un prêt immobilier de 250 000 € pour l’achat d’un bien immobilier à [Adresse 16], destiné à un usage mixte. Un second prêt de 300 000 € a été contracté le 8 août 2005 pour le même bien, qualifié de « professionnel ». Procédure de redressement judiciaireLe 8 décembre 2015, le tribunal de grande instance de Nantes a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de Monsieur [B] [D]. Le principal créancier, [11], a déclaré des créances totalisant 406 517,41 € pour les deux prêts. Plan de redressementLe 29 décembre 2016, un plan de redressement a été arrêté, prévoyant le remboursement intégral du passif en deux ans. Les paiements étaient fixés à 4 701,91 € à l’homologation, 4 875,26 € en 2017, et 482 650,56 € en 2018. Réclamations et contestationsMadame [N] [O] a contesté le calcul des intérêts des prêts par une réclamation officielle en janvier 2019. Le tribunal a désigné un mandataire ad hoc pour recouvrer les dividendes dus au plan de continuation. Cependant, la réclamation de Madame [N] [O] a été déclarée irrecevable en juin 2019. Appel et assignation en licitationMadame [N] [O] a interjeté appel de la décision de rejet de sa réclamation. En juillet 2019, la SELARL [14] a assigné Madame [N] [O] et Monsieur [B] [D] en licitation partage pour vendre le bien immobilier et obtenir la portion du prix de vente revenant à Monsieur [B] [D]. Décisions judiciaires et contestationsLe 11 janvier 2022, la cour d’appel de Rennes a infirmé la décision de rejet de la réclamation de Madame [N] [O] concernant le prêt du 8 août 2015, l’invitant à saisir le juge du fond. En février 2022, Madame [N] [O] a assigné le créancier devant le tribunal judiciaire de Nantes. Arguments des partiesLa SELARL [14] a demandé le déboutement de Monsieur [B] [D] et Madame [N] [O] de leurs demandes, tout en sollicitant la vente du bien immobilier. Les défendeurs ont contesté l’application de l’article L. 526-1 du code de commerce, arguant que ce texte ne se limite pas aux procédures collectives. Motifs de la décisionLe tribunal a statué que l’article L. 526-1 protège la résidence principale de l’entrepreneur, même en l’absence de procédure collective. Il a été établi que Monsieur [B] [D] avait renoncé à cette protection en proposant un plan de redressement, ce qui a conduit à ordonner le partage de l’indivision sur le bien immobilier. Vente aux enchères et modalitésLe tribunal a ordonné la vente aux enchères publiques de la maison d’habitation, fixant la mise à prix à 950 000 €. Les modalités de publicité de la vente ont été établies, incluant des annonces dans des journaux et un placard à proximité du bien. Condamnation aux dépensLes défendeurs ont été condamnés aux dépens et à verser une somme de 3 000 € à la SELARL [14] pour couvrir les frais engagés dans le cadre de la procédure. |
A.D
F.C
LE 09 JANVIER 2025
Minute n°
N° RG 19/03952 – N° Portalis DBYS-W-B7D-KGM2
S.E.L.A.R.L. [14] représentée par Maître [Y] [R], mandataire judiciaire, ès qualité de mandataire ad hoc chargé de recouvrer les dividendes du plan de redressement de Monsieur [B] [D], par jugement du Tribunal de Grande Instance de NANTES du 12 février 2019
C/
[B] [D]
[N] [O]
Le 09/01/2025
copie exécutoire
et
copie certifiée conforme
délivrée à
Me NIHOUARN – CP8
copie certifiée conforme
délivrée à
Me VINCE – CP263
copie certifiée conforme
délivrée au notaire
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTES
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PREMIERE CHAMBRE
Jugement du NEUF JANVIER DEUX MIL VINGT CINQ
Composition du Tribunal lors des débats et du délibéré :
Président : Géraldine BERHAULT, Première Vice-Présidente,
Assesseur : Marie-Caroline PASQUIER, Vice-Présidente,
Assesseur : Florence CROIZE, Vice-présidente,
GREFFIER : Audrey DELOURME
Débats à l’audience publique du 05 NOVEMBRE 2024.
En présence d’[J] [H], auditrice de justice.
Prononcé du jugement fixé au 09 JANVIER 2025, date indiquée à l’issue des débats.
Jugement Contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe.
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ENTRE :
S.E.L.A.R.L. [14] représentée par Maître [Y] [R], mandataire judiciaire, ès qualité de mandataire ad hoc chargé de recouvrer les dividendes du plan de redressement de Monsieur [B] [D], par jugement du Tribunal de Grande Instance de NANTES du 12 février 2019, dont le siège social est sis [Adresse 10]
Représentée par Me François-xavier NIHOUARN, avocat au barreau de NANTES
DEMANDERESSE.
D’UNE PART
ET :
Monsieur [B] [D]
né le [Date naissance 3] 1951 à [Localité 18], demeurant [Adresse 16]
Représenté par Me Sébastien VINCE, avocat au barreau de NANTES
Madame [N] [O]
née le [Date naissance 2] 1961 à [Localité 13] (BELGIQUE), demeurant [Adresse 16]
Représentée par Me Sébastien VINCE, avocat au barreau de NANTES
DEFENDEURS.
D’AUTRE PART
EXPOSE DU LITIGE
Le 6 juillet 2005, Madame [N] [O] et son compagnon, Monsieur [B] [D], ont contracté conjointement, auprès de la [11], un prêt immobilier d’un montant principal de 250 000 € pour l’achat d’un bien immobilier situé à [Adresse 16], et destiné à un usage mixte de maison d’habitation et de local professionnel pour l’activité d’architecte naval exercée par Monsieur [B] [D] à titre individuel.
Le 8 août 2005, le couple a contracté conjointement, auprès du [11], un second prêt immobilier dit “professionnel” d’un montant principal de 300 000 € pour l’achat du même bien immobilier.
Par jugement du 8 décembre 2015, le tribunal de grande instance de Nantes a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de M. [B] [D].
Le [11], principal créancier de M. [B] [D], a déclaré au passif de celui-ci :
– une créance de 176 382,17 € au titre du prêt du 6 juillet 2005,
– une créance de 230 135,24 € au titre du prêt du 8 août 2005.
Par jugement du 29 décembre 2016, le tribunal de grande instance de Nantes a arrêté un plan de redressement au bénéfice de M. [B] [D] prévoyant le remboursement de 100% du passif, provisoirement arrêté a 492 227,73 €, en 2 ans dans les conditions suivantes :
– 4 701,91 € à l’homologation,
– 4 875,26 € le 29 décembre 2017,
– 482 650,56 € le 29 décembre 2018.
Le 15 juin 2017, l’état des créances du 2 mai 2017 a été publié au BODACC.
Par ordonnance du 19 septembre 2017, le juge commissaire du tribunal de grande instance de Nantes a prononcé l’admission de la créance déclarée par le [11] au titre du prêt du 6 juillet 2005.
Par ordonnance du 29 septembre 2017, le juge commissaire du tribunal de grande instance de Nantes a prononcé l’admission de la créance déclarée par le [11] au titre du prêt du 8 août 2005.
Estimant que des irrégularités affectaient le calcul des intérêts des prêts, Mme [N] [O] a officialisé, par l’intermédiaire de son conseil, une réclamation à l’état des créances par lettre recommandée avec avis de réception au greffe du tribunal de grande instance de Nantes du 19 janvier 2019.
Par jugement du 12 février 2019, le tribunal de grande instance de Nantes a désigné Maître [Y] [R] en qualité de mandataire ad hoc avec pour mission de réaliser toute démarche pour recouvrer les dividendes prévus au plan de continuation arrêté au profit de [B] [D] par le jugement du tribunal de grande instance de Nantes du 29 décembre 2016.
Par ordonnance du 18 juin 2019, le juge commissaire du tribunal de grande instance de Nantes a déclaré irrecevable la réclamation à l’état des créances de Mme [N] [O].
Le 28 juin 2019, Mme [N] [O] a interjeté appel de cette décision.
Par acte du 26 juillet 2019, la SELARL [14], représentée par Maître [R], en sa qualité de mandataire ad hoc chargé de recouvrer les dividendes du plan de redressement de [B] [D], a assigné Mme [N] [O] et M. [B] [D] en licitation partage devant le tribunal de grande instance de Nantes, afin d’obtenir la vente à la barre de la présente juridiction de la maison d’habitation susmentionnée et l’attribution à son profit, après partage de l’indivision, de la portion du prix de vente de l’immeuble revenant à [B] [D], sur le fondement des articles 815-17 et suivants, et 1341-1 du code civil.
Par ordonnance du 6 janvier 2022, le juge de la mise en état a notamment rejeté la demande de sursis à statuer dans l’attente d’une décision judiciaire définitive dans le cadre de la réclamation à l’état des créances du redressement judiciaire de M. [B] [D], alors pendante devant la cour d’appel de Rennes, présentée par M. [B] [D] et Mme [N] [O].
Par arrêt du 11 janvier 2022, la cour d’appel de Rennes a infirmé l’ordonnance du juge commissaire du tribunal de grande instance de Nantes du 18 juin 2019, déclaré recevables les contestations de Mme [N] [O] à l’encontre des créances déclarées par le [11], rejeté la contestation de cette dernière au titre du prêt du 6 juillet 2015, déclaré sérieuse sa contestation au titre du prêt du 8 août 2015 et l’a invitée à saisir le juge du fond compétent, l’examen du bien-fondé de cette contestation excédant les pouvoirs de la cour d’appel statuant sur le recours d’une décision du juge commissaire.
Par acte du 28 février 2022, Mme [N] [O] a assigné le [11] devant le tribunal judiciaire de Nantes afin qu’il statue sur sa contestation.
En l’état de ses dernières conclusions communiquées par la voie électronique le 10 octobre 2022, la SELARL [14], représentée par Maître [Y] [R], mandataire judiciaire, en sa qualité de mandataire ad hoc chargé de recouvrer les dividendes du plan de redressement de M. [B] [D], demande au tribunal, sur le fondement des articles 1341-1 et 815-17 et suivants du code civil, L. 526-1 du code de commerce, de:
débouter M. [B] [D] et Mme [N] [O] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
en conséquence,
ordonner les opérations de compte, liquidation et partage entre M. [B] [D], d’une part, et Mme [N] [O], d’autre part, sur le bien immobilier ainsi désigné:Ville et commune d’[Localité 15]
[Adresse 16]
Lieudit “[Adresse 16]”
Cadastré section [Cadastre 12], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 4] et [Cadastre 1]
pour une contenance de 137a 255 ca
Bien acquis suivant acte reçu par Maître [A], notaire associé à [Localité 17] le 25 août 2005;
commettre pour y procéder Monsieur le Président de la Chambre des Notaires ou son délégataire, sous la surveillance du juge de la mise en état ;
préalablement,
ordonner la vente dudit bien à la barre du tribunal de grande instance de Nantes, sur le cahier des conditions de la vente établie par Maître François-Xavier Nihouarn, avocat au barreau de Nantes ;fixer la mise à prix à 950 000 euros ;ordonner les conditions de publicité auxquelles la vente sera soumise;s’entendre condamner M. [B] [D] à payer à Maître [Y] [R], en sa qualité de mandataire ad hoc la somme de 5 000 euros, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’en tous les dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.A titre liminaire, la SELARL [14], ès qualités, conteste que l’article L. 526-1, alinéa 1er, du code de commerce soit applicable en l’espèce, puisque cet article trouve à s’appliquer uniquement pour les entrepreneurs individuels en procédure collective, et tout particulièrement en liquidation judiciaire. En effet, cette procédure a vocation à dessaisir les débiteurs de la gestion de leurs biens et ce dessaisissement n’est aujourd’hui plus possible sur la résidence principale du débiteur en liquidation judiciaire, depuis la loi du 6 août 2015 instituant cet article L. 526-1. Elle relève que M. [D] n’a jamais été en procédure de liquidation judiciaire et qu’en tout état de cause, il se trouve aujourd’hui être in bonis par l’effet de l’adoption du plan de redressement à son avantage par un jugement du tribunal de commerce de Nantes du 29 décembre 2016. Il estime donc que M. [D] n’est en l’état plus en procédure collective. Elle rappelle que Maître [R] ne représente pas la procédure collective mais qu’il intervient en qualité de mandataire ad hoc chargé de recouvrer les dividendes du plan de redressement de M. [D], en vendant le bien litigieux, ainsi que celui-ci s’y était engagé il y a maintenant près de six ans et demi.
A l’appui de ses demandes, elle rappelle que M. [D] est redevable de la somme totale échue de 544 178,09 euros et que son plan de redressement a été élaboré et adopté sur la base de la cession de son bien immobilier, dont le prix de vente devait venir éteindre le passif. Elle fait observer que deux ans et demi après l’adoption du plan, M. [D] n’a pas procédé à la vente de son bien et que s’il a pu faire part d’éventuels acquéreurs, uniquement en janvier 2019 au moment où il s’est trouvé contraint de le faire en raison des procédures engagées, il n’a jamais démontré sa volonté d’opérer rapidement la vente. Elle estime que M. [D] n’ayant pas réglé le montant des dividendes dues au titre du plan de redressement, elle est bien fondée à engager une procédure en licitation, à l’effet de provoquer le partage du bien immobilier dont M. [D] est propriétaire en indivision par moitié en pleine propriété.
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Dans le dernier état de leurs conclusions notifiées par RPVA le 6 avril 2023, Mme [N] [O] et M. [B] [D] sollicitent du tribunal, au visa de l’article L. 526-1 du code de commerce:
débouter Me [R], ès qualités, de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;condamner Me [R], ès qualités, à leur payer la somme de 3 000 euros chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;condamner le même aux entiers dépens de l’instance.
Ils contestent que le bénéfice de l’article L. 526-1 du code de commerce, rendant de droit insaisissables les droits du débiteur sur l’immeuble où est fixée sa résidence principale, soit réservé aux personnes physiques faisant l’objet d’une procédure collective. Ils soulignent que ce texte appartient au livre V du code de commerce, intitulé “des effets de commerce et des garanties” et non au livre VI “des difficultés des entreprises”. Ils estiment que l’existence d’une procédure collective au moment où le juge statue n’est pas une condition d’application dudit texte. Ils en concluent que si le redressement judiciaire de M. [D] a aujourd’hui pris fin, le fait que celui-ci soit désormais in bonis n’est pas susceptible de faire obstacle à l’application de l’insaisissabilité légale.
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Au-delà de ce qui a été repris pour les besoins de la discussion et faisant application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est référé pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties à leurs dernières conclusions susvisées.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 10 septembre 2024.
PAR CES MOTIFS,
Le Tribunal,
Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,
ORDONNE le partage de l’indivision immobilière entre Monsieur [B] [D] et Madame [N] [O], portant sur le bien sis [Adresse 16], lieudit “[Adresse 16]”, [Localité 15] [Localité 15], cadastré section [Cadastre 12], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 4] et [Cadastre 1] pour une contenance de 137 a, 255 ca, acquis suivant acte reçue par Maître [A], notaire associé à [Localité 17] le 25 août 2005;
DÉSIGNE à cet effet Maître [C] [T], notaire à [Localité 15], avec mission de procéder aux opérations de compte, liquidation et partage dudit bien ;
COMMET le juge commis du tribunal judiciaire de Nantes pour surveiller lesdites opérations et faire rapport en cas de difficultés conformément aux articles 1365 et suivants du code de procédure civile ;
ORDONNE la vente sur licitation aux enchères publiques, à la barre du tribunal judiciaire de Nantes, sur le cahier des conditions de vente qui sera déposé par Maître François-Xavier Nihouarn, avocat au barreau de Nantes, dudit bien ;
FIXE la mise à prix à la somme de 950 000 euros ;
FIXE les modalités de publicité de la vente comme suit :
* une annonce dans un journal d »annonces légales,
* deux avis simplifiés dans des journaux périodiques,
* un placard à proximité du bien à vendre ;
REJETTE la demande présentée par Monsieur [B] [D] et Madame [N] [O] au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
CONDAMNE Monsieur [B] [D] et Madame [N] [O] à verser à la SELARL [14], représentée par Maître [Y] [R], pris en sa qualité de mandataire ad hoc chargé de recouvrer les dividendes du plan de redressement de Monsieur [B] [D], la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Monsieur [B] [D] et Madame [N] [O] aux dépens, qui seront recouvrés directement conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
Audrey DELOURME Géraldine BERHAULT
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