Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Nantes
Thématique : Responsabilité parentale et négligence dans la sécurisation des biens immobiliers
→ Résuméhtml
Exposé du litigeLa SAS ART ET BATIMENT possède des bâtiments industriels à [Adresse 7], [Localité 13]. Un incendie a eu lieu le 09 février 2017, entraînant des dommages évalués à 576.994,23 euros HT. La compagnie MS AMLIN INSURANCE SE a indemnisé son assurée pour 203.265,16 euros. Quatre mineurs ont été condamnés pour leur implication dans l’incendie. Les assureurs ont été mis en demeure de régler les dommages le 09 novembre 2020, et la MACIF a versé 144.248,56 euros. Procédure judiciaireLe 21 décembre 2021, la SAS ART ET BATIMENT et MS AMLIN INSURANCE SE ont assigné plusieurs compagnies d’assurance devant le tribunal de Nantes pour obtenir une indemnisation. Ils ont demandé la reconnaissance de la responsabilité des mineurs et de leurs parents, ainsi que la prise en charge des préjudices. Les défendeurs ont contesté la demande, invoquant une faute de la victime pour justifier une réduction de l’indemnisation. Arguments des partiesLa SAS ART ET BATIMENT a soutenu que l’incendie était dû à l’intrusion des mineurs, et a contesté les allégations de négligence. Les assureurs des mineurs ont fait valoir que la société ART ET BATIMENT avait laissé le bâtiment sans surveillance, ce qui avait facilité l’intrusion. Ils ont demandé une réduction de l’indemnisation en raison de cette faute. Responsabilité des parentsLes parents des mineurs ont été jugés responsables in solidum des dommages causés par leurs enfants, conformément à l’article 1242 du code civil. Les assureurs des parents doivent couvrir les préjudices subis par la SAS ART ET BATIMENT. Faute de la société ART ET BATIMENTLe tribunal a reconnu que la société ART ET BATIMENT avait commis une faute en ne sécurisant pas suffisamment le bâtiment, ce qui a contribué à l’incendie. Cette faute a été évaluée à 20% de la responsabilité totale, réduisant ainsi le montant de l’indemnisation. Indemnisation demandéeLa SAS ART ET BATIMENT a demandé une indemnisation de 234.974,60 euros, correspondant aux dommages subis après déduction des sommes déjà perçues. Le tribunal a ordonné le paiement de cette somme, en tenant compte de la réduction de 20% pour la faute de la société. Demande de la société MS AMLIN INSURANCE SELa société MS AMLIN a également demandé une indemnisation pour les sommes versées à son assurée. Le tribunal a reconnu son droit à la subrogation et a ordonné le paiement d’une somme de 162.612,13 euros, après déduction de la part de responsabilité de la société ART ET BATIMENT. Appels en garantieLes assureurs ont été condamnés à se garantir mutuellement en fonction de leurs parts de responsabilité. Le tribunal a précisé que chaque assureur devait couvrir un tiers des condamnations prononcées. Autres demandesLe tribunal a également statué sur les intérêts et les dépens, condamnant les assureurs à verser des indemnités pour les frais engagés par la SAS ART ET BATIMENT et MS AMLIN INSURANCE SE. L’exécution provisoire du jugement a été ordonnée. |
SG
LE 03 JANVIER 2025
Minute n°
N° RG 22/00061 – N° Portalis DBYS-W-B7F-LLKQ
S.A.S. Art & Bâtiment
Société MS Amlin Insurance SE
C/
Mutuelle MAE
Compagnie d’assurance THELEM ASSURANCES
Compagnie d’assurance PACIFICA
Caisse CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS DE LA LOIRE exerçant sous l’enseigne : GROUPAMA LOIRE BRETAGNE
Demande en réparation des dommages causés par un mineur ou un majeur, formée contre les parents ou la personne contrôlant son mode de vie ou son activité
1 copie exécutoire et certifiée conforme à :
la SELARL ARMEN
Me Cédric BEUTIER – 209
la SCP IPSO FACTO AVOCATS – 213
la SELARL MEN BRIAL AVOCATS – 224 – Me Audrey GICQUEL – 224
la SELARL THOMAS-TINOT AVOCAT – 291
délivrées le
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTES
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QUATRIEME CHAMBRE
JUGEMENT
du TROIS JANVIER DEUX MIL VINGT CINQ
Composition du Tribunal lors du délibéré :
Président : Stéphanie LAPORTE, Juge,
Assesseur : Nathalie CLAVIER, Vice Présidente,
Assesseur : Laëtitia FENART, Vice-Présidente,
GREFFIER : Sandrine GASNIER
Débats à l’audience publique du 01 OCTOBRE 2024 devant Stéphanie LAPORTE, siégeant en Juge Rapporteur, sans opposition des avocats, qui a rendu compte au Tribunal dans son délibéré.
Prononcé du jugement fixé au 28 NOVEMBRE 2024 prorogé au 03 JANVIER 2025.
Jugement Contradictoire rédigé par Stéphanie LAPORTE, prononcé par mise à disposition au greffe.
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ENTRE :
S.A.S. Art & Bâtiment, dont le siège social est sis [Adresse 12] – [Localité 3]
Rep/assistant : Maître Matthieu CAOUS-POCREAU de la SCP IPSO FACTO AVOCATS, avocats au barreau de NANTES
Société MS Amlin Insurance SE, dont le siège social est sis [Adresse 5] – [Localité 8]
Rep/assistant : Maître Matthieu CAOUS-POCREAU de la SCP IPSO FACTO AVOCATS, avocats au barreau de NANTES
DEMANDERESSES.
D’UNE PART
ET :
Mutuelle MAE, dont le siège social est sis [Adresse 6] – [Localité 10]
Rep/assistant : Me Cédric BEUTIER, avocat au barreau de NANTES
Compagnie d’assurance THELEM ASSURANCES, dont le siège social est sis [Adresse 14] – [Localité 4]
Rep/assistant : Maître Christophe SIMON-GUENNOU de la SELARL MEN BRIAL AVOCATS, avocats au barreau de NANTES
Rep/assistant : Me Audrey GICQUEL, avocat au barreau de NANTES
Compagnie d’assurance PACIFICA, dont le siège social est sis [Adresse 11] – [Localité 9] / FRANCE
Rep/assistant : Maître Gaëtane THOMAS-TINOT de la SELARL THOMAS-TINOT AVOCAT, avocats au barreau de NANTES
Caisse CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS DE LA LOIRE exerçant sous l’enseigne : GROUPAMA LOIRE BRETAGNE, dont le siège social est sis [Adresse 1] – [Localité 2]
Rep/assistant : Maître Martine GRUBER de la SELARL ARMEN, avocats au barreau de SAINT-NAZAIRE
DEFENDERESSES.
D’AUTRE PART
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EXPOSE DU LITIGE
La SAS ART ET BATIMENT est propriétaire d’un ensemble de bâtiments à usage industriel, sis [Adresse 7] à [Localité 13]. Le 09 février 2017, un incendie s’est déclaré dans l’enceinte du bâtiment. La compagnie MS AMLIN INSURANCE SE a indemnisé son assurée à hauteur de 203.265,16 euros.
Suite à une enquête pénale, quatre mineurs ont été condamnés par le tribunal pour enfants : Monsieur [R] [D], assuré auprès de la MAE, Monsieur [P] [N], assuré auprès de la compagnie THELEM, Monsieur [C] [K], assuré auprès de la société PACIFICA et de la compagnie GROUPAMA, Monsieur [W] [L], assuré auprès de la MACIF.
Les dommages ont été estimés à la somme de 576.994,23 euros HT et les assureurs ont été mis en demeure de régler cette somme le 09 novembre 2020.
La MACIF a réglé la somme de 144.248,56 euros.
Par exploit du 21 décembre 2021, la SAS ART ET BATIMENT et son assureur la compagnie MS AMLIN INSURANCE SE ont fait assigner la société MAE, la société THELEM ASSURANCES, la société PACIFICA et la société GROUPAMA devant le tribunal judiciaire de Nantes, aux fins d’indemnisation des préjudices liés à l’incendie du 09 février 2017.
Par dernières conclusions du 23 août 2024, la SAS ART ET BATIMENT et son assureur la compagnie MS AMLIN INSURANCE SE ont sollicité du tribunal, au visa de l’article 1242 alinéa 4 du code civil, des articles L.121-12 et L.124-3 du code des assurances,
Juger que les mineurs [R] [D], [P] [N] et [C] [K] sont responsables de l’incendie survenu le 09 février 2017 au [Adresse 7] à [Localité 13] ;
Juger que Madame [E] [S] est civilement responsable des agissements de son fils [R] [D],
Juger que Madame [X] est civilement responsable des agissements de son fils [P] [N],
Juger que Madame [B] et Monsieur [J] [K] sont civilement responsables des agissements de leur fils [C] [K],
Juger que la société Arts & Bâtiment est recevable et bien fondée à exercer un recours à l’encontre des assureurs des parents précités, les compagnie MAE, Pacifica, Caisse Régionale d’Assurances Mutuelles Agricoles Bretagne Pays de Loire et Thelem Assurances,
Juger que la compagnie MS Amlin Insurance SE est recevable et bien fondée à exercer un recours subrogatoire à l’encontre des assureurs des parents précités, les compagnies MAE, Pacifica, Caisse Régionale d’Assurances Mutuelles Agricoles Bretagne Pays de Loire et Thelem Assurances,
Juger qu’aucune faute de la victime ne peut être opposée à la société ART ET BATIMENT et à son assureur la compagnie MS Amlin Insurance SE,
En conséquence,
Débouter les compagnies MAE, Pacifica, Caisse Régionale d’Assurances Mutuelles Agricoles Bretagne Pays de Loire et Thelem Assurances de leurs demandes,
Condamner in solidum les compagnies MAE, Pacifica, Thelem Assurances et Caisse Régionale d’Assurances Mutuelles Agricoles Bretagne Pays de Loire à payer à la société Art & Bâtiment la somme de 234.974,60 euros avec intérêts au taux légal à compter de la première mise en demeure du 9 novembre 2020, avec capitalisation des intérêts conformément à l’article 1343-2 du code civil,
Condamner in solidum les compagnies MAE, Pacifica, Thelem Assurances et Caisse Régionale d’Assurances Mutuelles Agricoles Bretagne Pays de Loire à payer à la compagnie MS Amlin Insurance SE la somme de 203.265,16 euros avec intérêts au taux légal à compter de la première mise en demeure du 9 novembre 2020, avec capitalisation des intérêts conformément à l’article 1343-2 du code civil,
Condamner in solidum les compagnies MAE, Pacifica, Thelem Assurances et Caisse Régionale d’Assurances Mutuelles Agricoles Bretagne Pays de Loire à payer à la société Art & Bâtiment la somme de 5000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamner in solidum les compagnies MAE, Pacifica, Thelem Assurances et Caisse Régionale d’Assurances Mutuelles Agricoles Bretagne Pays de Loire à payer à la société MS Amlin Insurance SE la somme de 5000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamner in solidum les compagnies MAE, Pacifica, Thelem Assurances et Caisse Régionale d’Assurances Mutuelles Agricoles Bretagne Pays de Loire aux entiers dépens de la procédure,
Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.
A l’appui de leurs conclusions, la SAS ART ET BATIMENT et son assureur MS AMLIN INSURANCE SE font valoir que l’incendie qui a endommagé le bâtiment le 09 février 2017 est le fait de quatre mineurs qui ont été identifiés et condamnés pénalement. Ils font ainsi valoir la responsabilité de leurs parents sur le fondement de l’article 1242 alinéa 4 du code civil. Ils contestent la demande d’exonération partielle des défendeurs fondée sur une faute de la victime, qui n’aurait pas mis en place les moyens de surveillance et de gardiennage nécessaires pour empêcher la pénétration d’individus dans l’enceinte de son bâtiment, alors que la présence de tags avait déjà été relevée. Ils font valoir des rapports produits par les assureurs, faisaient état du fait que le bâtiment était clôturé et indiquent que la sécurité du bâtiment avait été renforcée après l’achat et était régulièrement surveillé par le gérant et son fils. Ils précisent que le bâtiment avait été inoccupé avant son acquisition le 15 novembre 2016, pendant un an et demi, ce qui peut expliquer la présence de tags. Ils soulignent, qu’aucun des éléments produits ne permet de justifier du fait que des intrusions aient eu lieu depuis l’acquisition des locaux et que la société ART ET BATIMENT en avait eu connaissance. Ils contestent le bien-fondé de l’argument basé sur l’application d’une franchise par l’assureur de la société ART ET BATIMENT, comme démontrant l’existence d’une faute imputable à celle-ci, ou de celui basé sur la mise en place d’une alarme anti intrusion après l’incendie.
Sur les dommages, la société ART ET BATIMENT sollicite la prise en charge de son découvert de garantie et conteste l’argument selon lequel la vétusté n’aurait pas été prise en charge, alors que cette dernière n’intervient que dans les rapports de l’assuré avec son assureur, que la compagnie MS AMLIN n’est pas adhérente de France Assurances et qu’il convient d’appliquer le principe de la réparation intégrale. Elle conteste également le chiffrage invoqué par la société PACIFICA, alors que les parties s’étaient mises d’accord sur le montant à retenir et l’argument selon lequel les travaux non réalisés par la demanderesse ne peuvent être indemnisés.
La société MS AMLIN sollicite l’indemnisation de la somme versée à son assuré, dont elle est subrogée dans les droits. Elle conteste la fin de non-recevoir opposée par la société THELEM, en rappelant notamment qu’elle relevait de la seule compétence du juge de la mise en état. Elle indique justifier du règlement de l’indemnité à son assuré en application du contrat d’assurance, ce qui suffit à justifier d’un recours subrogatoire fondé sur l’article L121-12 du code des assurances. Elle conteste également l’argument opposé par la société PACIFICA concernant la possibilité de condamner les assureurs in solidum, dès lors que la clause de ses conditions générales n’est pas opposable aux demandeurs et ne peut être invoquée que dans les rapports entre codébiteurs, ainsi que celui de la MAE s’opposant à la prise en charge des frais d’expertise amiable.
Par dernières conclusions du 03 septembre 2024, la SA PACIFICA a sollicité du tribunal, au visa de l’article 1242 du code civil, de l’article L. 121-12 du code des assurances, des articles 699 et 700 du code de procédure civile, de :
– juger que la société ART & BATIMENT a commis une faute susceptible de réduire son droit à indemnisation,
– juger que la faute de la société ART & BATIMENT justifie une réduction de son droit à indemnisation de 50%,
– juger que la société MS AMLIN INSURANCE SE doit prouver sa subrogation qui est limitée aux sommes réellement versées,
– juger que la société MS AMLIN INSURANCE SE, subrogée, ne peut avoir plus de droits que son assurée la société ART & BATIMENT,
– juger que PACIFICA et GROUPAMA prendront en charge, chacun, la moitié des conséquences des actes commis par [C] [K],
– juger que le contrat souscrit auprès de PACIFICA garantit uniquement la quote-part de son assuré,
En conséquence,
Condamner la société PACIFICA à verser une somme de 15 892,65 €, à charge pour le Tribunal de répartir cette somme entre les sociétés ARTS et BATIMENT et MS AMLIN INSURANCE,
Rejeter la demande d’intérêts des sociétés ART & BATIMENT et MS AMLIN INSURANCE SE,
Rejeter toute demande de condamnation in solidum,
Rejeter toute autre demande à l’encontre de PACIFICA,
Limiter les frais irrépétibles à une somme de 1000 euros mise à la charge de chacun des 3 mineurs et de leur civilement responsable,
Mettre les dépens mis à la charge de chacun des 3 mineurs et de leur civilement responsable.
A l’appui de ses conclusions, la société PACIFICA fait valoir la faute de la victime pour solliciter une limitation de l’indemnisation à 50%. Elle indique que la société ART ET BATIMENT a contribué à son préjudice en ayant laissé son immeuble sans surveillance et en ayant permis à des individus de s’y introduire pour le dégrader avant même le sinistre du 09 février 2017. Elle souligne que le bâtiment acquis en novembre 2016 était vide depuis plusieurs mois et laissé à l’abandon et que la société ART ET BATIMENT savait qu’il avait déjà fait l’objet d’intrusions. Elle indique que la société MS AMLIN a de ce fait imposé une réduction de 200.000 euros à son assuré, que celui-ci n’a pas contesté. Elle souligne que la société ART ET BATIMENT ne justifie pas d’une sécurisation des lieux à compter de leur acquisition. Cette absence de sécurisation ayant favorisé l’intrusion des auteurs, la société ART ET BATIMENT a commis une faute en lien avec le préjudice qu’elle a subi et son indemnisation doit être réduite de 50%, ainsi que celle de son assureur qui est subrogé dans ses droits.
S’agissant des sommes réclamées, la société PACIFICA fait valoir qu’il convient de prendre en compte l’état initial du bâtiment et de partir de la valeur de l’immeuble avant sinistre. Elle conteste la prise en compte des frais de désamiantage et de maîtrise d’œuvre qui étaient déjà nécessaires avant l’incendie et fait valoir que le préjudice indemnisable ne peut prendre en compte les frais que la demanderesse a engagé pour reconditionner l’immeuble.
S’agissant de la somme réclamée par la société MS AMLIN, la société PACIFICA fait valoir qu’elle ne produit qu’une seule quittance pour une somme de 123.553,89 euros, permettant de justifier des versements effectués par l’assureur au profit de son assuré.
Par dernières conclusions du 20 mars 2023, la société THELEM ASSURANCES a sollicité du tribunal, au visa de l’article 1242 alinéa 4 du code civil, de l’article 1240 du code civil, des articles L.121-1, L. 121-2 et L.121-12 du code des assurances, de :
Juger recevable et bien fondée la société THELEM ASSURANCES en ses demandes, fins et conclusions,
Exonérer les civilement responsables de 30% de leur responsabilité en raison des fautes commises par la société ART & BATIMENT,
Réduire de 30% les demandes de condamnations des sociétés ART & BATIMENT et MS AMLIN,
Appliquer un coefficient de vétusté de 12% aux demandes de condamnations des sociétés ART & BATIMENT et MS AMLIN,
Limiter le montant des sommes susceptibles d’être réclamées par la société ART & BATIMENT à la somme de 7.735,86 €,
Limiter le montant des sommes susceptibles d’être réclamées par la société MS AMLIN à la somme de 76.109,20 €,
Juger que la société THELEM ASSURANCES ne pourra être condamnée à verser à la société ART & BATIMENT que la somme maximale de 2.578,62 €.
Juger que la société THELEM ASSURANCES ne pourra être condamnée à verser à la société MS AMLIN que la somme maximale de 19.027,30 €.
En conséquence
Débouter les sociétés ART & BATIMENT et MS AMLIN de toutes demandes de condamnation supérieures aux sommes de 2.578,62 € et 19.027,30 €.
Appliquer une franchise de 230 € aux sommes qui seraient mises à la charge de la société THELEM ASSURANCES,
Condamner les sociétés MAE, PACIFICA, GROUPAMA, ART & BATIMENT et MS AMLIN de la relever et garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre qui seraient supérieures :
D’une part à la somme de 2.578,62 € au bénéfice de la société ART & BATIMENT,
D’autre part à la somme de 19.027,30 € au bénéfice de la société MS AMLIN.
Condamner les sociétés ART & BATIMENT et MS AMLIN à verser à la société THELEM ASSURANCES la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Débouter les sociétés ART & BATIMENT et MS AMLIN de leurs demandes formées au titre des frais irrépétibles,
Subsidiairement, Réduire la somme réclamée au titre de l’article 700 du code de procédure civile à la somme globale de 1.500 €,
Condamner les mêmes aux dépens.
A l’appui de ses conclusions, la société THELEM ASSURANCES oppose la faute de la victime à la responsabilité de ses assurés. Elle soutient que la société ART ET BATIMENT savait que le bâtiment avait déjà fait l’objet d’intrusions et de dégradations, mais n’a pas pour autant sécurisé les lieux. Elle relève que les rapports d’expertise réalisés ont mis en évidence ces détériorations et le fait que le grillage présentait des déformations laissant penser à des intrusions. Elle soutient que ces faits étaient connus du demandeur lors de l’acquisition de l’immeuble et que ce dernier ne justifie d’aucune mesure visant à sécuriser les lieux. Elle fait valoir que l’assureur de la société ART ET BATIMENT a, sur cette base, appliqué une franchise de 200.000 euros, considérant qu’elle n’avait pas respecté les obligations imposées par le contrat d’assurance en cas de bâtiment vide. Elle sollicite une réduction de l’indemnisation de 30%.
Concernant les demandes de la société ART ET BATIMENT, la société THELEM considère que le découvert de garantie n’est pas justifié et qu’il ne peut être tenu compte de la valeur à neuf de l’immeuble, sans lui appliquer un coefficient de vétusté de 12%, qui peut être retenu, à titre exceptionnel, en matière de responsabilité civile, notamment lorsque l’immeuble était inoccupé depuis de nombreuses années et était laissé à l’abandon. Elle considère qu’il convient également de déduire les sommes déjà versées à la société ART ET BATIMENT, par son assureur, par la MACIF et par CGB EXPERTISES.
Sur les demandes de la société MS AMLIN, la société THELEM considère qu’elle ne justifie pas du montant sollicité, dès lors qu’elle ne produit qu’une quittance d’indemnité et qu’elle ne tient pas compte du coefficient de vétusté retenu dans le cadre de l’expertise amiable, ainsi que de la réduction de 30% du droit à indemnisation de son assuré.
La société THELEM ASSURANCES demande à ne verser que la part qui lui revient et, à titre subsidiaire, entend appeler en garantie les autres assureurs.
Enfin, la société THELEM ASSURANCES oppose une franchise de 230 euros.
Par dernières conclusions du 30 mai 2023, la MAE a sollicité du tribunal au visa de l’article 1242 alinéa 4 du code civil, et de l’article L121-12 du code des assurances de :
Fixer à parts égales la contribution des civilement responsables de Messieurs [R] [D], [P] [N] et [C] [K] dans les dommages subis par les sociétés ART & BÂTIMENT et MS AMLIN INSURANCE SE et restant à indemniser soit les sommes de 165.479,76 euros pour la première et 119.205,85 euros pour la seconde ;
Réduire d’un taux qui ne pourra être inférieur à 30 % l’indemnisation due par Madame [E] [S] et les civilement responsables de Monsieur [R] [D] au motif que la société ART & BÂTIMENT a commis une faute de négligence et d’imprudence ayant concouru à la réalisation de son propre dommage ;
En conséquence
Fixer à 38.611,94 euros la somme dû par la MAE au bénéfice de la société ART & BÂTIMENTS
Fixer à 39.735,28 euros la somme dû par la MAE au bénéfice de la société MS AMLIN
Rejeter l’ensemble des demandes formulées par les sociétés ART & BÂTIMENT, MS AMLIN INSURANCE SE et la société THELEM ASSURANCE à l’encontre de Madame [E] [S] et de son assureur la MAE pour le surplus.
Rejeter les demandes formulées par les sociétés ART & BÂTIMENT et MS AMLIN INSURANCE SE au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamner les sociétés ART & BÂTIMENT et MS AMLIN INSURANCE SE aux entiers dépens.
A l’appui de ses conclusions, la MAE ne conteste pas la responsabilité de Madame [E] [S], pour les faits commis par son fils [R] [D], mais fait valoir une faute de la société ART ET BATIMENT, dès lors que le bâtiment était régulièrement squatté, pillé et dégradé et qu’en ayant connaissance de cette situation, elle n’a rien mis en place pour le sécuriser. Elle souligne que l’expert judiciaire a également relevé que la clôture présentait plusieurs endroits éventrés non liés à l’intervention des secours. Elle considère qu’elle a commis une faute d’imprudence en n’assurant pas la sécurisation des lieux, qui restaient inoccupés et sujets à des squats et acte de vandalisme. Elle relève que l’assureur de la société ART ET BATIMENT s’est lui-même fondé sur cette insuffisance de sécurisation du bâtiment pour lui opposer une franchise de 200.000 euros. La MAE sollicite ainsi une réduction de l’indemnisation de la société ART ET BATIMENT et de son assureur à hauteur de 30%.
Concernant la demande d’indemnisation de la société ART ET BATIMENT, la MAE fait valoir une convention entre compagnies d’assurance qui prévoit de renoncer à recours sur trois postes : la vétusté, les honoraires d’expert et les pertes indirectes. Elle indique également qu’en vertu du principe de réparation intégrale, la société ART ET BATIMENT ne saurait être indemnisée par une somme décorrélée de la valeur vénale de son bien au jour de l’incendie et qu’il convient ainsi de prendre en compte la vétusté du bâtiment, dès lors que l’assuré n’a pas pris les mesures pour éviter le dommage et que l’immeuble était en mauvais état d’entretien. La MAE sollicite également l’exclusion des frais d’expertise qui ont déjà été versés par l’assureur de la société ART ET BATIMENT. Elle sollicite enfin que la somme à verser tienne compte de la réduction de 30% pour la faute commise et du fait qu’il y a trois mineurs encore débiteurs.
Concernant le préjudice de la MS AMLIN INSURANCE, la MAE fait valoir la réduction du droit à indemnisation de son assuré et la répartition de la somme entre les trois mineurs.
Elle fait valoir que son contrat d’assurance limite sa garantie à la seule part de responsabilité de son assuré.
Par dernières conclusions du 24 janvier 2023, la CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS DE LA LOIRE (GROUPAMA LOIRE BRETAGNE) a sollicité du tribunal de :
Dire que la STE ART & BATIMENT a commis une faute limitant son droit à indemnisation de 50 %.
En conséquence décerner à la CIE GROUPAMA LOIRE BRETAGNE de ce qu’elle n’a pas de moyen opposant à régler à la STE ART & BATIMENT et à la STE AMLIN MSA INSURANCE SE la somme de 15892.65 €.
Condamner la concluante à régler lesdites sommes.
Débouter les demanderesses de leurs demandes, fins et conclusions contraires.
A l’appui de ses conclusions, la CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS DE LA LOIRE (GROUPAMA LOIRE BRETAGNE), fait valoir la faute de la société ART ET BATIMENT afin de solliciter une exonération partielle de responsabilité, à hauteur de 50%.
Elle indique que les locaux étaient inoccupés depuis 2015, que les rapports d’expertise ayant suivi le sinistre ont relevé la présence de traces de vandalisme dans l’enceinte du bâtiment, une clôture déformée laissant passer des individus et que des travaux de sécurisation des lieux avaient été envisagés avant l’incendie. Elle souligne que la société MS AMLIN INSURANCE a elle-même opposé à son assuré ses négligences dans la sécurisation des lieux pour lui opposer une franchise de 200.000 euros.
La concluante rejoint les arguments de la société PACIFICA concernant les sommes réclamées par les demandeurs. Elle conteste la capitalisation des intérêts.
Le juge de la mise en état a rendu une ordonnance de clôture le 04 septembre 2024. L’audience de plaidoirie a eu lieu le 1er octobre 2024 et mise en délibéré le 28 novembre 2024 prorogé au 03 janvier 2025.
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL, statuant publiquement, par jugement mis à disposition au Greffe, contradictoire et en premier ressort,
DECLARE Madame [E] [S], mère de Monsieur [R] [D], Madame [X] mère de Monsieur [P] [N], Madame [B] et Monsieur [K] parents de Monsieur [C] [K] et Madame [L] mère de Monsieur [W] [L] responsables in solidum de l’incendie survenue le 09 février 2017, dans les locaux de la SAS ART ET BATIMENT, sur le fondement de l’article 1242 du code civil ;
DIT que la MAE garantit Madame [E] [S], mère de Monsieur [R] [D] ;
DIT que la société THELEM ASSURANCES garantit Madame [X] mère de Monsieur [P] [N] ;
DIT que la SA PACIFICA garantit, Madame [B] mère de Monsieur [C] [K] ;
DIT QUE la CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS DE LA LOIRE (GROUPAMA LOIRE BRETAGNE) garantit Monsieur [K], père de Monsieur [C] [K] ;
DIT que la MACIF assureur de Madame [L] mère de Monsieur [W] [L] a déjà versé la somme de 144.248,56 euros ;
DIT que la faute de la société ART ET BATIMENT a contribué à hauteur de 20% à la survenance de son dommage ;
CONDAMNE in solidum, la MAE, la société THELEM ASSURANCES, la SA PACIFICA, et la CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS DE LA LOIRE (GROUPAMA LOIRE BRETAGNE) à verser la somme de 187.979,68 euros à la société ART ET BATIMENT, avec intérêt au taux légal à compter de la présente décision ;
CONDAMNE in solidum la MAE, la société THELEM ASSURANCES, la SA PACIFICA, la CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS DE LA LOIRE (GROUPAMA LOIRE BRETAGNE) à verser la somme de 162.612,13 euros, à la société MS AMLIN INSURANCE SE avec intérêt au taux légal à compter de la présente décision ;
DIT que les sommes précitées porteront intérêt au taux légal à compter du jugement, avec la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil;
DIT que dans les rapports entre coobligés, le partage de responsabilité s’effectuera par tiers ;
CONDAMNE la MAE à garantir la société THELEM ASSURANCES des condamnations à hauteur d’un tiers prononcées à son encontre ;
CONDAMNE la SA PACIFICA à garantir la société THELEM ASSURANCES des condamnations à hauteur d’un tiers prononcées à son encontre ;
CONDAMNE la CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS DE LA LOIRE (GROUPAMA LOIRE BRETAGNE) à garantir la société THELEM ASSURANCES des condamnations à hauteur d’un tiers prononcées à son encontre ;
CONDAMNE in solidum la MAE, la société THELEM ASSURANCES, la SA PACIFICA, la CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS DE LA LOIRE (GROUPAMA LOIRE BRETAGNE) aux entiers dépens ;
CONDAMNE in solidum, la MAE, la société THELEM ASSURANCES, la SA PACIFICA, la CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS DE LA LOIRE (GROUPAMA LOIRE BRETAGNE) à verser la somme de 2000 euros à la société ART ET BATIMENT au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
CONDAMNE in solidum, la MAE, la société THELEM ASSURANCES, la SA PACIFICA, la CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS DE LA LOIRE (GROUPAMA LOIRE BRETAGNE) à verser la somme de 2000 euros à la société MS AMLIN INSURANCE SE au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
DIT que la charge finale des dépens et celle de l’indemnité accordée au titre de l’article 700 du code de procédure civile, seront réparties au prorata des responsabilités retenues ci-dessus ;
ADMET les avocats qui en ont fait la demande et qui peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
RAPPELLE que l’exécution provisoire du jugement est de droit.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
Sandrine GASNIER Stéphanie LAPORTE
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