Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Nantes
Thématique : Obligations contractuelles et conséquences de l’inexécution
→ RésuméExposé du litigeLe 17 février 2021, Madame [V] [R] a accepté un devis de la société BEISER ENVIRONNEMENT pour un ensemble de matériel agricole d’une valeur de 17 743,80 euros. Un échéancier de paiement a été établi, prévoyant 24 chèques de 739,29 euros, avec une clause de réserve de propriété stipulant que le matériel devait être restitué en cas de non-paiement. Dès mai 2021, des difficultés de paiement ont été rencontrées par Madame [V] [R], entraînant des échanges de courriers avec la société BEISER ENVIRONNEMENT concernant le décalage des paiements et la livraison du matériel. Absence de livraison et mise en demeureLe 5 octobre 2021, Madame [V] [R] a mis en demeure la société BEISER ENVIRONNEMENT de livrer le matériel, faute de quoi elle demanderait l’annulation de la commande. En réponse, la société a confirmé qu’elle ne livrerait pas tant que le paiement intégral n’était pas effectué. Le 3 décembre 2021, la société a proposé un règlement amiable, mais aucun accord n’a été trouvé, et un chèque de Madame [V] [R] a été rejeté pour opposition. Assignation en justiceLe 4 août 2022, Madame [V] [R] a assigné la société BEISER ENVIRONNEMENT devant le tribunal judiciaire de Nantes pour obtenir la résolution de la vente en raison de l’absence de livraison. Dans ses conclusions, elle a demandé la restitution de sommes versées, des dommages et intérêts pour résistance abusive, et a contesté les conditions de paiement imposées par la société. Position de la société BEISER ENVIRONNEMENTDans ses conclusions, la société BEISER ENVIRONNEMENT a soutenu que la livraison était conditionnée au paiement intégral et a demandé le rejet des demandes de Madame [V] [R]. Elle a également formulé des demandes reconventionnelles pour le solde restant dû, des intérêts, et des dommages-intérêts pour opposition frauduleuse. Motifs de la décisionLe tribunal a rappelé que les contrats légalement formés doivent être respectés. Bien que les conditions générales de vente stipulent que la livraison dépend du paiement, le contrat convenu entre les parties prévoyait un paiement échelonné. Le tribunal a donc jugé que la société BEISER ENVIRONNEMENT ne pouvait pas justifier son inexécution de livraison par l’absence de paiement intégral. Résolution du contrat et condamnationsLe tribunal a ordonné la résolution de la vente et condamné la société BEISER ENVIRONNEMENT à restituer 5 912 euros à Madame [V] [R]. Les demandes reconventionnelles de la société ont été déboutées, tout comme le surplus des demandes de Madame [V] [R]. La société a été condamnée aux dépens et à verser 3 000 euros à Madame [V] [R] au titre des frais irrépétibles. L’exécution provisoire a été déclarée de droit. |
A.D
M-C P
LE 16 JANVIER 2025
Minute n°25/12
N° RG 22/03751 – N° Portalis DBYS-W-B7G-LXM2
[V] [R]
C/
S.A.S. BEISER ENVIRONNEMENT
Le 16/01/2025
copie exécutoire
copie certifiée conforme
délivrée à
Me CHABOT – CP46
copie certifiée conforme
délivrée à
Me RODRIGUES DEVESAS – CP318
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTES
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PREMIERE CHAMBRE
Jugement du SEIZE JANVIER DEUX MIL VINGT CINQ
Composition du Tribunal lors des débats et du délibéré :
Président : Marie-Caroline PASQUIER, Vice-Présidente,
Assesseur : Florence CROIZE, Vice-présidente,
Assesseur : Nadine GAILLOU, Magistrate honoraire,
Greffier : Audrey DELOURME
Débats à l’audience publique du 12 NOVEMBRE 2024 devant Marie-Caroline PASQUIER, vice-présidente, siégeant en juge rapporteur, sans opposition des avocats, qui a rendu compte au Tribunal dans son délibéré.
Prononcé du jugement fixé au 16 JANVIER 2025, date indiquée à l’issue des débats.
Jugement Contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe.
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ENTRE :
Madame [V] [R]
née le 01 Octobre 1972 à [Localité 3] (LOIRE ATLANTIQUE), demeurant [Adresse 1]
Représentée par Maître Gérard CHABOT de la SELARL ALEXA, avocats au barreau de NANTES, avocat plaidant
DEMANDERESSE.
D’UNE PART
ET :
S.A.S. BEISER ENVIRONNEMENT, dont le siège social est sis [Adresse 2]
Représentée par Maître Stéphanie RODRIGUES-DEVESAS, avocat au barreau de NANTES, avocate postulante et par Maître Binantifame TABIOU, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant.
DEFENDERESSE.
D’AUTRE PART
Exposé du litige
Le 17 février 2021, Madame [V] [R] a accepté un devis n° 11742242 de la société BEISER ENVIRONNEMENT portant sur un kit de 10 barrières pour parc à mouton, d’un tunnel de stockage en tôle, d’un bâtiment d’élevage avicole, d’un kit chauffage gaz complet, d’une cage agnelage, de barrière de prairie d’un râtelier circulaire à barres obliques et de grillages à poule pour un montant total de 17 743,80 euros.
Le 22 février 2021, en référence à ce devis, Madame [V] [R] a complété, un échéancier de paiement en 24 chèques d’un montant de 739,29 euros chacun, 13 chèques de ce montant étant encaissables mensuellement entre le 10 avril 2022 et le 10 avril 2023, suivant un document intitulé « attestation de paiement » émanant de la société BEISER ENVIRONNEMENT. Cet échéancier fait état d’une clause de réserve de propriété de la SAS BEISER ENVIRONNEMENT, obligeant Madame [V] [R] à restituer l’intégralité du matériel au cas où un des règlements ne serait pas honoré.
La période de paiement (non discutée par les parties) a démarré le 10 avril 2021 (et non le 10 avril 2022) et dès le mois de mai 2021, Madame [V] [R] a rencontré des difficultés de paiement. Par lettre du 7 mai 2021, la société BEISER ENVIRONNEMENT acceptait de décaler l’encaissement du 2e chèque au 19 mai 2021, tout en précisant que le paiement de la commande conditionnait la livraison du matériel.
Le 5 octobre 2021, Madame [V] [R] adressait une lettre recommandée avec accusé de réception à la société BEISER ENVIRONNEMENT, aux termes de laquelle elle faisait état de l’absence de livraison du matériel, la mettant en demeure de procéder à la livraison dans les quinze jours et à défaut d’annuler la commande en restituant la somme d’argent déjà encaissée.
Le 26 octobre 2021, la société BEISER ENVIRONNEMENT confirmait qu’elle n’entendait pas livrer la commande faute d’avoir reçu le paiement intégral du prix, en exécution de l’article 5 des conditions générales de vente.
Le 3 décembre 2021, la société BEISER ENVIRONNEMENT faisait valoir sa volonté d’en terminer amiablement moyennant la perception de sa part de la somme de 6000 euros à titre d’indemnité globale et forfaitaire, soit le règlement par Madame [V] [R] d’un solde de 824,97 euros eu égard à la somme de 5175 ,03 euros déjà encaissée. A défaut d’accord sur ces bases au 8 décembre 2021, la société BEISER ENVIRONNEMENT indiquait vouloir poursuivre le règlement du solde de la commande, augmentée d’une clause pénale et d’une somme forfaitaire de 6200 euros au titre de l’augmentation des matières premières, outre les frais de justice et de recouvrement.
La société BEISER ENVIRONNEMENT réitérait sa position par courrier du 14 décembre 2021, reportant l’échéance de sa proposition au 17 décembre 2021. Aucun accord n’ayant été trouvé, la société BEISER ENVIRONNEMENT encaissait le 9e chèque qui était rejeté pour le motif « opposition sur chèque pour utilisation frauduleuse ».
Suivant exploit du 4 août 2022, Madame [V] [R] a fait délivrer assignation à la société BEISER ENVIRONNEMENT d’avoir à comparaître devant le tribunal judiciaire de Nantes à l’effet d’obtenir la résolution de la vente en raison de l’absence de livraison du matériel.
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 2 mai 2023, Madame [V] [R] demande au tribunal de :
– CONSTATER que la société BEISER ENVIRONNEMENT a manqué à son obligation de délivrer la chose dans les délais contractuels convenus entre les parties ;
– CONSTATER que la société BEISER ENVIRONNEMENT fait preuve d’une résistance abusive et fautive à l’égard de Madame [R] ;
En conséquence,
– ORDONNER la résolution de la vente conclue entre les parties le 10 janvier 2021 ;
– CONDAMNER la société BEISER ENVIRONNEMENT à restituer la somme de 5 912 euros à Madame [R] ;
– CONDAMNER la société BEISER à payer à Madame [R] la somme de 25 000 euros au titre de la résistance abusive dans l’exécution de ses engagements contractuels ;
– DÉBOUTER la société BEISER de l’ensemble de ses demandes ;
– CONDAMNER la société BEISER ENVIRONNEMENT à verser la somme de 5.000 € à Madame [R] en application de l’article 700 du CPC ;
Au soutien de ses demandes, elle fait valoir que dès la commande il était convenu qu’elle pouvait régler en plusieurs fois comme indiqué sur le devis n° 11742242. Exploitant une bergerie elle n’avait pas les moyens financiers nécessaires pour régler la somme de 17 743,80 euros en une seule fois. Elle fait valoir que l’attestation de paiement prévoyait un règlement par mensualités de 739,29 euros sur une période de 24 mois, et que contrairement à ce qui avait été convenu, la société BEISER ENVIRONNEMENT a encaissé 8 chèques en une seule fois, pour un montant total de 5 912 euros et a tenté d’encaisser 11 chèques d’un montant de 739,29 euros, ce qui l’a conduite à faire opposition. Elle soutient en revanche qu’il était convenu que la livraison intervienne immédiatement en dépit du règlement échelonné, et que l’inexécution par la société BEISER ENVIRONNEMENT de son obligation de délivrance doit non seulement être sanctionnée par la résolution du contrat mais également par l’octroi de dommages et intérêts compte tenu des difficultés que l’absence de livraison du matériel d’exploitation lui a causé (arrêt brutal des ventes et donc de ses revenus, résiliation du bail commercial du fait du non-paiement des loyers, absence de protection du foin et des agneaux, dénonciation de son compte bancaire par la banque). Elle indique avoir été contrainte d’acheter en février 2021 un abri tunnel, une porte avec fixation au sol pour un montant total de 1 020 euros dans une société concurrente pour pallier l’absence de livraison par la société BEISER ENVIRONNEMENT.
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 17 aout 2023, la société BEISER ENVIRONNEMENT demande au tribunal de :
-DECLARER Mme [R] irrecevable en ses demandes, en tout cas mal fondée
-JUGER que la livraison était conditionnée au paiement intégral du prix de la commande
-JUGER que Mme [R] a manqué à son obligation de paiement
-JUGER que la société BEISER ENVIRONNEMENT n’est pas tenue à la livraison sans réception du paiement du prix de la commande
-DEBOUTER Mme [R] de sa demande d’annulation de la commande, de restitution des sommes versées et de toutes ses demandes
Sur la demande reconventionnelle
-CONDAMNER Mme [R] à payer à la société BEISER ENVIRONNEMENT la somme de 11.829,48€ au titre du solde restant dû en principal au titre de la commande, ainsi que les intérêts au taux légal majoré de 5 points sur cette somme à compter du 25.01.2021
-CONDAMNER Mme [R] à payer à la société BEISER ENVIRONNEMENT la somme de 5.914,74€ au titre de la clause pénale
-CONDAMNER Mme [R] à payer à la société BEISER ENVIRONNEMENT une somme de 9.308,40€ au titre de la différence du prix entre la date de la commande et le 23.11.2022, et ce à titre de dommages-intérêts
-CONDAMNER Mme [R] à payer les frais de transport et de livraison du matériel
-CONDAMNER Mme [R] à payer à la société BEISER ENVIRONNEMENT une somme de 10.000€ à titre de dommages-intérêts pour les préjudices subis pour inexécution fautive du contrat et pour opposition frauduleuse aux moyens de paiement
-CONDAMNER Mme [R] à payer à la société BEISER ENVIRONNEMENT une somme de 40€ au titre de l’indemnité forfaitaire de recouvrement conformément à l’article D441-5 du Code de Commerce
-CONDAMNER Mme [R] à payer à la société BEISER ENVIRONNEMENT une somme de 3.000€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile
-CONDAMNER Mme [R] aux entiers frais et dépens.
Au soutien de sa position la société BEISER ENVIRONNEMENT rappelle que Madame [V] [R] en tant que professionnelle ne peut bénéficier des dispositions protectrices du code de la consommation.
La société BEISER ENVIRONNEMENT qui ne conteste pas que Madame [V] [R] a réglé la somme de 5 914,32 euros, affirme pour l’essentiel que la livraison était conditionnée au paiement intégral du prix de la commande et que dès lors que Mme [R] a manqué à son obligation de paiement, la société BEISER ENVIRONNEMENT n’est pas tenue à la livraison. S’agissant du préjudice allégué par la demanderesse, la société BEISER ENVIRONNEMENT souligne que si Madame [V] [R] a fermé son entreprise individuelle le 15.03.2022 elle avait déjà créé, dès le 21.01.2022, une SCEA LA BERGERIE DE FLO avec ses enfants. La défenderesse conteste que ses difficultés financières liées à la prétendue non-poursuite de son activité de vente de poule pondeuse, de retards de paiement ou de fichage à la Banque de France lui soit imputables, et relève que la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts sollicités dans son assignation pour résistance abusive est passée sans explication à 20 000 euros dans ses conclusions. Elle relève que la demanderesse se contredit au fil de l’instance.
A titre reconventionnel, la défenderesse sollicite la condamnation de Madame [V] [R] à payer le solde dû en principal au titre de la commande, outre les intérêts conventionnels la clause pénale et des dommages et intérêts au titre de l’augmentation du prix des matières premières ainsi qu’au titre de l’inexécution fautive et l’opposition frauduleuse.
Au-delà de ce qui a été repris pour les besoins de la discussion et faisant application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est référé, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs dernières conclusions susvisées.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 10 septembre 2024.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement mis à disposition, contradictoire et en premier ressort,
ORDONNE la résolution de la vente conclue entre les parties suivant devis n°11742242 ;
CONDAMNE la société BEISER ENVIRONNEMENT à restituer la somme de 5 912 euros à Madame [R] ;
DÉBOUTE la société BEISER ENVIRONNEMENT de ses demandes reconventionnelles ;
DÉBOUTE Madame [V] [R] du surplus de ses demandes ;
CONDAMNE la société BEISER ENVIRONNEMENT aux dépens ;
CONDAMNE la société BEISER ENVIRONNEMENT au paiement de la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
Audrey DELOURME Marie-Caroline PASQUIER
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