Tribunal judiciaire de Nanterre, 28 janvier 2025, RG n° 23/02747
Tribunal judiciaire de Nanterre, 28 janvier 2025, RG n° 23/02747

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Nanterre

Thématique : Conflit autour d’un décompte de construction et expertise ordonnée

Résumé

Contexte de l’affaire

La société SCCV NOISY-ECOQUARTIER, appartenant au groupe Woodeum, a lancé un projet immobilier nommé « PERSEA » à [Localité 12], comprenant 94 logements et des espaces extérieurs. La société CALCQ ARCHITECTURE a été désignée comme maître d’œuvre. Le 16 décembre 2020, la société ENTREPRISE CUILLER FRÈRE a signé un contrat pour le lot bois, d’un montant de 2.304.000 euros HT.

Développements des travaux

Les travaux ont été réceptionnés le 26 septembre 2022 avec réserves. Le 9 décembre 2022, l’ENTREPRISE CUILLER FRÈRE a soumis un décompte général définitif de 1.186.740 euros, incluant un préjudice de 920.434 euros HT. En réponse, la SCCV NOISY-ECOQUARTIER a présenté un décompte de 2.417.768,30 euros, incluant des pénalités de 2.279.809,40 euros. Face à un différend sur ces décomptes, les deux parties ont convenu de faire appel à un expert technique indépendant.

Rapport de l’expert

Dans son rapport du 15 mars 2024, l’expert a conclu que l’ENTREPRISE CUILLER FRÈRE devait 520.220,25 euros à la SCCV NOISY-ECOQUARTIER pour pénalités de retard, tandis que cette dernière devait 111.850 euros pour des manquements. Le 24 octobre 2023, l’ENTREPRISE CUILLER FRÈRE a assigné la SCCV NOISY-ECOQUARTIER en référé pour obtenir des paiements.

Audiences et demandes

L’affaire a été renvoyée à plusieurs audiences, la dernière ayant eu lieu le 25 septembre 2024. À cette audience, l’ENTREPRISE CUILLER FRÈRE a demandé une expertise judiciaire, tandis que la SCCV NOISY-ECOQUARTIER a contesté les demandes de provision et de dommages-intérêts, arguant qu’elles étaient sérieusement contestables.

Décisions du tribunal

Le tribunal a statué qu’il n’y avait pas lieu à référé sur les demandes de provision et de dommages-intérêts de l’ENTREPRISE CUILLER FRÈRE, en raison de contestations sérieuses. De même, la demande de provision de la SCCV NOISY-ECOQUARTIER a été rejetée. Cependant, le tribunal a ordonné une expertise judiciaire pour clarifier les différends sur le décompte général définitif.

Conclusion et prochaines étapes

L’expert désigné devra réaliser une mission détaillée pour évaluer les désordres et les responsabilités des parties. Les frais de cette expertise seront à la charge de l’ENTREPRISE CUILLER FRÈRE. Les parties doivent également supporter leurs propres dépens, et aucune des demandes d’application de l’article 700 du code de procédure civile n’a été retenue.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTERRE

RÉFÉRÉS

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ RENDUE LE 28 JANVIER 2025

N° RG 23/02747 – N° Portalis DB3R-W-B7H-YVED

N° de minute :

S.A.S. L’ENTREPRISE CUILLER FRERES

c/

Société SCCV NOISY- ECOQUARTIER

DEMANDERESSE

S.A.S. L’ENTREPRISE CUILLER FRERES
[Adresse 6]
[Localité 9]

Représentée par Me Sophie ACQUERE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 393

DEFENDERESSE

Société SCCV NOISY- ECOQUARTIER
[Adresse 10]
[Localité 8]

Représentée par Maître Alexis LE LIEPVRE de la SCP SCP LACOURTE RAQUIN TATAR, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : R176

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président : David MAYEL, Vice-président, tenant l’audience des référés par délégation du Président du Tribunal,

Greffier : Sophie HALLOT, lors des débats ; Philippe GOUTON, Greffier

Statuant publiquement en premier ressort par ordonnance contradictoire mise à disposition au greffe du tribunal, conformément à l’avis donné à l’issue des débats.

Nous, Président , après avoir entendu les parties présentes ou leurs conseils, à l’audience du 25 septembre 2024, avons mis l’affaire en délibéré à ce jour :

La société SCCV NOISY-ECOQUARTIER est une société civile de construction vente, qui appartient au groupe Woodeum, dont l’objet est d’acquérir un terrain nu pour y édifier un ensemble immobilier puis de vendre, en totalité ou par lots, les immeubles ainsi construits.

La société SCCV NOISY-ECOQUARTIER a entrepris une opération de construction d’un programme immobilier dénommé « PERSEA » à [Localité 12] comprenant :
94 logements en accession répartis en 14 bâtiments R+2 à R+3 et trois maisons individuelles ;un niveau de parking en sous-sol comprenant 97 places de stationnement ;des espaces extérieurs paysagers.
La société CALCQ ARCHITECTURE a été désigné en qualité de maître d’œuvre.

Par contrat du 16 décembre 2020, la société ENTREPRISE CUILLER FRERE s’est engagée auprès de la société SCCV NOISY-ECOQUARTIER, dans le cadre de la construction de logements situés [Adresse 14], à [Localité 12], pour le lot bois, le montant du marché étant de 2.304.000 euros HT.

Les travaux ont fait l’objet d’un procès-verbal de réception des travaux du 26 septembre 2022 avec réserves.

Le 9 décembre 2022, la société ENTREPRISE CUILLER FRERES a présenté un décompte général définitif pour un montant de 1.186.740 euros, établissant notamment un préjudice subi de 920.434 euros HT.
De son côté, le 23 janvier 2023, la société SCCV NOISY-ECOQUARTIER a présenté son propre décompte général définitif pour un montant de 2.417.768,30 euros englobant des pénalités pour un montant de 2.279.809,40 euros.
La société ENTREPRISE CUILLER FRERES et la société SCCV NOISY-ECOQUARTIER constatant leur différend persistant sur le décompte général définitif du marché sont convenues d’un commun accord de missionner un expert technique indépendant, conformément aux stipulations de l’article 20 du cahier des clauses générales, afin de trancher leur différend s’agissant du montant du décompte général définitif.

Dans son rapport définitif du 15 mars 2024, l’experte, [L] [H], a conclu que :
la société ENTREPRISE CUILLER FRERES est redevable envers la société SCCV NOISY ECOQUARTIER d’un montant de 520.220,25 euros hors taxes au titre des pénalités de retard et différents préjudices causés par elle dans le cadre de la réalisation de ses missions ; la société SCCV NOISY-ECOQUARTIER est redevable envers la société ENTREPRISE CUILLER FRERES d’un montant de 111.850 euros hors taxes au titre de ses manquements dans le cadre de la réalisation de l’ensemble immobilier.
Par acte de commissaire de justice du 24 octobre 2023, la société ENTREPRISE CUILLER FRERES a fait assigner en référé devant le président du tribunal judiciaire de Nanterre la société SCCV NOISY ECOQUARTIER aux fins de demander à la condamnation de cette dernière à lui payer :
à titre de provision, la somme de 141.870,50 euros au titre des retenues de bonne fin dans le cadre du marché régularisé ;- la somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
la somme de 4.000 euros en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile; aux entiers dépens de l’instance.
Cette affaire appelée le 6 décembre 2023 a été renvoyée à l’audience du 3 avril 2024. Cette affaire a été à nouveau renvoyée à l’audience du 25 septembre 2024.

A l’audience du 25 septembre 2024, le conseil de la société ENTREPRISE CUILLER FRERES a soutenu les conclusions qu’il a déposées lors de cette audience, qui reprennent les demandes formulées dans l’assignation, et qui ajoute la prétention nouvelle suivante consistant à ordonner une expertise judiciaire.

A cette même audience, le conseil de la société SCCV NOISY ECOQUARTIER a déposé et soutenu des conclusions aux fins de :
Rejeter la demande de condamnation provisionnelle formulée par la société ENTREPRISE CUILLER FRÈRES en ce que celle-ci est sérieusement contestable ;Rejeter la demande de condamnation formulée par la société ENTREPRISE CUILLER FRÈRES à verser à la société SCCV NOISY-ECOQUARTIER la somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive en ce qu’elle est sérieusement contestable et en tout état de cause exorbitante des compétences du juge des référés, juge de l’évidence ;Rejeter la demande d’expertise judiciaire formulée par la société ENTREPRISE CUILLER FRERES ;En conséquence,
Débouter la société ENTREPRISE CUILLER FRÈRES de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;En tout état de cause :
Condamner la société ENTREPRISE CUILLER FRÈRES à verser à la société SCCV NOISY-ECOQUARTIER la somme provisionnelle de 490.044,30 euros toutes taxes comprises ;Condamner la société ENTREPRISE CUILLER FRÈRES à verser à la société SCCV NOISY-ECOQUARTIER la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et entiers dépens.
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions des parties, il est renvoyé à l’assignation introductive d’instance et aux écritures déposées et développées oralement à l’audience.

PAR CES MOTIFS

Renvoyons les parties à se pourvoir sur le fond du litige,

Par provision, tous moyens des parties étant réservés,

Disons n’y avoir lieu à référé sur la demande de provision de la société ENTREPRISE CUILLER FRÈRES ;

Disons n’y avoir lieu à référé sur la demande de dommages-intérêts de la société ENTREPRISE CUILLER FRÈRES ;

Disons n’y avoir lieu à référé sur la demande de provision de la société SCCV NOISY ECOQUARTIER ;

Ordonnons une expertise et désignons pour y procéder :

[K] [C]
[Adresse 4]
[Localité 11]
Tél : [XXXXXXXX02]
Port. : [XXXXXXXX03] Mèl : [Courriel 13]

(expert inscrit sur la cour d’appel de Versailles sous la rubrique C-02.01 – Architecture – Ingénierie – Maîtrise d’œuvre)

qui pourra se faire assister de tout spécialiste de son choix, dans une spécialité distincte de la sienne avec mission de :
– convoquer et entendre les parties,
– se faire communiquer, dans le délai qu’il estimera utile de fixer, tous documents et pièces qu’il jugera nécessaires à l’exercice de sa mission, et notamment la citation ainsi que tous les

documents et tous les éléments propres à établir les rapports entre les parties, la mission précise de chaque intervenant et le calendrier des travaux,
– se rendre sur place, à la [Adresse 14], à [Localité 12],
– visiter les lieux et les décrire,
– vérifier si les désordres allégués existent et dans ce cas, les décrire en indiquant leur nature et la date de leur apparition,
– préciser l’importance de ces désordres, en indiquant ce qui relève respectivement des malfaçons ou des travaux inachevés, indiquer les parties de l’ouvrage qu’ils affectent, en spécifiant tous éléments techniques permettant d’apprécier s’il s’agit d’éléments constitutifs ou d’éléments d’équipement faisant corps ou non, de manière indissociable avec des ouvrages de viabilité, de fondations, d’ossature, de clos ou de couvert,
– préciser le cas échéant, la date de début effectif des travaux, la date de la réception des travaux par procès-verbal si elle a eu lieu, ou à défaut, la date de prise de possession effective des locaux,
– dire si les désordres étaient apparents ou non, lors de la réception ou de la prise de possession, pour un profane,
– dans le cas où ces désordres auraient été cachés, rechercher leur date d’apparition,
– dire si ces désordres apparents ont fait l’objet de réserves, s’il y a eu des travaux de reprise, et préciser si et quand les réserves ont été levées,
– préciser si les désordres constatés sont susceptibles de compromettre la solidité de l’ouvrage ou de le rendre impropre à sa destination et, dans l’affirmative, dire si ces désordres sont d’ores et déjà apparents dans leur intégralité et, à défaut, fournir tous éléments techniques permettant d’apprécier le délai approximatif probable d’apparition totale ou partielle de cette atteinte à la solidité ou à la destination de l’ouvrage,
– rechercher la cause des désordres en précisant, pour chacun des désordres, s’il y a eu vice du matériau, malfaçons dans l’exécution, vice de conception, défaut ou insuffisance dans la direction ou le contrôle ou la surveillance, défaut d’entretien ou de tout autre cause,
– donner tous éléments techniques et de fait permettant au juge de déterminer les responsabilités éventuelles encourues par les différents intervenants et, le cas échéant, déterminer, en précisant les motifs techniques présidant à son appréciation, la part qui leur est imputable,
– en cas de travaux supplémentaires non prévus au devis et n’ayant pas fait l’objet d’un avenant, rechercher les circonstances dans lesquelles les travaux ont été décidés et réalisés,
– donner son avis sur les travaux propres à remédier aux désordres constatés, en évaluer le coût hors-taxes et TTC, et la durée, désordre par désordre, en communiquant au besoin aux parties en même temps que son pré-rapport, des devis et propositions chiffrées concernant les travaux envisagés, et ce, en enjoignant les parties de formuler leurs observations écrites dans le délai d’un mois suivant la date de cette communication,
donner son avis sur les mémoires en réclamation et situations de l’entreprise ou sur le décompte général définitif vérifiés par le maître d’œuvre ou le maître de l’ouvrage, ainsi que sur les postes de créance et notamment par exemple sur les pénalités de retard et créances relatives au compte prorata, – proposer un apurement des comptes entre les parties en distinguant le cas échéant les moins-values résultant de travaux entrant dans le devis et non exécutés, le montant des travaux effectués mais non inclus dans le devis en précisant sur ce point s’ils étaient nécessaires ou non, et plus généralement en distinguant les coûts de reprise nécessaires en fonction de chacune des entreprises intervenantes,
– donner au juge tous éléments techniques et de fait de nature à lui permettre de déterminer la nature et l’importance des préjudices subis par chacune des parties et proposer une base d’évaluation,
– constater l’éventuelle conciliation des parties sans manquer dans ce cas d’en aviser le juge chargé du contrôle des expertises,
– faire, le cas échéant, le compte entre les parties,
– faire toutes observations utiles au règlement du litige,

Disons qu’en cas d’urgence reconnue par l’expert, la partie la plus diligente pourra nous en référer pour être autorisée à faire exécuter à ses frais avancés, pour le compte de qui il

appartiendra, les travaux estimés indispensables par l’expert, lequel dans ce cas déposera un pré-rapport précisant la nature et l’importance des travaux,

Faisons injonction aux parties de communiquer aux autres parties les documents de toute nature qu’elles adresseront à l’expert pour établir le bien fondé de leurs prétentions,

Disons que l’expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et qu’il déposera son rapport en un exemplaire original sous format papier et en copie sous la forme d’un fichier PDF enregistré sur un CD-ROM) au greffe du tribunal judiciaire de Nanterre, service du contrôle des expertises, extension du palais de justice, [Adresse 7] ([XXXXXXXX01]), dans le délai de 6 mois à compter de l’avis de consignation, sauf prorogation de ce délai dûment sollicité en temps utile auprès du juge du contrôle (en fonction d’un nouveau calendrier prévisionnel préalablement présenté aux parties),

Disons que l’expert devra, dès réception de l’avis de versement de la provision à valoir sur sa rémunération, convoquer les parties à une première réunion qui devra se tenir avant l’expiration d’un délai de deux mois, au cours de laquelle il procédera a une lecture contradictoire de sa mission, présentera la méthodologie envisagée, interrogera les parties sur d’éventuelles mises en cause, établira contradictoirement un calendrier de ses opérations et évaluera le coût prévisible de la mission, et qu’à l’issue de cette première réunion il adressera un compte-rendu aux parties et au juge chargé du contrôle,

Dans le but de limiter les frais d’expertise, invitons les parties, pour leurs échanges contradictoires avec l’expert et la communication des documents nécessaires à la réalisation de la mesure, à utiliser la voie dématérialisée via l’outil OPALEXE,

Disons que, sauf accord contraire des parties, l’expert devra adresser à celles-ci une note de synthèse dans laquelle il rappellera l’ensemble de ses constatations matérielles, présentera ses analyses et proposera une réponse à chacune des questions posées par la juridiction,

Disons que l’expert devra fixer aux parties un délai pour formuler leurs dernières observations ou réclamations en application de l’article 276 du code de procédure civile et rappelons qu’il ne sera pas tenu de prendre en compte les transmissions tardives,

Désignons le magistrat chargé du contrôle des expertises pour suivre la mesure d’instruction et statuer sur tous incidents,

Disons que l’expert devra rendre compte à ce magistrat de l’avancement de ses travaux d’expertise et des diligences accomplies et qu’il devra l’informer de la carence éventuelle des parties dans la communication des pièces nécessaires à l’exécution de sa mission conformément aux dispositions des articles 273 et 275 du code de procédure civile,

Fixons à la somme de 10 000 euros la provision à valoir sur la rémunération de l’expert qui devra être consignée par la société ENTREPRISE CUILLER FRÈRES entre les mains du régisseur d’avances et de recettes de ce tribunal, [Adresse 5], dans le délai de 6 semaines à compter de la présente ordonnance, sans autre avis,

Disons que, faute de consignation dans ce délai impératif, la désignation de l’expert sera caduque et privée de tout effet,

Laissons à chacune des parties la charge de ses propres dépens,

Déboutons les parties des demandes formulées par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Disons n’y avoir lieu à référé sur toute autre demande des parties.

FAIT À NANTERRE, le 28 janvier 2025.

LE GREFFIER

Philippe GOUTON, Greffier

LE PRÉSIDENT

David MAYEL, Vice-président

 


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