Tribunal judiciaire de Nanterre, 26 novembre 2024, RG n° 22/06214
Tribunal judiciaire de Nanterre, 26 novembre 2024, RG n° 22/06214

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Nanterre

Thématique : Filiation et fraude : enjeux de la reconnaissance parentale

Résumé

Naissance et reconnaissance de l’enfant

[A], [M], [Y], [T] [I] est née le [Date naissance 1] 2015 à [Localité 6]. Sa mère, Mme [X], et son père, M. [S] [I], ont reconnu l’enfant par anticipation le 23 avril 2015.

Procédure judiciaire engagée

Le 10 et le 30 août 2022, le procureur de la République a assigné Mme [X] et M. [S] [I] devant le tribunal judiciaire de Nanterre, demandant l’annulation de la reconnaissance de paternité de M. [S] [I] au motif de fraude.

Contradictions dans les déclarations

Le procureur a été informé le 26 mai 2020 de la demande de titre de séjour de Mme [X] en tant que parent d’un enfant français. Une enquête a révélé des versions contradictoires : Mme [X] soutenait que M. [S] était le père biologique, tandis que M. [S] affirmait avoir reconnu l’enfant pour aider Mme [X] à régulariser sa situation.

Désignation d’un administrateur ad hoc

Le 13 décembre 2022, un administrateur ad hoc a été désigné pour représenter l’enfant [A] dans le cadre de la procédure judiciaire.

Jugement et expertise

Le tribunal a déclaré l’action en annulation recevable et a ordonné une expertise. Le rapport de l’expert a été déposé le 3 avril 2024.

Demandes du ministère public

Dans ses conclusions du 7 mai 2024, le ministère public a demandé l’annulation de la reconnaissance de paternité, affirmant que celle-ci était frauduleuse et que le refus de M. [S] de se soumettre à l’expertise renforçait cette position.

Position de Mme [X]

Mme [X] a demandé le rejet de la demande du ministère public, affirmant que M. [S] avait agi en tant que père et qu’une décision antérieure avait établi un exercice conjoint de l’autorité parentale.

Arguments de l’administrateur ad hoc

L’administrateur ad hoc a soutenu que les discordances dans les déclarations ne suffisaient pas à prouver la fraude et que des éléments de preuve établissaient une filiation sociale.

Clôture de l’affaire et décision finale

L’affaire a été mise en délibéré le 26 novembre 2024. Le tribunal a annulé la reconnaissance de paternité de M. [S] et a ordonné la transcription de cette décision sur l’acte de naissance de l’enfant, stipulant que l’enfant se nommera [Z]. M. [S] a été condamné aux dépens.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE NANTERRE

PÔLE CIVIL

Pôle Famille 2ème section

JUGEMENT RENDU LE
26 Novembre 2024

N° RG 22/06214
N° Portalis DB3R-W-B7G-XXDX

N° Minute : 24/

AFFAIRE

M. PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE

C/

[S] [I], [X], [U], [L] [Z]

Copies délivrées le :

DEMANDEUR

Monsieur le Procureur de la République
Tribunal Judiciaire de Nanterre
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté par Madame Marie-Emilie DELFOSSE, substitut du Procureur de la République

DEFENDEURS

Monsieur [S] [I]
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 5]
Défaillant

Madame [X], [U], [L] [Z]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Ayant pour avocat Me Isabel FERNANDES, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : PN 513

AUTRE PARTIE

[A], [M], [Y], [T] [I], née le [Date naissance 1] 2015 à [Localité 6]
Ayant pour représentant légal Mme [N] [H], administratuer ad hoc et pour avocat Maître Laurence JARRET de la SCP LC2J, avocats au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : PN 752

L’affaire a été débattue le 24 Septembre 2024 en chambre du conseil devant le tribunal composé de :

Monia TALEB, Vice-Présidente,
Martine SERVAL, Magistrat à titre temporaire
magistrats chargés du rapport, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries au tribunal composé de :

Monia TALEB, Vice-Présidente
Cécile BAUDOT, Première Vice-Présidente Adjointe
Martine SERVAL, Magistrat à titre temporaire
qui en ont délibéré.

Albane SURVILLE, Greffier.

JUGEMENT

prononcé en premier ressort, par décision réputée contradictoire et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats.

EXPOSE DU LITIGE

[A], [M], [Y], [T] [I] est née le [Date naissance 1] 2015 à [Localité 6] de Mme [X], [U], [L] [Z], et de M. [S] [I], qui l’a reconnue par anticipation le 23 avril 2015 à [Localité 6].

Par exploits des 10 août et 30 août 2022, le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nanterre a respectivement fait assigner Mme [X] [Z], en personne et en qualité de représentante légale de l’enfant, et M. [S] [I] devant le tribunal judiciaire de Nanterre. Il sollicite, au visa des articles 311-14, 336 du code civil, et 42 du code de procédure civile, l’annulation de la reconnaissance effectuée par ce dernier.

Au soutien de sa demande, il expose avoir été avisé le 26 mai 2020 par la préfecture de la Marne de la situation de Mme [X] [Z], qui venait de solliciter l’obtention d’un titre de séjour en qualité de parent d’un enfant français. Il indique que l’enquête diligentée à sa demande a mis en évidence des versions contradictoires des faits, Mme [X] [Z] affirmant que M. [S] [I], qu’elle avait rencontré sur internet en 2013, était le père biologique de l’enfant, tandis que M. [S] [I] admettait avoir connu Mme [X] [Z] alors qu’elle était déjà enceinte et reconnu l’enfant [A] dans le seul but de lui permettre de régulariser sa situation administrative. Le ministère public précise que M. [S] [I] a reconnu quatre enfants issus de mères différentes dans le même but.

Par ordonnance du 13 décembre 2022, le juge de la mise en état a désigné un administrateur ad hoc pour représenter l’enfant [A].

Par jugement en date du 28 novembre 2023, le tribunal judiciaire de Nanterre a déclaré l’action en annulation de la reconnaissance introduite par le ministère public recevable et ordonné une expertise avant dire droit.

L’expert a déposé son rapport de carence au greffe le 3 avril 2024.

Dans ses dernières conclusions régulièrement signifiées par voie électronique le 7 mai 2024, le ministère public demande au tribunal de bien vouloir :
annuler la reconnaissance de l’enfant à laquelle M. [S] [I] a procédé,dire que M. [S] [I] n’est pas le père de l’enfant, dire que l’enfant ne pourra pas se nommer [I],ordonner la transcription du dispositif de la décision en marge de son acte de naissance, statuer ce que de droit sur les dépens.
Il réitère les moyens déjà développés dans son assignation au soutien de l’annulation de la reconnaissance, qu’il considère comme étant frauduleuse. Il ajoute que le refus de M. [I] de se soumettre à l’expertise constitue un indice supplémentaire au soutien de cette annulation.

Dans ses dernières conclusions régulièrement signifiées par voie électronique le 7 mai 2024, Mme [X] [Z] demande au tribunal de rejeter la demande et de statuer sur les dépens comme en matière d’aide juridictionnelle.

Elle réitère le fait qu’elle a rencontré M. [S] [I] sur les réseaux sociaux en 2013 et qu’elle a rejoint la France en 2014. Elle dit avoir entretenu avec M. [S] [I] une relation sentimentale, en parallèle de relations sexuelles avec d’autres hommes, et affirme avoir découvert sa grossesse après leur séparation. Elle soutient avoir eu la conviction que M. [I] était le père de l’enfant, et affirme qu’il s’est comporté comme tel depuis lors. Elle souligne plus particulièrement qu’une décision a été rendue par le juge aux affaires familiales, prévoyant un exercice conjoint de l’autorité parentale et le versement d’une pension alimentaire par le père. Elle considère que la seule carence de M. [I] à l’expertise ne peut suffire à annuler la filiation de [A] qui, âgée de bientôt neuf ans, considère M. [I] comme son père.

Dans ses dernières conclusions régulièrement signifiées par voie électronique le 5 juin 2024, l’administrateur ad hoc de l’enfant demande au tribunal de débouter le procureur de la République de ses demandes et de statuer ce que de droit sur les dépens.

Il souligne que le dossier est constitué des seules auditions des parties et du rapport de la préfecture, et que s’il existe des discordances entre les déclarations des parties, Mme [X] [Z] toutefois n’a pas été confrontée aux déclarations de M. [S] [I] ni mise en mesure de produire des pièces pour attester de ses dires. Il ajoute que les pièces désormais produites aux débats par la mère (jugement du juge aux affaires familiales, attestations), permettent d’établir l’existence d’une filiation sociale et qu’il n’est donc pas établi que la reconnaissance ait eu pour un but exclusivement étranger à l’établissement d’un lien de filiation. Il ajoute que l’expertise n’apporte aucun éclairage mais qu’il convient de relever que la mère s’y est présentée avec l’enfant, ce qui confirme sa bonne foi.

Régulièrement cité par dépôt de l’acte en l’étude de l’huissier, M. [S] [I] n’a pas constitué avocat.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 juin 2024 et l’affaire fixée à l’audience du 24 septembre 2024.

A l’issue de l’audience, l’affaire a été mise en délibéré au 26 novembre 2024 par mise à disposition au greffe.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, en matière civile, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort, après débats en chambre du conseil,

ANNULE la reconnaissance de paternité effectuée par M. [S] [I] le 23 avril 2015 devant l’officier de l’état civil de la mairie de [Localité 6] à l’égard de l’enfant [A], [M], [Y], [T] [I], née le [Date naissance 1] 2015 à [Localité 6],

DIT que l’enfant se nommera [Z],

ORDONNE la transcription du dispositif du présent jugement sur l’acte de naissance n° 1786 de l’enfant [A], [M], [Y], [T] [I], née le [Date naissance 1] 2015 à [Localité 6],

DIT qu’aucun acte, extrait ou copie ne pourra être désormais délivré sans que la mention relative à l’annulation n’y figure,

CONDAMNE M. [S] [I] aux dépens,

DIT que la présente décision sera notifiée par voie de signification extrajudiciaire par la partie la plus diligente et qu’elle sera susceptible d’appel dans le mois de la signification auprès du greffe de la cour d’appel de Versailles ;

signé le 26 novemebre 2024 par Monia TALEB, Vice-Présidente et par Albane SURVILLE, Greffier présent lors du prononcé.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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