Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Nanterre
Thématique : Délai de traitement et reconnaissance implicite des maladies professionnelles : enjeux et conséquences.
→ RésuméMonsieur [H] [C], employé de la société [6], a déclaré une maladie professionnelle le 12 octobre 2020, liée à une dépression. La CPAM des Hauts-de-Seine a reçu sa déclaration le 19 octobre. Après instruction, le dossier a été transmis au CRRMP, qui a rendu un avis défavorable le 2 juin 2021. Monsieur [C] a contesté cette décision devant la commission de recours amiable, puis le tribunal judiciaire de Nanterre. Le tribunal a constaté que la CPAM n’avait pas respecté le délai de 120 jours pour statuer, entraînant une reconnaissance implicite de la maladie professionnelle de Monsieur [C].
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TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTERRE
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PÔLE SOCIAL
Affaires de sécurité sociale et aide sociale
JUGEMENT RENDU LE
26 Novembre 2024
N° RG 21/01750 – N° Portalis DB3R-W-B7F-XA32
N° Minute : 24/01702
AFFAIRE
[H] [C]
C/
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES HAUTS-DE-SEINE
Copies délivrées le :
DEMANDEUR
Monsieur [H] [C]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Katia BEKAS-PONET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E2127
DEFENDERESSE
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES HAUTS-DE-SEINE
[Adresse 5]
[Localité 2]
représentée par Mme [Z] [M], munie d’un pouvoir régulier
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L’affaire a été débattue le 15 Octobre 2024 en audience publique devant le tribunal composé de :
Matthieu DANGLA, Vice-Président
François GUIDET, Assesseur, représentant les travailleurs salariés
Yoann VOULHOUX, Assesseur, représentant les travailleurs non-salariés
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats et du prononcé : Stéphane DEMARI, Greffier.
JUGEMENT
Prononcé en premier ressort, par décision contradictoire et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats.
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur [H] [C], salarié de la société [6], devenue société [4], en qualité de coordonnateur sécurité protection de la santé, a souscrit une déclaration de maladie professionnelle du 12 octobre 2020, reçue le 19 octobre 2020 par la CPAM des Hauts-de-Seine, et accompagnée d’un certificat médical initial daté du 2 octobre 2020 mentionnant une dépression en lien avec le travail.
Une instruction a été mise en œuvre par la CPAM des Hauts-de-Seine, ce dont Monsieur [C] a été avisé par courrier du 23 novembre 2020.
Monsieur [C] et la société [4] ont renseigné le questionnaire qui leur a été adressé par la CPAM.
Par courrier du 10 février 2021, réceptionné le 18 février 2021 la CPAM des Hauts-de-Seine a informé Monsieur [C] de la transmission de sa demande au CRRMP d’Île-de-France, s’agissant d’une maladie hors-tableau et le médecin-conseil de la CPAM ayant retenu un taux d’incapacité prévisible d’au moins 25 %.
Le 14 juin 2021, la CPAM a informé Monsieur [C] de l’avis défavorable du CRRMP rendu lors de sa séance du 2 juin 2021.
Monsieur [C] a saisi la commission de recours amiable de la CPAM des Hauts-de-Seine par courrier du 5 août 2021.
En l’absence de réponse de cette commission dans le délai imparti, Monsieur [C] a, par courrier recommandé en date du 22 octobre 2021, porté son recours devant le tribunal judiciaire de Nanterre.
L’affaire a été appelée à l’audience du pôle social du tribunal judiciaire de Nanterre en date du 15 octobre 2024 à laquelle les parties ont comparu et ont été entendues en leurs observations.
Monsieur [H] [C], représenté par son conseil, demande au tribunal de :
à titre principal,
– juger la reconnaissance de plein droit de la maladie professionnelle hors tableau en l’absence de respect des délais d’instruction par la CPAM des Hauts-de-Seine ;
à titre subsidiaire,
– juger que Monsieur [C] apporte la preuve de l’imputabilité de sa pathologie au travail qu’il exécutait pour le compte de son employeur ;
– infirmer la décision de refus de prise en charge par la CPAM des Hauts-de-Seine ;
– ordonner la prise en charge au titre de la législation professionnelle de la pathologie déclarée par Monsieur [C] ;
à titre infiniment subsidiaire,
– ordonner avant-dire-droit la désignation d’un nouveau CRRMP aux fins de recueillir un nouvel avis sur le lien entre la pathologie et surseoir à statuer dans l’attente de cet avis.
En réplique, la caisse primaire d’assurance-maladie des Hauts-de-Seine demande au tribunal de :
– débouter Monsieur [C] de sa demande de reconnaissance implicite de son affection consistant en une dépression ;
– avant-dire-droit, saisir un second CRRMP afin qu’il donne un avis motivé sur le lien direct et essentiel entre le travail habituel de Monsieur [C] tel qu’il résulte de l’enquête menée par la CPAM et la maladie constatée par certificat médical initial du 2 octobre 2020.
Il est renvoyé aux dernières écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, en application de l’article 455 du code de procédure civile.
A l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 26 novembre 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il sera rappelé à titre liminaire que, le tribunal étant saisi du litige et non des décisions contestées, il n’y aura pas lieu de statuer sur la demande d’infirmation de la décision de la CPAM des Hauts-de-Seine ayant refusé de prendre en charge la pathologie de Monsieur [C] en tant que maladie professionnelle.
Sur la demande de reconnaissance implicite de la maladie professionnelle déclarée par Monsieur [C]
Aux termes de l’article R461-9 du code de la sécurité sociale, » I.-La caisse dispose d’un délai de cent-vingt jours francs pour statuer sur le caractère professionnel de la maladie ou saisir le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles mentionné à l’article L461-1.
Ce délai court à compter de la date à laquelle la caisse dispose de la déclaration de la maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial mentionné à l’article L461-5 et à laquelle le médecin-conseil dispose du résultat des examens médicaux complémentaires le cas échéant prévus par les tableaux de maladies professionnelles (…) « .
L’article R461-10 ajoute : » lorsque la caisse saisit le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, elle dispose d’un nouveau délai de cent-vingt jours francs à compter de cette saisine pour statuer sur le caractère professionnel de la maladie. Elle en informe la victime ou ses représentants ainsi que l’employeur auquel la décision est susceptible de faire grief par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information (…).
A l’issue de cette procédure, le comité régional examine le dossier. Il rend son avis motivé à la caisse dans un délai de cent-dix jours francs à compter de sa saisine.
La caisse notifie immédiatement à la victime ou à ses représentants ainsi qu’à l’employeur la décision de reconnaissance ou de refus de reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie conforme à cet avis « .
Selon l’article R441-18 du même code, » l’absence de notification dans les délais prévus aux articles R441-7, R441-8, R441-16, R461-9 et R461-10 vaut reconnaissance du caractère professionnel de l’accident, de la maladie, de la rechute ou de la nouvelle lésion « .
En l’espèce, Monsieur [C] soutient qu’une décision de reconnaissance implicite de sa maladie professionnelle serait intervenue dès lors que, alors que la transmission du dossier au CRRMP est intervenue selon courrier du 9 février 2021, la décision de refus de prise en charge a été rendue le 14 juin 2021, soit au-delà du délai de 120 jours prévu par ce texte (en l’espèce 126 jours).
La CPAM des Hauts-de-Seine réplique en soutenant que le délai de 120 jours prévus à l’article R461-9 du code de la sécurité sociale a commencé à courir le 19 octobre 2020, date de réception de la déclaration de maladie professionnelle et du certificat médical initial, et que ce délai venait donc à expiration le 18 février 2021. Elle estime que, en cas de saisine d’un CRRMP, elle bénéficiait d’un nouveau délai de 120 jours qui arrivait à expiration le 17 juin 2021, de sorte que la décision de refus de prise en charge notifiée par décision du 14 juin 2021, déposée en poste le 15 juin 2021 et reçue le 16 juin 2021, respecterait le délai prévu par l’article R461-10 du code de la sécurité sociale.
Le courrier du 9 février 2021 adressé par la CPAM des Hauts-de-Seine à Monsieur [C] indique que le dossier de la demande de reconnaissance de sa maladie devait faire l’objet d’une saisine du CRRMP, que l’assuré avait la possibilité de consulter et de compléter son dossier jusqu’au 12 mars 2021, qu’il pouvait ensuite formuler des observations jusqu’au 23 mars 2021 et qu’elle rendrait sa décision, après avis du CRRMP, avant le 10 juin 2021.
Or, il est constant que cette décision est intervenue le 14 juin 2021, qu’elle a été envoyée le 15 juin 2021 et qu’elle a été reçue par Monsieur [C] le 16 juin 2021 ainsi qu’il résulte de l’avis de réception versé aux débats par la CPAM.
L’article R461-10 du code de la sécurité sociale prévoit expressément que le délai de 120 jours court à compter de la saisine du CRRMP, de sorte que la CPAM n’est pas fondée à soutenir que ce délai commencerait à courir à compter de la date d’expiration du précédent délai de 120 jours institué par l’article R461-9 du code de la sécurité sociale.
Par conséquent, le délai de 120 jours pour prendre une décision sur la demande de reconnaissance de la maladie de Monsieur [C] commençait à courir à compter du 9 février 2021, et non à compter du 18 février 2021 comme la CPAM l’a soutenu lors de l’audience du 15 octobre 2024, et venait donc à expiration le 8 juin 2024.
Il sera d’ailleurs relevé que la CPAM des Hauts-de-Seine avait elle-même énoncé dans son courrier du 9 février 2021 que la décision devait intervenir avant le 10 juin 2021, que la caisse avait dès lors nécessairement considéré que le délai courait à compter du 9 février 2021 et qu’elle n’a pas respecté ce délai qu’elle avait elle-même fixé.
Par suite, la décision de refus de prise en charge, datée du 14 juin 2021, n’ayant pas été notifiée dans le délai imparti par l’article R461-10 du code de la sécurité sociale, Monsieur [C] sera accueilli en sa demande de reconnaissance implicite du caractère professionnel de sa maladie.
Sur les demandes accessoires
En application de l’article 696 du code de procédure civile, il conviendra de condamner la CPAM des Hauts-de-Seine aux dépens de l’instance dès lors qu’elle succombe.
L’exécution provisoire du présent jugement, nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire, sera ordonnée.
PAR CES MOTIFS,
Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe ;
DIT ET JUGE que la demande de reconnaissance de la maladie déclarée par Monsieur [H] [C] le 12 octobre 2020 doit être réputée avoir fait l’objet d’une reconnaissance implicite en l’absence de respect du délai de 120 jours de l’article R461-10 du code de la sécurité sociale;
ORDONNE l’exécution provisoire du présent jugement ;
DÉBOUTE les parties de toutes demandes plus amples ou contraires ;
CONDAMNE la CPAM des Hauts-de-Seine aux dépens.
Et le présent jugement est signé par Matthieu DANGLA, Vice-Président et par Stéphane DEMARI, Greffier, présents lors du prononcé.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
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