Tribunal judiciaire de Nanterre, 19 novembre 2024, RG n° 23/07867
Tribunal judiciaire de Nanterre, 19 novembre 2024, RG n° 23/07867

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Nanterre

Thématique : Conflit entre droits familiaux et restrictions légales sur l’adoption simple

Résumé

Naissance et mariage

Du mariage de M. [V] [N] et Mme [Z] [O] est né M. [W] [N] le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 10]. M. [V] [N] et Mme [Z] [O] ont divorcé par jugement du tribunal de grande instance de Nanterre en date du 28 janvier 1985.

Remariage et adoption

Mme [Z] [O] s’est remariée avec M. [D] [X] le [Date mariage 5] 2007. Par jugement en date du 31 mai 2016, le tribunal de grande instance de Saint-Denis (Réunion) a prononcé l’adoption simple de M. [W] [N] par Mme [T] [M], conjointe de M. [V] [N].

Décès et nouvelle demande d’adoption

Mme [Z] [O] est décédée le [Date décès 2] 2022. Par acte notarié du 26 août 2022, M. [W] [N] a consenti à son adoption simple par M. [D] [X]. Le 13 juillet 2023, M. [D] [X] a déposé une requête pour obtenir l’adoption simple de M. [W] [N].

Position du procureur et audience

Le procureur de la République a émis un avis défavorable le 6 septembre 2023, arguant qu’une nouvelle adoption simple n’est pas possible en raison de l’adoption antérieure par l’épouse de M. [V] [N]. L’affaire a été examinée à l’audience du 2 avril 2024, puis renvoyée à deux reprises pour des raisons d’audition et de santé.

Arguments de M. [D] [X] et de M. [W] [N]

Lors de l’audience du 15 octobre 2024, M. [D] [X] a réitéré sa demande, soulignant ses liens de longue date avec M. [W] [N] et l’importance de l’adoption pour sa famille. Son avocat a plaidé pour l’écartement des dispositions prohibant les adoptions successives, invoquant le droit au respect de la vie privée. M. [W] [N] a également exprimé son consentement, affirmant ne pas comprendre la prohibition légale.

Position du ministère public et décision finale

Le ministère public a maintenu son avis défavorable, citant des précédents de la Cour de cassation. La décision a été mise en délibéré au 19 novembre 2024. Le tribunal a finalement rejeté la demande d’adoption simple de M. [W] [N] par M. [D] [X], laissant les dépens à la charge du requérant et rappelant la possibilité d’appel.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE NANTERRE

PÔLE CIVIL

Chambre du conseil

JUGEMENT RENDU LE
19 Novembre 2024

N° RG 23/07867
N° Portalis DB3R-W-B7H-Y3HG

N° Minute : 24/187

AFFAIRE

[D], [E] [X]

Copies délivrées le :

DEMANDEUR

Monsieur [D], [E] [X]
[Adresse 4]
[Adresse 9]
[Localité 7]
Comparant et assisté par Me Virginie METIVIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0255

AUTRE PARTIE

Monsieur [W], [S] [N]
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 8] (LA REUNION)
Comparant par visio-conférence

PARTIE INTERVENANTE

Monsieur le Procureur de la République
Tribunal Judiciaire de Nanterre
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représenté par Madame Marie-Emilie DELFOSSE, substitut du Procureur de la République

L’affaire a été débattue le 15 octobre 2024 en chambre du conseil devant le tribunal composé de :

Monia TALEB, Vice-Présidente,
Martine SERVAL, Magistrat à titre temporaire,
magistrats chargés du rapport, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries au tribunal composé de :

Monia TALEB, Vice-Présidente
Noémie DAVODY, Vice-Présidente
Martine SERVAL, Magistrat à titre temporaire
qui en ont délibéré.

Albane SURVILLE.

JUGEMENT

prononcé en premier ressort, par décision contradictoire et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats.

EXPOSE DE LA DEMANDE

Du mariage de M. [V] [N] et Mme [Z] [O] est né M. [W] [N] le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 10].

M. [V] [N] et Mme [Z] [O] ont divorcé par jugement du tribunal de grande instance de Nanterre en date du 28 janvier 1985.

Mme [Z] [O] s’est remariée avec M. [D] [X] le [Date mariage 5] 2007.

Par jugement en date du 31 mai 2016, le tribunal de grande instance de Saint-Denis (Réunion) a prononcé l’adoption simple de M. [W] [N] par Mme [T] [M], conjointe de M. [V] [N].

Mme [Z] [O] est décédée le [Date décès 2] 2022.

Par acte notarié du 26 août 2022, M. [W] [N] a consenti à son adoption simple par M. [D] [X].

Par requête déposée le 13 juillet 2023, M. [D] [X] sollicite que soit prononcée à son profit l’adoption simple de M. [W] [N].

Le procureur de la République a émis le 6 septembre 2023 un avis écrit défavorable à la requête en adoption simple au motif qu’une que M. [W] [N] a déjà été adopté en la forme simple par l’épouse de son père et qu’une nouvelle adoption simple n’est pas possible en application des dispositions de l’article 345-2 du code civil.

L’affaire a été examinée à l’audience du 2 avril 2024 puis renvoyée à deux reprises aux fins de prévoir l’audition de l’adopté par visio-conférence, puis en raison de difficultés de santé de l’adoptant.

A l’audience du 15 octobre 2024, ont comparu M. [D] [X] assisté de son avocat et M. [W] [N] par visio-conférence.

M. [D] [X] réitère sa demande d’adoption simple. Il expose qu’il connaît M. [W] [N] depuis plus de trente ans et qu’il le considère comme son fils. Il précise notamment qu’il a longtemps vécu à proximité de M. [W] [N], en métropole puis à la Réunion, et que la naissance de sa fille [Y] en 2014, qu’il considère comme sa petite-fille, a encore davantage renforcé leurs liens. Il ajoute que le décès de son épouse, mère de l’adopté, dans des circonstances dramatiques, a également contribué à les rapprocher. Il souligne qu’il est âgé de 81 ans et que l’adoption est importante à ses yeux car elle lui permet de construire une famille, mais également de reconnaître ses liens avec son épouse.
Son conseil sollicite que les dispositions de l’article 345-2 du code civil qui prohibent les adoptions successives soient en l’espèce écartées au motif qu’elles portent une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée du requérant, protégé par l’article 8 de la CESDH, qui implique à son sens le droit de faire reconnaître juridiquement sa famille  » de cœur « . Il soutient en effet que le prononcé de l’adoption ne porte préjudice à aucun intérêt concurrent ou à la sécurité juridique puisque l’adoptant n’a pas d’enfant, que refuser de reconnaître les liens filiaux tissés depuis trente ans ne trouve aucune justification et serait discriminatoire compte tenu du fait que cette adoption a été prononcée à l’égard de la belle-mère de l’adoptée.

M. [W] [N] réitère son consentement à l’adoption simple. Il considère avoir quatre parents, ses deux parents biologiques et ses beaux-parents. Il dit ne pas comprendre que la loi puisse prohiber cette adoption alors même qu’il ne fait aucune distinction entre Mme [T] [M], qui l’a déjà adopté, et M. [D] [X].

Le ministère public maintient son avis défavorable au regard des critères posés par la loi. Il souligne que la Cour de cassation s’est déjà prononcée dans une hypothèse similaire en considérant qu’il n’existait pas d’atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale.

La décision a été mise en délibéré au 19 novembre 2024 par mise à disposition au greffe.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant par décision contradictoire et susceptible de recours, publiquement après débats en chambre du conseil,

REJETTE la demande d’adoption simple de M. [W] [N] formée par M. [D] [X],

DIT que les dépens restent à la charge du requérant,

RAPPELLE que la décision est susceptible d’appel par une déclaration faite ou adressée par pli recommandé au greffe de la juridiction qui a rendu la décision dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision.

signé le 19 novembre 2024 par Monia TALEB, Vice-Présidente et par Albane SURVILLE, Greffier présent lors du prononcé.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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