Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Nanterre
Thématique : Interprétation des droits liés à l’allocation d’ancienneté dans le secteur de l’assurance
→ RésuméContexte de l’affaireL’affaire concerne AXA France, qui se compose de deux entités : AXA France VIE et AXA France IARD. Ces sociétés sont soumises à la Convention collective nationale des salariés commerciaux des sociétés d’assurance, qui garantit une rémunération minimale annuelle et prévoit une allocation supplémentaire en fin d’exercice. Litige sur l’allocation supplémentaireLa Fédération des employés et cadres FORCE OUVRIERE conteste la proratisation de l’allocation supplémentaire appliquée par AXA France en cas d’absences non assimilées à du temps de travail effectif. En réponse, la Fédération a assigné les sociétés en référé pour faire cesser cette pratique. Demandes de la FédérationLa Fédération demande la reconnaissance de sa recevabilité, l’injonction à AXA France de respecter ses obligations conventionnelles, le paiement de dommages-intérêts pour préjudice collectif, ainsi que des frais de justice. Elle exige également que l’allocation soit versée intégralement aux salariés concernés, y compris de manière rétroactive. Réponse des sociétés AXAAXA France VIE et AXA France IARD contestent la compétence du juge des référés pour traiter des demandes de régularisation des situations individuelles des salariés. Elles demandent le rejet des demandes de la Fédération, arguant que le Conseil de prud’hommes est la juridiction compétente pour ces questions. Compétence du juge des référésLe juge des référés est compétent pour ordonner des mesures conservatoires en cas de trouble manifestement illicite, mais il n’est pas compétent pour statuer sur des demandes de régularisation individuelle. La question de la proratisation de l’allocation est soumise à une interprétation de la convention collective, ce qui crée une contestation sérieuse. Recevabilité des demandesLa Fédération soutient qu’elle a qualité à agir pour défendre l’intérêt collectif des salariés. Le tribunal reconnaît que les syndicats peuvent agir en justice pour faire valoir des droits collectifs, mais il doit également examiner la recevabilité des demandes individuelles. Injonction sous astreinteLa Fédération allègue que la proratisation de l’allocation constitue une discrimination liée à l’état de santé. Cependant, les sociétés affirment qu’il n’y a pas de trouble manifestement illicite et que la question doit être tranchée par le juge du fond. Le tribunal conclut qu’il n’y a pas d’urgence à statuer. Demande de dommages et intérêtsLa Fédération prétend que la pratique d’abattement sur l’allocation porte atteinte à l’intérêt collectif. Toutefois, en l’absence de décision favorable sur la demande principale, le tribunal rejette la demande de dommages et intérêts. Décision finaleLe tribunal déclare le Président incompétent pour les demandes de paiement aux salariés, mais recevables pour le surplus des demandes. Il n’y a pas lieu à référé, et la Fédération est condamnée à verser des frais aux sociétés AXA ainsi qu’aux dépens de l’instance. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTERRE
JUGEMENT RENDU SELON LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE AU FOND LE 16 Janvier 2025
N° RG 24/02549 – N° Portalis DB3R-W-B7I-ZXMI
N°de minute :
Syndicat FEDERATION DES EMPLOYES ET CADRES FORCE OUVRIERE
c/
S.A. AXA FRANCE VIE, S.A. AXA FRANCE IARD
DEMANDERESSE
Syndicat FEDERATION DES EMPLOYES ET CADRES FORCE OUVRIERE
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Sophie HUMBERT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0950
DEFENDERESSES
S.A. AXA FRANCE VIE
[Adresse 1]
[Localité 4] / FRANCE
S.A. AXA FRANCE IARD
[Adresse 1]
[Localité 4] / FRANCE
Toutes deux représentées par Maître Emmanuel BENARD du PARTNERSHIPS ORRICK HERRINGTON & SUTCLIFFE (Europe) LLP, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P0134
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président : Virginie POLO, Juge, tenant l’audience des référés par délégation du Président du Tribunal,
Greffier : Philippe GOUTON, Greffier
Statuant publiquement en premier ressort par jugement non qualifiée mis à disposition au greffe du tribunal, conformément à l’avis donné à l’issue des débats.
La juge déléguée, après avoir entendu les parties présentes ou leurs conseils, à l’audience du 20 Novembre 2024, a mis l’affaire en délibéré à ce jour.
EXPOSE DU LITIGE
L’entité AXA FRANCE est composée de deux sociétés, à savoir AXA France VIE et AXA France IARD.
Ces sociétés relèvent de la Convention collective nationale des salariés commerciaux des sociétés d’assurance du 27 mars 1972 révisée au 1er janvier 2021.
Les articles 30 et 31 de cette convention prévoient qu’une rémunération minimale annuelle est garantie aux salariés commerciaux. Une allocation supplémentaire peut également être versée en fin d’exercice selon l’article 32 de la même convention.
Les sociétés AXA France VIE et AXA France IARD appliquent une proratisation de cette allocation supplémentaire en cas d’absences non assimilées à du temps de travail effectif au cours de la période précédant l’exercice concerné, ce que conteste la Fédération des employés et cadres FORCE OUVRIERE.
Afin de trancher ce litige, la Fédération des employés et cadres FORCE OUVRIERE a assigné en référé les sociétés anonymes AXA France VIE et AXA France IARD par actes signifiés le 16 octobre 2024.
A l’audience, soutenant ses dernières écritures, la Fédération des employés et cadres FORCE OUVRIERE sollicite de :
DECLARER le syndicat FEDERATION DES EMPLOYES ET CADRES FORCE OUVRIERE recevable en ses demandes,
ENJOINDRE à la société AXA France VIE et à la société AXA France IARD de se conformer à leurs obligations résultant de l’article 32 de la Convention collective nationale des salariés commerciaux des sociétés d’assurance du 27 mars 1972 révisée au 1er janvier 2021 en mettant fin au système d’abattement sur l’allocation supplémentaire dite d’ancienneté, au prorata temporis, des périodes de suspension du contrat de travail par l’effet d’un arrêt de travail lié à un accident ou une maladie n’ayant pas un caractère professionnel, et en octroyant aux salariés éligibles le bénéfice de l’intégralité de ladite allocation calculée en fonction de leur ancienneté dans l’entreprise, et ce y compris de façon rétroactive ;
Et ce dans un délai de deux mois à compter de la signification de la décision à intervenir sous astreinte de 100.000 € par jour de retard à compter de l’expiration de ce délai,
CONDAMNER les sociétés AXA France VIE et AXA France IARD à payer à la Fédération des EMPLOYES ET CADRES FORCE OUVRIERE chacune la somme de 5.000 € à titre de provision sur dommages-intérêts en réparation du préjudice porté à l’intérêt collectif de la profession,
CONDAMNER les sociétés AXA France VIE et AXA France IARD à payer à la Fédération des EMPLOYES ET CADRES FORCE OUVRIERE chacune la somme de 2.000 € à titre de l’article 700 du Code de procédure civile, et aux dépens de l’instance.
Dans leurs écritures soutenues à l’audience, les sociétés AXA France VIE et AXA France IARD requièrent de :
A titre liminaire :
– SE DECLARER incompétent rationae materiae pour connaitre des demandes de régularisations pour le passé et pour l’avenir des situations individuelles des salariés et renvoyer FO devant le conseil de prud’hommes de Nanterre
A titre principal :
– JUGER n’y avoir lieu à référé et par conséquent rejeter l’intégralité des demandes de FO
A titre subsidiaire :
– JUGER les demandes de la FEDERATION DES EMPLOYES ET CADRE FORCE OUVRIERE infondées et en conséquence rejeter l’ensemble des demandes formulées par la FEDERATION DES EMPLOYES ET CADRE FORCE OUVRIERE.
En toute hypothèse :
– DEBOUTER la FEDERATION DES EMPLOYES ET CADRE FORCE OUVRIERE de ses demandes d’astreinte et de ses demandes au titre de l’article 700 du CPC et des dépens ;
– CONDAMNER LA FEDERATION DES EMPLOYES ET CADRE FORCE OUVRIERE au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens.
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures et plaidoiries des parties pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions.
EXPOSE DES MOTIFS
Sur la compétence
Conformément à l’article 73 du code de procédure civile :
« Constitue une exception de procédure tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours. »
L’article 75 du code de procédure civile précise que :
« S’il est prétendu que la juridiction saisie en première instance ou en appel est incompétente, la partie qui soulève cette exception doit, à peine d’irrecevabilité, la motiver et faire connaître dans tous les cas devant quelle juridiction elle demande que l’affaire soit portée. »
L’article L. 1411-1 du code du travail dispose que :
« Le conseil de prud’hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient. »
Il juge les litiges lorsque la conciliation n’a pas abouti. »
PAR CES MOTIFS
La juge déléguée, statuant par ordonnance contradictoire, publiquement et en premier ressort,
DECLARE le Président du Tribunal judiciaire incompétent au profit du Conseil de prud’hommes de NANTERRE concernant la demande en paiement aux salariés éligibles de l’intégralité de l’allocation supplémentaire dite d’ancienneté calculée en fonction de leur ancienneté dans l’entreprise ;
DECLARE RECEVABLES le surplus des demandes ;
DIT n’y avoir lieu à référé ;
DEBOUTE la Fédération des employés et cadres FORCE OUVRIERE de sa demande au titre des dommages et intérêts ;
CONDAMNE la Fédération des employés et cadres FORCE OUVRIERE à verser aux sociétés anonymes AXA France VIE et AXA France IARD la somme de 700 euros chacune au titre des frais irrépétibles ;
CONDAMNE la Fédération des employés et cadres FORCE OUVRIERE aux dépens de l’instance ;
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.
FAIT À NANTERRE, le 16 Janvier 2025.
LE GREFFIER
LE PRÉSIDENT
Philippe GOUTON, Greffier
Virginie POLO, Juge
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