Tribunal judiciaire de Nanterre, 16 janvier 2025, RG n° 21/08488
Tribunal judiciaire de Nanterre, 16 janvier 2025, RG n° 21/08488

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Nanterre

Thématique : Indemnité d’immobilisation et conditions suspensives : enjeux de la promesse de vente immobilière

Résumé

Exposé du litige

Par acte du 1er avril 2021, Mme [N] [V] veuve [U] a consenti à M. [D] [Z] et Mme [R] [O] une promesse unilatérale de vente concernant des lots de copropriété à [Localité 5]. Cette promesse était valable jusqu’au 15 juillet 2021, avec une indemnité d’immobilisation de 74 900,00 €, dont 37 450,00 € ont été séquestrés. Plusieurs conditions suspensives ont été insérées, notamment celle relative à l’obtention d’un prêt bancaire d’un montant maximal de 500 000,00 €.

Conditions suspensives et prorogation

La condition d’obtention du prêt devait être réalisée au plus tard le 1er juin 2021, avec une prorogation accordée jusqu’au 25 juin 2021. À l’expiration de ce délai, le notaire de Mme [V] a demandé des informations sur l’obtention du prêt. Les bénéficiaires ont proposé une nouvelle prorogation, mais Mme [V] a refusé d’accorder des délais supplémentaires.

Demandes de restitution et refus

Le 6 juillet 2021, les bénéficiaires ont informé Mme [V] de leur intention de se prévaloir du refus de prêt et ont demandé la restitution de l’acompte. En réponse, Mme [V] a exprimé son refus et a souhaité récupérer l’indemnité d’immobilisation. M. [Z] et Mme [O] ont alors assigné Mme [V] devant le tribunal.

Conclusions des parties

Dans leurs conclusions, M. [Z] et Mme [O] ont demandé au tribunal de déclarer la promesse de vente caduque et de condamner Mme [V] à leur restituer l’indemnité d’immobilisation. En réponse, Mme [V] a demandé le débouté de leurs demandes et la restitution de la somme séquestrée.

Arguments des parties

M. [Z] et Mme [O] soutiennent que la condition suspensive a échoué en raison du refus de la banque, tandis que Mme [V] affirme que les bénéficiaires n’ont pas notifié l’obtention ou le refus du prêt dans les délais impartis. Elle a également mis en demeure les bénéficiaires de justifier la situation.

Décision du tribunal

Le tribunal a constaté que la condition suspensive n’a pas été réalisée en raison de l’absence de notification de la part des bénéficiaires. Il a donc ordonné la restitution de l’indemnité d’immobilisation à M. [Z] et Mme [O], tout en déboutant leur demande de dommages-intérêts pour résistance abusive.

Conséquences financières

Mme [V] a été condamnée à verser 37 450,00 € à M. [Z] et Mme [O], avec autorisation pour le notaire de libérer la somme séquestrée. Elle a également été condamnée aux dépens et à payer 2 500,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La décision bénéficie de l’exécution provisoire.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE NANTERRE

PÔLE CIVIL

2ème Chambre

JUGEMENT RENDU LE
16 Janvier 2025

N° RG 21/08488 –

N° Portalis
DB3R-W-B7F-W7X5

N° Minute :

AFFAIRE

[D] [H] [L] [Z], [R] [Y] [K] [O]

C/

[N] [V] épouse
[U],
[R] [Y],
[K] [O],
[X] [A] Notaire

Copies délivrées le :

DEMANDEURS

Monsieur [D] [H] [L] [Z]
[Adresse 3]
[Localité 5]

Madame [R] [Y] [K] [O]
[Adresse 3]
[Localité 5]

représentée par Maître Thierry CHAPRON de la SCP CHAPRON LANIECE, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P0479

DEFENDEURS

Madame [N] [V] épouse [U]
[Adresse 2]
[Localité 5]

représentée par Me Marie CAYETTE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1041

Madame [R] [Y], [K] [O]
[Adresse 4]
[Localité 5]

représentée par Maître Thierry CHAPRON de la SCP CHAPRON LANIECE, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P0479

Maître [X] [A]
Notaire
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 5]

non représentée

L’affaire a été débattue le 14 Novembre 2024 en audience publique devant le tribunal composé de :

Timothée AIRAULT, Vice-Président, magistrat chargé du rapport
Thomas BOTHNER, Vice-Président
Elsa CARRA, Juge

qui en ont délibéré.

Greffier lors du prononcé : Sylvie MARIUS, Greffier.

JUGEMENT

prononcé en premier ressort, par décision réputée contradictoire et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte du 1er avril 2021, Mme [N] [V] veuve [U] a consenti à M. [D] [Z] et Mme [R] [O] une promesse unilatérale de vente portant sur les lots de copropriété 208, 259 et 319 situé [Adresse 1] à [Localité 5] (Hauts-de-Seine).

La promesse de vente a initialement été consentie pour une durée expirant le 15 juillet 2021, moyennant une indemnité d’immobilisation fixée à 74 900,00 €. Seule une partie de cette indemnité a été séquestrée, à savoir la somme de 37 450,00 €.

Il a été inséré à l’acte plusieurs conditions suspensives, dont une condition suspensive relative au financement de l’acquisition du bien par emprunt bancaire, d’un montant maximal de 500 000,00 € sur 20 ans et pour un taux nominal d’intérêt maximal de 1,2% (hors assurances). La condition suspensive d’obtention de prêt devait être réalisée au plus tard le 1er juin 2021, et Mme [V] veuve [U] a donné son accord pour proroger ce délai au 25 juin 2021.

A l’expiration de ce délai, à la demande du notaire de Mme [V] veuve [U], il a été sollicité une information quant à l’obtention ou non par les bénéficiaires du prêt sollicité. Le notaire de M. [Z] et Mme [O] a indiqué que devait être envisagée une nouvelle prorogation au 15 juillet 2021. Après plusieurs échanges infructueux, Mme [V] veuve [U] a indiqué, par la voix de son notaire, ne pas être en mesure d’accorder de délais supplémentaires.

Par courriel du 6 juillet 2021, Maître [B] [S] a informé Mme [V] veuve [U] que M. [Z] et Mme [O] entendaient se prévaloir du refus de prêt et sollicitaient la restitution de la somme de 37 450,00 € versée à titre d’acompte d’indemnité d’immobilisation. Par courrier recommandé avec demande d’avis de réception du 19 juillet 2021, Mme [V] veuve [U] a fait part de son refus et de sa volonté de récupérer l’indemnité d’immobilisation.

Par acte régulièrement signifié le 18 octobre 2021, M. [Z] et Mme [O] ont fait assigner Mme [V] veuve [U] devant ce tribunal. Par acte régulièrement signifié le 7 octobre 2021, Mme [V] veuve [U] a fait assigner Maître [X] [A] devant ce tribunal.
 
Aux termes de leurs conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 17 octobre 2022, M. [Z] et Mme [O] demandent au tribunal de :
– DEBOUTER Mme [N] [V] veuve [U] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– DIRE ET JUGER que la condition suspensive prévue dans la promesse unilatérale de vente régularisée le 1er avril 2021 est défaillie et qu’en conséquence, la promesse unilatérale de vente est caduque,
A titre reconventionnel,
– CONDAMNER Mme [N] [V] veuve [U] à leur restituer la somme de 37 450,00 €, versée à titre d’indemnité d’immobilisation conformément aux termes de la promesse unilatérale de vente,
En conséquence,
– Les AUTORISER à se faire remettre par Maître [E] [I], notaire au sein de la société par actions simplifiée C&C NOTAIRES, titulaire d’un office notarial à [Localité 7], le cas échéant par La CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS, la somme de 37 450,00 €, actuellement séquestrée pour la vente du bien,
– DIRE ET JUGER que le surplus du montant de l’indemnité d’immobilisation, soit la somme de 37 450,00 €, leur restera définitivement acquise,
– CONDAMNER Mme [N] [V] veuve [U] à leur régler la somme de 5000,00€, à titre de dommage-intérêts compte tenu de la résistance abusive,
– CONDAMNER Mme [N] [V] veuve [U] à leur payer la somme de 7000,00€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– CONDAMNER Mme [N] [V] veuve [U] aux entiers dépens,
– DIT n’avoir lieu à écarter l’exécution provisoire du jugement à intervenir.
 
Ceux-ci avancent, au visa des articles 1103, 1104, 1231-5, 1240 et 1304-3 du code civil, les moyens suivants. Ceux-ci entendent rappeler qu’en l’espèce des démarches devaient être initiées par leurs soins aux fins de justification de la réalisation ou de la non-réalisation de la condition suspensive relative au financement de l’achat des biens immobiliers. Ils soutiennent qu’elles ont bien été réalisées. Aussi, aucune faute ne saurait leur être reprochée. Or, si la condition suspensive a effectivement échoué, c’est au motif du refus de la banque sollicitée de suivre ces derniers dans leurs projets immobiliers. Les griefs formulés par la venderesse a posteriori ne reposent sur aucun fondement. Ainsi, ils avancent que la résistance de Mme [V] veuve [U] et sa persistance à refuser la restitution du montant de l’indemnité d’immobilisation est abusive.

Aux termes de ses dernières écritures récapitulatives notifiées par voie électronique le 24 octobre 2022, Mme [V] veuve [U] demande au tribunal :
– DEBOUTER M. [Z] et Mme [O] de l’intégralité de leurs demandes à son encontre,
– ORDONNER à Maître [A], notaire, de libérer la somme séquestrée de 37 450,00 € à son profit,
– CONDAMNER M. [Z] et Mme [O] à lui verser le reliquat de l’indemnité d’immobilisation à savoir la somme de 37 450,00 € et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir par mise à disposition au greffe du tribunal,
En tout état de cause,
– CONDAMNER solidairement M. [Z] et Mme [O] à lui verser à la somme de 5520,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– CONDAMNER solidairement M. [Z] et Mme [O] aux entiers dépens de l’instance ainsi qu’aux dépens de l’instance initiale engagée avant la jonction qui seront recouvrés par son conseil sur le fondement de l’article 699 du code de procédure civile.

Celle-ci avance, au visa des dispositions de l’article 1103 du code civil, les moyens suivants au soutien de ses prétentions. Elle fait valoir que la promesse de vente stipule à l’article 25.2.2 que  »L’obtention ou la non-obtention de l’offre de prêt devra être notifiée par le bénéficiaire au promettant et au notaire ». Ainsi, à l’expiration du délai dans lequel la condition suspensive devait se réaliser, les bénéficiaires auraient dû selon elle notifier au promettant l’obtention ou la non-obtention de leur prêt. Ce que les bénéficiaires n’ont pas fait et non toujours pas fait à ce jour à ses yeux. En effet, ils ne produisent toujours aucune lettre de refus de prêt. De son côté, Mme [V] veuve [U] avance qu’elle a immédiatement mis en demeure le bénéficiaire d’avoir à justifier sous huitaine de la réalisation ou de la défaillance de la condition.

Maître [A], quoique régulièrement assignée par acte remis à sa personne le 7 octobre 2021, n’a pas constitué avocat. Susceptible d’appel, la présente décision est réputée contradictoire.
 
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties quant à l’exposé détaillé de leurs prétentions et moyens.

La clôture de la présente procédure a été prononcée le 21 mars 2023.

PAR CES MOTIFS
 
Le tribunal,
 
Condamne Mme [N] [V] veuve [U] à verser à M. [D] [Z] et Mme [R] [O] la somme de 37 450,00 €, à titre de restitution de l’indemnisation d’immobilisation versée en exécution de la promesse de vente du 1er avril 2021, finalement devenue caduque ;

Autorise Maître [E] [I], notaire au sein de la société par actions simplifiée C&C NOTAIRES, titulaire d’un office notarial à [Localité 7], à libérer la somme de 37 450,00 €, actuellement séquestrée, au profit de M. [D] [Z] et Mme [R] [O], et dit que ce versement viendra en déduction de la somme mise à la charge de Mme [N] [V] veuve [U] via la condamnation ci-dessus prononcée ;

Dit que le surplus de l’indemnité d’immobilisation, soit la somme de 37 450,00 €, restera acquis au profit de M. [D] [Z] et Mme [R] [O] ;

Déboute M. [D] [Z] et Mme [R] [O] de leur demande de dommages-intérêts au titre de la résistance abusive ;
 
Condamne Mme [N] [V] veuve [U] aux entiers dépens et à payer à
M. [D] [Z] et Mme [R] [O], ensemble, la somme de 2500,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
 
Rappelle que la présente décision bénéficie de l’exécution provisoire de droit ;
 
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires. 

signé par Timothée AIRAULT, Vice-Président et par Sylvie MARIUS, Greffier présent lors du prononcé .

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon