Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Mulhouse
Thématique : Responsabilité du diagnostiqueur en matière d’amiante dans un bien immobilier
→ RésuméAcquisition du bien immobilierM. [Y] [S] a acquis un bien immobilier le 3 mai 2021, situé à [Localité 9], auprès de plusieurs vendeurs, dont Mme [J] [Z] et M. [G] [Z]. Un dossier de diagnostics techniques a été réalisé par la SARL ALDEX le 17 septembre 2020. Réclamation pour présence d’amianteM. [S] a constaté la présence d’amiante dans des parties de l’habitation non signalées par le diagnostic. Il a mis en demeure la SARL ALDEX le 8 octobre 2021 pour qu’elle prenne en charge les travaux de désamiantage. Assignation en justiceLe 30 décembre 2021, M. [S] a assigné la SARL ALDEX et ses assureurs devant le tribunal judiciaire de Mulhouse pour obtenir réparation du préjudice subi, enregistrant l’affaire sous le numéro RG 22/32. La SARL ALDEX a été radiée du RCS de Mulhouse en octobre 2018. Intervention de la SAS XELDALe 4 mai 2022, M. [S] a assigné en intervention forcée la SAS XELDA, anciennement ALDEX, et ses assureurs, enregistrant l’affaire sous le numéro RG 22/281. Le juge a constaté le désistement de M. [S] à l’encontre de la SARL ALDEX et a prononcé la jonction des deux affaires. Décisions judiciairesLe 20 octobre 2022, le juge a constaté la demande de communication de pièces et a condamné la SAS XELDA et ses assureurs à verser 1000 euros à M. [S] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. Conclusions de M. [S]Dans ses conclusions du 10 juillet 2024, M. [S] a demandé au tribunal de le déclarer recevable et bien fondé, de débouter les défenderesses de leurs demandes, et de condamner solidairement ces dernières à lui verser des sommes pour préjudice subi, préjudice moral, et frais de procédure. Réponse des défenderessesLes défenderesses, la SAS XELDA et ses assureurs, ont demandé le déboutement de M. [S] et la condamnation de ce dernier à leur verser 5000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, soutenant que leur diagnostic était conforme aux normes. Clôture de l’instructionL’instruction de l’affaire a été clôturée le 26 septembre 2024, et l’audience de plaidoirie a eu lieu le 19 novembre 2024, avec mise en délibéré au 28 janvier 2025. Responsabilité du diagnostiqueurLe tribunal a examiné la responsabilité de la SAS XELDA, concluant à une faute pour omission de signaler la présence d’amiante dans le grenier, malgré un diagnostic visuel conforme aux normes. Évaluation des préjudicesLe tribunal a décidé que M. [S] devait être indemnisé pour le coût des travaux de désamiantage, fixant la somme à 2970 euros, tout en rejetant d’autres demandes de préjudice moral et de remboursement de factures. Dépens et frais de justiceLa SAS XELDA et ses assureurs ont été condamnés in solidum aux dépens et à verser 1000 euros à M. [S] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, tandis que leur demande de remboursement a été rejetée. Exécution provisoireLe tribunal a constaté l’exécution provisoire de la décision, permettant ainsi à M. [S] de bénéficier rapidement de l’indemnisation accordée. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MULHOUSE
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[Adresse 7]
[Adresse 3]
[Localité 4]
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Première Chambre Civile
MINUTE n° 25/60
N° RG 22/00032
N° Portalis DB2G-W-B7G-HR3J
KG/JLD
République Française
Au Nom du Peuple Français
JUGEMENT
DU 28 janvier 2025
Dans la procédure introduite par :
Monsieur [Y] [S]
demeurant [Adresse 2] – [Localité 9]
représenté par Maître Véronique SCHOTT de la SELAS LEXARES AVOCATS, avocats au barreau de MULHOUSE, vestiaire : 84
– partie demanderesse –
A l’encontre de :
S.A. MMA IARD ès qualité d’assureur de la société XELDA
dont le siège social est sis [Adresse 1] – [Localité 5]
S.A. MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES ès qualité d’assureur de la société XELDA
dont le siège social est sis [Adresse 1] – [Localité 5]
représentées par Maître Thomas WETTERER de l’AARPI WETTERER – CHARLES, avocat postulant, avocat au barreau de MULHOUSE, vestiaire : 22 et Maître Jean-Marc PEREZ de la SELARL AVOX, avocat plaidant, avocat au barreau de PARIS,
– partie défenderesse –
S.A.S. XELDA
dont le siège social est sis [Adresse 6] – [Localité 8]
représentée par Maître Thomas WETTERER de l’AARPI WETTERER – CHARLES, avocat postulant, avocat au barreau de MULHOUSE, vestiaire : 22 et Maître Jean-Marc PEREZ de la SELARL AVOX, avocat plaidant, avocat au barreau de PARIS,
– partie intervenante –
CONCERNE : Demande en réparation des dommages causés par l’activité d’un expert en diagnostic, un commissaire aux comptes, un commissaire aux apports, un commissaire à la fusion ou un expert-comptable
Le Tribunal composé de Jean-Louis DRAGON, Juge au Tribunal de céans, statuant à Juge unique, et de Thomas SINT, Greffier
Jugement contradictoire en premier ressort
Après avoir à l’audience publique du 19 novembre 2024, entendu les avocats des parties en leurs conclusions et plaidoiries, et en avoir délibéré conformément à la loi, statuant comme suit, par jugement mis à disposition au greffe ce jour :
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte authentique en date du 3 mai 2021 reçu par Me [B] [T], notaire à [Localité 8], M. [Y] [S] a fait l’acquisition d’un bien immobilier sur la commune de [Localité 9] auprès de Mme [J] [Z], de Mme [D] [X], de M. [G] [Z] et de Mme [O] [Z].
Un dossier de diagnostics techniques a été réalisé par la SARL ALDEX le 17 septembre 2020.
Se plaignant de la présence d’amiante dans des parties de l’habitation non signalées par le diagnostic de la SARL ALDEX, M. [S] a mis en demeure cette dernière d’avoir à prendre à sa charge les travaux nécessaires de désamiantage par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 8 octobre 2021.
Par acte d’huissier de justice en date du 30 décembre 2021, M. [S] a assigné devant le tribunal judiciaire de MULHOUSE, la SARL ALDEX et ses assureurs la société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES ainsi que la SA MMA IARD aux fins de condamnation solidaire en réparation du préjudice subi.
Cette affaire a été enregistrée sous le numéro RG 22/32.
La SARL ALDEX a été radiée du RCS de MULHOUSE à compter du 23 octobre 2018, le numéro SIRET visé sur le rapport de repérage correspondant à la SAS XELDA.
Par acte d’huissier de justice en date 4 mai 2022, M. [S] a assigné en intervention forcée la SAS XELDA anciennement ALDEX et ses assureurs la société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES ainsi que la SA MMA IARD aux fins de condamnation solidaire en réparation du préjudice subi.
Cette affaire a été enregistrée sous le numéro RG 22/281.
Par ordonnance en date du 20 octobre 2022, le juge de la mise en état a constaté le désistement d’instance de M. [S] à l’encontre de la SARL ALDEX et a prononcé la jonction entre les deux affaires RG 22/32 et RG 22/281.
Par ordonnance en date du 18 janvier 2024, le juge de la mise en état a :
– constaté que la demande de communication de pièces formée par la SAS XELDA anciennement ALDEX et ses assureurs la SA MMA IARD et la SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES ;
– condamné la SAS XELDA anciennement ALDEX et ses assureurs la SA MMA IARD et la SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES au paiement de la somme de 1000 euros à titre de l’article 700 du Code de procédure à M. [S].
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 10 juillet 2024, M. [S] sollicite du tribunal de :
– le déclarer recevable et bien fondé ;
– déclarer irrecevable et mal fondées la SAS XELDA anciennement ALDEX et les sociétés MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et MMA IARD en l’ensemble de leurs demandes, fins, moyens et conclusions ;
– débouter les défenderesses de l’ensemble de leurs demandes, fins, moyens et conclusions ;
– condamner solidairement les défenderesses à lui payer la somme de 9310,60 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir au titre du préjudice subi ;
– condamner solidairement les défenderesses à lui payer la somme de 1500 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir au titre du préjudice moral subi ;
– condamner solidairement les défenderesses à lui payer la somme de 525,60 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir au titre de la facture numéro 2109056 du 9 septembre 2021;
– condamner solidairement les défenderesses à lui payer la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre la condamnation solidaire aux entiers frais et dépens ;
– rappeler le caractère exécutoire de la décision à intervenir.
Au soutien de ses conclusions, M. [S] expose que :
– il ignorait que le plancher du grenier était constitué de plaques contenant de l’amiante ;
– il n’était pas nécessaire que la défenderesse procède à des sondages destructifs pour constater la présence d’amiante, de simples constatations visuelles étaient suffisantes ;
– l’expert qu’ils ont mandaté n’a réalisé aucun démontage et a délimité de façon précise sa mission qui était identique à celle de la SAS XELDA anciennement ALDEX ;
– au visa de l’article 1240 du Code civil, la SAS XELDA anciennement ALDEX a commis une faute en n’attirant pas son attention sur la présence d’amiante et en ne repérant pas l’amiante dans les combles accessibles;
– il est fondé à obtenir la prise en charge du rapport d’expertise établi par ses soins ;
– les défenderesses ne démontrent pas l’absence de risque pour la santé des occupants de l’habitation ;
– indépendamment de la nécessité de procéder à des travaux de désamantiage, l’habitation subit une moins-value qui peut être réparé ;
– il n’aurait pas acquis la maison d’habitation s’il avait été informé de la présence d’amiante ;
– le fait que la SAS XELDA anciennement ALDEX l’ait informé de la présence d’amiante dans le garage ou dans l’abri de jardin n’est pas suffisant pour l’exonérer de sa reponsabilité dès lors que ces derniers ne sont pas destinés à l’habitation et ne font pas partie intégrante de l’ouvrage ;
– la présence d’amiante dans le grenier d’habitation est nécessairement un élément déterminant du consentement dès lors que les particules d’amiante ont vocation à se disséminer dans le reste de l’habitation ;
– il ne peut lui être reproché de ne pas avoir intenté une action à l’encontre des vendeurs dès lors que les défenderesses ne démontrent pas que ces derniers en avaient effectivement connaissance ;
– il est fondé en outre à obtenir le remboursement du coût du diagnostic réalisé, le coût du désamiantage et de reprise, la réparation du préjudice moral ;
– il conviendra d’assortir toute condamnation prononcée à son profit de la TVA ;
– les sociétés défenderesses ne sauraient contester l’ordonnance rendue dès lors qu’elle n’ont pas fait appel de cette dernière et que la demande de communication de pièces était justifiée.
Dans leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 15 mai 2024, la SAS XELDA anciennement ALDEX, la SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et la SA MMA IARD sollicitent du tribunal de :
– débouter M. [S] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
– condamner M. [S] à leur payer la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens.
Au soutien de leurs conclusions, la SAS XELDA anciennement ALDEX, la SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et la SA MMA IARD exposent que :
– la demande de communication de la page 2 de l’acte de vente était justifiée et la décision rendue par le juge de la mise en état n’apparaît pas cohérente ;
– la réglementation relative à l’amiante distingue les repérages amiante avant-vente et les diagnostics avant-travaux ou démolition ;
– le répérage avant vente suppose une inspection visuelle des matériaux visibles sans sondages destructifs tandis que ceux avant travaux nécessitent des recherches exhaustives de tous les matériaux visibles ou non, accessibles ou non ;
– il est normal au regard de la règlementation que des matériaux qui n’ont pas été repérés dans le cadre d’un diagnostic avant-vente le soient dans le cadre d’un repérage avant travaux ;
– le rapport présenté par le demandeur n’est pas règlementaire et ne constitue pas une preuve de la responsabilité de la SAS XELDA anciennement ALDEX : il est impossible de savoir dans quelles conditions le répérage a eu lieu ;
– la faute de la SAS XELDA anciennement ALDEX n’est pas démontrée : le repérage opéré à l’initiative de M. [S] est en vue de la réalisation de travaux de réhabilitation et il n’est pas démontré que les matériaux litigieux découverts étaient visibles et accessibles lors de l’intervention de la SAS XELDA anciennement ALDEX
– subsidiairement sur les préjudices, le coût du diagnostic avant travaux n’en est pas car il devait être supporté en tout état de cause ;
– la règlementation n’impose pas le retrait des matériaux amiantés. Au demeurant, M. [S] qui a la charge de la preuve ne démontre pas que le matériau est friable ou dégradé ;
– la présence d’amiante en toiture du garage et de l’abri de jardin n’a pas conduit M. [S] à renoncer à son acquisition et ce dernier n’a pas exigé des vendeurs qu’il procède au retrait des matériaux signalés par la SAS XELDA anciennement ALDEX ;
– le préjudice moral n’est pas caractérisé dans son principe dans son montant ;
– encore plus subsidiairement sur le préjudice de perte de chance, M. [S] ne peut en aucun cas solliciter la prise en charge des travaux de désamiantage qui n’apparaissent pas en l’espèce ni obligatoire ni nécessaires en l’absence de tout risque sanitaire démontré ;
– seul un préjudice de perte de chance pourrait être alloué mais aucune n’est formée à titre par M. [S] ;
– il devra être tenu compte pour les sommes dues au titre de l’artcle 700 du Code de procédure civile de la condamnation prononcée au titre de l’incident.
L’instruction de l’affaire a été clôturée le 26 septembre 2024 par ordonnance du même jour.
A l’audience de plaidoirie en date du 19 novembre 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 28 janvier 2025.
Pour un exposé plus complet du litige, il est renvoyé aux conclusions des parties en application de l’article 455 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire mis à disposition au greffe,
REJETTE la demande de condamnation en paiement de la somme de 1500 euros formée par M. [Y] [S] au titre du préjudice moral ;
REJETTE la demande de condamnation en paiement de la somme de 525,60 euros formée par M. [Y] [S] au titre de la facture numéro 2109056 du 9 septembre 2021 ;
CONDAMNE in solidum la SAS XELDA, la SA MMA IARD, la SA MMA IARD MUTUELLES au paiement de la somme de 2.970,00 € (DEUX MILLE NEUF CENT SOIXANTE-DIX EUROS) à M. [Y] [S] avec intérêts au taux légal à compter du 17 août 2023 ;
REJETTE pour le surplus la demande indemnitaire formée par M.[Y] [S] ;
CONDAMNE in solidum la SAS XELDA, la SA MMA IARD, la SA MMA IARD MUTUELLES au paiement de la somme de 1.000,00 € (MILLE EUROS) au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
REJETTE la demande de la SAS XELDA, la SA MMA IARD, la SA MMA IARD MUTUELLES au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE in solidum la SAS XELDA, la SA MMA IARD, la SA MMA IARD MUTUELLES aux dépens ;
CONSTATE l’exécution provisoire de la décision.
Et ce jugement a été signé par le Président et le Greffier.
Le Greffier, Le Président,
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